Les deux armées s'avancent
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Texte grec

Αὐτὰρ ἐπεὶ κόσμηθεν ἅμ᾽ ἡγεμόνεσσιν ἕκαστοι,

Τρῶες μὲν κλαγγῇ τ᾽ ἐνοπῇ τ᾽ ἴσαν ὄρνιθες ὣς

ἠΰτε περ κλαγγὴ γεράνων πέλει οὐρανόθι πρό.

αἵ τ᾽ ἐπεὶ οὖν χειμῶνα φύγον καὶ ἀθέσφατον ὄμβρον

κλαγγῇ ταί γε πέτονται ἐπ᾽ ὠκεανοῖο ῥοάων

 

ἀνδράσι Πυγμαίοισι φόνον καὶ κῆρα φέρουσαι.

ἠέριαι δ᾽ ἄρα ταί γε κακὴν ἔριδα προφέρονται.

Οἳ δ᾽ ἄρ᾽ ἴσαν σιγῇ μένεα πνείοντες Ἀχαιοὶ

ἐν θυμῷ μεμαῶτες ἀλεξέμεν ἀλλήλοισιν.

Εὖτ᾽ ὄρεος κορυφῇσι Νότος κατέχευεν ὀμίχλην

 

ποιμέσιν οὔ τι φίλην, κλέπτῃ δέ τε νυκτὸς ἀμείνω,

τόσσόν τίς τ᾽ ἐπιλεύσσει ὅσον τ᾽ ἐπὶ λᾶαν ἵησιν.

ὣς ἄρα τῶν ὑπὸ ποσσὶ κονίσαλος ὄρνυτ᾽ ἀελλὴς

ἐρχομένων· μάλα δ᾽ ὦκα διέπρησσον πεδίοιο.

 

 
Samxon (1530)

"Alors que toutes les copies et compaignies militaires des Troyens furent rendues chascune a part soy soubs leur prince ou chief de guerre, et que les batailles furent ordonnées ils prindrent leur voie et leur chemin vers les Gregeois avecques une grande sublevation de bruit et clameur semblable au cry qu'ont acoutusme faire et donnent les grues qui sont portees en l'air quant en fuyant le hyvere ou climat hyvernal elles s'en vont volans au temps matutinal de caterve en caterve jusques à la mer oceane et deliberees de donner une cruelle et dure bataille et ung grant assault mortifere aux pygmeens. Mais les Gregeois sans rendre aucune clameur mais comme fervens d'une ire tacite se diligenterent de venir contre les Troyens pensans en leurs couraiges la maniere et comment ils pourroient bien vaincre leurs ennemis et de eux et les leurs deffendre. A la venue desquels et à leur arrivement telle quantite de pouldre fut excitee mesment a ce aidant le vent que lors leur veue ne pouvait dilater ne protendre oultre le gect d'une pierre ains fut lors faicte obscurite en la maniere que ausser faict les nues nocturnes sur la haultesse des montaignes."

 
Salel (1555)

Apres que l’ost des Troyens fut sorty

Hors la cité, rengé & depatry

Par esquadrons, furieux au rencontre,

Soudainement marcherent à l’encontre  

Du camp les Grecs, haulsant jusques aux nues

Leur voix & criz ainsi que sont les Grues,

Qui prevoyans la pluye, & la froidure,

Laissent les moncts & vont chercher pasture

Pres de la mer, dressans grosses armées         

Contre les Nains, autrement dictz Pygmées :

Ausquelz souvent font guerre tres cruelle,

A coups de bec, à coups de griffe, & d'esle.

    
  Mais les Gregeois d'autre costé marchoient

Sans faire bruit & tousjours s’approchoient

Pleins de fureur, & animez de rage

Pour se venger, avec ardent courage

D'estre vaincqueurs, & s’entresecourir :

Quand ils deuroient l'un pour l'autre mourir.

Et tout ainsi qu'on voit au temps d'hyver

Souventesfois la brouée arriver :

Que le froid vent soufflant par la campaigne,

Porte soudain au hault de la montaigne,

Chose qui est aux Bergers tres nuysante,

Et aux larrons, plus que la nuict duisante ?

Car l'oeil humain ne sçauroit veoir par terre

Gueres plus loing, qu'est un seul ject de pierre.

De mesme sorte à l'approcher des bandes.

Se leva tant de poudre par les landes,

Qu’elle osta lors aux Troyens le pouvoir,

Et aux Gregeois ensemble de se veoir.

