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Bareste
(1843) |
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Leconte de Lisle
(1867) |
Qui donc parmi les dieux excita cette discorde ? Le fils de
Latone et
de Jupiter. Irrité contre le roi, il fit naître une horrible peste dans
l'armée ; et les peuples périssaient parce qu'Atride avait outragé le
sacrificateur Chrysès. |
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Qui d’entre les Dieux les jeta dans cette dissension ?
Le
fils de Zeus et de Lètô. Irrité contre le Roi, il suscita dans l’armée
un mal mortel, et les peuples périssaient, parce que l’Atréide avait
couvert d’opprobre Khrysès le sacrificateur. |
Celui-ci s'était rendu près des rapides vaisseaux
des Grecs pour racheter sa fille de l'esclavage ; il apportait
de riches présents ; et,
tenant dans ses mains le sceptre
d'or, les bandelettes
d'Apollon, il implorait tous les Achéens, et surtout les deux
Atrides, chefs des peuples :
« Atrides, et vous Grecs aux belles cnémides, puissent les dieux
qui habitent l'Olympe renverser par vos mains la ville de Priam,
et vous ramener heureusement dans vos foyers ! Mais rendez-moi
ma fille chérie, acceptez sa rançon, et révérez le fils de
Jupiter, Apollon, qui lance au loin les traits. »
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Et celui-ci était venu vers les nefs rapides des Akhaiens pour racheter sa fille ; et, portant le prix infini de l’affranchissement,
et, dans ses mains, les bandelettes de l’Archer Apollôn, suspendues au
sceptre d’or, il conjura tous les Akhaiens, et surtout les deux Atréides,
princes des peuples :
-Atréides, et vous, Akhaiens aux
belles knémides, que les Dieux qui habitent les demeures Olympiennes vous
donnent de détruire la ville de Priamos et de vous en retourner heureusement
; mais rendez-moi ma fille bien-aimée et recevez le prix de l’affranchissement,
si vous révérez le fils de Zeus, l’Archer Apollôn. |
A ces paroles, tous les Grecs témoignent, par leur approbation, que l'on doit respecter le sacrificateur et recevoir ses présents
magnifiques. Mais Agamemnon s'y oppose ; il renvoie Chrysès avec
outrage, et joint au refus ce discours menaçant :
« Vieillard, que je ne te rencontre plus auprès de nos creux navires
; garde-toi d'y prolonger ton séjour ou d'oser y reparaître ; car
peut-être alors le sceptre et les bandelettes de ton dieu ne
pourraient te défendre. Je ne te rendrai point ta fille avant
qu'elle n'ait vieilli dans mon palais, au sein d'Argos, loin de sa patrie, occupée à tisser la laine et destinée à partager ma
couche. Va, cesse
de m'irriter, si tu veux t'en retourner sans danger.
»
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Et
tous les Akhaiens, par des rumeurs favorables, voulaient qu’on respectât le
sacrificateur et qu’on reçut le prix splendide ; mais cela ne plut point à
l’âme de l’Atréide Agamemnôn, et il le chassa outrageusement, et il lui
dit cette parole violente :
-Prends garde, vieillard, que je te
rencontre auprès des nefs creuses, soit que tu t’y attardes, soit que tu
reviennes, de peur que le sceptre les
bandelettes du Dieu ne te protègent plus. Je n’affranchirai point ta fille.
La vieillesse l’atteindra, en ma demeure, dans Argos, loin de sa patrie,
tissant la toile et partageant mon lit. Mais, va ! ne m’irrite point,
afin de t’en retourner sauf. |
Il dit. Le vieillard, saisi de crainte, obéit à cet ordre, et
marche silencieux près des bords
de la mer retentissante. Livré
tout entier à sa douleur,
il adresse de nombreuses prières au
puissant Apollon,
fils de Latone à la belle chevelure :
« Entends ma voix, dieu qui portes un arc d'argent, toi, le protecteur
de Chryse et de la sainte Cilla, toi, le puissant roi de Ténédos
et la divinité de Sminthe. Si jamais je couvris ton temple de
gracieux ornements ; si jamais j'immolai pour toi des brebis et
des chèvres, exauce aujourd'hui mes vœux : que les Grecs, frappés
de tes flèches, expient les larmes qu'ils m'ont fait répandre
! »
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Il parla ainsi, et le vieillard trembla et
obéit. Et il allait, silencieux, le long du rivage de la mer aux bruits sans
nombre. Et, se voyant éloigné, il conjura le Roi Apollôn que Lètô à la
belle chevelure enfanta :
-Entends-moi, Porteur de l’arc d’argent,
qui protèges Khrysè et Killa la sainte, et commandes fortement sur
Ténédos Smintheus ! Si jamais j’ai orné ton beau temple, si jamais j’ai
brûlé pour toi les cuisses grasses des taureaux et des chèvres, exauce mon
vœu ; que les Danaens expient mes larmes sous tes flèches ! |
Telle fut sa prière, et Apollon l'entendit. Le cœur enflammé
de
colère, il descend des sommets de l'Olympe portant sur son dos
l'arc et le carquois : dans sa course, les flèches retentissent sur
ses épaules. Il s'avance,
semblable : la nuit, s'arrête non
loin des navires, et lance un de ses traits : l'arc d'argent
rend un son éclatant et terrible.
Apollon atteint d'abord les mules et les chiens agiles
; mais bientôt, tournant le dard mortel contre les hommes,
il
les frappe eux-mêmes ; et sans cesse les bûchers dévorent les cadavres.
Pendant
neuf jours les traits du dieu volent sur l'armée. |
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Il parla ainsi en priant, et Phoibos Apollôn l’entendit
; et, du sommet Olympien. Il se précipita, irrité dans son cœur, portant l’arc
sur ses épaules, avec le plein carquois. Et les flèches sonnaient sur le dos
du Dieu irrité, à chacun de ses mouvements. Et il allait, semblable à la
nuit.
Assis à l’écart, loin des nefs, il lança
une flèche, et un bruit terrible sortit de l’arc d’argent. Il frappa les
mulets d’abord et les chiens rapides ; mais, ensuite, il perça les hommes
eux-mêmes du trait qui tue. Et sans cesse les bûchers brûlaient, lourds de
cadavres.
Depuis neuf jours les flèches divines
sifflaient à travers l’armée ; et, le dixième, Akhilleus convoqua les
peuples dans l’agora. |
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