LE
sommeil a chassé les soins de l'Univers.
Du
Souverain des Dieux les yeux seuls sont ouverts.
Jupiter veut d'Achille honorer le courage,
Et
dans le sang des Grecs expier son outrage.
Le
conseil en est pris ; & volant à sa voix,
Le
Songe seducteur vient recevoir ses loix.
Va, lui dit Jupiter vole aux tentes d'Atride ;
Qu'il arme les Guerriers qui l'ont choisi pour guide
Dis
lui qu'enfin rendus aux desirs de Junon,
Tous
les Dieux à l’envi lui livrent Ilion.
Il dit. Le Songe part, & d'une aîle rapide,
Fend
les airs ; est déjà sur la tête d'Atride,
Pour
donner plus de poids aux celestes Arrêts,
Il
prend du vieux Nestor les vénérables traits.
Tu dors, Agamemnon ! Que ma voix te ranime,
Chargé de tant de soins, ton sommeil est un crime,
Dit-il, de Jupiter apprends les volontez :
Il
laisse encor sur toi descendre ses bontez.
Arme
les Grecs, le Ciel a décidé du reste ;
Ilion est proscrit par la troupe celeste.
A
cet ordre divin garde de resister,
Et
ne r'ouvre les yeux que pour l'exécuter.
Agamemnon surpris d'une trompeuse joye,
Pense que ce jour même il doit entrer dans Troye
Il
ignore à quel temps son terme est arrêté,
Et
de combien de sang il doit être acheté.
Ses yeux s'ouvrent. Il croit, au moment qu'il s'éveille
Que
la divine voix frappe encor son oreille.
Il
se leve t & jaloux de son autorité,
D'Augustes ornemens accroît sa Majesté.
Un
cothurne superbe, une robe éclatante,
D'un
redoutable fer la garde étincelante,
Tout
brille : il prend enfin, pour commander aux Grecs
Le
sceptre paternel, garand de leurs respects.
Phebus alloit bientôt sortir du sein de l’onde ;
L'Aurore sur son char déjà l'annonce au monde.
D'Atride, les Hérauts vont répandre les loix,
Les
Argiens en foule accourent à leurs voix.
Il faut d'abord des Chefs prendre un conseil fidelle
Au
vaisseau de Nestor Atride les appelle ;
Et
là, par ce discours, prévénant les esprits,
Jugez, amis, dit-il, du dessein que j'ai pris.
Un
Songe, de nos Dieux ministre respectable,
Est
venu m'annoncer leur décret immuable.
Je
croyois voir Nestor ; son air étoit pareil.
D'abord il a de crime accusé mon sommeil ;
M'a
dit que Jupiter du haut de l'Empirée,
Baissoit encor les yeux sur ta race d'Atrée ;
Qu'il m'abandonnait Troye. A present, c'est à nous
D'aider de nos exploits le celeste couroux.
Je
vais feindre qu'il faut abandonner ces rives,
Et
repasser les flots sur nos nefs fugitives ;
Si
vous voyez des Grecs chanceler la vertu,
Ranimez, à l'envi, leur courage abbattu ;
Qu'ils ne trouvent alors, trop portez à m'en croire
Qu'une voix pour la honte, & mille pour la gloire.
Il s'assit, & Nestor répond à ce discours :
Aux
intérêts des Rois les Dieux veillent toûjours.
Si
quelqu'autre que toi nous rapportoit ce songe,
Nous
sçaurions le traiter de vapeur, de mensonge ;
Mais
dans le Chef des Grecs, on doit le respecter ;
Et
sans l'approfondir, il faut l'exécuter.
Nestor est applaudi par un commun suffrage :
Ils
sortent. Tout le Camp s'assembloit au rivage ;
Tels
que d'un creux rocher les essaims bourdonnants
Pour
assieger les fleurs s'assemblent dans les champs
Telles on voit des Grecs les troupes diligentes,
Deserter, à grand bruit, les vaisseaux & les tentes.
Agamemnon se leve & le sceptre à la main ;
Ce
sceptre qui jadis, chef-d'oeuvre de Vulcain
Passa de Jupiter dans les mains de Mercure,
Qui
rendit de Pelops l'autorité plus sure,
Et
qui toûjours passant de Héros en Héros
Fait
aujourd'hui l'éclat de l'Empire d'Argos.
Appuyé sur ce sceptre, Agamemnon s'avance.
La
crainte & le respect répondent du silence.
