Chant XXIII
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Ainsi les Troyens gémissaient dans la ville. Cependant les Grecs parviennent bientôt jusqu'aux navires, vers les bords de l'Hellespont ; ils se répandent sur le rivage, et chacun va retrouver son vaisseau. Achille ne permet pas aux Thessaliens de se disperser, mais il dit à ses généreux compagnons :

     « Vaillants Thessaliens, ô mes amis les plus chers, ne dételons point encore les chevaux, mais avançons avec nos chars, et pleurons autour de Patrocle : c'est un honneur que l'on doit aux morts. Quand notre cœur sera rassasié de deuil et de larmes, nous détellerons nos coursiers, et nous prendrons le repas en ces lieux. »

     A ces mots, tous en foule s'avancent en pleurant ; Achille marche devant eux, et trois fois autour du cadavre ces guerriers affligés conduisent les chevaux à la flottante crinière. Thétis elle-même les excite à répandre des larmes : le sable est mouillé de pleurs, les pleurs inondent les armes des soldats ; tant ils regrettent un héros si vaillant. Achille, à leur tête, mène ce deuil lamentable ; et, posant ses mains terribles sur la poitrine de son ami, il s'écrie :

     « Réjouis-toi, ô Patrocle, même au sein des enfers : oui, j'accomplirai tout ce que je t'ai promis : Hector, traîné sur ce rivage, sera livré aux chiens pour être dévoré ; et, dans la colère que m'inspire ton trépas, j'immolerai sur ton bûcher douze des plus illustres enfants des Troyens . »

     A ces mots, il accable d'indignes outrages le cadavre d'Hector, et l'étend dans la poussière devant le lit de Patrocle ; ensuite tous les guerriers se dépouillent de leurs armes éclatantes d'airain, détellent les chevaux hennis-sants, et vont en foule s'asseoir près du vaisseau d'Achille, qui les convie au repas funèbre. De nombreux taureaux égorgés tombent sous le fer en mugissant ; un grand nombre de brebis, de chèvres bêlantes, de sangliers aux dents d'ivoire et couverts d'une graisse brillante, cuisent étendus devant les flammes de Vulcain. Le sang à pleine coupe est ré­pandu autour du cadavre.

    Alors le noble fils de Pelée est conduit auprès d'Agamemnon par les princes des Grecs, qui ne le persuadent qu'avec peine, tant son cœur est affligé du trépas de son ami. Dès qu'ils sont entrés dans la tente d'Agamemnon, ils ordonnent aux hérauts de placer sur le feu un large trépied, afin d'engager Achille à enlever le sang dont il est souillé ; mais le héros le refuse obstinément, et ajoute avec serment :

     «  J'en atteste Jupiter, le premier et le plus puissant des dieux, il ne m'est point permis de purifier ma tête dans l'onde avant d'avoir placé Patrocle sur le bûcher, avant de lui avoir élevé un tombeau et consacré ma chevelure. Non, jamais une telle douleur ne pénétrera dans mon âme tant que je serai parmi les vivants ; toutefois, consentons maintenant a prendre un triste repas ; et toi, roi des hommes, Agamemnon, ordonne qu'au lever de l'aurore on apporte le bois et qu'on dresse le bûcher, parce qu'il est juste que Patrocle mort obtienne cet honneur pour arriver au séjour des ténèbres ; mais, sitôt que la flamme l'aura dérobé à nos yeux, les peuples retourneront aux travaux de la guerre. »

    Il dit : les Grecs ont entendu ces paroles, et s'empressent d'obéir. Après avoir, à la hâte, préparé le repas, chacun se place, et tous ont une part égale au festin. Lorsqu'ils ont satisfait la faim et la soif, ils se retirent dans leurs tentes et s'abandonnent au repos.

    Au milieu de ses nombreux Thessaliens, le fils de Pelée, soupi­rant, s'était étendu sur les bords de la mer bruyante, en un lieu souillé de sang, et où les flots avaient lavé la plage, lorsque le doux sommeil, qui calme les peines de l'âme, se répand autour du héros ; car ses membres furent brisés de fatigue en poursuivant Hector devant les hauts remparts d'Ilion. Alors lui apparut l'âme du malheureux Patrocle ; c'était sa taille, ses yeux et sa voix, les mêmes habits dont il était revêtu : il s'arrête près de la tète d'Achille, et lui dit ces mots :

    « Tu dors, Achille ; est-ce que tu m'aurais oublié ? Jamais tu ne me négligeas durant ma vie, et tu me délaisses après ma mort ; célèbre promptement mes funérailles, afin que je franchisse les portes de l'Enfer. Les âmes, les images des morts me repoussent au loin, et ne me permettent point au delà du fleuve de me mêler à eux ; j'erre tristement devant le palais aux larges portes qu'habité Pluton : tends-moi, je t'en conjure, une main secourable. Hélas ! je ne reviendrai plus des royaumes sombres quand tu m'auras accordé les honneurs du bûcher : tous deux, pleins de vie, nous ne nous asseoirons plus loin de nos compagnons, pour consulter ensemble sur nos projets. Une funeste destinée, celle qui a présidé à ma naissance, s'est emparée de moi ; toi-même, ô divin Achille, ton sort est dépérir sous les murs des valeureux Troyens. Mais je te le dis et t'en supplie, cède à mes vœux : que mes os ne soient point séparés des tiens, Achille; qu'ils reposent ensemble, comme ensemble nous fûmes nourris dans tes demeures, lorsque, jeune encore, Ménétius me conduisit d'Oponte jusque dans ton palais, pour éviter la peine d'un meurtre, au jour où, malheureux, en jouant aux osselets, je tuai, sans le vouloir, le fils d'Amphidamas, dans un accès de colère. Alors le guerrier Pelée m'accueillit dans sa maison ; il m'éleva avec soin et me nomma ton écuyer. Ainsi donc, Achille, qu'un même tombeau reçoive nos ossements, et qu'ils soient renfermés dans cette urne d'or que te donna ton auguste mère. »

