ncores que les Dieux au ciel, & les hommes s'exerçants au
combat en la terre fussent cette nuict assoupis de
sommeil, si est-ce que Jupiter ne pouvant reposer
consultoit en luy-mesme, comme il pourroit satisfaire au
desir d'Achille, en luy restituant l'authorité qu'il
avoit perdue, & qu'il vouloit augmenter le faisant
rechercher par Agamemnon & par les autres Grecs aussi
estoit-il en peine comment il rendroit Achille si
necessaire aux Grecs, qu'ils ne mirent leur esperance
qu'en luy seulement en leurs afflictions, en leurs
desroutes, & en leurs suittes, qu'ils le tinssent pour
leur bouclier, & pour un azile, alors qu'ils seroient
poursuivis jusques à leurs nefs. Traversé de pensees
differentes, il appella le Dieu Somme, luy tenant ces
propos. Homme infortuné va aux tentes & aux forteresses
des Princes Grecs, & si tost que tu seras entré au
somptueux hostel d'Agamemnon tu luy commanderas de par
moy de faire prendre les arrmes à toutes les trouppes
de Chevaliers qui sont soubs sa charge, & qu'il
destruira la superbe Cité de Troye, & qu'ainsi tous les
Dieux l'ont resolu, n'ayant plus entre eux aucune
particularitez, pour la derniere & totale ruine de Troye,
comme ils avoient auparavant les en ayant sollicitez.
Le Sommeil ayant receu ce commandement de Jupiter, se
transporta en l'armee des Grecs, entrant au superbe
palais d'Agamemnon, il le trouva reposant doucement, &
prenant la semblance de Nestor le plus authorisé & le
plus respecté de tous les Grecs, se mit aupres de son
chevet, luy faisant ce discours : Race du vigilant
Atree, dors tu maintenant, ce n'est pas chose
convenable à authorité que tu as ny à la puissance qui
t'est donnee sur tant de peuples, qui restent leurs plus
urgentes affaires à ta vigilance & à ta sollicitation
d'estre assoupy de sommeil une nuict entiere : je te
prie escoute presentement ce que j'ay charge de te dire
de la part de Jupiter, qui pour estre absent de toy,
est tousours present à ce qui te regarde, ayant
compassion de tes travaux & de tes solicitudes. Il te
commande par moy de faire armer toutes les compagniez de
gens d'armes qui sont sous ta conduitte, t'asseurant que
tu destruiras la cité de Troye, & qu'ainsi l'ont
determiné tous les Dieux à la requeste que Junon leur a
faire de n'estre plus en different pour la derniere
evertion de Troye, Jupiter approuve leurs decrets ?
souviens toy bien de ce que t'ay dit, afin qu'à ton
resveil les commandemens de Jupiter ne soient mis en
oubly.
Apres tous ces discours cette vision disparut des yeux
d'Agamemnon, qui s'esveillant comme à se representer son
songe, croyant veritablement que le temps de la
destruction de Troye estoit arrivé : mais il estoit bien
loin de son conte, n'estant pas bien informé de la
resolution que les Dieux avoient prise à leur conseil.
Il estoit bien deceu en son opinion, parce que Jupiter
avoit deliberé de luy faire souffrir plusieurs
disgraces, plusieurs desroutes tant à luy qu'aux autres
Grecs & aux Troyens. A l'heure mesme Agamemnon le levant
de son lict, & se flattant luy mesme en sa pensee avoit
esperance de borner le cours de ses maux, & de se
recompenser de ses peine considerant avaricieusement
quelle richesse il emporteroit du sac de Troyes & quelle
gloire immortelle, immortaliseroit sa renommee. Il print
son vestement & sa chaussure Royalle, portant à son
costé dextre son espee d'argent de raport, marquetee de
clous d'argent, tenant en sa main le sceptre
incoruptible, s'en alla aux pavillons des autres Grecs,
y arrivant comme l'Aurore commençoit d'annoncer le jour,
tant à Jupiter qu'aux autres Dieux, & commandant à ses
Herauts & à ses Trompettes d'assembler le conseil.
Ainsi le peuple accouroit de tous costez à
l'assemblee, Agamemnon tient le conseil des notables la
tente de Nestor, ou estans tous assemblez il leur
déclara posément & avec patience, ce qu'en luy mesme il
avoit prudemment deliberé, leur faisant ceste harangue.
Vous Princes & Seigneurs & gens-darmes, escoutez ce
que les Dieux ceste nuict passee m'ont revelé en songe,
comme je prenoy doucement mon repos. J'ay veu la
ressemblance d'une personne à mon chevet, lequel
ressembloit de stature, d'habit de visage, & de membre à
Nestor ce noble vieillard, me faisant tel reproche.
Dors tu fils du noble & vigilant Atree ? ce n'est pas
une chose decente à celuy qui est le premier en dignité
& en charge & à la diligence duquel tant de peuples se
reposent, de qui mesme depend le maniment de tant
d'affaires, de dormir une nuict entiere, & comme on dit
estre le dernier au lict : escoute diligemment les
predictions que je t'annonce par le commandement de
Jupiter, lequel pour estre esloigné de ta presence, ne
l'est pouit du souvenir de tes affaires voulant donner
tresue à tes labeurs, tant il a pitié des maux que tu
souffres. Commande & range en bataille les gros de
cavalerie qui sont de ta charge, & ta triompheras des
Troyens & de leur ville telle est la volonté de tous les
Dieux qui se sont reunis à la priere de Junon pour
decider ensemblement de l'entiere ruyne de Troye, ce que
mesme Jupiter approuve. Sois donc memoratis des advis
que je te donne. Quoy disant il disparut de ma veuë, &
mon songe me laissa. Pour ce qui reste à faire je suis
d'avis d'en parler aux soldats, par ce que je trouve
qu'il est bien difficile de leur persuader d'assaillir &
d'abattre les murailles de Troye, & moins encore de s'en
rendre les maistres avec leurs armes, seulement je leur
en tiendray quelque propos, faisant semblant de les
inciter à retourner en nostre pays de Grece, & s'ils
affectiounent d'avantage leur retour que les batailles,
chascun de vous les tirera à part pour leur donner
courage, & les dissuader de leur intention, & par ainsi
pourrons nous recognoistre quel desir ils auront & s'ils
branslent au manche, ou qu'ils facent difficulté
d'entrer au combat, nous les inciterons à ce faire.
Apres qu'Agamemnon eust mis fin à son parler, il se
rassied en son siege & le vieillard Nestor se levant sur
pied en presence de tous les Princes donna ce passeport
à ce discours. Nobles Princes & Seigneurs Grecs je vous
asseure que si ce songe nous estoit rapporté par un
autre que par Agamemnon, je dirois qu'il auroit l'esprit
preoccupé de quelque autre fantasie, & qu'il n'en
faudroit tenir autre conte que d'une illusion & d'un
songe. Mais pour le present je tiens ce songe
veritable, estant advenu au General de tous les Grecs.
Parquoy conduisons nos troupes au combat s'il est
possible.
