Pres
que l’ost des Troiens fut sorty
Hors la Cité, rengé
& departy
Par esquadrons
furieux au rencontre,
Soubdainement
marcherent à l'encontre
Du camp des Grecs,
haulsant jusques aux nues
Leur voix & criz :
ainsy que sont les Grues,
Qui prevoyans la
pluye, & la froidure,
Laissent les montz,
& vont cercher pasture
Pres de la mer,
dressans grottes armées
Contre les Nains,
autrement dictz Pygmées :
Ausquelz souvent
sont guerre tres cruele,
A coups de bec, à
coups de griffe, & d'esle.
Mais les
Gregeois d'aultre costé marchoient
Sans faire bruyt, &
tousjours s'approchoient,
Pleins de fureur, &
animez de rage
Pour se venger, avec
ardent courage
D'estre vaincqueurs,
& s'entresecourir :
Quand ilz devroient
l'ung pour l'aultre mourir.
Et tout ainsi qu'on
voit au temps d'hyver
Souventesfois la
brouée arryver.
Que le froid vent
soufflant par la campaigne,
Porte soubdain au
hault de la montaigne,
Chose qui est aux
Bergers tres nuysante,
Et aux larrons, plus
que la nuyct duisante.
Car l’oeil humain ne
scauroit veoir par terre
Gueres plus loing,
qu'est ung seul ject de pierre.
De mesme sorte à
l'approcher des bandes,
Se leva tant de
pouldre par les landes,
Qu'elle osta lors
aux Troiens le povoir,
Et aux Gregeois
ensemble de se veoir.
Et aussy tost
que les camps surent prestz
Pour batailler s’entrevoyants
de prés :
Le beau Paris les
rengz Troiens paisa,
Et vers les Grecs, à
grans pas s'advanca,
En provoquant
fierement les plus forts,
De s'esprouver
contre luy corps à corps.
Sur soy portoit,
entre ceulx de sa part,
Pour ce jour la, la
peau d'ung Liepart:
L'Arc bien tendu, la
Trousse bien pesante.
Pleine de traictz,
son Espée luysante :
Et deux beaulx dardz
serréz, qu'il esbranloit,
Quand les Gregeois
au combat appelloit.
Menelaus
appercevant l'audace
De l'ennemy, qu'il
recogneut en face :
Fut tout soubdain
remply d'extreme joye :
Comme ung Lion, qui
desirant sa proye,
Rencontre ung Cerf,
ou Chevreul, dans les bois,
Mis par les chiens,
& veneurs, aux Abois,
Si le devore, & en
prend sa pasture :
S'esjouyssant de
tant bonne adventure,
Ainsi le Grec ayant
Paris choisy,
Sut en son cueur de
liesse saisy:
Voyant à soy
l'occasion offerte
De se venger de
l'injure soufferte.
Et tout armé, comme
il esloit grand erre
Du Chariot feit ung
sault bas en terre.
Adonc Paris qui
bien cogneut venir
Menelaus, ne se peut
contenir,
Et faire feste,
ayant son ame attaincte
Incontinent de
merveilleuse crainte,
Si recula : &
craignant le danger,
Entre les siens
retourna se renger.
Ne plus ne moins que
faict l'homme passant,
Qui quelque fois les
haulx montz transversant,
(Sans y penser)
trouve ung Dragon en voye,
Dont tout craintif,
se retire & desvoye,
Pasle en couleur, de
ses membres tremblant :
Mieulx ung corps
mort, qu'homme vif ressemblant.
De la Retraicte
ainsi lasche & subite,
Fut enslammé de
colere despite
Le preux Hector :
lequel voyant l'esclandre,
Se couroussa à son
frere Alexandre,
Disaint ainsi. O
Paris malheureux,
Portant maintien
d’ung homme valeureux,
Mais par effect :
lasche & effeminé,
Tout de luxure orde
contaminé.
Or eust voulu la
divine puissance,
Meschant couart, que
n'eusses prins naissance,
Pour n'apporter si
honteux vitupere
A ta Patrie, & ton
doloureux Pere.
Ne voys tu pas quel
plaisir ont receu
Tous ces Gregeois,
quand ilz ont apperceu
Ta lascheté ? qui
te pensoient de taille
Pour soubstenir le
faix d'une bataille.
Et maintenant
chascun dire l'efforce,
Qu'en si beau corps,
n'y a esprit, ne force
Tu as bien eu
autresfois le courage
D'armer Vaisseaux, &
dresser Equipage,
Pour naviguer droict
en terre estrangere:
Et puis esmeu de
volunte legiere,
(Estant receu en
Royale maison)
En amener, contre
toute raison,
D'ung vaillant Roy
l’espousée tres chere,
Qui te traictoit, &
faisoit bonne chere.
Au deshoneur & trop
grand infamie
Du nom Troien, & de
la Preudhomie
Du Roy Priam,
Argument & Couleur
Aux Grecs de joye, &
à toy de douleur.