     L'impétueux Achille lui répond aussitôt : « Pourquoi venir en ces lieux, ô toi qui m'es si cher, pourquoi me prescrire ces devoirs ? Oui, je les accomplirai, oui, je ferai tout, ainsi que tu le désires ; mais approche, qu'un instant du moins nous puissions nous em­brasser et nous rassasier de larmes amères. »

    En disant ces mots, Achille lui tend les mains ; mais il ne peut le saisir, et l'âme dans le sein de la terre, comme une légère vapeur, s'échappe en frémissant. Achille se lève aussitôt, frappe ses mains à grand bruit, et, d'une voix lugubre, il s'écrie :

     « Grands dieux ! l'âme ou du moins son image existé donc dans les demeures de Pluton, quand le corps n'y réside plus. Durant toute la nuit l'âme du malheureux Patrocle m'est apparue gémis­sante et plaintive ; elle m'a prescrit tous ses ordres, et elle res­semblait merveilleusement à lui-même! »

     Il dit : ces paroles raniment dans tous les cœurs le désir de pleurer, et la brillante Aurore les retrouve gémissant au tour de ce cadavre si digne de pitié. Cependant Agamemnon ordonne que de toutes les tentes les hommes et les mules transportent le bois des funérailles ; un héros vaillant les conduit, Mérion, écuyer du généreux Idoménée. Ils s'avancent en portant dans leurs mains les haches tranchantes et les forts cordages ; les mules marchent devant eux ; ils gravissent des sentiers ardus, rapides, tortueux et difficiles. Quand ils sont parvenus dans les vallons de l'Ida, source d'abondantes fontaines, ils s'empressent d'abattre avec l'acier étincelant les chênes à la haute chevelure, qui tombent avec fracas. Les Grecs les  divisent, et les attachent sur les mules vigoureuses, qui, de leurs pieds creusant la terre, sont impa­tientes d'arriver dans la laine, à travers les épaisses broussailles. Tous ceux qui ont coupé le bois portent aussi de pesantes souches, comme l'avait ordonné Mérion, écuyer du généreux Idoménée. Arrivés, ils déposent en ordre le bois sur le rivage, à l'endroit même où Achille avait désigné la sépulture de Patrocle et la sienne.

     Quand ils ont déposé de toutes parts ce vaste amas de bois, les soldats en foule s'asseyent en attendant. Alors Achille commande aussitôt à ses vaillants Thessaliens de ceindre l'airain et d'atteler les coursiers aux chars ; ils se lèvent, et se revêtent de leur armure ; les chefs montent sur leur char, avec les écuyers ; ils s'avancent les premiers, et après eux suit une nuée de fantassins. Au milieu de tous ces guerriers Patrocle est porté par ses compagnons ; ils couvrent le cadavre de leurs longs cheveux, qu'ils répandent après les avoir coupés. Derrière eux le divin Achille soutient la tête de Patrocle ; il est accablé de tristesse, car c'est son ami fidèle qu'il conduit au tombeau.

     Lorsqu'ils sont parvenus à l'endroit qu'Achille leur avait désigné, ils déposent le cadavre, et se hâtent de dresser le vaste bucher. Alors une autre pensée s'empare du noble Achille : debout, loin du bûcher, il coupe sa blonde chevelure, qu'il laissait croître en abondance pour la consacrer au fleuve Sperchius, et, les yeux fixés sur le noir abîme des mers, il s'écrie avec douleur :

     « 0 Sperchius, c'est en vain que mon père Pelée te promit qu'à mon retour dans ma chère patrie je te consacrerais ma chevelure et t'immolerais une hécatombe sacrée ; il jura de sacrifier cinquante béliers près de ta source, où se trouvent ton champ séparé et ton autel parfumé : telles furent les promesses du vieil­lard; mais tu n'as pas accompli ses vœux. Maintenant donc, puisque je ne retournerai pas dans ma chère patrie, je veux consacrer ma chevelure au noble Patrocle. »

     En disant ces mots, Achille la dépose dans les mains de son ami, et le désir de pleurer se réveille dans tous les cœurs. Sans doute le soleil à son coucher les eût laissés dans les larmes, si Achille n'avait dit au roi Agamemnon :

     « Atride (car c'est à tes paroles que doit obéir tout le peuple grec), il est temps de mettre un terme à nos regrets ; éloigne maintenant les soldats du bûcher, et ordonne que l'on prépare le repas ; puis accomplissons les devoirs funèbres, nous à qui surtout appartient le soin de ce cadavre : que les chefs donc res­tent seuls auprès de nous.»