Ces paroles achevees il sortit du conseil des Princes
en intention de faire trouver bon son advis à ses
compagnons, allant le premier au lieu destiné pour
haranguer les Grecs, afin qu'à son exemple les autres en
fissent de mesme. Aussitost tous les autres se leverent
approuvant l'opinion de Nestor, les troupes les
suivoient sortans de leur tentes, nons plus ny moins que
sont les mouches a miel quand elles sortent de leur
ruche s'espandant ça & la sur les fleurs. Les Grecs
estans sortis à grandes bandes de leurs nefs sur les
bords de la mer, la Deesse renommée voloit parmy eux
sans estre apperceuë de pas un, les hastant de cheminer
la terre resonnoit à l'écho de leur voix, & aux
trepignemens de leurs pied. Et comme ils furent tous
arivez au lieu ou se tenoit l'assemble, la presse fut si
grande, que les uns poussoient les autres pour avoir
place les Herauts & les trompettes crieront neuf fois
que l'ont fit silence afin que la resolution des Princes
fust entendue d'un chacun : & comme tout le monde eust
pris telle place, qui possible luy estoit donnée par les
Hérauts, chascun s'assied en son siege avec attention &
silence, pour sçavoir ce qui seroit deliberé en
l'assemblee.
A mesme temps Agamemnon estant assis au lieu le plus
eminent, tenant en sa main le sceptre que Vulcan le bon
artisan avoit forgé que premierement, il avoit donné a
Jupiter, Jupiter à Mercure, Mercure à Pelop, Pelop à
Atree & par la mon d'Atree il fut à Thieste, & Agamemnon
le tint de Thieste pour estre son sceptre Royal tant en
la province d'Argos qu'és Isles où il avoit puissance
estant donc vestu à la royale & appuyé sur son sceptre,
commença à parler ainsi.
Escoutez mes ami & compagnons, & vous personnage
signalez je recognoy bien que Jupiter me chastie & :
m'afflige pour mes iniquitez : car encores qu'il m'eust
tousjours donné esperance de retourner en ma patrie,
ayant premierement faict tomber les Troyens & leur ville
à nostre puissance, il change de conseil, & maintenant
fait au contraire : & pour nous mieux faire cognoistre
qu'il nous a deceus, il nous commande de retourner en
Argos, qui nous sera un grand deshonneur, non pas
seulement pour n'avoir faict reussir les promesses de
nos armes, mais pour tant de gendarmes que nous avons
perdus devant Troye toutesfois c'est la volonté de
Jupiter, auquel toutes choses sont assubjetties, &
lequel destruit & reduit en cendre ce qu'il veut, comme
il a faict de plusieurs grandes citez : mais aussi je
considere que ce nous seroit une infamie entre les
vivans, & mesme entre les Manes des trespassez, qui
seroit, continuee à la posterité, de retourner sans
avoir mis en poudre les rempars & les murs de Troye je
voy que toutes les forces de la Grece sont icy, &
regarde aussi le peu de gens que les Troyens avoyent au
commencement du siege, en sorte que nous estions bien
dix contre un, & qu'à present il leur est venu tant de
secours des pays voisins, & tant de peuples sont abordez
pour les assister, que je suis estonné, perdant
l'esperance que j'avoy de destruire la ville, laquelle
est maintenant tournee en desespoir. Et s'il est ainsi
que neuf ans durant que nous avons là demeuré depuis
nostre abord ainsy rien profiter, quelle esperance avons
nous d'y gaigner d'avantage, si plus long temps nous y
sejournons ?
Vous voyez comme nos navires sont pourries, que les
equipages en sont perdus ou gastez, & l’autre part nos
femmes & nos enfans sont affligez, & ennuyez par un
desir ordinaire de nous voir, attendant de jour en jour
nostre retour avec passion. Vous voyez que les armes
nous sont contraites, que la victoire nous tourne
l'espaule, & qu'en tous nos combats, nous avons du pire
: encores que nous les soyons venus chercher, si est-ce
que nous n'avons rien gaigné, & n'espere pas que nous
gaignons d’avantage à l’advenir.
Voila pourquoy je vous conseille d'estre tous de mon
opinion. Car puis qu'ainsi est, que ce n'est pas la
volonté des Dieux que nous ruinions les murailles, ny la
ville de Troye, montons dés à present sur nos vaisseaux &
nous en retournons respirer le doux air de nostre patrie
Toute l’assemblee des Grecs fut esmeuë des paroles
d'Agamemnon ainsi que la mer Icare est agitée par
l'impetuosité de deux vents eslevans les ondes jusques
aux nues, ou de mesme qu'en un champ de bled les espics
s'entrechoquants les vus les autres par la puissance de
Zephire, font un sifflement. Parquoy le conseil estant
finy chacun s'en retourna à ses tentes. Ceste grande
presse faisoit eslever une telle quantité de poudre
courant à leur nef, & à leur patrie, & entendoit-on un
si grand bruit de ceux qui s'entrechastoient &
sollicitoient l’un l'autre, ou de prendre la nef, ou
d'approcher le rivage, ou de leur navigage, ou pour
dresser les masts de leur navire, s'appallant les uns
les autres à haute voix : quoy faisant ils s'en fussent
retournez en Grece contre la volonté des Dieux, tant ils
en avoient envie, si la Deesse Junon ne fust venue en
haste haranguer ainsi : Minerve indigne fille de
Jupiter permettras-tu ainsi que les Grecs fuyent en leur
pays, & permettras-tu que Priam & les Troyens ayent la
vanité d'avoir enlevé la belle Heleine, & que pour son
subject : tant de Grecs soyent ensevelis aux cimetieres
de leurs ennemis. Va donc promptement vers les Grecs &
leur dissuade de se mettre en mer pour s'en aller, &
qu'ils arrestent encor un peu de temps, afin qu'ils ne
retournent avec telle ignominie, & avec telle confusion
en leur terre.
Pallas obeissant à la volonté de Junon se transporta
promptement aux tentes des Grecs, & rencontrant Ulisse
le premier qui n'avoit encore preparé ses nefs pour
faire voile voire plustost estoit il en colere, & en
perplexité de la resolution que les autres prenaient de
partir, elle l'abouche de telle sorte. Quoy vigilant
Ulisse souffrez vous que les Grecs minutent defia leur
retraire, & laissez vous Priam & les autres Troyens
faire le vain d'avoir ptis la belle Heleine, sur la
moustache de vos Dieux domestiques, & qu'ils l'ont
defendue au peril de tant de Grecs, qui sont ensevelis
loing de leur terre, en la pensant recouvrer. Accours à
eux & les dissuade par ton bien dire de quitter prise.
Ulisse entendant le vouloir de la Deesse, se met en
chemin à grand'haste, & pour faire plus de diligence,
jette son manteau à terre, qu'Erebate & Itaque ses
Herauts porterent apres luy : & comme il fut pres
d'Agamemnon il print son sceptre & s'en alla vers les
nefs des Grecs, dissuadant tous ceux qu'il rencontroit,
Princes ou autres, de retourner en leur maison, en cela
se servant ainsi de son eloquence.
Messieurs, vous qui combattez pour la gloire, il ne
vous est pas honnorable de craindre d'entrer au combat
ainsi que ceux qui ne bataillent que pour leurs solde,
vous qui estes choisis pour retenir le vulgaire selon
l'advis d'Agamemnon, pourquoy les incitez vous par
vostre exemple retourner plustost qu'à combatte ; ne
vous souvient-il plus de ce qui fut resolu au conseil à
ce que je voy vous prenez la feinte pour la verité. Vous
n'avez pas pris le dessein du Roy d'Agamemnon, qui
vouloit seulement taster le poux à ses compagnons &
recognoistre leur courage & leur affection, & qui sans
doute chastiera en bref ceux qui contrediront à
l'honneur de la patrie, à la dignité de la chose
publique, & pourtant je vous prie de ne faire chose pour
laquelle il aye raison de nous blasmer & de nous punir :
vous sçavez que le pouvoir d'un Roy, est grand, que les
Roys sont esleuz de Dieu pour commander aux hommes, &
que par ce moyen ils sont aimez de Jupiter, &
principalement Agamemnon Roy & Prince surtout
l'exercice des Grecs.
