Les deux armées avancent
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Bareste (1843) Leconte de Lisle (1867)

 

orsque, sous les ordres de leurs chefs, ils se sont rangés en bataille, les Troyens s'avancent bruyamment, comme une nuée d'oiseaux faisant entendre de vives clameurs : ainsi s'élève au ciel la voix éclatante des grues, quand elles fuient les hivers et les pluies continuelles ; elles poussent des cris aigus, elles s'envolent au-dessus des flots de l'Océan, elles portent aux hommes appelés Pygmées le carnage et la mort, et du haut des airs elles leur livrent de terribles combats. Mais les Achéens, respirant la colère, marchent en silence, et brûlent dans leur cœur de se donner un mutuel appui.

    Comme sur le sommet d'une montagne le Notus répand un brouillard épais, redouté des bergers, et plus favorable encore aux voleurs que la nuit même ; car alors la vue ne s'étend pas au-delà du jet d'une pierre : de même sous les pieds des guerriers s'élèvent des tourbillons de poussière tandis qu'ils s'avancent et traversent rapidement la plaine.

 

 Quand tous, de chaque côté, se furent rangés sous leurs chefs, les Troiens s'avancèrent, pleins de clameurs et de bruit, comme des oiseaux. Ainsi, le cri des grues monte dans l'air, quand, fuyant l'hiver elles pluies abondantes, elles volent sur les flots d'Okéanos, portant le massacre et la Kère de la mort aux Pygmées. Et elles livrent dans l'air un rude combat. Mais les Akhaiens allaient en silence, respirant la force, et, dans leur cœur, désirant s'entre aider. Comme le Notos enveloppe les hauteurs de là montagne d'un brouillard odieux au berger et plus propice au voleur que la nuit même, de sorte qu'on ne peut voir au-delà d'une pierre qu'on a jetée ; de même une noire poussière montait sous les pieds de ceux qui marchaient, et ils traversaient rapidement la plaine.

 
Dubois de Rochefort (1772) Bignan (1830)

Pareils à ces oiseaux qui, traversant les mers,

Désertent les climats où régnent les hivers,

Et, portant le trépas an peuple des Pygmées,

Remplissent de leurs cris les rives alarmées ;

Les bataillons Troyens, précipitant leurs pas,

Jetoient des cris perçans & couraient aux combats.

Mais les Grecs, en silence, & fiers de leur courage

D'un pas plus mesuré, s'avançoient au carnage.

 

Quand le vent du midi, par ses brouillards épais,

De la chaîne des monts obscurcit les sommets,

Sur les guérets voisins la vapeur descendue.

Ramené au sein du jour la nuit inattendue ;

Ainsi, dans les deux camps, un tourbillon poudreux,

Entourait les Guerriers & voloit avec eux.

Les Troyens & les Grecs déjà sont en présence.

 

      Lorsque les chefs nombreux ont rangé les soldats,

Les Troyens à grands cris précipitent leurs pas ;

Ils s'élancent : ainsi des phalanges de grues,

Sur l'Océan rapide en désordre accourues,

Fuyant l'immense pluie et les sombres hivers,

De perçantes clameurs épouvantent les mers,

Et, du sommet des cieux, par la rage animées,

Portent le deuil, la guerre et la mort aux Pygmées.

Les Grecs silencieux, respirant les combats,

Brûlent de se prêter le secours de leurs bras.

      Comme un épais brouillard, du faîte des montagnes,

Au souffle du Notus, envahit les campagnes,

Plus que la nuit encor propice au malfaiteur,

Couvre ses attentats d'un voile protecteur,

Et, des bergers craintifs aveuglant la paupière,

Dérobe à leurs regards jusqu'au jet d'une pierre :

Ainsi de tous côtés la poudre des sillons

Sous les pieds des soldats s'élève en tourbillons.

 
Lagrandville (1871) Meunier (1943)

Lorsque ces peuples, chaque chef à la tête de ses guerriers, furent rangés en bataille, les Troyens, comme des oiseaux, s'avancent avec cris et clameurs. Ainsi bruissent les grues, volant sur les courants de l'océan, après avoir laissé derrière elles l'hiver et des pluies sans fin. Elles vont susciter une querelle funeste aux hommes Pygmées, et, du haut des airs, s'étant abattues sur eux, elles en font un grand carnage. De leur côté les Achéens marchent en silence, respirant la fureur et désirant ardemment dans leur cœur de se secourir les uns et les autres.

  Quand le Notus verse sur les sommets d'une montagne un brouillard épais, l'ennemi des bergers, mais moins suspect au voleur que la nuit même, chacun n'aperçoit qu'aussi loin qu'il jette une pierre ; ainsi la poussière, pareille aux tourbillons d'un orage, s'élève sous les pieds des Achéens qui traversent la plaine avec une grande rapidité.

 

Lorsque les combattants de l'une et l'autre année furent avec leurs chefs mis en rang de bataille, les Troyens s’avancèrent, jetant cris et clameurs, comme des oiseaux. On aurait dit les cris qui montent à la face du ciel, lorsque les grues, fuyant l’hiver et les pluies excessives, volent en clamant vers le cours de l'Océan, portant aux Pygmées le meurtre et le trépas ; elles annoncent, dans la buée du matin, la funeste discorde.

    Mais les Achéens avançaient en silence, respirant le courage, le cœur ardent à se soutenir les uns par les autres. De même que le Notos rabat, sur les sommets d'un mont, un brouillard qui n'a rien d'agréable aux bergers, mais qui, plus que la nuit, est propice au voleur ; on ne voit pas plus loin que le jet d'une pierre ; de même, sous les pas des guerriers qui se mettaient en branle, s'élevait un épais tourbillon de poussière, et très rapidement ils franchissaient la plaine.