Et neantmoins tu
n'as osé attendre
Menelaus, ne contre
luy contendre
Cela ne vient que
d'une crainte extreme
Qui t'a surprins
discourant en toy mesme,
Que celuy la te
priveroit de vie,
Duquel tu as la
Compaigne ravie
Certainement la
Beaulté du visage
Le bien Chanter, le
Gracieux langage,
Le Corps troussé,
les Cheveulx ordonnez,
Et aultres biens,
que Venus t'a donnez,
Serviront peu à ta
vie saulver :
S'il te convient au
Combat esprouver.
Ta Couardise à mené
jusque au poinct
Tous les Troiens de
ne combatre point :
N'appercevans en toy
chose qui vaille.
Parquoy fuy t'en,
cherce quelque muraille
Pour te cacher, &
plus de moy n'approche :
Trop est ton faict
digne de grand reproche.
Le beau Paris se
voyant oultrager
Si durement,
respondit sans songer.
Hector mon frere, à
bien bonne raison,
Tu as dressé sur moy
ceste oraison :
Car de ton cueur la
Force redoubtable
Est si tres grande,
& si tres indomptable
Qu'on ne la voit de
vigueur esloignée
Pour le travail, non
plus que la Coignée
Qu'ung Charpentier à
employer ne fine:
Et plus en frappe, &
plus elle s'asffine.
Tu ne devrois
toutesfois me fascher:
Ne les beaux dons de
Venus reprocher.
Car les Bienfaictz,
dont les Dieux nous guerdonnent
Sont à priser, veu
mesmes qu'ilz les donnent,
Non pas ainsi que
l'homme en a desir,
Mais tout ainsi
qu'il leur vient à plaisir.
Or si tu veulx,
pour finir ce débat
Presentement, que
j'attende au Combat
Menelaus, fais
assigner le lieu,
Et que nous deux
soyons mis au mylieu :
Tous les Troiens &
les Gregeois, estans
Assis au tour, pour
nous voir combatans.
Soit au vainqueur en
guerdon de sa peine,
Incontinent rendue
dame Heleine
Pour en jouyr, & de
toute la proye.
Que les Troiens se
retirent à Troie,
Et les Gregeois en
leur pays de Grece:
Jurans tenir
convenance & promette.
Hector voyant
Paris appareillé
Pour batailler, fut
tout esmerveillé
Et resjouy : Lors
tenant une Lance
Par le mylieu,
devant les siens s'avance,
Leur defendant de
plus oultre passer:
Ce qui fut faict.
Mais les Grecs sans cesser,
En approchant, à
coupz perduz jectoient
Pierres & traictz, &
Troiens molesloient:
Jusques à tant
qu’Agamemnon sortit
Hors de la Troupe, &
ses gens advertit
De s'arrester :
criant à haulte voix:
Cessez, cessez de
plus tirer Gregeois,
Contenez vous jeunes
Souldardz insignes,
Je voy Hector, qui
nous faict quelques signes:
Comme voulant
avecques nous parler.
Soubdainement on
ne veit plus voler
Les coups de Flesche
: & fut le Camp paisible
En vug moment,
autant qu'il est possible.
Sur quoy Hector,
voyant si grand silence
Entre deux ostz,
ainsi parler commence.
Oyez de moy
peuple Grec & Troien,
Presentement
l'ouverture & moyen,
Que vous propose
Alexandre mon frere:
Luy qui est seul
motif de cest affaire.
Pour donner fin aux
cruelles alarmes,
Il est d'advis,
qu'on mecte ius les armes)
Et que par luy, &
par Menelaus,
Soit debatu, à beaux
fers esmoluz,
Lequel des deux a
plus juste querele.
Au vainqueur soit
Heleine la tres belle
Soubdain rendue,
avec tout le Butin :
Et que sur l’heure,
ou lendemain matin,
Chascun s’en voyse,
ayant faict, asseurance
Par grand Serment,
garder la Convenance.
A peine avoit
achevé ce propos
Le preux Hector, que
le Fort & Dispos
Menelaus, se vint la
presenter,
Disant ainsi Or
vueillez escouter
Grecs & Troiens, ce
que dira ma bouche,
Representant la
douleur qui me touche
Dedans l'esprit : je
veulx & fuis d'accord
Pour mectre à bout
ce dangereux Discord,
(Considerant les
grandz calamitez,
Et les travaulx par
les Camps supportez
Pour l'adultere, &
la juste douleur
Qui m’a induit à
venger ce malheur)
Que tout ce peuple à
present se repose,
Et que Paris
encontre moy s’expose,
Afin qu'on voye à
qui la Destinée
Aura la vie, ou la
mort assignée.
Au demourant, afin
qu'on accomplisse
Le tout à poinct,
mesmes le Sacrifice
Qu'on doit aux Dieux
en affaire semblable,
Qui veult le pacte
estre ferme & vallable.
Il est besoing à
vous Troiens pourveoir
De d'eux Aigneaulx
l'ung blanc & l'aultre noir,
Masle & femelle :
fault le masle blanc,
Le second noir, pour
respandre leur sang
Au clair Souleil, &
à la Terre digne,
De tous humains mere
antique & benigne.
Le tiers Aigneau,
que serons apporter,
Offert sera au grand
Roy Juppiter.