Ulisse usoit de ce langage à ceux que la fortune avoit
triez sur le volet, usant de menace à ceux qui tiroient
leur origine de la lie du peuple, leur disoit en les
rencontrant & en frappant de son sceptre ceux qu'il
entendoit murmurer. Tais toy demoniacle, assis toy &
escoute la deliberation de ceux qui sont en dignité &
qui ont commandement sur toy, car pour ton regard tu as
tousjours esté imprudent & ignorant les loix de la
milice, tu n'as jamais voulu endurer les travaux de la
guerre, estant tousjours le dernier au peril & le
premier à la suitte,
paresseux, mal sensé, hebeté, inutile au conseil & au
combat.
Voyla pourquoy je te commande de t'en fuir
presentement dans ton pays, ce que pourtant ne te sera
permis, car nous n'avons pas icy tous une mesme
authorité, un seul nous gouverne & a tout pouvoir sur
nous.
Aussi n'est-il pas raisonnable que plusieurs ayent une
esgale puissance, mais vu seul pour Roy & pour Prince, &
celuy mesme qui nous a esté donné par Jupiter, pour
général & pour juge. Ainsi Ulisse divertit les Grecs de
leur entreprise en les menacent, en les baffouant, &
mesme en les chastiant les contraignit de retourner à
l'assemblée faisant un mesme bruit, que les rivages la
mer ont accoustumé de faire estant batus des flots ou
tout ainsi que de loing on entend bruire la mer par
l'impetuosité de ses ondes.
Tout le monde estant rerourné par ce moyen à
l'assemblé chascun reprit sa place & son siege. Un seul
nommé Thersite s'efforçoit à force de babil de separer
l’assemblée : il estoit homme assez eloquent qui
pourtant ne se soucioit pas comment il parla
honnestement ou non, pourveu qu'il jettast quelque
brocard à ceux qui avoient passé tant de mers pour
venir au siege de Troye ; bien qu'il fust mausade &
d'une vile corpulance, estant borgne, boiteux, les
jambes courtes, contrefaict devant & derriere, en sorte
qu'il n'y avoit point quasi de distinction entre son
estomac, ses espaules, & son ventre, la teste petite &
aiguë, peu de cheveux, encore estoient ils entremeslez,
plains de crasse & d'ordure. Il contestoit ordinairement
contre les Rois & les Princes, avec paroles injurieuses,
& sans respect medisoit des uns & des autres : il
prenoit plaisir à dire le mot pour rire, où il se
monstroit tousjours ennemy d'Achille, d'Ulisse &
d'Agamemnon auquel il addressa sa parole en la presence
des autres Princes, luy reprochant l'injure qu'il avoit
faicte à Achille, afin que les autres Princes en eussent
du desplaisir & du ressentiment luy disant
audacieusemenc & avec des paroles arrogantes &
picquantes ce qui suit.
Que desires tu Agamemnon, de quoy es-tu souffreteux ?
qu’est-ce encor qui te soucie, tes pavillons sont plains
d'argents tu possedes plusieurs femmes, voire les plus
belles, que nous t'avons données, les jugeant dignes
d'estre presentées au General de l'armee des Grecs,
apres que nous eusmes mis en nostre puissance la ville
de Thebe & plusieurs autres. Et combien que toutes ces
choses soient en ta possession, toutesfois comme
insatiable tu desires les thresors & les femmes
d'autruy. Ei si quelqu'un de nous prend quelque Troyen
prisonnier, tu prens l'argent qui nous est presenté pour
sa rançon, & te l'approprie. Si quelque femme Troyenne
tombe entre nos mains, & qu'elle te soit agreable tu
commande qu'elle te soit laissée pour t'esbatre &
prendre ton plaisir avec elle, tu la retiens
clandestinement dans ton palais, & en prive celuy qui
l'avoit prise.
A la verité il n'est pas raisonnable qu'un Prince
vicieux & tyran nous suppedite & commande
souverainement. Que nous sommes insensés & subjets à
reproches & a blasmes ! qu'attendons nous donc, vous
Grecs, mais non plus Grecs : je vous conseille que nous
entrions en nos vaisseaux & que nous retournions en nos
maisons.
Laissons icy cet Agamemnon avec son orgueil pour luy faire
recognoistre si nous l'assistons en ceste guerre ou non.
Toy qui nous mesprises, qui depuis peu de jours as fait
un affront à Achille en luy ostant la pucelle que nous
luy avions donnée en recompense de ses valeurs, Achille,
di je, qui sans comparaison est plus fort, plus
courageux & plus vaillant que pas un autre qui vive, &
qui pourtant n'est pas moins qu'il estoit pour avoir
patienté. L'outrage que tu luy as faict, mais seulement
par negligence, ou pour ne luy toucher point au cœur il
t'a laissé prendre la pucelle : car s’il s'en fust
soucié il t'eust monstré par experience que son
entreprise eust este la derniere que jamais tu eusses
esté la derniere, que jamais tu eusses faicte,
t'empeschant de nous faire desormais aucune injure.
Ulisse ayant ouy les reproches que Thersite disoit au
Prince des Grecs, s'approchant tout d'un coup aupres de
luy, avec un regard furieux & menaçant luy parla de
telle sorte. Thersite qui as tant de babil, encores que
tu ayes quelques belles paroles, fay silence &
n'entreprens point de contester seul avec les Roys. Car
je scay que tu es le moindre en courage & en estime de
tous ceux qui, ont suivu Agamemnon en ceste
entreprise. Tu mesdits des Princes & des Roys, & non
content tu solicite les Grecs de retourner en leur
patrie, bien qu'on n'aye point encor deliberé s'il est
expedient ou non. Outre cela tu calomnies le chef
d'armée & le gouverneur du peuple non pour autre chose
que pour son merite ; sa noblesse, & sa qualité. Et par
adventure pour les richesses qu'il possede qui luy ont
esté accordées par l'honneste liberalité des Seigneurs &
des Chevaliers, & non par toy, ny par tes semblables,
encores que personne ne soit ton pareil, estant le plus
meschant & le moindre de tous. Et partant je t'advertis,
fol insensé que tu es, & t'asseure que si tu n'effectue
ce que je te dy, je veux Ulisse soit privé de teste &
qu'il ne soit plus appelé pere de Thelemache que si je
t'entens plus dire, ou si je te voy plus faire telle
insolence, je te prendray & despouilleray, non pas de ta
robe seulement, voire mesme de ma chemise : & t'ayant
ainsi mis nud comme la main, je te donneray tant de
coups de verge en plaine assemblée que tu seras,
contrainct de retourner aux nefs avec honte, avec
souspirs, & avec larmes, & non satisfaict de le menace
ainsi, il le frappa si rudement sur les espaules &
ailleurs avec le Sceptre qu'il tenoit à la main que le
sang en jaillit de tous costés tellement que Thersite se
plaignoit avec abondance de larmes pour les douleurs
des coups & des blesseurs, qu'il avoit receues, &
toutesfois il se contenoit & se taisoit de craincte d'en
recevoir d'avantage apres s'estre assis pour la seconde
fois. Il essuyoit de moment en moment les grosses larmes
qui luy tomboient des yeux, & qui l'empeschoient de
regarder.
Et combien que les autres Grecs fussent faschés en
eux mesme de l'affliction, ou plustost de l'affront que
l'on avoit faict à Thersite, si n'en faisoient-ils que
rire ; entre lesquels les uns disoient à leurs
compagnons ces propos, Ne voyés-vous pas quelle action
heroicque Ulisse a faicte auiourd'huy. Il est bien vray
qu'il est bon pour le poil & pour la plume & toutesfois
il ne fit jamais un si bel acte, d'avoir aujourd’huy
refrené l'insolence de ce babillard : j'estime que
doresnavant il ne sera plus si temeraire de murmurer
contre le Rois ou de les agacer avec injures, &
mesdisance. Voyla comme en parloit le vulgaire.
