Chant Xlll. — Heureusement, les Grecs trouvent un appui précieux en Neptune, le dieu de la mer, qui les excite à reprendre courage, et leur promet de les assister. Grâce à lui, ils repoussent le terrible assaut des Troyens ; et lorsque ceux-ci font périr un petit-fils de Neptune, Amphimaque, le dieu, plus irrité encore, anime d'un courage intrépide le roi grec Idoménée, qui sème le carnage dans les rangs troyens.

Chant XIV. — En même temps Junon, malgré la défense de Jupiter, se résout à intervenir activement pour sauver les Grecs. Et puisque la victoire des Troyens n'est due qu'à l'appui de Jupiter, toujours assis au sommet du mont Ida, la déesse imagine d'endormir son mari, afin de pouvoir ensuite favoriser plus à l'aise ses protégés.

 Alors Junon, descendant du sommet de l'Olympe, se rendit à Lemnos, la cité du divin Thoas. Là elle trouva le Sommeil, frère de la Mort, et mit sa main dans la sienne, et lui dit, en l'appelant par son nom:

« Sommeil, maître de tous les dieux et de tous les hommes, si jamais tu as écouté ma parole, obéis-moi encore cette fois, et je t'en serai toujours reconnaissante ! Endors, je t'en prie, les yeux brillants de Jupiter sous ses sourcils, aussitôt que je me serai étendue près de lui. Et je te donnerai maints présents, et notamment un beau trône à jamais impérissable, un trône d'or que Vulcain le boiteux, mon propre fils, te façonnera habilement ; et sous lui sera installé un tabouret pour tes pieds ! »

 Après quoi tous les deux sortirent de la citadelle de Lemnos, enveloppés de brouillard, et promptement ils accomplirent leur route. Ils arrivèrent à la montagne de l'Ida riche en fontaines, mère des bêtes sauvages, puis à Lecton où pour la première fois ils quittèrent la mer ; et tous deux ensuite passèrent au-dessus de la terre sèche, et les cimes les plus hautes des forêts s'agitaient sous leurs pieds. Enfin le Sommeil s'arrêta avant que les yeux de Jupiter l'eussent aperçu, et descendit sur un très haut sapin, où il s'assit caché par les branches, sous la forme de l'oiseau au cri perçant que, sur les montagnes, les dieux appellent Chalcis, et les hommes chouette.

Cependant Junon s'éleva rapidement jusqu'aux plus hauts sommets de l'Ida, où se tenait Jupiter l'assembleur de nuages...

 Bientôt, Jupiter, serrant sa compagne dans ses bras, reposait tranquillement sur le sommet de l'Ida, dompté par le Sommeil. Mais le doux Sommeil s'élança et courut vers les vaisseaux des Grecs, afin d'annoncer la nouvelle au dieu qui tient et ébranle la terre. Et bientôt il fut près de lui, et lui dit, en paroles ailées :

« Hâte-toi, Neptune, viens en aide aux Grecs et donne-leur de la gloire au moins pour un petit intervalle de temps, pendant que Jupiter dormira : car j'ai répandu sur lui un sommeil plein de mollesse ! »

 Ainsi il dit,... et aussitôt Neptune s'élança en avant de l'armée, et, appelant très haut les hommes du premier rang, il leur dit :

« 0 Grecs, allons nous, une fois encore, laisser la victoire à Hector, fils de Priam, pour qu'il enlève nos vaisseaux, et se gagne de la gloire ? Allons, obéissez à mes ordres ! Armons-nous des meilleurs boucliers qui soient dans les camps, et recouvrons nos têtes de casques étincelants, et prenons en main les plus longues lances, et, ainsi préparés, avançons au combat ! »

Ainsi il parla, et les Grecs l'écoutèrent anxieusement et lui obéirent. Et ce furent les rois eux-mêmes qui les mirent en rang de bataille, tout blessés qu'ils fussent, et Ajax, et Ulysse, et Agamemnon fils d'Atrée.