Je veulx aussy pour
seureté plus grande,
Que tout soubdain au
vieil Priam l’on mande
De s’en venir, Afin
qu'il fortifie
La Convenance, & le
tout ratifie:
Car ses Enfans
(comme bien scait la Grece)
Sont gens sans foy,
& Faulseurs de promesse.
Tousjours l'esprit
des jeunes est legier,
Mais le vieillard se
sentant obliger
N'endurera, s’il
advient qu'il le jure,
Qu'il y soit faict ;
Trahyson ou injure.
De cest accord
les Gregeois & Troiens
Tant Estrangiers
Souldards, que Cytoiens
Surent joyeux,
esperans tost l'yssue
De cede Guerre, en
misere tyssue.
Lors à renger leurs
Chevaulx entendirent,
Des Chariotz puis
apres descendirent
Gardans leur ordre,
& poserent en terre
Lances, Escuz, &
tous Harnoys de guerre,
Laissant espace
entre deux bien estroict :
Comme lieu
propre,auquel l’on combatroit.
Ce temps
pendant, le preux Hector envoye
Deux Heraulx siens
en la cite de Troie,
Pour apporter les
deux Aigneaux, & faire
Venir Priam,
approuver tout l'affaire.
Taltibius aussy du
mandement
D'Agamemnon, alla
diligemment
Jusques aux nefz,
pour en la Compaignie
Porter L'aigneau de
la Cerimonie.
Durant cecy, Iris
s'en descendit
Du hault Olympe, &
bientost se rendit
En la Cité, pour
compter ces nouvelles
De poinct en poinct
à la Belle des belles.
La Forme print d'une
sa bien aimée
Et belle Seur
Laodicés nommée,
Qu'Elicaon filz d'Antenor
le saige
Entretenoit, par
loyal mariage.
Point ne trouva
pour lors la Belle oysive,
Mais en besoigne à
ouvrer ententive.
Elle faisoit en sa
Chambre une piece
De haulte lice, ou
les beaulx faictz de Grece,
Et des Troiens à
figures polyes,
Estoient pourtraictz,
leurs Courses, leurs Saillies,
L'aspre Combat, &
Rencontre cruelle,
Que les deux Camps
faisoient pour l'amour d'elle.
Sus lieue toy,
viens avec moy Heleine
(Dit lors Iris) tu
verras en la plaine,
Pres la Cité, chose
bien merveilleuse.
Ceulx qui souloient
en Guerre perilleuse
De jour en jour, au
danger s'exposer,
Tu les verras à
present reposer:
Les ungs assis, les
aultres appuyez
Sur leurs Escuz, du
travail ennuyez
Menelaus pour finir
ces discordz
Contre Paris,
combatra corps à corps :
Et a celuy qui aura
la victoire,
Seras donnée en
guerdon de sa gloire.
Ceste nouvelle à
la Dame annoncée,
Soubdainement luy
meit en la pensée,
Ung doulx desir de
son premier Mary,
De la Cité ou
premier fut nourry,
Et ses Parens,
desirant quelque jour
Avecques luy faire
dernier sejour.
Si se leva
debout, & se vestit
De beaulx habitz,
puis quant & quant sortit
Hors son logis,
jectant la larme tendre,
Quel l’on voyoit par
ses joues descendre.
Pas ne fut seule,
avec elle amena
Pour compaignie,
Aethra, & Clymena:
Et le beau pas se
conduyct & transporte
Jusques au lieu ou
estoit la grand porte
Scea nommée, ou par
le Boulevert
On povoit veoir tous
les champs à couvert.
Le Roy Priam, &
avec luy bon nombre
De grandz Seigneurs,
estoient illec à l'ombre
Sur les Creneaulx,
Tymœtés, & Panthtus,
Lampus, Clytus,
excellentz en vertus,
Hicetaon renommé en
bataille,
Ucalegon jadis de
forte taille,
Et Antenor aux armes
nom pareil,
Mais pour alors ne
servantz qu'en conseil.
La, ces Vieillardz
assis de peur du hasle,
Causoyent ensemble,
ainsi que la Cigalle
Ou deux ou trois,
entre les vertes fueilles,
En temps d’Este,
gazoillent à merveilles.
Lesquelz voyans la
divine Gregeoise,
Disoient entre eulx,
que si la grande noise
De ces deux camps
duroit longue saison,
Certainement ce n’estoit
sans raison :
Veu la Beaulté, &
plus que humain ouvraige,
Qui reluysoit en son
divin visaige.
Ce neantmoins il
vauldroit mieulx la rendre,
(Ce disoyent ilz)
sans gueres plus attendre,
Pour eviter le mal
qui peult venir,
Qui la vouldra
encores retenir.
A l’arriver le Roy
Priam l'appelle,
En luy disans : O
vien ma Fille belle,
Vien ca t'asseoir
icy au pres de moy,
Laisse tes pleurs,
de chasse cest esmoy,
Ne te consume ainsi
en telz regretz :
Vien contempler ton
Mary, & les Grecs,
Tes chers Cousins.
Las Juppiter ne vueille
Que contre toy, de
mon mal je me dueille.
Ce sont les Dieux,
qui pour mieulx se venger,
Moy & les miens
desirent affliger,
Par ceste Guerre
ainsi calamiteuse.