Alors Ulysse se levant tenant le sceptre d'Agamemnon,
ayant Minerve au pres de luy sous la figure d'un
Herauht, commanda au peuple de faire silence & parla si
haut que les derniers & les premiers pouvoient
esgalement entendre son dire, les Grecs faisant silence,
Ulisse fit coguoistre ainsi sa prudence.
Roy Agamemnon, les gens-darmes & les soldats, t'ont
voulu priver de ta dignité & de ta gloire à leur
possible, & ont voulu noircir ta reputation d'un blasme
immortel, en faussant & violant la promesse, qu'ils te
firent au sortir de la Grece, pour venir icy, de ne
parler, ny de ne penser jamais à leur retour que
premierement la cité de Troye ne fust destruite, &
maintenant ils ont tant d'affection d'y retourner qu'ils
veulent contrevenir à leur promesse, ainsi que des
enfans & des femmes qui legerement changent de parole &
de volonté. Car si quelqu'un s'estoit à ceste heure
embarqué, & que la tempeste ou l'orage empeschast son
retour vers sa femme, il n'auroit autre recours qu'à tes
larmes, estant repoussé au bord avec tristesse & avec
plaincte, ce ne seroit donc pas merveille s'il nous en
arrivoit autant aptes avoir esté neuf ans en nostre
siege. Toutesfois, si vous avez tant de volonté de
retourner, ne m'en sçachez point mauvais gré, mais je
vous dis que ce nous seroit un blasme, une honte & une
infamie de laisser nostre entrepris imparfaite. Parquoy
je vous prie tous en general, mes compagnons, d'avoir un
peu de patience, attendant le temps qui nous a esté
destiné & prefix afin que nous scachions si la
prediction de Calchas est veritable ou mensongere, comme
il vous souvient bien encores de ce qu'il en dit, comme
je sçay quand nous estions eu Aulide, & que nous venions
icy pour ruyner l'Empire de Priam & des Troyens.
Vous scavez, (tous y estoient, excepté ceux qui sont
entre les morts) qu'estans à l'autel que nous avions
dressé dessous un Plane qui rendoit un grand ombrage
aupres duquel estoit une belle fontaine, ainsi que nous
presentions nos hosties aux Dieux immortels il sortit du
creux de l'arbre un horrible Dragon marqueté sur le dos
de couleurs différentes, bref tel que Jupiter (qui
l'avoit destiné là) avoit trouvé bon de le rendre,
lequel soudainement s'eslevant monta au sommet du Plane,
sur lequel estoient huict petits passereaux tous d'un
aire, qui voletant s'esbatoient ensemble sous l'ombre
des branches de cet arbre, que le Dragon devora, comme
ils pepioient apres leur mere, laquelle, ainsi qu'elle
tournoyoit à l'entour de l'arbre, pour le salut de ses
petits, se plaignant de leur infortune, fut aussi
engloutie par le Dragon, en nostre presence, puis apres
Jupiter metamorpha ce Dragon en pierre, duquel presage
nous demeurasmes estonnez, en songeant en nous mesme
avec frayeur que pouvoit signifier, que ce Dragon se
fust à poinct nommé trouvé à nos sacrifices. Alors
Calchas interprete des secrets divins, nous dit : vous
Grecs, pour quel subject entrez vous en telle admiration
pour avoir veu le presage des choses advenir, que
Jupiter vous envoye, pour vous faire cognoistre par cela
que nous aurons une gloire qui sera tardive, mais aussi
serat-elle d'eternelle durée, car tout ainsi que nous
avons veu le Dragon aborder & devorer ces huict moineaux
& leur mere, ainsi nous en aurons la fin. Vous sçavez
mes amis que Calchas nous le predit, ainsi que je vous
le raconte. Nous avons passé la plus grande partie du
temps, parquoy je vous supplie de ne vous ennuyer, & de
sejourner icy quelque temps, tant que nous ayons
subjugué Priam & la ville. Ulisse finissant de parler,
les Grecs commencerent à luy donner des louanges,
faisant un si grand cru que leurs nefs, & leurs tentes
retentirent à l'écho de leurs voix.
Apres que la clameur des Grecs fut cessee, Nestor se
levant leur fit ce discours, je recognois en vous de
grands defauts (peuple Grec) vous prenez les affaires
par jeu plustost que par raison, comme sont les petits
enfans qui ne se soucient de guerre, ny de combat, &
n'ont soin seulement que de s'esbatre : où sont
maintenant vos promettes & ces serments que vous fistes
d'aller contre les Troyens ? & où sont les menaces que
de si loing vous faisiez contre-eux ? on voit bien
maintenant que vous n'en avez plus de mémoire, & croyez
qu'Agamemnon en est cause. Car un chacun de nous
delibere de combattre de parole seulement, & non pas
heroiquement & d'effect. Aussi y a il tant de temps
que nous sommes icy, & pourtant, nousn'avons encores
sceu vaincre nos ennemis, parquoy toy souverain Prince
qui jusques ici nous as lié les mains & nous as fait
contenir en nos bornes meine nous à l’assaut, & nous
exerce au combat usant sur nous de ton authorité : & si
quelqu'un ne veut estre de nostre bande, qu'il face seul
ce qui despendra de luy. Car je ne voy pas qu'il nous
soit honorable, ny permis de retourner en nos fouyers
que premierement le presage ne soit accomply & que nous
n'ayons esprouvé si la promesse de Jupiter est veritable
ou trompeuse : la response que Jupiter nous fit, & le
presage que nous vismes sans doute estoit un signe de
nostre victoire future, quand le jour mesme que nous
demarasme il fit esclater sur nous son foudre, & sa
lumiere. Voyla pourquoy je vous prie que personne de
vous ne songe à son retour qu'il n'aye pris son plaisir
avec une Troyenne, pour venger l’injure faicte à Helene
: & si quelqu'un est de si lasche courage que de vouloir
retourner en la maison, qu'il s'en aille en ses nefs, &
qu'il souffre la mort des premiers. Et toy Agamemnon qui
tiens l'Empire sur tous les Grecs, tu dois avec prudence
conseiller les autres, & en recevoir un bon conseil,
aussi si quelqu'un te conseille bien, tu dois te servir
de son advis & le dois prendre de gayeté de cœur. Pour
l'advis que je te donne il n'est point à mespriser
parquoy si tu veux suivre ce que je te dis, tu diviseras
tes gens selon leurs lignees & parentelles, ceux qui
seront d'une mesme souche, seront mis à part, ceux qui
seront d'une autre tige seront aussi separez, & les
parens & alliez seront en une mesme troupe, parce qu'ils
seront plus prompts à se secourir l'un l'autre : ainsi
le bourgeois secourra le bourgeois, le gentil-homme
prestera secours au gentil-homme, le parent à son
parent & l'amy a son amy : quoy faisant tu pourras
cognoistre deux choses si tu me veux croire, & que tes
gens d'armes obeyssent à tes commandemens. Premierement
sous quelle enseigne & capitaine ils auront combattu,
quels gens d’armes ou soldats aura chasque Capitaine, &
sçaura en les menant à la guerre de quel pris, & de quel
estime sera chaque trouppe, sccondement tu verras à
l’œil si les Dieux ne se consentent point à la prise de
Troye, ou si les soldats n'ont pas assez de courage pour
la prendre.