 

 
Souhait (1614)

Les Troyens s'estant rendus à leurs enseignes ayant ordre de leur géneral, marchèrent en bataille contre les Grecs, faisant autant de bruit que font les grues, alors que s'eslevant en l'air, elles abandonnent les Provinces les plus reculées du Soleil, tant pour s'excepter de la rigueur d'un long hyver, cherchant un plus tempéré, que pour aller dénoncer la guerre aux Pigmez. Les Grecs au contraire vindrent avec silence contre leurs ennemis, songeant en eux mesmes, par quel moyen ils les pourroient vaincre, et se défendre, ou pour mieux dire comment ils pourroient parer et tuer leurs adversaires. A leur abor tant pour l'impétuosité des deux armées, que de celle des vents, une si grande quantité de poussière s'esleva en l'air, qu'à peine pouvoit-on voir la longueur d'un ject de pierre. Je n'en sçauray mieux accomparer l'obscurité, qu'au brouillards, que le vent de bise porte aux sommets des montaignes, quelquefois au desavantage, au desplaisir des bergers, et à la faveur des brigands

 
Certon (1619)

Ainsi chacun des chefs leurs bataillons dressèrent

Et les Troyens marchants grands cris en l'air haussèrent

Pareils à ceux que font les grues dedans l'air,

Lors qu'elles vont fuyant les rigueurs de l'hiver

Pour gagner l'Ocean et dresser leurs armees

Pour combatre et frapper à la mort les Pigmees.

Mais les Grecs de leur part en silence marchoient

Ne respirans que force et pressez s'approchoient

Pour estre plutost prests s'il estoit nécessaire

De s'entre secourir au plus fort de l'affaire.

Ils faisaient une nuë, à celle ressemblant

Que va le vent de Nord sur les monts assemblant,

Aux pastres d'alentour nullement agreable,

Mais aux larrons des champs grandement favorable:

Son epesseur est telle et son brouillas si noir

Que du ject d'une pierre à peine on se peut voir.

Les camps s'entr' approchans d'une viste carrière

Telle faisoient dans l'air enlever la poussière.

 

 
La Valterie (1682)

    Quand les deux armées furent rangées en bataille, les Troyens s'avancerent élevant en l'air mille cris confus, et un bruit plus terrible que celuy de ces cruels oiseaux, qui voulant s'affranchir des pluyes, et des rigueurs de l'Hyver vont avec un bruyant éclat aux extrémitez de l'Océan, où ils portent aux Pigmées leurs ennemis, l'épouvante, le carnage et la mort.

   Mais les Grecs attentifs à suivre leurs Capitaines et se taisant à propos pressoient leurs rangs, pour soutenir les Troyens avec plus de force, et pour estre plus prests à se donner du secours. Un nuage de poussière s'elevoit de dessous leurs pieds, et cachoit tout le jour : comme lors qu'un vent froid soufflant dans une vaste campagne y répand un air si épais, qu'à peine peut-on voir jusqu'à la longueur d'un jet de pierre.

   Mais enfin s'estant approchez les uns des autres, et tout ce nuage horrible de poussière s'élevant en haut, ils se reconnaissent sans peine : la lueur éclatante de leurs armes, qui se joignoit aux rayons du soleil, les découvrant les uns aux autres.

 
Dacier (1711)

  Quand toutes ces différentes nations furent en bataille, chacune sous leurs chefs, les Troyens s'avancerent avec un bruit confus, & des cris perçants comme des oiseaux, & tels que les grues sous la voute du ciel, lorsque fuyant l'hiver & les pluies du septentrion, elles volent avec de grands cris vers le rivage de l'océan, & portent la terreur & la mort aux Pygmées, sur lesquels elles fondent du milieu des airs.

   Mais les Grecs, pleins d'une fureur martiale, marchoient dans un profond silence, résolus de se soutenir les uns les autres, et de combattre sans lâcher le pied. Comme le vent de midi couvre quelquefois les sommets des montagnes d'un brouillard peu agréable aux bergers, & plus utile aux voleurs que la nuit même, car alors la meilleure vue ne peut s'étendre plus loin qu'un jet de pierre ; de même la marche des deux armées fit lever des tourbillons de poussière qui les empêchoient de se voir. Ils eurent bientôt traversé la plaine.

 
Houdart de la Motte  (1714)

D'une aile audacieuse, et voisine des nuës,

Fendent l'air, à grand bruit, les bataillons de gruës

Quand traversant les mers au retour des frimats,

Elles vont défier le Pigmée aux combats,

Des Troyens marche ainsi l'armée impatiente,

Et l'air résonne au loin de sa marche bruyante.

     Avec plus de silence approche l'autre camp;

Mais non moins altéré de carnage et de sang;

Sous ses pas, d'un bruit sourd ,toute la plaine tremble,

La poussière autour d'eux en nuages s'assemble;

Et ce brouillard épais devant les Grecs marchant,

Semble multiplier leur nombre en les cachant.