Approche toy, sans
faire la honteuse,
Et monstre moy les
Grecs plus apparentz
Et plus adroistz,
tes Voysins & Parens.
Qui est celuy qui
devant tous s'avance
De corps moyen, mais
grave en contenance ?
Je n'ay point veu,
dont je soys souvenant,
En mon vivant, homme
plus advenant
Et pour certain, à
bien voir son arroy,
Il a le port, &
maintien d'ung grand Roy.
Alors Heleine, à
voix humblette & basse,
Luy respondit. Mon
cher Seigneur, ta face
En mon endroict, à
tant de reverence,
Que j'ay grand
crainte, approchant ta presence.
Or eust la mort
(avant que ces discords
Feussent venuz)
saisy mon foible corps :
Et mesmement alors
que j'euz ravys
Si fort mes sens,
que ton Filz je fuyuis,
Habandonnant Espoux,
Freres, & Fille,
Et mainte Dame, &
Compaigne gentille.
Las, nous serions
hors de toute douleur
Et toy & moy : Mais
il plaist au Malheur
Qu'il soit ainsi. Or
quant à ta demande,
Puis que ta grace
ainsi le me commande:
Cil que tu dis, est
en son propre nom
Filz d'Atreus, le
Prince Agamemnon :
Roy tres prudent, &
en armes puissant,
A qui le Camp est
tout obeyssant,
Qui aultresfois, en
temps paisible & seur,
Fut mon beau Frere,
& moy sa belle Seur.
Atant se teut la
Beaulté nom pareille:
Sur quoy Priam tout
remply de merveille,
Oyant l'honeur
d'Agamemnon compter,
Ne se peust taire, &
vint à l'exalter.
O Fortuné, & plus
que bien heureux
Agamemnon, Prince
chevalereux,
Doncques tu as des
grans Dieux ce bon heur
D'estre le Chef des
Gregeois en honeur:
Doncques par toy est
conduire & regie
Si grande armée,
arrivée en Phrygie.
Il me souvient, au
temps de ma jeunesse,
Lors que j'avoys &
vaillance, & prouesse,
Qu'en ce Pays
vindrent les Amazones,
Femmes de sexe, & en
guerre Persones
De grand exploict :
pour resister ausquelles
Fut necessaire
assembler forces teles,
Qu’on n'en veit oncq
de pareilles aux champs.
Adonc Migdon, &
Otreus marchans
Droict à l’encontre,
assirent en ung val,
Toute leur gent à
pied, & à cheval,
Pres de Sangar la
Riviere au long cours :
Auquel endroict : je
vins à leurs secours,
Et fus faict Chef,
mais quelques belles Bandes
Que nous eussions,
les Grecques sont plus grandes.
Apres ces motz,
il jecta son regard
Sur Ulyssés, puis
dict. Si Dieu te gard
Ma chere Fille,
encor ung coup d’y moy
Qui est celuy des
Gregeois que je voy
De l’Estomach, d'Espaulles,
& Ceinture,
Si bien taillé, non
si grand de Stature
Qu'Agamemnon : Et
qui de grace bonne
Sans estre armé,
maintenant environne
Tous les Gregeois.
Comme faict le Bellier
Grand & velu, qui
pour mieulx ralier
Les beaux Troupeaux,
faict : maint tour, & contour,
Pres des Brebis,
sans départir d'autour ?
C'est Ulyssés,
respondit lors la Dame,
Bien faict : de
corps, mais de plus subtile ame :
Lequel, combien
qu’il ayt prins nourriture
En Pays Rude, & hors
d'agriculture,
Ce neantmoins en
Prudence & Finesse,
Il a passe tous les
Princes de Grece.
Tu as dict vray,
O Princesse de pris,
Dict Antenor. Jadis
bien je l'apris.
Car lors que luy, &
Menelaus furent
Icy transmis
Ambassadeurs, ilz n'eurent
Aultre logis que le
mien, & leur feiz
Autant d’acueil
qu’eusse faict à mes Filz.
La je cogneuz, au
moins par Conjecure,
Leur grand Esprit,
leur Conseil, leur Nature :
Et mesmement quand
ilz furent meslez
Avecques nous, au
Conseil appellez,
Pour remonstrer en
public leur messaige.
Menelaus monstroit
plus grand Corsage,
Estant debout, mais
eulx estans assis,
Cest Ulyssés nous
sembloit plus rassis :
Et au maintien plus
remply de valeur.
Menelaus ne fut pas
grand parleur,
Ce qu'il disoit
estoit Brief & Subtil,
Rien superflu, tout
propre, tout gentil,
Et bien qu'il fut
plus jeune que Ulyssés,
En son parler ne
feit aulcun excez.
Quand vint au poinct
que Ulyssés deut parler,
Sans, tant soit peu,
haulser la teste en l'air,
Ung bien long temps
il tint en bas sa veue,
Comme persone &
lourde & despourveue
D'entendement homme
qui par Colere
Est hors de soy, &
point ne se modere:
Ce que son Sceptre
encores demonstroit,
Duquel tres mal pour
alors s’accoustroit.