    A peine Agamemnon, roi des hommes, a-t-il entendu ces paroles, qu'aussitôt il renvoie les soldats vers les vaisseaux ; les chefs restent seuls, et ils entassent le bois ; ils dressent un bûcher, qui de tous côtés a cent pieds d'étendue ; et le cœur navré de tristesse ils déposent le cadavre sur la partie la plus élevée. On égorge, et l'on dispose devant le bûcher les grasses brebis et les bœufs aux pieds robustes ; alors, prenant la graisse de toutes les victimes, le magnanime Achille en recouvre le cadavre depuis les pieds jusqu'à la tête, et tout autour il amoncelle leurs membres sanglants ; puis il place les urnes remplies d'huile et de miel en les inclinant sur le lit funèbre, et, soupirant avec amertume, il précipite dans le bûcher quatre coursiers vigoureux : neuf chiens fidèles étaient nourris des restes de sa table ; il en immole deux, et les jette aussi dans le bûcher ; il immole avec le fer douze fils vaillants des guerriers troyens, car il avait résolu dans sa pensée et funestes desseins ; enfin, il porte sur le bûcher la flamme étincelante qui doit le consumer; et, nommant encore son ami, il s'écrie en gémissant :

     « Réjouis-toi, Patrocle, même au sein des enfers, car j'ai accompli tout ce que je t'avais promis. Douze fils vaillants des guerriers troyens seront avec toi dévorés par les flammes : je ne permettrai point qu'Hector soit la proie du bûcher, mais des chiens dévorants. »

     Telles étaient ses menaces : cependant les chiens n'approchaient point d'Hector ; Vénus, la fille de Jupiter, les éloignait et la nuit et le jour ; elle répandit une huile céleste et parfumée de rosés sur le corps de ce héros, afin qu'Achille ne pût le déchirer en le traînant sur la poussière, et Phébus, du haut des cieux, abaissant un épais nuage jusque dans la plaine, enveloppe tout l'espace qu'occupé le cadavre, pour que les nerfs et les membres ne soient point desséchés par l'ardeur du soleil.

     Cependant le bûcher de Patrocle ne pouvait s'enflammer ; alors le noble Achille conçoit une autre pensée : debout, loin du bûcher, il implore deux vents rapides, Borée et Zéphyr, et leur promet de pompeux sacrifices ; il répand avec une coupe d'or d'abondantes libations, et les supplie d'accourir pour allumer le bois qui doit consumer le cadavre. La déesse Iris entend ces vœux, et, prompte messagère, elle arrive auprès des Vents ; ceux-ci, rassemblés dans les palais du violent Zéphyr, se livraient a la joie des festins ; Iris dans son vol s'arrête sur le seuil de marbre : dès qu'ils l'ont aperçue, tous se lèvent aussitôt, et chacun l'appelle à ses côtés ; mais elle refuse de s'asseoir, et leur dit ces mots :

     « Je ne puis me reposer ; je vais vers le rapide Océan, jusqu'au pays des Éthiopiens, où ces peuples immolent aux dieux des hécatombes , car je veux participer a leurs offrandes ; cependant Achille te supplie d'accourir, Borée, et toi bruyant Zéphyr : il vous promet de pompeux sacrifices pour que vous embrasiez le bûcher sur lequel est couché Patrocle, que regrettent tous les Grecs. »

    Elle dit, et s'éloigne à l'instant. Ces Vents alors s'élancent avec fracas en poussant devant eux les nuages ; bientôt ils atteignent les mers, et les vagues s'élèvent a leur souffle retentissant : par­venus dans les riches campagnes de Troie, ils fondent sur le bûcher, et soudain le feu éclate avec fracas. Toute la nuit ils agitent la flamme en soufflant à grand bruit ; et toute la nuit Achille, en tenant une large coupe, puise le vin dans une urne d'or, fait des libations, qu'il répand sur la terre, en appelant l'âme du malheureux Patrocle. Comme un père se lamente quand il brûle les tristes restes de son fils nouvellement marié, et dont la mort a navré de douleur ses parents malheureux, de même Achille pleure en brûlant les os de son ami ; il se roule à terre autour du bûcher, et gémit avec amertume.

     Lorsque l'étoile matinale, annonçant la lumière au monde, parut suivie de l'aurore, qui étend son voile de pourpre sur les mers, le bûcher ne jetait plus qu'une lueur languissante, et la flamme s'était apaisée. Alors les vents retournent dans leurs demeures à travers l'Océan de Thrace, qui mugit en soulevant ses vagues. Le fils de Pelée, s'éloignant du bûcher, se couche, accablé de fatigues, et sur lui se répand le doux sommeil. Bientôt les héros se rassemblent en foule autour d'Agamemnon ; à leur ap­proche s'élèvent le bruit et le tumulte. Achille, réveillé, se lève, et dit aux chefs assemblés :

    « Atride, et vous, princes de tous les Grecs, éteignez avec un vin noir toutes les parties du bûcher que le feu consume encore ; rassemblons ensuite les os de Patrocle, fils de Ménétius, en les distinguant soigneusement ; ils seront faciles à reconnaître : ce héros reposait au milieu du bûcher, et sur les bords brûlaient au loin, confondus, les coursiers et les hommes. Plaçons ces os dans une urne d'or, après les avoir deux fois recouverts de graisse, jusqu'à ce que moi-même je descende dans le royaume de Pluton. Je ne veux point qu'on élève à Patrocle un vaste monument, il suffit d'une simple tombe ; mais souvenez-vous d'en construire une vaste et élevée, vous parmi les Grecs qui après ma mort quitterez ces lieux sur vos légers navires. »