Alors Agamemnon tint ce langage à Nestor. C'est bien la
vérité vieillard honorable, que tu surpasses tous les
Grecs en eloquence & en bien dire. A la mienne volonté
que ce fust le plaisir de Jupiter, de Minerve, &
d'Apol!on, que j'eusse à present dix tels personnages,
aussi capables pour le conseil que cestuy-cy car
j'espereroy en bref voir les Troyens & leur ville faire
joug à nostre puissance mais Jupiter m'a donné subject
d'entrer en different avec Achille, & à vray dire j’en
ay esté l'autheur & la cause, je le confesse, mais il
jamais luy & moy pouvons estre reunis ensemble, je ne
donneray une seule minute de relasche, ny de tresve, aux
Troyens, que je ne les aye subjuguez & soubmis a ma
volonté. Pour ceste heure allez vous en disner afin que
puis apres nous assaillions nos ennemis, n'oubliez pas
de redresser vos dars, garnir vos escus mettre vos
chevaux en haleine, racoustrer vos chariots & faire tout
ce que vous jugerez necessaire pour le combat, afin que
nous puissions employer nos forces & nos armes en faveur
& sous la conduitte de Mars : car je vous asseure que
pas un de vous n'aura un moment de repos, ny mesme le
temps de respirer & soyons si longtemps au combat que la
nuict seule nous separe.
C'est une urgente necessité que nos Harnois trempent
en la sueur de nos corps, que nos mains & la droitte, &
la gauche soient lassees à force de frapper, & que les
chevaux attelez à nos chariots soient trempez de sueur :
& si je voy quelqu'un prendre la fuitte, & quitter la
bataille pour se retirer vers nos vaisseaux, je vous
asseure qu'il ne pourra se garantir que son corps ne
serve de pasture aux chiens & aux oiseaux. Quand
Agamemnon eust achevé de dire, les Grecs pour tesmoigner
l’obeissance qu'ils luy vouloient tous tendre sans
contredit firent un aussi grand bruit, que font les
ondes de la mer contre leurs dunes & rivages, quand
elles sont agitées de plusieurs vents. Apres que les
Grecs furent entrez en leurs tentes ils presparerent
leur disner, chacun d'eux immolant une victime aux Dieux
immortels, avec prieres de pouvoir eschapper de la
meslee, sans blesseure & sans mort. Quand Agamemnon eut
sacrifié un bœuf de cinq ans au Dieu Jupiter, il invita
à son festin les Princes Grecs, Nestor estoit le
premier, puis apres Idomenee, en suitte les deux Ajax
fils de Telamon & Oilee, apres eux Diomede, suivy
d'Ulisse & Menelas fut de la bande voyant que son frere
avoit ses affaires en telle recommandation, & que pour
son occasion il faisoit ses honnestetez : ils estoient
assis en une table ronde & furent servis de fouasses &
gasteaux d'orge : Agamemnon fit alors telle priere à
Jupiter.
Grand dieu Jupiter superieur & le premier de tous les
Dieux, moderateur des nueés suspendues en l'air, fay moy
ceste faveur que je puisse avant le Soleil couchant
mettre le feu aux portes de Troye, & reduire en cendre
toute la cité que je puisse de mon dard percer l'estomac
& les armes d'Hector, faire tomber ses gens-d'armes à
ses costez & à ses pieds, & en mourant soudainement leur
faire baiser la terre avec leur bouche : Mais il s'en
faillit beaucoup que Jupiter exauçast sa priere au
contraire il luy envoya plusieurs calamitez, augmenta
ses travaux & ses peines, ainsi que nous dirons cy
apres.
Les Grecs ayant mis fin à leurs prieres, mirent bas
leurs fouasses d'orge, puis amenerent l'hostie à leurs
autels, où ils l'occirent, la despouillant & trenchant
les cuisses en firent deux parts, puis ils mirent les
entrailles, les mirent sur l'autel, & alumerent le feu.
Apres en avoir bruslé les cuisses ils mirent les
entrailles griller sur les charbons, pour desjeuner
ensemble : les autres membres furent divisez en
morceaux, mis en broches & rotis, aportez & servis sur
table desquels un chascun d'eux se repeust & mangea à
son appetit. Ayant ainsi beu & mangé de compagnie,
Nestor fit ce discours au Roy Agamemnon, Prince
Agamemnon il ne faut pas escouler le temps en parole sur
ceste table, ne differons pas d'avantage, je vous prie
d'effectuer à nostre proposition favorisee de Jupiter,
commande aux Herauts d'aller en nos trenchees & à nos
tentes faire avancer & assembler les Grecs & que nous
portions soudainement afin de mettre ordre à nos
trouppes & de les renger en Bataille. Agamemnon suivant
le conseil de Nestor, commanda tout à l'heure aux
Herauts de faire assembler les Grecs lesquel aussitost
qu'ils eurent ouy le cry du Heraut & le son des
trompettes, se rendirent à leurs drapeaux, à leurs
enseignes & à leurs cornettes puis apres Agamemnon leur
General, ayant aupres de luy les autres Roys mirent
leurs compagnies en ordre, ainsi que Nestor l'avoit
ordonné.
Pallas portant l'escu de Jupiter, qui ne peut à estre
percé, faict des nerfs de cent bœufs avec des petites
boucles & hardillons dorez, lesquelles boucles estoient
estimees chascune de la valeur de cent boeufs, alloit ça
& la parmy l'armée des Grecs leur donnant courage, & les
excitant au combat, y comme v ne chose qui leur estoit
plus aggreable, que le souvenir de retourner en leur
patrie. La splendeur de leurs armes estoit semblable à
celle qu'on voit de loin sur une montaigne, lors qu'on
allume du feu à quelque coin d'une forest voisines & les
soldats suivoient par le camp un bruit semblable à celuy
que sont les grues les cygnes, ou les oyes volans en
grande trouppe qui tantost descendent en terre & puis
s'eslevent en haut sur les nuages des fleuves bordez
d'arbres, ou quand elles lavent és prez voisins, mesme
la terre retentissoit souz le trepignement des pieds
des hommes & des chevaux, qui couroient à la bataille.
Finalement le nombre du peuple estoit hors de conte,
comme est le nombre des fueilles & des fleurs qui sont
aux champs, & comme est Esté ou en Automne les mouches
entournent à grande troupe les cabanes des bergers, &
les terrines plaines de laict. Ainsi les Grecs à
grandes troupes estoient preparez à l'assaut, chascun
d'eux se rengeant sous leurs chefs, en intention de
combattre, qui par apres les mettoient en ordre comme
les pasteurs divisent leurs ouailles entre-meslees, pour
les remttre en leur bercail. Pour Agamemnon il
paroissoit, commandant & marchant entre les autres,
comme faict un taureau entre les bestes à cornes.