Mais aussy tost
qu'il rompit le silence,
On cogneut bien sa
divine éloquence.
Il prononca ses motz
à l'arriver,
Du tout pareilz aux
Neiges de L'hyver.
Si copieux, qu'on
n'osa entreprendre,
L'ayant ouy, d'atiecquesltiy
contendre.
Et ne feit on apres
cas de sa mine,
Estimans mieulx sa
parolle divine.
Le Roy Priam encores
curieux
De scavoir plus,
avoit jesté ses yeulx
Dessus Ajax,
s'enquerant plus avant
Avec Heleine. Ores
say moy scavant,
(Dit le vieillard)
Qui est ce beau Seigneur
Que je voy la,
lequel est le greigneur
De Corpulence, &
presque de la teste,
De tous les Grecs.
Quant à ceste requeste,
Dict elle alors,
Cest Ajax le tres fort,
Le grand espoir, le
Rampart & Renfort
Du camp Gregeois :
Et celuy qui s'arreste
Au pres de luy, est
le bon Roy de Crete
Idomenée, entre les
biens servy
Comme ung grand Dieu
honoré & suivy.
Lequel j'ay veu en
diverse saison
(Passant pays) loger
en la maison
De mon mary. J'en
voy aussy venuz
Plusieurs, desquelz
les noms me sont cognuz
Mais je ne puis
(dont j'ay grand desplaisir)
Avecques eulx mes
deux freres choisir:
Le preux Castor
excellent Chevalier,
Avec Pollux
Combatant singulier.
Hélas je crains
qu'il n'ont daigné venir
Pour le débat
entreprins soubstenir,
Ou bien estans venuz
jusques icy,
Le Desplaisir,
Fascherie, & Soucy
Qui les a prins,
voyans la poure vie
Et la meschance ou
je suis asservye,
Les a contraindz,
dolentz & esbays
De s’en aller
regaigner leur pays.
Ainsi disoit la
belle, mais ses freres
Ung bien long temps,
avant tous ces affaires
Estoient par mort
ensemble dessailliz,
En la Cite de Sparte
enseveliz.
Pendant cecy,
les deux heraulx avoient
La preparé les
choses qui servoient,
Deux bons Aigneaulx,
chosiz en ung troupeau,
Et d'une Chievre une
bien grande peau,
Pleine de vin,
liqueur recommandée.
Encor portoit le
Hérault dict Idée,
Ung grand Bassin, &
deux Coupes exquises,
Faites d’or fin, au
mystere requises.
Ainsy chargez,
au Roy Priam recitent
Leur Ambassade, & de
venir l'incitent,
En luy disant. Roy
sur tous honore,
Nous craignons fort
d'avoir trop demouré:
Les principaulx de
tes subjectz t'attendent
Dehors au camp, &
les Grecs qui prétendent
A ce jourdhuy faire
une convenance,
Dont on aura à
jamais souvenance.
Ton filz Paris, pour
mieulx son droict debatre,
Veult corps à corps
Menelaus combatre :
Et le vainqueur,
doibt avoir en guerdon
La belle Heleine,
avec maint aultre don.
Par ce moyen tous
debatz finiront :
Car les Gregeois en
Grece s'en iront,
Et les Troiens pour
la guerre endurée,
Auront la paix,
qu’ilz ont tant desirée.
Or rien sans toy ne
se pourroit conclure :
Car il convient, que
ta Majesté jure,
(Ce disent ilz) pour
ferme seureté
De ce cornbat, entre
eulx deux arresté.
Le bon vieillard
fut de crainte surpris,
Bien cognoissant,
que c'estoit entrepris
Trop follement :
toutesfois il demande
Son chariot: Et
quant & quant commande
Ses Chevaulx
joindre, & que tout fut en poinct
Ce qui fut faist.
Adonc n’arreste point,
Avec ques luy prend
Antenor le vieulx,
Sortent aux champs,
frapent à qui mieulx mieulx,
Si qu'en brief temps
droict au Camp arriverent:
Et au mylieu des
troupes se trouverent.
Eulx descenduz
se meirent en avant
Agamemnon, & l'aultre
Grec scavant:
Les troys Heraulx
aussi se feirent voir
Ornez d'habitz
requis à leur devoir:
Et sans delay,
voyant la compaignie,
Fut procédé à la
Cerimonie.
En premier lieu de
bon vin on versa
Dans les hanapz:
Apres on s’adressa
Vers les plus grandz
: Ausquelz pour approuver
La Convenance, on
feit les mains laver.
Puis le grand Grec
tira de son costé
Certain cousteau,
par luy toujours porté :
Avec lequel du front
des Aigneaux coupe
Beaucoup de poil,
qu'il feit emmy la troupe
Par les Heraulx aux
Princes despartir,
Qui ne pourraient
apres se repentir.
Le poil receu,
les mains ainsi lavées,
Agamemnon les
siennes eslevées,
Prioit les Dieux,
disant. O Juppiter,
Dieu tres puissant,
qui daignes habiter,
Et presider sur Ida
la montaigne.