Mes amis, leur dit-il, chers compagnons de Mars,
Toûjours prêts, sous mes loix, à braver les hazards,
Nous
nous étions flattez que les tresors de Troye
Pour
prix de nos travaux deviendroient notre proy
Le
Dieu qui nous donna cet espoir suborneur,
Aujourd'hui nous impose un retour sans honneur.
Le
reste d'une armée en cent combats détruite
Va
se deshonorer encore par la fuite.
Ainsi le veut le Dieu par les Dieux reveré,
Qui
releve un Empire, ou l'abat à son gré :
Jupiter nous condamne à la honte éternelle,
De
n'avoir pû vanger une juste querelle,
D'avoir tremblé devant de foibles legions,
Et
dix fois plus nombreux que ceux que nous fuyons.
Mais
pourquoi le cacher ? des Nations guerrières
Au
secours d'Ilion s'avancent les bannières
Voilà ce qui le sauve & des feux & du fer.
Enfin voila pour nous la voix de Jupiter,
Déjà
notre vangeance a perdu neuf années.
Des
outrages du temps nos barques ruinées,
Ces
vaisseaux triomphants qu'Argos nous vit monter
A
peine suffiront à nous y reporter.
Cependant plus d'espoir ; les Dieux nous le défendent ;
Nos
peres, nos enfans s nos femmes nous attendent.
Allons ; quoique vaincus nous cssuirons leurs pleurs :
Ils
s'étoient bien flattez de nous revoir vainqueurs.
Le desordre à ces mots se répand dans l'armée,
Qui
du Conseil des Rois n'étoit pas informée.
Tout
s’ébranle : il ne part de tout le Camp troublé
Que
le cri du retour, mille sois redoublé,
Sous
les pieds fugitifs qui foulent le rivage,
La
poussiere s'éleve en un épais nuage ;
Et
tous, impatients d'apprêter les vaisseaux,
N'attendent leur salut que des vents & des eaux.
Leur indigne clameur jusqu'au Ciel est portée.
Junon frémit de voir sa vangeance avortée ;
Elle
court à Pallas & lui tient ce discours :
Fille de Jupiter, j'implore ton secours.
Faut-il donc que les Grecs chargez d'ignominie,
De
nos affronts communs laissent Troye impunie
Qu'après tant de combats Priam plus glorieux,
Prouve à tout l'avenir l'impuissance des Dieux ;
Que
l'adultere Helene, enlevée à l'Aulide,
Goûte en repos les fruits de son Himen perfide ;
Et
que tant de Héros devant Troye égorgez,
Soient morts pour nous servir, & ne soient pas vangez
Non,
guerrière Pallas , prévenons cette injure.
Les
Grecs sont ébranlez ; cours, vole & les rassure ;
Arrête leurs vaisseaux , & de ces lâches cœurs
Va,
l'égide à la main, faire autant de vainqueurs.
Pour réponse, Pallas descend d'un vol rapide
Aux
vaisseaux que les Grecs préparaient pour l'Aulide
A
ses premiers regards s'offre ce Chef prudent
Ce
Roy qui des revers toûjours indépendant,
Cent
fois à sa sagesse asservit la fortune ;
Triste, il déplorait seul la lâcheté commune.
La
Déesse l'aborde, & de ces mots divins,
L'excite à corriger encore les Destins :
Ulisse que te sert cette douleur oisive ?
Tu
vois, sans t'ébranler, la Grece fugitive
Abandonner des murs dévouez à ses coups,
Marche ; que ta douleur se transforme en couroux ;
Que
l'armée à ta voix, honteuse de sa fuite,
Se
rende à l’entreprise où les Dieux l'ont conduite,
Et
que les Grecs prenant des sentimens meilleurs,
Meurent icy plutôt que d'aller vivre ailleurs.
Au discours as Pallas, l'ardeur d'Ulisse éclatte :
Il
court énorgueilli d'un ordre qui le flatte ;
Et
pour s'armer encor de plus d'autorité,
Il
prend d'Agamemnon le Sceptre redouté.
Volant parmi les Grecs, il conjure, il menace,
Rend
aux Chefs, aux Soldats, une nouvelle audace ;
Et
d'un zele irrité modérant les fureurs,
Par
differens moyens regagne tous les cœurs.
Amis, dit-il aux Chefs, quel démon vous inspire ?
Vos
pareils, de la Peur connoissent-ils l'empire ?
Que
par vous les Soldats soient icy retenus.
D'Atride les desseins ne vous sont pas connus :
Il a
tenté l’armée ; & sa juste vangeance,
Vous
puniroit bien-tôt de votre obéissance.