Alors des yeux on le jugeoit esgal à Jupiter de
l'estomac semblable à Neptune, & des autres membres
digne d'estre parangonné à Mars. Tel estoit le plaisir
de Jupiter, de le rendre ainsi apparent & grave ce jour
là. Vous Muses & Deesses, filles de Jupiter, Muses qui
habitez le throsne celeste, je vous appelle à mon ayde,
car vous estes Deesses Vous y assistastes & avés
souvenance de toutes choses, & moy qui n'en ay autre
cognoissance, que le peu que j'en ay sçeu apprendre de
la renommee comme d'un petit vent qui est venu jusques à
moy, qui n'ay, dy-je, rien sceu de l'assemblee, ny du
départ des Grecs, pour venir à Troye, que par ouy dire,
je ne cognoy bonnement les Rois ny les Capitaines, ny
quel nombre d'hommes partirent de Grece pour venir à
Troye. Car ce seroit presque une chose impossible de se
ressouvenir du nombre, & d'un chacun en particulier,
voire mesme eussé je dix bouches & autant de langues,
une voix infatigable, & un estomac de fer sinon que vous
Deesses, vous instruisiez vostre Poëte : il me semble
estre assez de se ressouvenir des Princes, & de sçavoir
le nombre des navires qui partirent de Grece, pour faire
ce voyage. En ceste armee il yeust cinq Princes des
Bœotiens, Penelas, Leytus, Archesilaus, Prothenor, &
Clonius, ces peuples habitent au pays de Hyrie, & en
Auli, de la pierreuse, és Ptovinces de Chœnus, Scolus,
Etheonus, Tespie, Grece & en la contrée de Michalessus,
Harma, Ilesius, Ericthra, Eleos, Hylé, Perheon, Ocalea,
& le beau bourg Medeon.
Le pays de Coppas, Eutresis, & Thisbie, fertile en
ramiers, Coroneas, & la plaine Hiliartus abondante en
heritages, Platea, Glissas, & les bourgs voisins de
Thebes, Onchysto, Ammeny, Lucque, Possideos, Arnee la
vineuse, Midea, Nyia chasteau admirable, & Antenoda la
derniere ville des Beotiens. Les peuples des Provinces
que je vous ay dites, furent à Troye, avec cinquante
navires, en chacun desquels il y avoit six vingts
hommes. Les habitans d'Asplena & de Minée Province riche
en moutons, y menerent trente navires, conduittes par
deux freres, Ascalaphus, & lalmenus enfans de Mars &
d'Astioche leur mere, laquelle fut violee par le Dieu
Mars sur le pas de la porte de son Pere Actor fils
d'Aza.
Scedius & Epistrophus fils du genereux Hyphyrus lequel
eut Naubolis pour pere, furent chefs des Phociens, y
comprenant les habitans de Cyparissus, Pitho la
pierreuse, Crilla la saincte, d'Aulide, de Panopee,
d'Anemorie, de Hyampolis & ceux qui demeurent le long du
fleuve Cephisus, ceux de l’isle situee aupres de la
source de ce fleuve, voguerent avec quarante nefs estant
tousjours à la main gauche des Beotiens, comme s'ils
eussent esté de leurs trouppes.
Les Locriens avec quarante nefs, sous la charge
d'Ajax fils d'Oilee, surnommé le Mineur, homme dispos à
la course, aussi n'estoit-il pas si grand qu'Ajax fils
de Telamon, mais bien moindre de stature & de force : il
est vray qu'en ruse, en disposition, à jetter la pierre,
& à darder le javelot, il estoit le premier des Grecs.
On appelle Locriens les bourgeois de Cynus Opoeis,
Calliarus, Bessa, Scarphé, Augia la fertile, Tarphé,
Thronius : ceux qui demeurent sur le rivage du fleuve
Bogria. Voyla ceux qui habitent au delà d’Eubea la
sacree. Pour les citadins d'Eubea, hommes ingénieux &
spirituels, de Calcis, Eretria, abondante en vins,
Corinthe la maritime, Dius situé sur une montagne,
Curistus & Styra estoient sous le pouvoir d'Elephenor,
rejeton de Mars, Princes des Albains homme vaillant avec
quarante navires noires, les soldats, duquel estoient
gens d'eslite, experts aux armes & principalement à
tirer de l'arc.
Les Athéniens avec quarante galeres, peuple du
vaillant Erichthee nourrisson de Minerve, lequel apres
l'avoir eslevé au lieu de sa naissance, elle le donna
au Atheniens pour leur commander en qualité de Roy.
Aussi tous les ans à certain jour ils recompensent une
telle faveur, par sacrifices de taureaux & de moutons
qu'ils luy offrent. Mais alors ils estoient sous
Menester fils de Picheus lequel n'avoit encor trouvé son
pareil pour commander & conduire de la cavalerie, tant
chevaux legers, que gens d'armes, Nestor seul à cause
de son aage & de son experience pouvoit aller du pair
avec luy.
Ajax fils de Telamon, conduisoit les Salaminiens, en
douze barques.Il les rengea, en les conduisant au lieu
mesme, où les troupes des Athéniens estoient arrestees.
Ceux d'Argos Tyrintha, close de fortes murailles,
Hermione, Asine aux larges fossez, Thresena Erona & la
vineuse Epidaure, ceux d'Egine
& de Massette y allerent avec quatre vingts galeotes,
sous les enseignes de Diomede le grand guerrier, de
Stenellus fils de Capanee personnage illustre, &
d'Eurial fils du Prince Mecistee fils de Talaon.
Ceux de Micene la superbe, de Corinthe la riche, de
Cleone la belle, d'Orgie, d'Aruthyree la fertille, de
Cycione où jadis regnoit Adrastus, d'Hyperession, de
Gonoesse situee sur une montagne, de Pellenes, d'Aegee,
& ceux qui habitent en la coste de Peleponesse
fournirent de cent Tartanes, & esleurent Agamemnon pour
leur chef, tant à cause de l'estime qu'on faisoit de sa
personne, que de son expérience, & des belles parties
qui le recommandoient en guerre & en paix. Aussi fut-il
esleu General de tous les Grecs par ses vertus
particulieres. Menelas son frere, personnage
recommandable, & à qui le faict touchoit, se voulant
venger de l’injure qu'il avoit receuë pour le
ravissement de sa femme y mena soixante galeotes armees,
tant des choses necessaires pour les munitions que
d'hommes, levez en Lacedemone la poissonneuse, à Phare,
à Sparte, à Messee, colombier de la Grece, Amiclas,
Heclos, Laa, Aetylos, Basa, & Augia ville de bonne chere
& de desbauche.
Nestor le brave cavalerisse y mena quatrevingts & dix
fustes, des habitans de Pile, d'Arene la fertille, &
voisine ou arrousee du fleuve Trio, qui tombe du fleuve
Alphee, de ceux de la forteresse d'Aepi, de Cyparesle,
d'Amphygnia, de Pteleos, de Helos, de Dorios Ooù
autresfois les Muses priverent Tamiris de l'usage de
parler, pour ce qu'en retournant d'Euritus, en la ville
d'Oechale, & trouvant les Muses à son chemin, fut si
outrecuidé de les defier à chanter, & de se faire
accroire, qu'il les surmonteroit si elles es vouloient
faire l'essay.
Les Muses estant irritées de son insolence le
priverent non seulement de l’expérience qu'il avoit la
musique, mais aussi de la veuë, de la parole &
ressentiment.
Agapenor fils d'Ancee chef des Arcadiens y conduisit
soixantes fregates, de ceux principalement qui demeurent
aupres du Mausole d'Epitus, où les combattants vindrent
aux mains, sous le mont Cyllene, de ceux qui se tiennent
à Phœnois, Orchomene, riche en bestail, à Riphé,
Stratié, Enispes exposee aux vents, à Thegé, Mantinee la
fertile, Stymphélos, & Pharassie.
Agamemnon avoit donné le commandement de ces troupes à
Agapenor, tant pour ce qu'il estoit bon Pirate & grand
Capitaine, que pour ce que ce peuple de la mer
Méditerranée, n'est pas doit à la mer.
Amphimacus fils de Creatus, Talpius fils d'Euritus
Arctorion, le fort Dores, & le beau Polixene enfans
d'Agastene Roy d'Augee conduisoient les Epeyens.
Comprenant ceux de la ville de Buprasion, ceux de la
noble Elide, de Hirmine, de Mirsine lieu reculé &c
voisin de la roche Olenia & Alisus, avec quarante nefs.