O clair Souleil, qui
voys ceste campaigne,
Et entens tout: O
Terre, O vous Rivieres
Je vous supply
entendez mes prieres,
Et vous aussi
puissans Dieux Infernaulx,
Qui punissez si
aigrement les maulx
Des solz humains,qui
voz Deitez jurent,
Et puis apres
faulsement se parjurent :
Soyez tesmoings
faictes je vous supplye
Cette promesse, &
faincte, & accomplye
S'il est ainsi que
Paris mecte à mort
Menelaus, nous
voulons sans remort,
Qu'il garde Heleine,
& soit vray possesseur
De tous les biens,
dont il fut ravisseur :
Et promettons, sans
icy sejourner
Levant le siege, en
Grece retourner.
Pareillement si mon
Frere germain
Menelaus, peult
vaincre de sa main
Le dict Paris, que
soubdain on nous rende
La belle Grecque,
avec condigne amende
Des maulx soufferts
: & que chascune année
Soit à noz Hoirs,
apres nous, ordonnée,
Certaine Rente, ou
Tribut, qui tesmoigne
Nostre victoire, &
leur faulte & vergoigne.
Et au contraire
estant ainsi vainqueur,
S'il advenoit que
par faulte de cueur
Le Roy Priam, & ses
Filz refusassent
Garder la Foy & des
Dieux abusassent :
Je jure icy de
jamais ne partir
De ceste terre, & ne
me divertir
A aultre faict :
sans la voir desolée :
Les Troiens mortz, &
leur Cité bruslée.
Disant ces motz,
de son cousteau osta
Aux deux Aigneaux la
vie, & les jecta
Sanglantz en terre,
Adoncques se trouverent
Illec plusieurs, qui
comme luy vouerent
En respandant
avecques une Tasse,
Devotement le bon
vin en la place.
Entre lesquelz,
aulcun des Grecs gendarmes
Ou des Troiens lassé
de porter armes,
Prioit ainsi. O tres
souverains Dieux
Qui voyez tout ce
qu'on faist en ces lieux.
Las, permectez que
celuy qui sera
Premier motif dont
l'accord cessera,
(En se monstram à
vostre vueil rebelle)
Que pour la faulte
on voye sa Cervelle
Et de ses Filz sur
la terre espandue,
Et puis sa Femme à
ung aultre rendue.
Ainsi prioient mais
leur juste priere
Fut pour ce coup des
Dieux mise en arriere.
D'aultre costé,
Priam appercevant
Que tout l'asfaire
estoit la bien avant :
Dit aux Gregeois, &
Troiens tous ensemble.
Je m'en iray,
Seigneurs, si bon vous semble :
Je ne pourrois de
douleur me garder,
S'il me faloit de
mes yeulx regarder
Mon filz Paris
combatant sa Partie.
Les Dieux haultains,
ont la mort departie
A l’ung, ou l'aultre
: Et si ont ordonné,
Auquel des deux sera
l'honeur donné.
Ces motz finiz
au Chariot monta,
Et les Aigneaulx
avec foy emporta.
Print Antenor, &
tant ses Chevaulx presse,
Qu’en ung moment il
fut hors de la presse:
Et tost apres à
Troie se rendit.
Le preux Hector,
cependant entendit
Et Ulyssés à mesurer
le lieu
Propre au combat,
assis droict au mylieu
Entre les camps.
Consequemment pour voir
Lequel des deux
devoit l'honeur avoir
Du premier coup,
assaillant l'adversaire,
Feirent les sortz,
comme estoit necessaire
En cas pareil, dans
ung Armet mectans
Deux Bulletins, pour
les deux combatans :
Et cil à qui le Sort
premier viendroit,
Premierement l'ennemy
assauldroit.
Tous les
Souldardz, de scavoir curieux,
Tenoient sans cesse
& l'esprit, & les yeulx,
Sur cest Armet ; &
quelqu'un deulx prioient
Les Dieux haultains
en leurs cueurs, & disoient.
O Juppiter, Dieu des
dieux, & grand Roy
De tous humains, fay
nous huy cest octroy,
Que cil des deux qui
cause ces encombres,
Face descente aux
infernales vmbres :
Et que Gregeois &
Troiens de ce faix
Lors deschargez,
vivent en bonne paix.
Ayant Hector son
regard destourné
De son Armet, tourné
& contourné
Par plusieurs foys,
pour mieulx mesler les sortz,
Il meit la main
dedans, & tira hors
Cil de Paris. Quoy
faict, en brief espace
Chascun se meit à
part, laissant la Place
Du combat vuyde, &
de maintien rassis,
Tout à l'entour
furent en terre assis.
Paris voyant
qu'il devoit assaillir
Menelaus, ne voulut
pas saillir
A bien s'armer. Si
print pour le premier
Son beau harnois de
jambes coustumier,
Et ses Cuyssotz,
attachez par art gent
A beaux boutons &
grandz Boucles d’argent
Secondement print la
Cuyrasse forte
De Lycaon
s’accommodant de sorte
Qu'on eust jugé
estre pour luy trempée.
Apres ceignit une
pesante Espée,
Pendant à doux
d’argent poly & clair.