Les deux camps sont bientôt en présence,...

 

 
Bitaubé (1764)
   Après que les deux armées ayant leurs chefs à leur tête, furent rangées en ordre de bataille, les Troyens s'avancent avec des cris perçans : ainsi retentissent les cieux quand les bataillons ailés des Grues, fuyant les frimas et les tempêtes, et portant la destruction et la mort à la race des Pygmées, traversent à grands cris l'impétueux Océan, et livrent dès les premiers jours du printemps un combat terrible. Mais les Grecs ne respirant que fureur, et résolus de se prêter un appui mutuel, approchent en silence. Les deux armées franchissent d'un pas léger la plaine ; l'air est obscurci des tourbillons de poussière qui s'élèvent sous leurs pas. C'est ainsi que l'Autan humide répand sur le sommet des montagnes un brouillard ténébreux, que l'audacieux voleur préfère aux ombres de la nuit, et que redoute le timide berger, effrayé de ne pouvoir suivre de l'oeil la pierre que sa main lance, et de ne distinguer plus ses troupeaux
 
De Rochefort  ' Dubois de Rochefort'  (1766)

  Pareils à ces oiseaux qui, traversant les mers,

Désertent les climats où regnent les hivers,

Et, portant le trépas au peuple des Pygmées,

Remplissent de leurs cris les rives alarmées;

Les bataillons Troyens, précipitant leurs pas,

Jetoient des cris perçans & couroient aux combats.

Mais les Grecs, en silence, & fiers de leur courage,

D'un pas plus mesuré s'avançaient au carnage.

Quand le vent du midi, par ses brouillards épais,

De la chaîne des monts obscurcit les sommets,

Sur les guérets voisins la vapeur descendue,

Ramene au sein du jour la nuit inattendue;

Ainsi, dans les deux camps, un tourbillon poudreux,

Entourait les guerriers et volait avec eux

 
Leprince Lebrun (1776)

    Réunies sous leurs chefs, les deux armées s'étendent dans la plaine. Les Troyens s'avancent en poussant d'horribles clameurs ; tels on voit les bataillons de grües, fuyant l'hiver et ses frimas, voler vers les rivages de l'Océan, et du sein des airs, porter aux Pygmées et la guerre et la mort.

   Pleins d'un tranquille courage, les Grecs marchent en silence, résolus de se soutenir et de se venger : la terre disparaît, des nuages de poussière s'élèvent sous les pas des guerriers, et obscurcissent les airs. Ainsi lors qu'au souffle des aquilons se rassemblent les vapeurs qui forment les tempêtes, à peine on voit luire un faible crépuscule, le pasteur frémit, et protégé par les ténèbres, plus favorables que la nuit, le voleur s'apprête à fondre sur sa proie.

   Déjà les deux peuples se menacent et s'approchent

 
De Beaumanoir (1781)

   CEPENDANT les Troyens plus surpris qu'effrayés,

Marchent aux ennemis étendards déployés ;

Par leur cris imitant les grues affamées,

Qui traversent les airs pour vaincre les Pigmées :

En silence les Grecs précipitent leur pas,

Et ne respirent plus que l'horreur des combats ;

Tels que les aquilons soufflant dans les campagnes,

Rassemblent les vapeurs au sommet des montagnes ;

Telle on voit la poussière et ses noirs tourbillons

S'élever au milieu des nombreux bataillons.

 
Cordier de Launay (1782)

   Aussitôt que les deux armées, ayant leurs chefs à leur tête, sont rangées en bataille, les Troyens s'avancent à grand bruit. Leurs clameurs sont semblables aux cris perçants que les Grues poussent vers le Ciel, lorsqu'après avoir échappé aux rigueurs de l'hiver pluvieux, elles volent vers l'Océan et vont porter le carnage et la désolation parmi les Pygmées. C'est, en effet, à la saison du Printemps que ces oiseaux commencent leur attaque pernicieuse.

   Les Grecs pleins de force marchent en silence, bien résolus de s'entraider de tout leur pouvoir. La poussiere qui s'éleve sous les pieds de cette multitude innombrable est comme ces brouillards favorables aux voleurs, que le vent du midi répand sur le sommet d'une montagne ; le berger s'en afflige, car sa vue s'étend à peine à la distance ou l'on peut jetter une pierre. Les deux partis s'approchent rapidement dans la campagne.

