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Le
divin protecteur des Troyens étant ainsi plongé dans le sommeil,
Neptune et Junon ne craignent
plus de prêter ouvertement leur secours, aux Grecs. Désormais c'est Ajax, fils de Télamon, qui répand la terreur
et la mort parmi l'armée troyenne. Hector lui-même reçoit une
blessure, qui l'éloigné momentanément du combat ; ses compagnons
l'emportent sur les rives du Xanthe, où il s'assoupit sur le sable, après
avoir vomi un grand flot de sang. Et bientôt son armée, sous les coups
des Grecs, est saisie d'épouvanté, et s'enfuit en désordre.
Chant. XV. — Mais,
quelque temps après, Jupiter se réveille. Furieux du mauvais tour que
lui a joué la déesse Junon, il promet d'apporter encore plus
d'acharnement à accabler les Grecs. Sur son ordre, Neptune est forcé
de se retirer loin de l'armée grecque, tandis qu'Apollon descend vers
Hector, le guérit de sa blessure, et redouble son ardeur au combat. De
nouveau Hector marche à la tête de ses troupes, guidé par Apollon,
qui n'est visible que pour lui. Et bientôt les Grecs, impuissants à
atteindre leurs ennemis, que protège l'égide du dieu, prennent peur, à leur tour, et s'enfuient
précipitamment à l'abri de ce qui subsiste de leurs remparts.
Chant XVI. — Pendant
que se poursuit cette mêlée terrible, le vaillant et généreux
Patrocle se sent pris d'un désir passionné de venir en aide à ses
compagnons grecs. Il sollicite et finit par obtenir d'Achille la
permission de se joindre à eux, avec toute l'armée des Myrmidons ; et
le héros consent même à lui prêter sa propre armure, avec
d'affectueuses paroles où nous sentons déjà comme un regret de sa résolution
de rester en dehors de la lutte.
Or Patrocle, aussitôt
parvenu sur le lieu de la bataille, épouvante les Troyens, qui le
prennent pour Achille à la vue de son armure ; et, grâce à lui, l'armée
grecque échappe à un désastre imminent ; mais Apollon, qui continue
à se tenir auprès d'Hector, s'élance sur le guerrier grec, lui assène
un coup violent entre les épaules, et, l'ayant fait tomber, le dépouille
de son casque et de sa cuirasse. |
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Alors Patrocle, dompté
par la lance et par le coup du dieu, se retira parmi la foule de ses
compagnons, afin d'échapper à la mort. Mais Hector, lorsqu'il vit le
magnanime Patrocle reculer, blessé d'un fer aigu, s'avança tout près
de lui jusqu'au milieu des rangs, et le frappa de sa lance dans le bas
du flanc, et le fer le transperça jusqu'au fond. Et Patrocle s'abattit
avec un grand bruit : et une grande tristesse accabla le peuple des
Grecs. Tel un lion qui a vaincu en bataille un sanglier infatigable, après
que tous deux ont combattu vaillamment sur la crête d'une montagne,
auprès d'une source... tel, après avoir tué maints autres guerriers,
Hector, fils de Priam, ôta la vie au vigoureux Patrocle, et le transperça
de sa lance. Et, s'enorgueillissant de sa victoire, il dit en paroles
ailées :
«
Ah misérable Patrocle, sûrement Achille avec toute sa valeur ne t'a
servi de rien, lui qui, sans doute, t'a donné ses ordres lorsque tu
venais ici tandis que lui-même restait là-bas, en te disant : Ne
reviens pas vers moi, Patrocle maître des chevaux, ne reviens pas vers
les vaisseaux grecs avant d'avoir arraché la cuirasse sanglante
d'Hector, le tueur d"hommes, autour de sa poitrine ! C'est ainsi
que, sûrement, il t'aura persuadé dans ta folie ! »
Alors, faiblement, le noble Patrocle lui répondit :
«
Tu as raison de te vanter abondamment à cette heure, Hector, car
Jupiter et Apollon t'ont donné la victoire, et m'ont accablé aisément,
ayant eux-mêmes enlevé mon armure de mes épaules. Mais si vingt
hommes tels que toi m'avaient attaqué, tous ils auraient péri
sur-le-champ, vaincus par ma lance. Et puis il y a une autre chose que
je vais te dire, et garde-la soigneusement dans ton cœur : en vérité,
toi-même tu n'as plus longtemps à vivre, mais déjà la mort se tient
debout près de toi, et le Destin commande que tu succombes sous les
mains du noble Achille, de la race d'Eaque ! »
Et, pendant qu'il parlait ainsi, l'ombre de la mort
i'enveloppa. Et son âme, s'échappant de ses membres, descendit aux
Enfers, tandis qu'elle gémissait sur sa destinée qui la forçait à
quitter vigueur et jeunesse. Mais l'illustre Hector lui
dit, lui
parlant même après
l'avoir vu
mourir :
«
Patrocle, pourquoi me prédis-tu ma dernière heure ? Qui sait si
Achille, l'enfant de Thétis aux tresses blondes, ne sera pas, le
premier, abattu par ma lance et condamné à perdre la vie ? » |
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