Les regrets d'Hélène

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La délibération se poursuit, et les Grèce, sur l'avis d'Agamemnon, prennent la résolution de tenter un dernier combat. Agamemnon, pour les encourager, leur offre un magnifique festin ; et le chant se termine par une longue énumération des principaux de ces chefs, comme aussi des chefs de l'armée troyenne et des peuples nombreux qui se sont alliés avec les Troyens.

Les deux armées se rangent en bataille : mais, au moment où elles vont s'attaquer, Hector leur propose, au nom de Paris, de remplacer la mêlée générale par un combat singulier de Paris lui-même et de Ménélas, de telle façon que le vainqueur obtienne à jamais la possession d'Hélène, unique cause de cette longue guerre.

 Or, Iris se rendit en messagère vers Hélène aux bras blancs, après avoir revêtu l'apparence d'une de ses belles-sœurs, Laodicée, la plus belle des filles de  Priam,  qu'avait  épousée le  puissant  Hélicaon,  fils  d'Anténor. Elle trouva Hélène dans sa maison, occupée à tisser un grand voile de pourpre à doubles contours, éclatant de beauté, et où elle représentait avec son fil maints combats des Troyens dompteurs de chevaux et des Grecs aux cuirasses d'airain, combats qu'ils avaient eu à soutenir à cause d'elle, sous la conduite de Mars. Et Iris aux pieds agiles, se tenant auprès d'elle, lui parla en ces termes : 

 

 

« Viens ici, ma chère sœur, afin que tu puisses voir les exploits admirables des Troyens dompteurs de chevaux et des Grecs cuirassés d'airain ! Eux qui, naguère, menaient entre eux des luttes meurtrières dans la plaine, avides de mortels combats, les voici maintenant assis en silence, car la guerre s'est arrêtée ; et les voici qui se penchent sur leurs boucliers, et, auprès d'eux, leurs hautes lances sont fichées en terre. Mais Paris et Ménélas, amis de Mars, vont combattre à ton sujet avec de longues lances ; et celui des deux qui vaincra, de celui-là tu seras appelée la chère femme ! »

Ainsi la déesse parla, et ces mots éveillèrent au cœur d'Hélène un doux regret de son premier mari, et de sa cité natale, et de ses parents. Aussitôt elle recouvrit son visage d'un voile éclatant de blancheur, et sortit de sa chambre, en versant une larme humide ; non point seule, d'ailleurs, car deux servantes la suivaient, Œthra, fille de Pithée, et la belle Clymène aux yeux de génisse. Bientôt elles arrivent à l'endroit où s'ouvrent les portes de Scées ; et là sont assis Priam, et Panthoüs, et Tymoetès, et Lampus, et Clytios et Hicétaon, rameau de Mars, et, avec eux, Ucalégon et Anténor, tous deux également sages, vénérable assemblée des aînés du peuple troyen. Leur vieillesse les a désormais obligés à renoncer aux combats ; mais tous sont d'excellents orateurs, pareils à des cigales qui, dans les bois, assises sous un arbre, font entendre leur voix suave comme le lys. Tels les aînés des Troyens se tenaient assis sur la tour ; et lorsqu'ils virent Hélène s'approcher d'eux, doucement ils se dirent l'un à l'autre, en paroles ailées :

« Hélas ! nous n'avons pas le droit de nous indigner de ce que les Troyens et les vaillants Achéens souffrent depuis longtemps tant de maux à cause d'une femme telle que celle-ci ! Car, en vérité, sa figure la fait ressembler aux déesses immortelles ? Mais, avec cela, telle qu'elle est, puisse-t-elle retourner sur leurs navires, et ne plus rester ici pour notre malheur, et pour celui de nos enfanta après nom.»