Puis se chargea
d’ung dur & fort Boucler
Sur son espaule : Et
pour couvrir sa teste
D’ung riche Armet,
ayant une grand creste
Faicte du poil,
qu'on voit pendre en la queue
Dung grand Cheval
tant horrible à la veue
Que aussi souvent
que sa teste il haulsoit,
On eust pensé, que
cela menacoit.
Finablement il print
en sa main dextre
Ung Dard serré, puis
soubdain se vint mettre
Emmy le camp, se
monstrant fierement.
Menelaus s’arma
tres seurement
D'aultre costé, &
comparut en place,
Plein de colere, &
amere menace.
La ne sut lors si
courageux Souldard
Qui n’eust frayeur,
contemplant ce hazard.
Mesmes voyant leurs
gestes, leur marcher,
Et l'esbranler des
Dardz à l'approcher.
Entre au camp,
Paris de beau prinsault,
Fort sur ses piedz,
feit le premier assault.
Lancea son dard, de
bien grande roideur,
Et vint srapper
droict : parmy la rondeur
Du fort Escu du Grec
: mais il n'eut force
De transpercer tant
seulement l'escorce.
Et fut la poincte au
faulser empeschée,
Par la durté de l'Escu
rebouchée.
Menelaus sans
sesbahyr, soubstint
Tres bien le coup,
Puis debout se maintint,
Priant ainsi. O
Juppiter puissant,
Qui es le droict:
clairement cognoissant,
Octroye moy ores que
je punisse
Mon ennemy, de son
grand malefice.
Las say qu'il meure,
ainsi qu'a mérité.
A celle fin que la
Posterité,
Saichant sa mort, &
la faulte punie,
Craigne tousjours de
faire villenie
Dans le Logis, ou
par honesteté
Est l'estranger
receu, & bien traicté.
Apres ces motz,
il feit son Dard bransler,
Et tout soubdain si
rudement voler
Contre Paris,que l'Escu
luy perca.
Puys la Cuyrasse
entierement faulsa,
Et tous les draps
jusques à la Chemise.
Et eust este, encor
la poincte mise
Dans l’estomach, si
Paris n'eust tourné
Ung peu à gauche, &
le coup destoumé.
Menelaus apres
ce coup, desguayne
Sa belle espée, à
l'argentine guayne
Et se haulsant, sur
l’Armet assenna
Son ennemy, si fort
qu'il l’estonna.
Mais au tiers coup
son espée rompit:
Dont il cuyda
forsener de despit.
O Juppiter meschant
Dieu, je voy bien
(Ce disoit il) que
tu ne vaulx plus rien:
Ou que tu es le plus
malicieux
De tous les Dieux,
qui repairent es cieulx:
Las, je pensois que
l'heure fust venue,
Que l'ennemy n'auroit
plus de tenue.
Et maintenant je
n'ay rien avancé
Du javelot, & mon
Glayve est froissé
Ce nonobstant tout
enflammé de rage,
Il luy court sus : &
le prend au Pennage
De son armet l'efforcant
de grant cueur,
Le mectre hors du
Camp, comme vainqueur.
Ce quil eust faict,
d'autant que la Courroye
Soubz le Menton luy
empeschoit la voye
De respirer, & pour
vray l'estrangloit.
Adonc Venus, qui
saulver le vouloyt,
La feit tost rompre,
& n'eut aultre conqueste
Menelaus, que le
Harnoys de teste :
Qu’il jecta loing
entre les siens. Puis cuyde
Venir frapper dessus
la teste vuyde:
Mais la Deesse avoit
en ung instant
Mis en lieu seur, le
lasche combatant.
Si l'emporta en
une Nue obscure,
Dans la Cité, puys
luy osta l'armure,
Et le remeit, pour
reposer ses membres,
Tout doulcement, en
l'une de ses Chambres
Plus perfumée :
Apres de luy se part,
Pour amener Heleine
celle part.
Laquelle estoit
alors en une tour
Parlant le temps,
non sans avoir autour
Mainte Troiene, &
gente damoiselle,
Qui devisoient
ensemble avecques elle.
Venus avoit, pour
estre descognue,
Prins ung habit
humain à sa venue,
C’est de Grea la
bonne chambriere,
Bien vieille d'ans :
mais excellente ouvriere
En Broderie, & a
filer la Laine.
Si vint tirer tout
gentement Heleine
Par ses habitz, en
luy disant. Maistresse,
Le tien Paris ma
donné charge expresse
De te prier t'en
venir promptement
Jusque au logis, ou
à l'accoutrement
Qu'il à vestu : tu
penseras sans faille,
Qu'il n'a esté ce
jourdhuy en bataille:
Tant il est frais.
Et à sa contenance,
Tu jugeras qu'il
vienne de la dance.
Ainsi disoit la
Deese amoureuse,
Luy remectant la
flamme vigoreuse
En son esprit :
Laquelle cognoissant
La belle gorge, & l'oeil
resplendissant
Du Corps divin, fut
de craincte surprise :
En luy disant.
Quelle faulse entreprise,
Fais tu sur moy ? Me
vouldrois tu mener
Encore ung coup,
pour mary me donner,
Par les Citez de
Phrygie prochaines,
En Meonie, ou
aultres plus loingtaines :
Pour guerdonner
quelqu'un qui ta servie :
Puis que tu voys que
cil qui ma ravie
Est la vaincu, &
qu’il fault que je voise
Une aultre fois, en
la marche Gregeoise ?