Pénétrez, & craignez ses ordres souverains ;
Jupiter même a mis votre sort dans ses mains.
D'un vil seditieux entend-il le murmure ;
Soudain d'un coup du Sceptre, il repousse l'injure :
Tai-toi,
dit-il, tai-toi, lâche esclave de Mars,
Inutile aux conseils tremblant dans les hazards,
Prétends-tu de ton sort te rendre icy l'arbitre ?
Le
nom de Chef des Grecs, n'est-il donc qu'un vain titre ?
Vil
Soldat, voudrois-tu te soustraire à ses loix ?
Et
secoüer un joug qu'ont reçû tant de Rois.
Ainsi Chefs & Soldats, toute l'armée ensemble,
Retourne des Vaisseaux, au conseil se rassemble,
Avec
le même bruit dont l'orage & les flots,
Sont
mugir des rochers les horribles échos.
Tout se calme, chacun prend place & fait silence
Du
seul, Thersite alors éclatte l'insolence :
Il
excite le trouble ; & contre tous les Rois
Il
vomit le reproche & l'injure à la fois
Homme informe & sans honte, & de qui la nature
Assortît en naissant l'ame avec la figure ;
Le
dos courbé, l'oeil louche, & les pieds inégaux,
De
son cœur monstrueux decelent les défauts :
Censeur infatigable & d'Achille & d'Ulisse,
L'impunité passée enhardit sa malice ;
Par
le trouble present à l'audace excité,
Il
adresse à son Roi ce discours effronté :
Assez & trop long-temps tu jouis de nos peines ;
D'un
butin precieux tu vois tes tentes pleines ;
L'amas de cent beautez assouvit tes desirs,
Tribut que nos exploits rendent à tes plaisirs.
Tu
prétends que les Grecs demeurent devant Troye ?
Attends-tu donc encor quelque nouvelle proye ;
Que
d'un jeune Troyen, que pour toi j'aurai pris,
Le
pere desolé t'apporte icy le prix ?
Faut-il t'aller chercher de nouvelles captives,
Pour
nourrir dans un Camp tes voluptez oisives ?
C'est trop, de tes plaisirs ministres assidus,
T'accorder des honneurs qui ne te sont pas dûs.
Vous
Grecs, qui descendez à ces respect infâmes,
Sous
le nom de Guerriers, vous n'êtes que des femmes.
Non,
non, n'écoutons plus ses avares transports ;
Laissons-le seul icy consumer ses trésors.
Il
connoîtra bien-tôt si, sans notre courage,
Il
peut garder les biens, dont il nous doit l'usage.
Mais
le lâche sçait-il te prix de la valeur ?
Du
plus brave des Grecs il a fait le malheur :
Il
vient de lui ravir la Captive qu'il aime ;
Et
nous l'avons souffert ! Il l'a souffert lui-même !
Atride encor vivant, joint de nos affronts ;
Nous
les méritons bien, puisque nous les souffrons.
Ulisse furieux, s'approche de Thersite ;
Ses
yeux disent déjà ce que son cœur medite.
Importun Harangueur, lui dit-il, est-ce à toi
De
contredire icy les desseins de ton Roy
Lâche dans l'action ; en discours téméraire,
Tu
ne peux nous servir ; sçache du moins te taire ;
Et
sans t'embarrasser d'un départ incertain,
Attends, avec respect, le décret souverain.
Qu'est-ce que contre Atride un lâche se propose ?
Jupiter l'a fait Roy, Thersite le dépose ;
Et
l'insensé qu'il est, croit nous ouvrir les yeux,
En
condamnant un choix qu'ont approuve les Dieux.
Retiens ce mot, & crains l'effet de la menace ;
Si
le moindre discours échappe à ton audace,
Tu
verras à l'instant tes murmures punis,
Ou
je consens à perdre & le jour & mon fils.
Il frappe en menaçant : Son courroux, qui s'essaye
Lui
fait déja du Sceptre une sanglante playe.
Thersite pleure : il garde un silence profond,
Et
fuit au premier coup, de crainte d'un second.
Le ris de tous les Grecs suit l'action d'Ulisse
Tandis qu'à ce Guerrier, Pallas toûjours propice,
Sous
les traits d'un Héraut ordonne d'écouter
Le
discours, qu'elle même, elle lui va dicter.
Atride, il est donc vrai qu'une armée infidelle
Cherche à souiller ton nom d'une tache éternelle ;
Qu'au mépris des sermens qu'ils t'ont fait en Argos
Les
Grecs ont resolu de repasser les flots.
