François 1°, Salel, Homère.
 
    Cette traduction de l'Iliade a été commandée par François 1° à son secrétaire : Hugues Salel.

   Ce point est très important sachant que François 1° est le signataire de l'ordonnance de Villers Cotterêts en 1539 qui impose le français comme seule langue pour la rédaction de tous les actes de l'administration et de la justice. Le français devient ainsi la langue officielle du droit et de l'administration, en lieu et place du latin et des autres langues de pays (langue d'oc, patois).

   François 1° était fortement rattaché à l'Art et aux Lettres ; n'était-il pas appelé : "le père et restaurateur des Lettres" ?

    Il s'attache à agrandir la bibliothèque royale dont il nomme intendant l'humaniste Guillaume Budé avec mission d'en accroître la collection. Pour faciliter la diffusion du savoir, il ouvre l'accès à sa bibliothèque. Il relève en France les lettres et les beaux-arts, protège les savants, méritant par là le titre de Père des Lettres. Il fonde le Collège de France et l'Imprimerie royale.

   Le fait de demander à son secrétaire, Hugues Salel de traduire l'Iliade en français, ou au peintre  Le Primatice de décorer une galerie au château de Fontainebleau, avec comme thème l'Odyssée : "la galerie d'Ulysse", prouve l'importance qu'avait la mythologie et plus particulièrement Homère, pour lui.

 
   François 1° se faisait remettre les chants un à un, au fur et à mesure que Salel les traduisait. Noémie Hepp, Homère au XVI°.
 
Les éditions.
 
La première édition est seulement les deux premiers livres en 1542. Elle est une édition pirate :

  "En 1542, Pierre de Tours fit paraître à Lyon une édition pirate des deux premiers chants traduits par Salel, édition aujourd'hui rarissime dont la bibliothèque de l'Arsenal possède un exemplaire. Un arrêt du Parlement de Paris du 25 octobre 1542, conservé aux Archives nationales, interdit au libraire de Lyon d'imprimer et de vendre cette traduction. C'est par l'attendu de cet arrêt que nous avons du reste la preuve de la commande royale : "... par le commandement dudict seigneur il avoit commancé a traduire l'YIiade de Homère ...". Ces péripéties nous attestent l'attente et l'intérêt que pouvait susciter cette traduction d'Homère. À la mort du roi, qui le protégeait, Salel arrêta son travail et se retira dans son abbaye de Saint-Chéron." Patrick Morantin. Homère Sur les traces d'Ulysse . p.121.

 
La deuxième édition comportant les dix premiers livres est de 1545, donc Salel s'était bien attaché à son travail de traduction. Dans les "Copies des Letres patentes du Roy ", on retrouve la trace de la commande du roi :

" Pour que notre aimé et féal maistre Huges Salel, de nostre chambre, Abbé de sainct Cheron  ....  de l'Iliade d'Homere, Prince des poetes Grecs, que nous luy avons cy devant commandé traduire, & mettre en vers François....

 
La troisième édition similaire à la deuxième, sans les gravures.
 
La quatrième édition de 1574 comporte la traduction complète faite par Salel c'est à dire les douze premiers livres.
 
La cinquième édition de 1580 rassemble pour la première fois les XI premiers chants de l'Iliade dans la traduction d'Hugues Salel ; les livres XII à XVI dans la traduction d'Amadys Jamyn, qui avaient connu une première édition en 1574 ; les huit derniers chants traduits par le même qui paraissent ici pour la première fois ; enfin les deux premiers chants de l'Odyssée, traduit par Jacques Peletier du Mans qui avaient connu une première édition en 1570. Cette édition de 1577, à l'adresse de Lucas Breyer.

Notice de Brunet :   Brunet avance que Jamyn, après avoir traduit la fin du poème d'Homère, reprit la traduction des premiers chants, substituant le vers alexandrin au décasyllabe de la version de Salel, avant de faire imprimer le tout à Paris, chez Lucas Breyer, en 1580. Il ne semble pas avoir eu en main cette édition intermédiaire de 1577, qu'il évoque sans plus de détail. Elle contient non seulement le poème dans son entier, mais aussi les onze livres de la version de Salel, avant qu'ils ne soient "révisés" par Amadys Jamyn, dont l'intervention, outre la mise en alexandrins, se réduisit à corriger les fautes d'impression et à placer des arguments en prose en tête de chaque livre.

 
 Notice de Didier Pralon dans Traductions Françaises de l'Iliade (1519-1989).Cahiers du Claix (Cercle de Linguistique d'Aix en Provence), Travaux 10, 1993, p. 135-179. 

 Voir page d'accueil  Comparaison, Comparaisons Iliade, Livre III, où est publié l'intégralité des Travaux de Didier Pralon sur le début du Livre III.

   L'histoire complexe de la publication de cette traduction est retracée par C. Brunet, Manuel du Libraire,5° édition, Paris 1860 III p. 290 : les chants 1 & 2 sont publiés à Lyon, en 1542, chez de Tours. Les chants 1 à 10, à Paris, en 1545, Chez Vincent Sertenas. En 1555, O. de Magny publie une édition posthume comportant les chants 1 à 12. En 1570, sont publiés les chants 1 à 12 avec le début du chant 13, et augmentés des chants 1 & 2 de l'Odyssée, traduits par Jacques Pelletier du Mans, déjà imprimés séparément en 1547, chez Vascosan. En 1574, Amadys Jamin republie la traduction d'Hugues Salel augmentée de sa propre traduction en alexandrins des chants 12 à 16, puis en 1577 de l'ensemble de l'Iliade. Le tout est republié en 1580, avec les trois premiers chants de l'Odyssée. J'utilise la réédition de 1584: Les XXIIII Livres de l'Iliade d'Homère Prince des Poètes, à Paris, chez Abel Langelier. Hugues Salel appartenait au cercle de Marguerite de Navarre. Il était lié d'amitié avec la plupart des poètes ses contemporains et notamment Ronsard. H. Chamard, Histoire de la Pléiade, Paris 1939, I p. 143-145, se demande sans trancher si Salel savait le grec ! Il aurait pu traduire la traduction latine, assez littérale de L. Valla. I. Silver, Ronsard and the Hellenic Renaissance, I Ronsard and the Greek Epic, St Louis USA, 1961 ; 2ème édition, Genève, 1987, p. 25-26, utilise comme exemple les quatre premiers vers du chant III pour montrer que Salel fonde sa traduction française à la fois sur le texte grec d'Homère et sur la traduction latine de L. Valla. Salel n'en appréciait pas moins l'originalité d'Homère.

 
 Les éditions suivantes sont des reprises de la cinquième  édition.