 
Gin (1783)

    Les deux armées réunies sous leurs Chefs sont rangées en bataille. Les Troyens s'avancent dans la plaine avec de grands cris ; un bruit effroyable se fait entendre, semblable aux sifflements d'une troupe d'oiseaux ; tels les cris des grues percent la nue, quand fuyant les glaces et les pluies de l'hiver, elles s'envolent avec fracas vers les rives de l'Océan, portant la guerre et la mort à la race des pigmées ou lorsqu'au retour du printemps elles reviennent dans nos climats troubler le repos des habitants de l'air. Les Grecs marchent en silence, respirant la vengeance, animés du violent désir de signaler leur courage, de se soutenir l'un l'autre dans la mêlée ; tel le vent du midi soufflant avec violence du sommet des montagnes, assemble les nuées, et répand un brouillard obscur, la terreur du Pasteur, plus favorable que la nuit au voleur qui s'avance à pas lents pour se saisir de sa proie ; la vue la plus perçante ne peut suivre la pierre que la main a lancée : tant sont épais les tourbillons de poussière qui s'élèvent de dessous les pas des Guerriers.

 
Dobremès (1784)

   Cependant les Troyens, au pied de leur muraille,

A la voix de leurs Chefs, sont rangés en bataille ;

Les Grecs sont en présence, et de l'instant fatal

Ces peuples à l'envi demandent le signal.

 

   Les Troyens dans leur marche annonçant la tempête,

Joignent leurs cris perçans aux sons de la trompète,

Ils s'agitent entre eux comme on voit au printemps

S'assembler, près des Cieux, ces bataillons volans,

Ces voraces oiseaux aux ailes étendues

Qui, portés dans les airs sur le Trône des nues,

Echappés aux frimas et vainqueurs des hivers,

Se hâtent de franchir le vaste champ des mers ;

Et soudain reprenant leur haine accoutumée,

Vont sur les bord du Nil attaquer le Pygmée.

 

   Mais les Grecs observant un silence cruel,

Se promettent entre eux un secours mutuel :

Ils partent. Comme on voit que du haut des montagnes

Les vents, fiers Rois des Airs, versent sur nos campagnes

Ces brouillards Ténébreux qui le long des Côteaux

Dérobent aux Bergers l'aspect de leurs troupeaux ;

Tel le nuage épais que forme la poussière,

Du Soleil en ces champs obscurcit la lumière.

 
Aignan (1809)

   Déjà loin des vaisseaux, déjà loin des murailles,

Des peuples, dévorés de l'ardeur des batailles,

Dans l'arène homicide où plane la terreur,

S'étendaient... Le Troyen jette un cri de fureur.

Pareils sont ces oiseaux dont les noires armées

Vont porter l'épouvante aux tribus des Pygmées,

Quand, déserteurs des bords noyés par les hivers,

De leurs rauques clameurs ils fatiguent les airs.

Mais les Grecs, animés d'un tranquille courage,

Enferment en leur sein la vengeance et la rage,

Et dans leurs rangs muets, au lieu d'un vain transport,

Règne un calme effrayant, précurseur de la mort.

     Il marchent ; de longs flots d'une épaisse poussière

Du soleil à leurs yeux dérobent la lumière .

Tels, au souffle embrasé des rapides autans,

Sur le sommet des monts les nuages flottants,

Protégeant du voleur les attaques soudaines,

Couvrent d'un noir rideau l'immensité des plaines.

     Bellone a rallumé les combats incertains,

Et de ce jour fameux s'ouvrent les grands destins.

Vous frémissez d'effroi, si de fougueux soldats

S'élançant à grands cris précipitent leur pas ;

Mais qu'une vaste armée en un profond silence,

Garde un calme imposant et lentement s'avance,

Ce silence effrayant frappe bien plus mon coeur

Et le calme lui-même ajoute à la terreur.

 
Thomas, Renouvier, Cambis (1810)

Quand les peuples sont rangés, chacun sous ses capitaines, les Troyens s'avancent avec une ardente clameur, comme les oiseaux du ciel. Tel le cri des grues passagères éclate aux plaines d'azur : fugitives devant l'hiver et ses humides tempêtes, ces filles de l'air qui amènent la discorde funeste volent à grand bruit sur l'océan tumultueux, portant aux bataillons Pygmées la ruine et la mort. Les Grecs qui respirent la force, marchent en silence, ardens à se soutenir.

   Comme l'autan au faîte des montagnes déploie une obscure nuée, fatale au berger, plus propice au voleur que la nuit, et telle que l'homme suit à peine le caillou parti de sa main : ainsi la poussière en orageux tourbillons monte sous les pas des guerriers, qui impétueux dévorent la plaine.