        Il dit ; et chacun s'empresse d'obéir au fils de Pelée. D'abord ces guerriers éteignent avec un vin noir les parties du bûcher que la flamme avait parcourues, et les cendres amoncelées s'af­faissent aussitôt. Alors, en pleurant, ils recueillent dans une urne d'or les ossements de leur compagnon si plein de douceur, et deux fois les enveloppent de graisse : ils déposent l'urne dans la tente, et la recouvrent d'un léger voile ; puis ils marquent la place de la tombe, creusent les fondements autour du bûcher, et élèvent la terre en monceau. Le monument étant ainsi achevés les guerriers se séparent. Cependant Achille retient l'armée, la fait asseoir dans une vaste enceinte, et des navires on apporte les prix destinés aux jeux : les bassins, les trépieds, les chevaux, les mules, les bœufs au front robuste, les captives, ornées d'élégantes ceintures, et le fer étincelant.                                    

    D'abord Achille destine des prix superbes aux conducteurs des chars agiles ; il cède une captive, habile en toutes sortes d'ouvrages, et un vase à trois pieds garni de ses anses, contenant vingt-deux mesures, à celui qui sera le premier ; au second il cède une cavale indomptée, âgée de six ans, et portant un mulet dans son sein ; au troisième il réserve un riche bassin, non destiné au feu, qui contient quatre mesures, et qui est encore dans toute sa blancheur ; le quatrième aura deux talents d'or, et le cinquième une urne superbe non destinée au feu. Alors, debout au milieu des Argiens, Achille parle en ces mots :

    « Atride, et vous, vaillants capitaines des Grecs, voici dans cette enceinte les prix réservés aux écuyers vainqueurs. Si maintenant pour un autre guerrier les Grecs célébraient ces jeux, moi seul j'emporterais les premiers prix dans ma tente ; car vous savez combien sur tous les autres mes coursiers excellent en valeur, puisqu'ils sont immortels. Ce fut Neptune qui les donna à mon père Pelée, et mon père me les a confiés. Je resterai donc spectateur des combats, moi et mes chevaux impétueux. Hélas ! ils ont perdu la noble gloire du bienveillant écuyer qui souvent oi­gnait d'une huile brillante leur superbe crinière, après l'avoir lavée dans une onde limpide : immobiles, ils pleurent ce guide chéri ; leurs longs crins flottent en désordre dans la poudre, et ils sont accablés de tristesse. Cependant entrez dans la carrière vous qui, parmi les Grecs, êtes pleins de confiance en vos coursiers et en vos chars solides.»                                                          

     Ainsi parlait le fils de Pelée. Soudain s'avancent les écuyers rapides : le premier est Eumèle, roi des hommes, fils chéri d'Admète ; il excelle à conduire un char. Après lui vient le fort Diomède, fils de Tydée ; il met sous le joug les coursiers de Tros, que naguère il enleva à Énée, qui fut lui-même garanti de la mort par Apollon. Ensuite se lève le fils d'Atrée, l'illustre Ménélas ; il attelle deux nobles coursiers, Éthée, cavale d'Agamemnon et son fidèle Podarge. Échépolus, fils d'Anchise, donna Éthée à Agamemnon pour se dispenser de le suivre aux rivages du superbe Ilion, se réjouissant de rester dans ses foyers ; Jupi­ter l'avait comblé de richesses, et il habitait Sicyone, située au milieu d'une vaste plaine. Ménélas place sous le joug cette jeune cavale, impatiente de franchir la carrière. Le quatrième qui prépare ses coursiers aux crins ondoyants est Antiloque, noble fils de Nestor, roi puissant du sang de Nélée. Les chevaux vigoureux qui entraînent son char naquirent dans Pylos. A ses côtés, son père, Nestor, lui donne d'utiles conseils, quoique Antiloque soit lui-même rempli de sagesse.

    « Antiloque, dit-il, dès ta plus tendre enfance tu fus aimé de Jupiter et de Neptune ; eux-mêmes t'enseignèrent toutes les manières de diriger un char. Ainsi donc je n'ai pas grand besoin de t'instruire : tu sais avec dextérité tourner la borne ; mais tes chevaux sont pesants, et je redoute quelque accident funeste. Les coursiers de tes rivaux sont plus rapides ; mais les guerriers ne connaissent pas mieux que toi les ruses du combat. Courage, ami, rappelle en ton esprit toutes les ressources de la prudence, afin de ne pas laisser échapper le prix. L'ouvrier qui coupe le chêne doit plus à son adresse qu'à sa force ; c'est par son adresse que le pilote dirige sur la mer profonde le navire ballotté par les vents ; et par son adresse l'écuyer peut triompher de son rival. Celui qui se confie témérairement à ses coursiers et à son char erre ça et là sur la plaine : ses chevaux s'égarent dans la carrière, et il ne peut les retenir ; mais celui qui agit avec prudence, tout en conduisant des chevaux inférieurs, regarde sans cesse la borne, tourne tout auprès, et n'oublie pas comment il doit attirer à lui les fortes rênes, mais il les tient d'une main sûre et observe celui qui le devance. Je t'indiquerai clairement la borne, elle n'échappera point à ta vue : c'est là où tu vois s'élever de terre, à la hauteur de trois coudées, le tronc aride d'un chêne ou d'un pin qui n'est point encore pourri par la pluie ; des deux côtés sont des pierres blanches placées à l'endroit où le chemin se rétrécit, et tout autour la lice offre une surface unie : c'est sans doute la tombe d'un héros mort anciennement, ou peut-être une limite posée par les hommes des premiers âges ; aujourd'hui c'est la borne qu'a désignée l'impétueux Achille. En arrivant vers ce but, dirige tout auprès tes chevaux et ton char. Sur ton siège solide, penche-toi vers la gauche, anime de la voix le coursier qui est à ta droite, et que tes mains lui abandonnent les rênes. En même temps incline vers le but le coursier de gauche , en sorte que le moyeu de la roue brûlante semble effleurer la borne ; mais évite de heurter la pierre, dans la crainte de blesser tes chevaux ou de briser ton char : pour tes rivaux, ce serait une grande joie, et pour toi une honte. Mon fils, conserve toujours la prudence ; si, près de la borne, tu franchis le détroit en courant, nul ne pourra t'atteindre ou du moins te devancer : non, lors même que derrière toi un héros exciterait l'ardeur du noble Aréion, rapide coursier d'Admète, et d'une origine céleste, ou les chevaux impétueux de Laomédon, qui, vaillants, furent nourris sur ce rivage.