Meges esgal à Mars en bataille, fils de Phileus le
bon gendarme, & nepveu ou petit fils de Jupiter, lequel
estoit venu en Dulichie, pour un different qu'il eut
avec son pere, ou ( pour mieux dire) afin que d'eviter
le courroux paternel, commandoit aux Dulichiens, & à
ceux des isles sacrees, d'Echiné esloignees de la mer
Elide, ayant quarante vaisseaux.
Ulisse, rival de Jupiter en bon Conseil, ou afin de
parler avec bienseance, qui pouvoit estte parangonné a
Jupiter en bien dire & en bon conseil, estoit chef des
Chephaleniens, & les conduisoit en douze navires, ayant
la proué rouge. Entre ceux cy estoient les habitans
d'ltaque, de Neuton la pierreuse Crocily, Egilida
Zacinthus & de Samos.
Les Aetoliens avoient quarante nefs, assistez des
Pleuromiens, Oleniens, Pileniens, Chalcediens, voisins
de la mer, Calidoniens suivez sur un roch, desquels
Thoas fils d'Andremon estoit chef, tant pour son merite,
que pour ce que la seigneurie luy estoit escheuë par la
mort d'Oenus, & de Dias son fils, voire mesme de
Meleager decedez sans heritier.
Idomenee homme expert au combat de la hache & de
l'espee, conduisit quatre vingt nefs du Royaume de
Crete, en contant les habitans de Gnisois, Cortine
fortifiee de belles murailles, Lictos, Mileto, Licastos,
Phaesté, Rhirio & des autres villes de Crete, jusques au
nombre de plus de cent. A ceux-cy avec Idomenee,
Meriones commandoit quel estoit au jugement de Mars
mesme digne d'estre esgalé à Mars.
Tlepoleme expert en la milice, homme de belle taille,
arriva à Troye avec neuf galeres de Rodes, gens curieux
de leurs perruques. En ceste troupe de Rodiens estoient
comprins les Lindiens, les Ielissiens, & les Camiriens.
Tlepoleme estoit fils d'Hercule & d'Astroche, laquelle
il avoit amenée esclave de la ville d'Ephyre, au bord du
fleuve Seleen, apres avoir saccagé plusieurs chasteaux,
bourgs, villes & villages. Il fut eslevé en la maison de
son pere, où à la fin sans autre respect, ny reverence
il tua Lycimnion son oncle paternel, puis sçachant que
les freres & ses cousins minutoient la vengeance de
Licymnion, il calfeutra un vaisseau, & print la fuitte,
où apres plusieurs courses, & maintes disgrâces, il
aborda à Rodes & usurpa l'Empire, divisé pour lors.
Jupiter luy procura l'amitié des habitans, & pour ce
regard il leur donna plusieurs richesses.
Nireus fils de Carophee & d'Agles, le plus beau & le
plus agréable de la Grece, excepté Achille, y vint avec
trois nefs seulement de la ville de Sima, estant ainsi
suivy de peu de gens pour n'estre pas homme de guerre.
Phidipe & Antipe fils de Thessale, & nepveux
d'Hercule, s'embarquerent avec trente vaissaux de
Nisiriens, Crapatoniens, Cassoniens, & Coniés ville
d'Euripile, & ceux des Isles Calidnees.
Achille print port avec cinquante nefs, tant de la
ville d'Argos, Pelagisque, que d'Alos, Alope, Trechine,
Pitie, Hellada peuplee de belles femmes, appelez
Mirmidons, Heleniens, Acheiens lesquels pour lors
demeuroient en leurs tentes, pour la facherie qu'Achille
avoit de ce qu'on luy avoit osté Briseide laquelle il
avoit conquise apres plusieurs travaux qu'il avoit
soufferts au sac de Lynerse, à la prise de Thebes & à la
déroute des enfans d'Euenee neantmoins apres tous ces
exploits, il s'estoit appresté pour se trouver à la
guerre de Troye.
Les Philaciens, ceux de Pyrason abondante en fleurs,
ceux d'Itone riche en bergerie, d'Antione situee au
rivage de la mer, de Pteleo la pierreuse, y estoient
allés avec quarante navires sous la charge
deProthesilas, qui pour lors estoit mort, car il avoit
esté tué par un Dardanien à la descente des vaisseaux,
aussi fut-il le premier qui print terre an rivage de
Troye. La mort duquel apporta de affliction au cœur de
Laodamie sa femme, du trouble à la maison, & du dueil à
ses compagnons, qui pourtant ne manquoient pas de
Capitaine, parce qu'ils avoient esleu Podarcés fils du
riche Iphicle recommandé en guerre, mais tout ainsi
qu'il estoit plus jeune d'aage que Prothesilas son
frere, aussi estoit il moindre en force & en valleur.
Ceux de Phera, ceux qui habitent sur l'estang de
Bebeis, ceux de Bebeis, de Glaphira, & ceux qui
demeurent aux sommets des montagnes de laolchos
prindrent terre avec onze navires, sous la couduitte
d'Eume les fils d'Admete & d'Alceste la plus belle fille
de Pelle.
Philoctete excellent archer, avoit sept galeres armées
de bons archers choisis és villes de Methone Thaumacie,
Meliboee & Olizone, lequel pour lors n'estoit devant
Troye, mais estoit demeuré en l'isle de Lemnos, pour la
morsure d'un serpent, duquel encores que les Grecs ne
fissent pas grand estime, si furent-ils contraints de
s'en resouvenir, & principalement à ce jour là que ses
soldats demandoient avec insitance leur Capitaine
Pliloclete, bien qu'ils n'en fussent pas despourveus, &
que Medon fils d'Oileus & de Rena eut eu sa place.
Polidarius & Machaon ensans d'Esculape excellens
Medecins comme leur pere, furent Capitaines de trente
navires, des habitans de Tricce, d'Itomes la montueuse
d'Oscalie. Ceux qui sont habituez à Ormenion, aupres de
la fontaine Hipperie, Asterion, & aux montagnes plaines
de neige de Tetan, y furent avec quarante vaisseaux sous
le commandement d'Euripile fils d'Evemon.
Polipetez fils de Perithous enfant de Jupiter, &
d'Hippodamie, (lequel print naissance le mesme jour, que
son pere defit & mit eu desroute les Centaures, les
chassant de Pelion avec Leonthus fils du vaillant
Coronus) conduisoit des habitans d'Argisse, de Girtone,
d’Orten, d'Elone & de Olooson avec quarante nefs.
Guneus natif de Cypho y mena les vaillans Perebovens,
Eueniens habitans és froides rives de Dodone, & au
rivage de Titaresion la poissonneuse, laquelle bien
qu'elle se jette au fleuve Penee, neantmoins son eau ne
s'y mesle point, mais nage au dessus comme faict
l'huile. Il prend sa source au fleuve de Stix, par
lequel les Dieux ont accoustumé de jurer une vérité.
Prothous fils de Thentredon commandoit à ceux
deMagnete, & Prothous le grand guerrier avoit sous sa
conduite ceux de Peneon, de Peleon la bocagere, ces deux
Prothous avoient ensemble quarante fuste voila le nombre
des Capitaines Grecs.
Muse à ce coup enseigue moy ceux qui seconderent
Agamemnon & Menelas & lequel des hommes, ou lequel des
chevaux paroissoient d’avantage. Pour les chevaux il me
semble que les deux jumens d'Eumeles de mesme poil & de
mesme aage, emportoient le prix sur tous les chevaux de
la Grece : pour la vitesse elles la disputoient aux
oiseaux, & comme l'on dit attrappoient les hyrondelles,
Apollon les avoit mené paistre & les avoit rendues
telles, lors qu'aupres de Phereus il suivoit la vie
pastoralle.