 
Dugas Montbel (1815)

   A peine, sous les ordres de leurs chefs, tous ces peuples sont rangés en bataille, que les Troyens s'avancent comme une nuée d'oiseaux, et poussent de vives clameurs : ainsi retentit, sous la voûte des cieux, la voix éclatante des grues, lorsqu'elles fuient les hivers et les violents orages; alors, avec des cris perçants, elles volent sur l'Océan rapide, portant aux Pygmées la désolation et la mort, et, du haut des airs, leur livrent de cruels combats. Mais les Grecs respirant la guerre, marchoient en silence, et brûloient de se donner un appui mutuel.

   Comme les autans répandent sur le sommet des montagnes un brouillard épais, redouté des bergers, et plus favorable au voleur que la nuit même, car la vue ne s'étend point alors au delà du jet d'une pierre, ainsi s'élèvent des tourbillons de poussière du sein des deux armées, qui se hâtent de traverser la plaine.

 
Millevoye (1822 )

Sous les lois de leurs chefs les deux camps sont rangés :

Les Troyens, frappant l'air de leurs cris prolongés,

S'avancent, tels qu'on voit dans la nuit orageuse

Des oiseaux du Strymon la troupe voyageuse,

Quand, fuyant le retour des pluvieux hivers

Ils gagnent à grand bruit le rivage des mers,

Ou que du haut des cieux leur formidable armée

Descend avec la mort sur le tremblant Pygmée.

 

Dévoués l'un à l'autre, aux dangers aguerris,

Les Grecs vont au combat sans tumulte et sans cris.

Des brouillards, vers le soir, ainsi la masse épaisse

De la cime des monts avec lenteur s'abaisse ;

Chère au brigand nocturne et fatale au berger ,

L'œil y poursuit en vain la pierre au vol léger :

A l'œil plus indécis, dans le poudreux nuage,

L'armée aux vastes flancs dérobe son passage.

Les guerriers, l'un sur l'autre accourus furieux,

 

Bignan (1830)

   Lorsque les chefs nombreux ont rangé leurs soldats,

Les Troyens à grands cris appellent les combats;

Ils s'avancent : ainsi des phalanges de grues,

Sur le vaste Océan brusquement accourues,

Transfuges des climats glacés par les hivers,

De perçantes clameurs épouvantent les mers,

Et, du sommet des cieux par la rage animées,

Portent le deuil, la guerre et la mort aux Pygmées.

Brûlant de se prêter un appui mutuel,

Les Grecs silencieux vers ce combat cruel

Marchent. Comme un brouillard du faîte des montagnes,

Au souffle du Notus, envahit les campagnes,

Plus que la nuit encor propice au malfaiteur,

Couvre ses attentats d'un voile protecteur,

Et des bergers craintifs aveuglant la paupière

Dérobe à leurs regards jusqu'au jet d'une pierre :

Ainsi de toutes parts la poudre des sillons

S'élève sous leurs pieds en épais tourbillons.

 
Bareste (1830)

    orsque, sous les ordres de leurs chefs, ils se sont rangés en bataille, les Troyens s'avancent bruyamment, comme une nuée d'oiseaux faisant entendre de vives clameurs : ainsi s'élève au ciel la voix éclatante des grues, quand elles fuient les hivers et les pluies continuelles ; elles poussent des cris aigus, elles s'envolent au-dessus des flots de l'Océan, elles portent aux hommes appelés Pygmées le carnage et la mort, et du haut des airs elles leur livrent de terribles combats. Mais les Achéens, respirant la colère, marchent en silence, et brûlent dans leur cœur de se donner un mutuel appui.

    Comme sur le sommet d'une montagne le Notus répand un brouillard épais, redouté des bergers, et plus favorable encore aux voleurs que la nuit même ; car alors la vue ne s'étend pas au-delà du jet d'une pierre : de même sous les pieds des guerriers s'élèvent des tourbillons de poussière tandis qu'ils s'avancent et traversent rapidement la plaine.

 
Guiguet (1846)

    Lorsqu'à la voix de leurs chefs, ils se sont rangés en bataille, les Troyens s'avancent et jettent une haute clameur mêlée de cris aigus, comme ceux des oiseaux sauvages. Tel s'élève jusqu'au ciel le cri rauque des grues, qui fuyant les frimas et les grandes pluies de l'hiver, volent sur le rapide Océan pour porter aux Pygmées le carnage et la mort. Habitantes de l'air elles livrent à des humains de cruels combats. Cependant les Grecs, respirant la fureur, marchent en silence, et brûlent en leur âme de se prêter un mutuel appui.

   Tel Notos répand sur le sommet des monts un brouillard redouté des pâtres, et plus favorable aux larcins que la nuit obscure, car la vue ne s'étend pas au delà d'un jet de pierre ; tels les pas des guerriers soulèvent un tourbillon de poussière. Bientôt ils ont franchi la plaine et fondant les uns sur les autres, ils se sont rapprochés.