     Ainsi parle Nestor ; puis il va s'asseoir dans l'enceinte après avoir donné ces sages conseils à son fils.

      Mérion est le cinquième qui conduit ses chevaux à la flottante crinière. Alors les guerriers montent sur leurs chars, et jettent les sorts dans un casque ; Achille les agite : le premier qui parait est celui d'Antiloque, fils de Nestor; après lui vient le vaillant Eumèle ; le troisième est le fils d'Atrée, l'illustre Ménélas ; le quatrième est Mérion ; enfin le fils de Tydée, quoique le plus brave, est le dernier que désigne le sort : tous se placent de front. Achille leur montre de loin dans la plaine le but qu'ils doivent at­teindre ; puis il envoie comme observateur le vénérable Phénix, l'écuyer de son père, pour qu'il soit témoin de la course et rende un compte fidèle.

     Tous ensemble lèvent le fouet sur les chevaux, les frappent, et de la voix les excitent avec ardeur ; ces coursiers, loin des na­vires, se précipitent rapidement dans la plaine ; sous leur poitrine la poussière s'élève , comme un sombre nuage ou comme la tempête; leurs longues crinières flottent au souffle des vents, Les chars tantôt semblent se précipiter sur l'arène, tantôt être em­portés dans les airs. Les conducteurs sont immobiles sur leurs sièges, et, le cœur palpitant, ils brûlent de remporter la victoire. Chacun d'eux presse ses chevaux, qui volent en soulevant, la poussière de la plaine.

    Lorsque les rapides chevaux achevaient la dernière course, en revenant vers le rivage de la mer blanchissante, alors apparaît toute la valeur de chaque combattant, et la carrière s'étend de­vant les coursiers. D'abord s'élancent les promptes cavales d'Eumèle, aussitôt après se précipitent les mâles coursiers de Tros, que conduit Diomède ; ils ne sont qu'à une faible distance et suivent de si près, qu'ils semblent à chaque instant escalader le char qui les devance : de leur baleine ils échauffent le dos et les larges épaules d'Eumèle ; dans leur vol, ils touchent de leurs têtes le corps de ce guerrier. Sans doute le fils de Tydée allait ou vaincre ou partager la victoire, si le brillant Apollon, irrité contre lui, n'eût arraché des mains du héros le fouet étincelant. Des pleurs de rage coulent des yeux du héros irrité, quand il voit les cavales d'Eumèle s'élancer toujours avec plus de rapidité, et ses chevaux se ralentir, privés de l'aiguillon qui hâtait leur course. Cependant Minerve a découvert la ruse odieuse d'Apollon envers le fils de Tydée ; aussitôt elle accourt auprès de ce pasteur des peuples, lui rend le fouet, et inspire aux coursiers une nouvelle ardeur. Dans sa colère, la déesse poursuit le fils d'Admète, et brise le joug des cavales : aussitôt elles s'écartent des deux côtés du chemin, et le timon tombe dans la poudre. Eumèle est précipité du char près de la roue ; son bras, sa bouche et ses narines sont ensanglantés, et le front est déchiré au-dessus des sourcils ; ses yeux se remplissent de larmes, et il reste sans voix. Alors Diomède, détournant ses rapides coursiers, les pousse dans la carrière, et devance tous ses rivaux ; car Mi­nerve a rempli de force les chevaux de Diomède, et comble de gloire ce héros. Sur les pas du fils de Tydée se précipite le blond Ménélas, que suit Antiloque exhortant les coursiers de son père. « Élancez-vous, disait-il, hâtez votre course rapide : je ne vous ordonne point de disputer de vitesse avec les chevaux du fils de Tydée, puisque Minerve les a remplis de force, et comble de gloire ce guerrier ; mais du moins atteignez les coursiers d'Atride ; ne vous ralentissez pas, hâtez-vous, de peur qu'Éthée ne vous couvre de honte, quoiqu'elle ne soit qu'une faible jument. Pourquoi rester en arrière, coursiers intrépides ? Je le jure, et j'accomplirai ce serment, vous ne recevrez plus les soins de Nes­tor, pasteur des peuples, et lui-même vous immolera de son fer aigu, si par votre lâcheté nous ne remportons qu'un prix inférieur. Poursuivez donc Ménélas ; hâtez-vous avec rapidité : moi, j'userai de stratagème, je tâcherai de le devancer dans cet étroit passage, et il ne pourra m'échapper. »

