La défaite des Grecs

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 Chant X. — Dès cette même nuit, en effet, Diomède et Ulysse, guidés par Minerve, sortent de leurs tentes et s'avancent vers les murs de Troie : tandis que, de leur côté, les Troyens envoient l'un des leurs, Dolon, pour aller épier les mouvements des Grecs. Mais à peine est-il sorti des remparts, que Diomède et Ulysse s'élancent sur lui, obtiennent de lui des renseignements précieux sur les projets des Troyens, et finissent par le tuer, en punition de sa lâche trahison. Ils ont appris de lui, notamment, l'endroit où campaient de nouveaux alliés des Troyens, les Thraces, commandés par leur roi Rhésus : aussi se dirigent-ils de ce côté, et bientôt Rhésus est tué, et les deux Grecs ramènent au camp les magnifiques chevaux qu'ils ont enlevés aux Thraces.

Chant XI. — Le lendemain, la bataille recommence, et Agamemnon se couvre de gloire en combattant au premier rang de l'armée grecque : mais Jupiter, qui continue de suivre les détails de la rencontre, fait savoir à Hector que la victoire lui appartiendra aussitôt qu'Agamemnon, blessé, remontera sur son char. En effet, Agamemnon est blessé, au bras, par la lance de l'un des innombrables Troyens qu'il fait périr : le sang qui coule de la plaie l'oblige à rentrer sous sa tente, et Hector reprend le cours de ses exploits meurtriers. En vain Ajax, fils de Télamon, veut s'élancer sur lui : Jupiter le frappe d'une terreur soudaine, et le contraint à s'enfuir.

 Ainsi ils combattaient, pareils à un feu allumé. Mais les chevaux de Nélée, tout couverts de sueur, emportèrent Nestor loin du combat, comme aussi Machaon, le berger de l'armée. Alors le noble Achille aux pieds légers l'aperçut : car Achille se tenait à la proue de son grand vaisseau, considérant la terrible mêlée de la bataille. Et aussitôt il parla à son ami et, compagnon, Patrocle, l'appelant à soi d'auprès du navire. Et Patrocle l'entendit, et sortit de la tente, semblable à Mars ; et ce moment-là fut, pour lui, le commencement de son malheur.

 Alors Achille aux pieds légers lui parla, et dit :

« Noble Patrocle, cher à mon cœur, j'ai l'idée qu'à présent les Grecs vont venir s'agenouiller en prière devant moi, car une détresse s'abat sur eux qu'ils ne pourront pas supporter plus longtemps. Mais toi, Patrocle cher à Jupiter, va maintenant, et demande à Nestor quel est le guerrier blessé qu'il ramène du combat ! »

 

 

  0r,lorsque Nestor et son compagnon arrivèrent à la tente du fils de Nélée, ils descendirent sur le sol, et l'écuyer Érymédon détacha du char les chevaux du vieillard ; et ils essuyèrent la sueur de leurs fronts, debout devant la brise, sur le rivage, et puis entrèrent dans la tente, et s'assirent sur des sièges. Et Hécamède aux belles tresses mélangea pour eux un breuvage, Hécamède que le vieux Nestor avait emmenée comme butin de Ténédos, quand Achille s'était emparé de cette ville ; et elle était la fille d'Arsinoüs au grand cœur, et les Grecs l'avaient choisie pour Nestor parce que toujours, dans le conseil, il les dépassait tous. D'abord elle attira devant eux une belle table bien polie, et puis y posa un vase de bronze, avec de l'oignon, et du miel pâle, et du grain d'orge sacré, et à côté de ce vase elle mit une très belle coupe, que le vieillard avait rapportée de chez lui, et cette coupe avait quatre anses, et autour de chacune d'elles deux colombes d'or étaient en train de se nourrir, et cette coupe était supportée par deux pieds. Un autre homme aurait eu peine à soulever la coupe sur la table, quand elle était remplie : mais le vieux Nestor la soulevait aisément. Et dans cette coupe la jeune femme, pareille aux déesses, mélangea pour eux un breuvage avec du vin de Priamnie ; et par-dessus le vin elle y râpa du fromage de lait de chèvre, avec une râpe de bronze, et répandit sur le tout de l'orge blanche, et les engagea à boire, lorsqu'elle eut fini de préparer le breuvage.

 C'est alors qu'arrive Patrocle, envoyé par Achille ; et le vieux Nestor lui fait un tableau si touchant delà détresse des Grecs que l'âme du généreux jeune homme en est toute remuée.

 Chant XII. — Poursuivant le cours de ses exploits, Hector s'avance de plus en plus loin parmi les rangs des Grecs ; et bientôt les Troyens attaquent et détruisent le rempart que leurs ennemis ont élevé autour de leurs navires, deux jours auparavant. Du côté des Grecs, les deux Ajax, l'un fils d'Oïle, l'autre fils de Télamon, font inutilement des prodiges de valeur ; dans l'armée troyenne, Sarpédon, fils de Jupiter, égale en bravoure Hector lui-même ; et c'est lui qui, le premier, franchit le rempart élevé par les Grecs. Ceux-ci, épouvantés, s'enfuient jusque sur leurs vaisseaux.