 
Pessonnaux (1861)

   Cependant, lorsqu'ils furent rangés les uns et les autres en bataille avec leurs chefs, les Troyens, pareils à une nuée d'oiseaux, s'avancèrent en tumulte et en poussant des cris ; ainsi retentit dans l'air la voix des grues, lorsque, fuyant l'hiver et ses pluies sans fin, elles volent à grands cris au dessus des eaux de l'Océan, portant à la race des Pygmées le carnage et la mort, et que, dès l'aube matinale, elles les provoquent à un terrible combat ; mais les Grecs, respirant le courage, s'avancèrent en silence, résolus dans leur âme à se prêter un mutuel appui. Comme le Notus répand sur la cime des montagnes un brouillard fatal au berger, mais plus propice au voleur que la nuit, car la vue ne va pas plus loin qu'un jet de pierre : de même un tourbillon de poussière s'élevait sous les pieds des guerriers, qui franchissaient la plaine d'un pas rapide.

 
Leconte de Lisle (1866)

  uand tous, de chaque côté, se furent rangés sous leurs chefs, les Troiens s'avancèrent, pleins de clameurs et de bruit, comme des oiseaux. Ainsi, le cri des grues monte dans l'air, quand, fuyant l'hiver elles pluies abondantes, elles volent sur les flots d'Okéanos, portant le massacre et la Kèr de la mort aux Pygmées. Et elles livrent dans l'air un rude combat. Mais les Akhaiens allaient en silence, respirant la force, et, dans leur cœur, désirant s'entre aider. Comme le Notos enveloppe les hauteurs de là montagne d'un brouillard odieux au berger et plus propice au voleur que la nuit même, de sorte qu'on ne peut voir au-delà d'une pierre qu'on a jetée ; de même une noire poussière montait sous les pieds de ceux qui marchaient, et ils traversaient rapidement la plaine.

 
Allemand (1867)

   Comme d'oiseaux une immense volée,

Chefs et soldats, sitôt les ordres pris,

Les Phrygiens s'élancent à grands cris,

Et sous leurs pieds la plaine est ébranlée.

Ainsi s'en vont, fuyant le sombre hiver,

Les bataillons des glapissantes grues :

De leurs clameurs elles percent les nues ;

Leur vol hardi franchit la vaste mer

Et va porter l'épouvante au Pygmée,

Fondant sur lui des plus hauts champs de l'air.

Des fils d'Argos la frémissante armée

Marche en silence, et chacun dans son rang

Dompte sa fougue et règle son élan.

 

   Ils ont bientôt traversé la campagne.

Des deux côtés leur marche s'accompagne

D'un tourbillon qui les cache au regard,

Comme il arrive au flanc d'une montagne,

Quand le Notus épaissit son brouillard

Plus que la nuit au berger redoutable,

Car il s'égare et son oeil inquiet

A peine à suivre une pierre en son jet. 

Front contre front les deux troupes s'avancent.

 
Saint Hilaire (1868)

   Quand les rangs sous leurs chefs en ordre se sont mis,

Les Troyens s'avançaient en poussant de grands cris.

Tel est au vaste ciel le tumulte des grues,

Lorsque fuyant l'hiver et ses humides nues,

Elles passent les mers en poussant des clameurs,

qui présagent de loin le meurtre et les douleurs

Qu'elles iront porter chez les hommes Pygmées.

Mais les Grecs en silence ont rangé leurs armées :

Et chacun se promet d'aider ses compagnons.

     Ainsi quand le Notus répand au haut des monts

Un brouillard qu'à la nuit l'adroit voleur préfère,

Le berger ne peut voir plus loin qu'un jet de pierre.

Telle montait à flots la poudre de leurs pieds ;

L'espace disparaît sous les pas des guerriers.

 
Thouron (1870)

   Pour en venir aux mains, lorsque, des deux côtés,

Les Grecs et les Troyens se furent arrêtés,

Les Troyens les premiers de leurs rangs s'élancèrent,

Et, poussant de grands cris, vers les Grecs s'avancèrent,

Imitant ces oiseaux qui, dans les froids hivers,

Traversent l'océan, et planant dans les airs,

S'abattent à la fin, quand leur troupe affamée,

Vient apporter la mort à la race Pygmée.

Les Grecs, de leur côté, ne sont pas moins ardents ;

Mais le silence règne au milieu de leurs rangs.

Le signal est donné ; tout à coup on s'ébranle ;

Sous les pas des chevaux le sol ébranlé tremble.