Pourquoy viens tu
soubz ce faintif langaige
Me decevoir, celant
ton personage ?
Je croy que c'est
pour l'aveugle desir
De son amour, qui
t'est venu saisir.
Laissant les cieulx,
& la Troupe divine:
Pour estre icy
Esclave & Concubine
De ton Paris. Or
puis qu'il est ainsi,
Garde le bien, & ne
bouge dicy.
Il ne m'en chault:
jamais dedans son lict
N'aura de moy
compaignie ou delict.
Et à bon droist.
Qu'en diroient les Troienes
Dames d'estat, &
aultres Cytoienes ?
Trop se pourroient
de moy mocquer & rire :
Dont j'en mourrois
de fascherie, & d’ire.
Quand la Deesse
entendit sa parole,
Soubdainement &
d'une chaulde cole,
Luy dit ainsi.
Miserable chetive,
Ne dy plus mot, &
contre moy n'estrive,
A celle fin que si
je me courrousse,
Trop rudement ne te
chasse ou repousse.
Et que d'autant que
t’ay esté amye
D’autant ou plus, je
soys ton ennemye,
En concitant par mes
divins moyens,
Encontre toy, &
Gregeois & Troiens:
Qui (sans espoir
qu'on te peust secourir)
De male mort te
facent tost mourir.
De ce courroux
sut la Belle estonnée.
Si se partit
simplement attournée,
Couvrant sa face
avec sa riche robe,
Et peu à peu de la
tour se desrobe,
Suyvant Venus, qui
l'eut bien tost conduicte
En son logis. Apres
toute la suytte
S'en retourna, les
unes à filler,
Aultres à tixtre, &
plusieurs à parler.
Estans dedans la
chambre bien parée,
Fut par Venus, la
Chaire préparée,
Ou fut assise
Heleine, vis à vis
De son espoux.
Laquelle bien enuys
Le regardoit: Et
lors tres courroucée,
Luy descouvrit le
fondz de sa pensée
Doncques tu viens (O
lasche malheureux)
De ce Combat, rude &
avantureux ?
Que pleut aux Dieux
qu'y fusses tu pery,
Occiz des mains de
mon premier Mary.
Tu te souloys
aultresfois tant venter,
Qu'il n’oseroit à
toy se presenter:
Tu le voulois
vaincre legierement,
Et maintenant t'en
fuys si laschement.
Laisse le donc, &
plus ne t'esvertue
De l’assaillir, si
ne veulx qu'il te tue.
Ainsi disoit la
Grecque par courroux.
Mais Alexandre avec
ung parler doulx,
Se parforcoit de l'appaiser.
M’amye
(Ce disoit il) ne te
courrouce mye,
Si le Gregeois
(secouru de Minerve)
M'a surmonte,
encores je reserve,
Que quelque sois par
moy vaincu sera:
Alors qu'ung Dieu me
favorisera.
Car je ne suis de
leur faveur si loing,
Que je ny treuve
ayde, à mon grand besoing.
Or je te pry
maintenant ma tres chere,
De me monstrer plus
agreable chere
Resjouys toy, &
couchons nous ensemble,
Car je ne fus (au
moins comme il me semble)
Onc enflammé de si
ardent desir:
Non quand je vins
premierement gesir
Avecques toy, dedans
l'isle Cranée.
Apres ces motz,
sut la belle amenée
Sur le beau Lict:,
ou sans plus de propos,
Les deux Amans se
meirent en repos.
Menelaus ce
pendant plein de rage,
Plus furieux qu’une
beste saulvage,
Parmy le Camp ne
faisoit que chercher
Son ennemy, pour
tost s’en despescher.
Mais les Troiens n'y
leurs gens ne povoient
Le descouvrir, pour
ce qu'ilz ne scavoient
Ou il estoit. Et
s’ilz l'eussent cogneu,
La l'amytie n’eust
aulcun retenu
Que sur le Champ, n'eust
esté descouvert.
Car l'Adultere, à
tous clair & ouvert,
Luy concitoit une si
grande hayne,
Qu'on desiroit sa
fin & mort soubdaine.
Agamemnon voyant
estre notoire
A tout le Camp, que
l'honeur, & Victoire,
Appartenoit à son
Frere par droit,
Quand la raison
entendre l’on vouldroit :
Se meit avant,
disant. Troiens Souldards,
St vous aussi qui
soubz leurs estandards
Estes venuz,
soustenant leur querele.
De vostre foy je
vous Somme & appelle.
Vous avez veu
Menelaus le fort,
Avoir vaincu par
Martial effort,
Vostre Paris qui à
laissé la Place:
Or faictes donc que
l’on nous satifface.
Rendez la Grecque,
avec le bien ravy:
Et neantmoins pour
l’honeur desservy,
Soit aux Gregeois,
dessus Troie, assignée
Certaine Rente, & à
nostre Lignée
Ainsi parlaient les
siens le louerent :
St sa sentence en
criant avouerent.