Ne
jurâmes nous pas, pleins d'ardeur & de joye,
De
ne revoir nos bords, que triomphants de Troye ?
Nous
voulons maintenant, méprisables Guerriers,
Chargez d'un long affront rentrer dans nos foyers !
Je
sçai qu'un doux instinct qu'une voix naturelle,
Auprès de nos enfans sans cesse nous t'appelle ;
Le
Pilote, un seul mois éloigné de leurs yeux,
De
son impatience importune les Dieux ;
Et
depuis qu’Ilion joüit de nos traverses,
Le
Soleil a neuf fois vu ses maisons diverses
Mais
la honte pour nous en croîtroit encor plus,
D'avoir tant demeuré pour retourner vaincus.
Opposez donc, amis, le courage à l'obstacle ;
Le
temps va de Chalchas justifier l'oracle.
Je
vous atteste tous, vous vous en souvenez,
Reste de nos Héros par le fer moissonnez ;
L'évenenent encor à mes yeux se retrace :
Nos
sermens de Pâris avoient proscrit la race,
Et
l’Aulide déjà sur les flots étonnez,
Voyoit mille Vaisseaux contre Ilion tournez :
Nous
offrions au Ciel, pour le rendre propice
De
cent taureaux choisis l'auguste Sacrifice,
C'était sous un platane arrosé d'un ruisseau :
Quand nos yeux sont frappez d'un prodige nouveau.
Un
Dragon que des Dieux suscite la puissance,
Sort
du pied de l'Autel, jusqu'à l'arbre s'élance,
De
sa dent carnassiere engloutit huit oyseaux,
Et
leur mere avec eux, errant sur les rameaux.
A
peine ils ne sont plus, que ce dragon énorme,
Terrible encor à voir, en rocher se transforme.
Une
muette horreur au Ciel fixoit nos yeux.
Ecoutez, dit Calchas, ce qu'annoncent les Dieux.
Ne
vous rebuttez point d'une trop longue attente ;
Vôtre gloire tardive, en sera plus confiante.
Autant d'ans que ce monstre a dévoré d'oyseaux,
Aux
rives d'Ilion retiendront vos vaisseaux,
Mais
vous verrez ainsi le veut la destinée,
Vôtre gloire & sa chutte à la dixième année.
Grecs, nous touchons au terme annoncé par Calchas :
Méritons que les Dieux ne le démentent pas.
La Peur fuit à ces mots ; le Camp reprend courage,
Et
d'un long cri de joye ébranle le rivage.
Par un nouveau discours, Nestor non moins pressant,
Excite encor des Grecs le zêle renaissant.
C'est trop perdre de temps en des discours frivoles ;
Qu'enfin les actions succedent aux paroles.
Avant qu'aucun Soldat s'éloigne de ces lieux,
Tentons l'effet certain des promesses des Dieux.
Je
jour que nos Vaisseaux partirent de l’Aulide,
Un
présage flatteur fut nôtre premier guide ;
Et
d'un coup de tonnerre à la gauche lancé,
Le
destin d'Ilion fut alors prononcé.
Qu'aucun ne parte donc que sur quelque Troyenne
Il
n'ait vangé l'affront fait à l'époux d'Hélene ;
Et
si quelqu'un de nous parle encor de retour ;
S'il
renonce à l'honneur, qu'il soit privé du jour.
Atride, c'est à toi de ranger sous les armes
Tes
Soldats, désormais amoureux des allarmes.
Sépare les Tribus, & sans confusion,
Sous
un seul étendart mets chaque Nation.
D'un
secours mutuel que l’ordre soit le gage ;
Tu
pourras mieux alors discerner le courage ;
Et
si nous manquons Troye, on en jugera mieux
S'il
en faut accuser les mortels ou les Dieux.
Atride lui répond : Vieillard dont la sagesse,
Est
le plus ferrme appui, le salut de la Grece,
Ah !
de plus d'un Nestor que n'ai-je le secours !
Bien-tôt l'herbe, de Troye auroit couvert les Tours ;
Les
Dieux ne veulent pas m'accorder tant de joye ;
La
discorde en fureur sur mon Camp se déploye.
Moi-même à mon courroux immolant mon repos,
Je
ravis une esclave, & je perds un Héros ;
Mais, que dis-je, sans lui tout nous sera facile ;
Et
déjà votre ardeur me rend plus d'un Achille.
Vous
Grecs, tenez-vous prêts au combat entrepris ;
Ce
jour, de nos travaux va nous donner le prix ;
Qu'on dispose les chars, qu'on prépare les armes :
Il
faudra, tout le jour, affronter les allarmes ;
Et
certains du succès par le Ciel tant promis,
Porter le feu vangeur dans les murs ennemis.