     A ces mots, les coursiers, effrayés des menaces de leur maître, franchissent un plus grand espace en peu de temps. Aussitôt après le vaillant Antiloque voit le chemin creux se rétrécir ; là se trouvait une ornière où les pluies accumulées de l'hiver avaient rompu le chemin, et cet endroit n'offrait qu'un large fossé : c'est là que se dirigeait Ménélas, pour éviter la rencontre des autres chars ; mais Antiloque pousse ses chevaux vers le bord du ravin, et, se détournant un peu, il poursuit vivement sa course. Alors Atride, effrayé, s'écrie :

     « Antiloque, comme tu te précipites avec témérité ! Ah, plutôt, retiens tes chevaux : ici la route est trop resserrée ; bientôt dans une voie plus large tu me devanceras ; mais redoute maintenant de heurter ton char contre le mien et de les briser tous les deux. »

     Il dit ; cependant Antiloque anime encore davantage ses cour­siers , et les presse de l'aiguillon, comme s'il n'eût point entendu Ménélas. Autant que parcourt d'espace le jet d'un disque lancé par le bras d'un jeune homme qui essaye ses forces, autant volent en avant les chevaux d'Antiloque ; mais ceux d'Atride reculèrent ; lui-même cesse de les presser, craignant que les chevaux ne se blessent dans ce passage, que les chars ne soient renversés, et que les guerriers eux-mêmes ne tombent dans la poussière, en se disputant la victoire. Aussitôt Ménélas, indigné, s'écrie :

     « Antiloque, il n'est point de mortel plus perfide que toi. Va, c'est à tort que les Grecs vantaient ta sagesse ; toutefois tu ne remporteras pas le prix sans attester ton innocence par un ser­ment. »

    Ainsi parle Ménélas, et de la voix animant ses coursiers : « Ne me retardez point, dit-il, ne ralentissez pas votre course, quelle que soit votre douleur. Les chevaux d'Antiloque seront plus tôt que vous brisés par la fatigue, car tous les deux ont perdu leur jeunesse. »

     Les chevaux, saisis de crainte aux paroles de leur maître, redoublent de vitesse, et bientôt ils sont près des coursiers d'An­tiloque. Les Grecs, assis dans l'enceinte, considéraient les chars volant dans la plaine à travers un nuage de poussière. Alors Idoménée, chef des Crétois, le premier de tous aperçoit les coursiers ; car il était placé, hors de l'enceinte, sur un lieu élevé. Quoique dans l'éloignement, il entend, reconnaît la voix du vainqueur, et dis­tingue le coursier superbe qui s'avance le premier ; tout son corps est couvert d'un poil roux, et sur le front il porte une marque blanche arrondie, semblable à la lune ; aussitôt Idoménée se lève, et prononce ces paroles :

     « 0 mes amis, princes et chefs des Argiens, suis-je le seul qui aperçoive les chars, ou vous-mêmes les distinguez-vous comme moi? lime semble que ce sont d'autres chevaux qui s'élancent les premiers, un autre guerrier m'apparaît confusément. Sans doute elles auront éprouvé dans la plaine un accident funeste, les cavales qui jusque alors avaient été les premières. Je les ai vues d'abord tourner le but, et maintenant je ne puis les découvrir, en quelque endroit que je porte mes yeux, en regardant de tous côtés dans la plaine troyenne. Leur guide peut-être a-t-il aban­donné les rênes ; peut-être n'a-t-il pu contenir ses coursiers au­près de la borne, et n'a-t-il pas heureusement tourné ; je pense que c'est là qu'il est tombé, et que son char s'est fracassé ; sans doute saisies d'une fougue impétueuse, ses cavales l'ont emporté loin delà route. Levez-vous, regardez aussi; il est possible que je ne distingue pas bien ; mais il me semble que le premier de tous est un héros étolien qui commande parmi les Grecs, le fils du guerrier Tydée, l'intrépide Diomède. »

    Alors Ajax, fils d'Oilée, le reprenant avec aigreur :   

     «Idoménée, dit-il, pourquoi parler inconsidérément ? Sans doute, en avant de tous les autres, les cavales d'Eumèle fran­chissent la vaste plaine. Tu n'es pas le plus jeune parmi les Argiens, et tes regards ne sont pas très-perçants ; mais tu es tou­jours inconsidéré dans tes discours : il te sied mal de parler avec cette témérité. Il est ici d'autres guerriers qui l'emportent sur toi. Oui, comme auparavant, les cavales d'Eumèle sont encore les premières, et c'est lui qui s'avance en tenant les rênes. »

     Transporté décolère, le prince des Crétois lui répond aussitôt :

     « Ajax, guerrier habile a disputer, toi qui ne songes qu'au désordre, mais qui vaux moins que les autres Grecs, parce que ton esprit est indocile, déposons ici comme gage ou un vase ou un trépied, et tous deux prenons Agamemnon pour notre ar­bitre ; qu'il décide quels sont les coursiers qui s'avancent les pre­miers , et que tu l'apprennes à tes dépens. »