Pour le regard des hommes Ajax fils de Telamon
meritoit la palme sur tous ceux qui, pour lors estoient
à la bataille. A la verité Achille estoit beaucoup plus
vaillant & plus fort, & ses chevaux mesmes devançoient
tous les autres, mais pour lors il se tenoit en ses
tentes en repos, & ses soldats aussi ayant laissé leurs
chariots & attaché leurs chevaux à la mangeoire,
esbatant journellement à plusieurs jeux, à darder le
javelot, à tirer de l’arc, à jetter le palet : errant çà
& là par les tentes & pavillons selon qu'il leur venoit
en fantasie, puis qu'il ne leur estoit permis d'entrer
au combat avec leur Prince.
Les Grecs ainsi rangez en bataille, & affustez de ce
qui leur estoit necessaire, marcherent allaigrement vers
la ville, & la reverberation de leurs armes rendoit une
aussi grande lumiere, que si toute la terre eust esté en
flamme, la terre trembloit sous les pieds des hommes &
des chevaux comme elle fremit sous le foudre que Jupiter
eslance. Potices fils de Priam, estoit mis en
eschauguette, & en vedette au monument d'AEsias, & gagé
pour donner advis aux Troyens de l'abord des Grecs,
ainsi que les Troyens, vieux & jeunes tenoient conseil
devant l’hostel de Priam, touchant ce qui leur estoit
plus fortuit & commun.
Iris prenant la semblance & le langage de Polites,
descendit du Ciel par le commandement de Jupiter, &
adressant la parole à Priam comme un messager effrayé,
luy fit ce discours : Est il desormais heure vieux
Monarque, d'escouler le temps en parole, ainsi que tu
estois accoustumé en temps de paix ? Considere à ce coup
que la chose publique de Troye est en péril eminent &
pour t’en donner une plus briefue asseurance, regarde
toy mesme tes ennemis qui te presentent la bataille ils
sont en si grand nombre & si vaillant que jamais on en
vid autant ny de tels. Ils esgalent le nombre des
fueilles & du sable de la mer.
Et afin que tu scaches, Hector, pourquoy je m'addresse
à toy c'est que l'affaire te touche : Voila pourquoy je
te commande d'y avoir l'œil, d'assembler tant de
nations differentes, qui sont venues à ton secours, leur
donnant à chacune un Capitaine & un Chef, qui les
fassent armer avec diligence pour repousser tes
ennemis, contrepoincter leurs desseins, contrecarrer
leurs fougues, & bref leur donner le signe & les
conduire avec toy au combat.
Hector ayant ouy le commandement de la Deesse Iris,
rompit le Conseil qui se tenoit entre les Troyens, &
chacun courut aux armes. Les
portes estans ouvertes, les gens-d'armes saillirent avec
impetuosité, en une plaine un peu esloignee de la ville
aupres du cercueil de Batica, ainsi appelé par les
hommes, & par les Dieux le sepulchre de Myrinnés. Les
Troyens & leurs alliez ordonnerent leurs gens-d'armes &
leurs fantassins.
Hector conduisoit les Troyens aussi estoit-il
l'asseurance des siens & la terreur des ennemis, il
gaignoit les uns par promesses & par soldes, les autres
le soivoient pour son estime & pour sa renommée, & bref
force gens-d'armes batailloient soubs son enseigne.
Aenee fils d'Anchise conduiloit les Dardaniens. Cet
Aenee estoit fils de la Deesse Venus, elle l'enfanta sur
le mont Idée, il avoit Athamas & Archilaus fils
d'Antenor, pour associez au commandement de ces
trouppes, aussi estoient-ils hommes, recommandez &
experts en la milice.
Ceux qui habitent en Zela au dessoubs du mont Ida le
long du fleuve Aslopius gens riches, estoient, commandez
de Pandarus fils de Lycaon, auquel Appollon avoit donné
son arc.
Adsastus & Amphius tous deux fils de Percolius le grand
devin conduisoient les habitans d'Adrastia, ceux de la
ville Apesis de Pitie, & ceux qui demeurent en la haute
montaigne de Grecs. Il est bien vray, que ny la doctrine
admirable de Percoslius, ny la cognoissance qu'il avoit
des choses advenir, ny le soing paternel (qu'il avoit de
ses enfans) ne les peut affranchir de la mort. Alors
qu'il taschoit de les retenir & de les empescher d'aller
à la guerre, où ils devoient estre ensevelis. Car ils ne
voulurent jamais (tant la necesité de leur destin les
poussoit croire au conseil, ny aux persuasions du
vieillard.
Ceux qui sont habituez à Percotes, Praxion, Seston,
Abidon, Arisba, avoient Hirtassides pour leur chef,
estoient venus d’Arisba car les chevaux plains de
fougues, courageux, & vistes à la course, comme sortis
du fleuve Selleente.
Hipotous conduisoit les Pelagiens hommes vaillans &
belliqueux, & ceux mesmes (qui habitent en Larisse la
fetile) & avoit pour compagnon Pileus son frere, tous
deux enfans de Lithus Pelagien fils de Teutas.
Acharnas & Pirous estoient venus avec les trouppes de
Trace, & avec ceux de delà l'Hellespont.
Euphemus fils du magnanime Troezenus & nepveu de
Cerides estoit Capitaine des Ciconiens, hommes courageux
& entendus à la guerre. Pirechmes commandoit aux
Archers de Peonie estans partis de plus loing que le
pays d'Amidonie, & des rivages du fleuve Axius, qui pour
estre creux & profond, toutesfois l'eau en est
merveilleusement belle|& claire, en sorte qu'à peine
pourroit-on trouver un plus beau fleuve au monde.
Pikmenetis le prudent commandoit aux Paphlagoniens,
bien qu'il fust venu des pairies des Henetes, d'où
viennent les sauvageons, ou pommiers sauvages. J'appelle
Paphlagoniens, ceux qui habitent en Cytoron, en Sessamon
& en toutes les villes que le fleuve Partenius abbreuve,
en Cromias, en Aegialon, & aux colines d'Erithinie.
Dius & Epistrophus capitaines des Halisoniens,
estoient venus d'Aliba, où sont les mines d'argent.
Les Misiens avoient pour leur chefs Cronius & Ennomus
sçavant en la cognoissance de l'advenir, qui pourtant ne
luy servit de rien, & ne luy fit evite la mort aupres de
ce fleuve, ou Achille le tua avec une grande perte de
Troyens.
Phorcas & le bel Ascanius conduisoient les Phrygiens,
qui tous deux estoient venus d'Ascanie, pour l'affection
qu'ils avoient de combatre.
Mesthles & Anciphus son frere fils de Phtylaeme weus &
de Gigea, commandoient aux Meoniens habitans de Tolon.
Les Canens, Balbutiens estoient sous le drapeau de
Nastes.
Les habitans de Milecon, ceux qui demeurent, en la
bocagere montaigne de Phtirus sur le fleuve de Meandre,
& au mont de Micales, suivoient les enseignes de Nastes
& d'Amphimacus, fils de Nomion, tous deux dignes de
louanges. Mais Amphimacus alloit à la guerre, paré &
doré comme une fille, & neantmoins son orfevrerie ne le
peut garentir de la mort car Achille autant accoustumé à
vaincre qu'à combatre le priva d'or & de vie aupres du
fleuve Panthus.
Sarpedon & Glaucus veindrent des confins du fleuve
Xantus, avec les troupes des Lyconiens, au secours de
Priam, & tous deux estoient estimez pour leur prouesse.