 

   Quand on voit du midi les vents impétueux

Couvrir d'un noir brouillard les sommets orageux,

Le berger s'en afflige, et cette nuit obscure

Est propice aux voleurs que le brouillard rassure.

Ainsi, par la poussière et les noirs tourbillons,

L'obscurité s'étend parmi les bataillons.

Les guerriers en courant ayant franchi la plaine,

Sont près de se heurter en se voyant à peine.

 
Lagrandville (1871)

   Lorsque ces peuples, chaque chef à la tête de ses guerriers, furent rangés en bataille, les Troyens, comme des oiseaux, s'avancent avec cris et clameurs. Ainsi bruissent les grues, volant sur les courants de l'océan, après avoir laissé derrière elles l'hiver et des pluies sans fin. Elles vont susciter une querelle funeste aux hommes Pygmées, et, du haut des airs, s'étant abattues sur eux, elles en font un grand carnage. De leur côté les Achéens marchent en silence, respirant la fureur et désirant ardemment dans leur cœur de se secourir les uns et les autres.

  Quand le Notus verse sur les sommets d'une montagne un brouillard épais, l'ennemi des bergers, mais moins suspect au voleur que la nuit même, chacun n'aperçoit qu'aussi loin qu'il jette une pierre ; ainsi la poussière, pareille aux tourbillons d'un orage, s'élève sous les pieds des Achéens qui traversent la plaine avec une grande rapidité.

 
Daburon (1878)

Les deux armées sont à peine rangées en bataille que les Troyens s'avancent avec un bruit confus et des cris perçants, comme en jettent les grues, lorsque, pour fuir les frimas, elles traversent bruyamment la mer, et livrent en descendant des airs, un combat cruel à la race des Pygmées. Mais les Grecs, animés d'une ardeur martiale, marchaient en silence, disposés à se soutenir les uns les autres.

   Au moment où les deux armées allaient se joindre, Pâris beau comme un dieu...

 
Barbier (1880)

Sous les ordres des chefs les peuples sont rangés.

Tous les guerriers Troyens dans la lutte engagés

De leurs cris discordants font retentir les nues :

Telles sont les clameurs des innombrables grues

Qui fuyant les frimas d'un rigoureux hiver

Poussent des cris aigus en volant sur la mer,

Et dont les légions, de colère enflammées,

Menacent de la mort, la race des Pygmées.

Silencieux, les Grecs dans le combat cruel

Brûlent de se prêter un appui mutuel.

 

Le Notus épaissit au sommet des montagnes

Une sombre vapeur qui couvre les campagnes,

Obscurité funeste au timide pasteur,

Mais plus que la nuit même agréable au voleur,

Car le regard plus loin que le jet d'une pierre

Ne peut s'étendre. — Ainsi des flots noirs de poussière

Sous les pieds des guerriers montent en tourbillons.

 
Froment (1883)
     Les Troyens sous leurs chefs, quand tous leurs rangs sont pris,

Vont comme des oiseaux, avec clameurs et cris,

Tels que devant le ciel s'entend le cri des grues

Lorsqu'ayant fui l'hiver et les averses drues

Planant sur l'Océan, ces oiseaux vont en bas

Avec grands cris porter dans de fatals combats

Le carnage et la Parque au peuple des Pygmées.

     Respirant la fureur, les Grecs dans leurs armées

S'avancent en silence, ardemment désireux

Dans leurs cœurs de pouvoir se secourir entre eux.

     Comme aux sommets d'un mont Notus verse un air sombre

Qui ne plaît au berger ; plus que la nuit cette ombre

Est propice au voleur, et l'on n'aperçoit pas

Plus loin que porte un jet de pierre, ainsi leurs pas

Soulèvent la poussière en masse qui ressemble

Aux tourbillons d'orage, eux tous marchant ensemble.

   
Rosny (1895)

Quand ils furent rangés, chaque peuple sous ses chefs, les Troyens s'avancèrent avec des cris farouches, comme des oiseaux : ainsi le cri des grues dans le ciel, lorsqu'elles fuient l'hiver et la pluie incessante. Elles volent avec des cris sur l'Océan, portant le massacre aux Pygmées, leur livrant de funestes combats.

   Mais les Achéens marchaient en silence, respirant la fureur, désirant ardemment s'aider les uns les autres. Comme le Notus verse sur le sommet d'un mont un brouillard épais, ennemi des bergers, plus favorable que même la nuit au voleur, car la vue ne dépasse pas un jet de pierre : ainsi la poussière, pareille au tourbillon d'un orage, s'élevait sous les pieds des Grecs qui traversaient rapidement la plaine.

