Chant XX. — Le combat recommence, tout
de suite Achille fait sentir aux Troyens sa valeur invincible. En vain
Énée se risque à vouloir arrêter sa marche meurtrière : le bouclier
d'Achille résiste à ses flèches, et le fils d'Anchise n'est
sauvé de la mort que par l'intervention de Neptune, qui l'entoure
d'un brouillard et l'enlève du champ de bataille. Hector lui-même ne
doit son salut qu'à un prodige semblable, accompli par Apollon. Et le
chant tout entier n'est rempli que de l'énumération des guerriers troyens qui tombent sous les coups du fils de Pelée.
Chant
XXI. — Ayant refoulé les Troyens jusque sur le rivage du fleuve
Scamandre, où un grand nombre d'entre eux périssent noyés, Achille
tue encore l'un des plus jeunes fils de Priam, Lycaon, en le précipitant
dans les eaux du fleuve. Alors celui-ci, désireux de venger la foule
des Troyens victimes du héros, se gonfle, bouillonne, et essaie
d'engloutir Achille. Ainsi s'engage le célèbre combat du héros grec
et du fleuve troyen.
Les
genoux d'Achille s'élevèrent en sursaut tandis qu'il s'élançait
droit contre le flot ; et le fleuve au large cours ne put le retenir,
tant était grande la force que Minerve avait jetée en lui. Mais le
Scamandre, lui non plus, ne relâcha point sa violence, et, avec plus de
fureur encore, il se précipita contre le fils de Pelée. Soulevant très
haut ses ondes, il les dressait en l'air, et exhortait son confluent le
Simoïs. En lui criant :
« Frère chéri, il faut que, tous les
deux, nous nous hâtions de briser la force de cet homme, puisqu'il veut
détruire au plus vite la grande cité du roi Priam, et que déjà. les
Troyens n'osent plus rester dans la bataille. Empresse-toi donc de me
venir en aide, et remplis mes flots des eaux de tes sources, et excite
tous tes torrents, et soulève une grande vague, et provoque un grand
fracas de troncs d'arbres et de pierres, afin que nous puissions vaincre
cet homme terrible qui déjà maintenant commence à triompher, et ose
affronter des exploits qui le rendent pareil aux dieux! Mais, je
l'affirme, ni sa force ne le servira, ni sa beauté, ni ces armes
magnifiques qui bientôt s'enfonceront quelque part au plus profond de
mon lit, recouvertes de boue ; et lui-même, je l'envelopperai de mes
sables et lui donnerai pour tombe une masse de débris, de façon que
les Grecs ne puissent pas recueillir ses os, tant je le couvrirai de
limon ! Et c'est là qu'il aura son sépulcre, sans avoir besoin désormais
que les Grecs creusent de la terre pour l'ensevelir! » |
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Ainsi
il parla, et tumultueusement il se précipita sur Achille, se dressa très
haut, bouillonnant d'écume, et de sang, et de corps d'hommes
morts. Bientôt une vague pourprée du fleuve issu de Jupiter se pressa,
très haute, et saisit le fils de Pelée. Mais Junon poussa un grand
cri, craignant beaucoup pour Achille, et redoutant que le grand fleuve
au lit profond ne finît par l'accabler ; et aussitôt elle s'adressa à
Vulcain, son cher fils :
« Lève-toi, Vulcain, mon fils,... hâte-toi
d'accourir à l'aide, et d'allumer une grande flamme ! Et moi, je vais
aller exciter une violente tempête du fond de la mer, qui puisse
consumer les Troyens ! »
Ainsi
parla Junon, et Vulcain prépara un immense incendie. Tout d'abord le
feu brûlait dans la plaine, consumant les nombreux cadavres qui
gisaient là entassés, abattus par la main d'Achille ; et toute la
plaine était dévastée... Puis
ce fut contre le fleuve que
Vulcain tourna sa flamme éclatante. On voyait brûler les ormes, et les
saules, et les tamaris, et déjà flambaient le lotus et les
joncs, et les souchets, qui croissaient en foule autour du
courant aimable du fleuve. Et les anguilles et les poissons étaient
consumés, qui vivaient dans le tourbillon de l'eau, nageant ça et là
au milieu des belles ondes : tout cela accablé sous les coups du sage
Vulcain. Et le fleuve puissant brûlait aussi, et il finit par implorer
Vulcain en ces termes :
« 0 Vulcain, aucun des dieux ne saurait
te résister ; et moi-même, à plus forte raison, je ne veux point
lutter avec toi, qui portes ce feu dévorant ! Renonce à ce combat, et
que le divin Achille chasse bientôt les Troyens de leur cité ! Qu'ai-je
à faire de lutter et de les secourir ? »
Vainqueur du Scamandre, Achille se remet
à poursuivre ce qui reste de l'armée troyenne, et finit par la
contraindre à rentrer dans ses remparts. |
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