     Il dit : Ajax s'élance avec fureur, et se dispose à répondre des paroles outrageantes. Déjà une violente querelle allait s'allumer entre eux, si Achille ne se fût levé, et ne leur eût dit ces mots : « Ajax, Idoménée, cessez de vous adresser des paroles inju­rieuses et funestes ; ce n'est point là ce qui convient. Vous-mêmes blâmeriez tout autre qui agirait ainsi. Pour vous, assis dans cette enceinte, considérez les chars; bientôt les coursiers qui par leur rapidité se disputent la victoire se rendront ici ; alors cha­cun des Grecs reconnaîtra quels étaient les seconds, et quels étaient les premiers. »

    A peine a-t-il parlé que Diomède s'approche en poussant les chevaux, et ne cessant du fouet de frapper leurs épaules ; ceux-ci , emportés dans les airs, franchissent l'espace sans effort ; un nuage de poussière couvre leur guide ; le char, enrichi d'or et d'étain, vole entraîné par les coursiers fougueux, et les roues lais­sent à peine derrière elles un léger sillon dans la poudre légère, tant ils volent avec impétuosité. Bientôt Diomède paraît au milieu de l'enceinte ; la sueur de ses coursiers s'échappe de leur tète, de leur poitrine, et coule jusqu'à terre. Soudain le héros s'élance de son char étincelant, et incline le fouet contre le joug. Le brave Sthénélus n'hésite pas un instant, mais il s'empare aussitôt du prix ; puis il ordonne à ses compagnons de conduire la captive vers les vaisseaux, d'emporter le trépied orné de ses anses, et lui-même délie les coursiers.

    Après Diomède paraît le petit-fils de Nélée, Antiloque, qui par ruse, et non par vitesse, a précédé Ménélas ; Atride, cependant, le suivait à peu de distance. Autant un coursier est près de la roue, lorsqu'à travers la campagne il emporte son maître monté sur un char : les crins flottants de sa queue effleurent le cercle de la roue qui vole sur ses traces, et un court espace les sépare au milieu de la vaste plaine ; autant Ménélas s'est rapproché du magnanime Antiloque : d'abord il en était éloigné de tout le jet d'un disque, mais maintenant il l'atteint, car Éthée, à la crinière on­doyante , cette prompte cavale d'Agamemnon, a redoublé de force et d'ardeur. Si la lice se fût prolongée pour les concurrents, Ménélas aurait devancé son rival, et n'eût point laissé la victoire indécise. Mérion, noble écuyer d'Idoménée, suit l'illustre Ménélas à la portée d'un javelot ; ses chevaux ont une marche pesante, et lui-même est inhabile à guider un char dans la carrière ; enfin le fils d'Admète arrive le dernier de tous, traînant son char magnifique, et faisant devant lui marcher ses coursiers. Achille, l'apercevant, compatit à son malheur, et, debout au milieu des Argiens, il prononce ces mots :

    « Il est arrivé le dernier, ce héros le plus habile à conduire des coursiers vigoureux. Eh bien! qu'il reçoive le second prix, cette préférence est juste ; mais que le premier reste toujours au fils de Tydée. »

    Il dit : toute l'assemblée applaudit au discours d'Achille ; ce héros allait donner à Eumèle la cavale indomptée, car tous les Grecs approuvaient ce partage, lorsque Antiloque, fils du magnanime Nestor, se lève, et, réclamant ses droits, parle ainsi au fils de Pelée :

     « Oui, sans doute, Achille, je m'irriterai contre toi si tu accom­plis cette promesse, car tu prétends m'enlever le prix, te fondant sur ce que ce héros, quoique vaillant, a vu son char et ses nobles coursiers renversés ; mais il devait implorer les dieux, il ne serait point, en courant, arrivé le dernier. Si tu as pitié de son sort, et s'il plaît à ton cœur, il y a dans ta tente beaucoup d'or, il y a de l'airain, des troupeaux, il y a des esclaves et des coursiers aux pieds légers : parmi ces richesses, tu peux choisir une récom­pense plus belle encore que la mienne ; qu'il la reçoive à l'ins­tant, tous les Grecs t'applaudiront. Pour moi, je ne céderai point ma récompense : qu'il vienne me la disputer, celui de tous ces guerriers qui voudra combattre avec moi.»

     Le valeureux Achille sourit à ces mots ; et, charmé du noble courroux d'Antiloque, son compagnon chéri, il lui adresse ces paroles :

    « Antiloque, puisque tu veux que je prenne dans mes tentes une autre récompense pour Eumèle, j'accomplirai tes désirs. Je lui donnerai la cuirasse que j'enlevai autrefois à Astéropée ; elle est d'airain, et on a fait couler autour un étain éblouissant. Sans doute ce présent sera pour lui d'un grand prix. »

     Aussitôt Achille commande à Automédon, son compagnon fidèle, d'aller dans la tente et d'en rapporter la cuirasse : l'écuyer obéit, la donne au fils de Pelée, qui la remet dans les mains d'Eumèle ; et ce héros la reçoit avec joie.