 
Dufraine (1901)

   Et lorsque chaque chef, dans les deux camps rivaux,

Eut rangé ses soldats, comme un grand vol d'oiseaux

Les Troyens, se grisant de leurs clameurs aiguës,

S'élancent en tumulte : ainsi le cri des grues

Retentit tout à coup, quand, fuyant nos hivers,

Elles vont, franchissant montagnes, bois et mers,

Chercher des cieux plus purs, où de rage animées,

Dès l'aube, elles iront combattre les Pygmées.

Mais prêts à s'entr'aider en ce grave moment

Les Achéens marchaient silencieusement.

Quand souffle le Notus, souvent le ciel s'abaisse

Et recouvre les monts d'une nuée épaisse,

Fatale au pâtre, et chère aux voleurs résolus,

Car au delà d'un jet de pierre on ne voit plus.

Or plus épais encor, montait sur leur passage

Un tourbillon poudreux, tel qu'en lève un orage.

 
Lasserre (1932)

    Quand les combattants se furent rangés, chacun autour de ses chefs, les Troyens s'avancèrent avec des cris et des appels, comme des oiseaux : ainsi crient les grues sous le ciel, quand fuyant l'hiver et les pluies incessantes, en criant elles volent vers le cours de l'Océan, portant aux Pygmées le meurtre et la mort ; dans la brume, elles portent devant elles la discorde mauvaise. Les Achéens eux marchaient en silence, respirant l'ardeur, le coeur impatient de s'aider les uns les autres.

   Quand sur les sommets des montagnes, le Notos verse le brouillard détesté des bergers, mais plus propice au voleur que la nuit, on n'y voit pas plus loin qu'un jet de pierre ; ainsi sous les pieds des guerriers s'élevait un épais nuage de poussière tandis qu'ils allaient ; et, très vite, ils traversaient la plaine.

 
Mazon (1937)

    Les armées une fois rangées, chaque troupe autour de son chef, voici les Troyens qui avancent, avec des cris, des appels pareils à ceux des oiseaux. On croirait entendre le cri qui s'élève dans le ciel, lorsque les grues, fuyant l'hiver et ses averses de déluge, à grands cris prennent leur vol vers le cours de l'Océan. Elles vont porter aux Pygmées le massacre et le trépas, et leur offrir à l'aube un combat sans merci. Les Achéens avancent, eux, en silence, respirant la fureur et brûlant en leur âme de se prêter mutuel appui.

   Sur les cimes d'un mont, le Notos souvent répand un brouillard, odieux aux bergers, au voleur en revanche plus favorable que la nuit, et qui ne permet pas de voir plus loin que le jet d'une pierre. Tout pareil est le flot poudreux qui s'élève, compact, sous les pas des guerriers en marche, cependant qu'à grand hâte ils dévorent la plaine.

 
Meunier (1943)

    Lorsque les combattants de l'une et l'autre armée furent avec leurs chefs mis en rang de bataille, les Troyens s'avancèrent jetant cris et clameurs, comme des oiseaux. On aurait dit les cris qui montent à la face du ciel lorsque les grues, fuyant l'hiver et les pluies excessives, volent en clamant vers le cours de l'Océan, portant aux Pygmées le meurtre et le trépas ; elles soulèvent, dans la buée du matin, la funeste discorde.

   Mais les Achéens avançaient en silence, respirant le courage, le coeur ardent à se soutenir les uns les autres. De même que le Notos rabat sur les sommets d'un mont un brouillard qui n'a rien d'agréable aux bergers, mais qui, plus que la nuit, est propice au voleur ; on ne voit pas plus loin que le jet d'une pierre ; de même, sous les pas des guerriers qui se mettaient en branle, s'élevait un tourbillon de poussière, et très rapidement ils franchissaient la plaine.

 
Flaceliere (1951)

  Tous enfin sont rangés, chacun près de son chef. Lors les Troyens s'ébranlent, ils poussent en marchant des appels et des cris, comme font les oiseaux. Ainsi monte au-devant du ciel le cri des grues, lorsque pour fuir l'hiver et la pluie incessante, elles prennent leur vol vers l'eau de l'Océan, apportant le massacre et la mort aux Pygmées et leur offrant à l'aube, une terrible lutte. Les Argiens pour leur part s'avancent en silence ; ils sont remplis d'ardeur et du désir de se prêter entre eux main-forte.

   Quand le vent du Notos sur les cimes d'un mont déverse le brouillard, que détestent les pâtres, mais que les voleurs, eux, préfèrent à la nuit, on ne voit pas plus loin que le jet d'une pierre : le nuage poudreux que soulèvent leurs pieds est tout aussi compact, tandis qu'à vive allure ils traversent la plaine.