Alors le bruit du Camp ressemblé au bruit des ondes,
Quand les vents échappez des cavernes profondes,
Du
choc bruyant des flots assiegeant les rochers,
Viennent confondre l'art des timides nochers ;
Tout
se disperse ; L'un à la tente s'arrête,
Prend un repas guerrier que lui-même il apprête ;
L'autre d'un sacrifice empruntant le secours,
Pense, en priant les Dieux, mieux pourvoir à ses jours.
Prêt à sacrifier, Agamemnon commande
Que
six Chefs qu'il choisît, soient présens à l’offrande,
Autour de la victime ils viennent se ranger,
Quand, levant le coûteau dont il va l'égorger,
Atride, au milieu d'eux, forme cette prière :
Ne sais point succéder la nuit à la lumière ;
Roi
des Dieux, que d'Hector je n'aye ouvert le flanc,
Que
les Grecs n'ayent noyé les Troyens dans leur sang ;
Et
que, privé de ceux qui pourroient le défendre,
Priam n'ait vû ses murs & ses palais en cendre.
Il
dit : mais Jupiter alors trop rigoureux,
Receut le sacrifice, & rejetta les vœux.
Sous le coûteau sacré tombe & meurt la victime ;
Elle
est livrée aux feux que sa graisse r'anime ;
On
la partage aux Chefs, on apporte le vin ;
Déja
le sacrifice est devenu festin.
Bien-tôt Nestôr se lève ! il est honteux qu'a table,
Nous
perdions, leur dit-il, un temps irréparable.
Que
tes Herauts, Atride, assemblent les Soldats ;
Et
nous, enflammons-les de la soif des combats.
Ce que Nestor conseille & Atride le commande :
Les
Hérauts diligents courent de bande en bande,
Tout
accourt à leur voix ; & les Chefs differents
Marquent à tous les corps leurs emplois & leurs rangs.
Minerve de l'éclat de l'Egide immortel,
Allume dans leurs cœurs une audace nouvelle ;
Par-tout chasse la Peur & les soins du retour ;
Fait
naître à son aspect le fier mépris du jour ;
Enflame, tous les Grecs d'une noble furie,
Et
du Champ de bataille, elle fait leur patrie.
Des Cignes du Caïste, on voit les bataillons,
A
flots tumultueux inonder les valons ;
De
cent battemens d'aîle ils expriment leur joye,
Et
frappent l'air de cris que l'écho leur renvoye.
Sur
les bords du Scamandre, ainsi les Argiens
Poussent cent cris rendus par les échos Troyens.
Atride les conduit, garand de leur fortune ;
On
le prendroit pour Mars, Jupiter ou Neptune.
Près
de lui s’éclipsoit l'éclat des autres Rois,
Sa
haute majesté justifioit leur choix.
En ce moment, Iris, plus vîte que Borée,
Messagere des Dieux, fend la plaine azurée :
Au
Palais de Priam, elle trouve assemblez
Tous
les Héros Troyens, par son ordre appellez.
Ils
consultoient. Iris prend les traits de Polite,
D'un
des fils de Priam, qui du tombeau d'Asite,
Observoit du Camp Grec les mouvemens divers,
Et
se présente au Roi sous, des dehors si chers.
Que servent, dit Iris, ces conseils trop tranquilles ?
Croyons-nous de la paix habiter les aziles ?
Les
Grecs impatiens de renverser nos tours,
Vont
prendre pour agir le temps de nos discours.
Oui,
j'ai vû s'avancer leurs troupes redoutables ;
Des
rives de la mer ils égalent les sables.
Leve-toi
cher Hector, préviens notre malheur ;
Il
faut du moins au nombre opposer ta valeur.
Rassemble les Soldats ; sois le guide & le maître
De
ceux que dans ses murs Ilion a vu naître.
Mille autres sont venus partager nos dangers ;
Fais
marcher sous leurs Chefs, ces Soldats étrangers ;
Et
du Camp Argien ne sussions-nous que l'ombre,
Que
l'ordre & la valeur nous tienne lieu de nombre.
Hector ne répond rien, mais court exécuter
Le
généreux conseil qu'Iris vient d'apporter,
De
Pergame à l’instant il fait ouvrir les portes,
Et
va sous les remparts disposer ses Cohortes.
Bien-tôt tout est en ordre, & d'un courage égal,
Les
deux Camps, du combat attendent le signal.