     Cependant Ménélas se lève ; son cœur, plein de tristesse, est courroucé contre Antiloque. Un héraut place le sceptre entre ses mains, commande le silence aux Grecs ; et ce prince, semblable aux immortels, fait entendre ces mots :

    « Antiloque, autrefois si prudent, qu'as-tu fait ? Tu as terni ma gloire, et c'est en blessant mes chevaux que les tiens m'ont de­vancé, les tiens, qui leur étaient bien inférieurs. 0 vous, princes et chefs des Argiens, jugez-nous tous les deux dans cette enceinte, mais sans aucune faveur, et que jamais aucun des Grecs valeureux ne dise : Ménélas, irrité contre Antiloque, eut recours au mensonge pour lui ravir le prix de la course ; car si les chevaux d'Antiloque étaient moins rapides, ce héros l'emportait par l'a­ dresse et la force. Mais allons, moi-même je prononcerai le ju­gement, et nul parmi les enfants de Danaüs ne le blâmera, car il sera plein de droiture. Cependant, approche, Antiloque, noble enfant de Jupiter; et comme il est juste de le faire, devant tes coursiers et ton char, en tenant dans tes mains le fouet délié que tu agitais naguère, et touchant tes chevaux, jure par Neptune, qui de ses ondes enveloppe la terre, que tu fus emporté malgré toi, quand par une ruse tu arrêtas mon char. »

    Le sage Antiloque lui répond en ces mots :                                                

    « Pardonne maintenant, car je suis plus jeune que toi, ô roi Ménélas, qui l'emportes en âge et en puissance. Tu sais quelles sont les vivacités d'un jeune homme; son esprit est prompt, et  son jugement est faible. Toutefois, que ton cœur s'apaise, je te donnerai la superbe cavale que j'ai reçue, et si même tu désires d'autres richesses plus grandes, et qui m'appartiennent, je te les céderai, noble enfant de Jupiter, plutôt que d'être à jamais banni de ton cœur et de me rendre odieux aux immortels. »

     A l'instant le fils du magnanime Nestor conduit l'agile cavale et la présente à Ménélas : ce héros éprouve alors une douce joie. Comme la rosée rafraîchit les épis d'une haute moisson, lorsqu'ils frissonnent sur les guérets, ainsi, Ménélas, tu te réjouis dans ton cœur.

     « Antiloque, lui dit-il, c'est moi qui veux te céder, malgré ma colère : jusqu'à ce jour tu n'as été ni vain ni inconsidéré, aujourd'hui ta jeunesse à triomphé de ta raison : à l'avenir crains de tromper les guerriers qui te sont supérieurs. Aucun autre guerrier parmi les Grecs ne m'aurait si facilement apaisé ; mais pour ma cause tu as supporté de nombreux travaux et des combats terribles, toi, ton frère, et ton père vaillant. Je me rends donc à ta prière ; je te cède cette cavale, quoiqu'elle soit à moi, afin que toute l'armée apprenne que je ne porte point un cœur intraitable et superbe. »

     Aussitôt il permet à Noémon, l'écuyer d'Antiloque, d'emmener l'agile cavale ; lui s'empare du bassin resplendissant. Mérion, le quatrième, accepte deux talents d'or, qui lui sont échus en partage. Le cinquième prix restait : c'était une urne à double fond. Alors Achille la donna à Nestor ; et, traversant l'assemblée des Grecs, il lui dit :

     « Reçois aujourd'hui ce présent ; qu'il t'appartienne, ô vieillard, en mémoire des funérailles de Patrocle. Hélas ! tu ne le reverras plus parmi les Argiens. Je te donne ce prix, que tu n'as point disputé ; puisque tu ne peux ni combattre au pugilat, ni lutter, ni lancer le javelot, ni courir d'un pied vigoureux, car déjà te presse la pénible vieillesse. »

     En disant ces mots, il remet le prix entre les mains de Nestor ; celui-ci le reçoit avec joie, et, s'adressant à Achille, il lui dit ces mots :

     « 0 mon fils, tes discours sont pleins de sagesse. Il est vrai, mon ami, mes membres ont perdu leur vigueur ; mes pieds, mes bras, ne peuvent plus se mouvoir avec agilité. Ah ! que ne suis-je encore à la fleur de mon âge ! que n'ai-je encore ma force tout entière, comme autrefois, lorsque dans Buprase les Épéens célé­brèrent les funérailles du puissant Amaryncée, et que les fils de ce roi proposèrent des prix en son honneur ! Là nul héros ne fut égal à moi, ni parmi les Épéens, ni parmi les guerriers de Pylos, ni même parmi les Étoliens belliqueux. Au pugilat je vainquis Clytomède, fils d'Énops ; à la lutte, Ancée de Pleurone, qui osa me résister ; à la course je devançai Iphiclus, quoiqu'il fût vaillant ; au javelot, je triomphai de Phylée et de Polydore ; seulement à la course des chars les deux fils d'Actor obtinrent l'avantage, et l'emportèrent par le nombre, car ils enviaient avec ardeur cette victoire, pour laquelle on avait réservé les plus beaux prix. Ces guerriers étaient jumeaux ; l'un guidait les coursiers, il les guidait d'une main sûre ; et l'autre les excitait avec le fouet. Tel je fus jadis : maintenant c'est à de plus jeunes guerriers qu'appartiennent de tels exploits. Il me faut céder à la triste vieillesse ; mais autrefois je me distinguais entre les héros. Achille, célèbre les funérailles de ton compagnon par de nouveaux jeux. Pour moi, je reçois ce prix avec reconnaissance; mon cœur se réjouit que tu te ressouviennes d'un paisible vieillard, et que tu n'oublies point au milieu des Grecs de lui rendre les honneurs qu'il mérite. Puissent les dieux, en retour, te com­bler des plus douces faveurs ! »

     Il dit ; Achille s'avance dans la nombreuse assemblée des Grecs, après avoir entendu les louanges du fils de Nélée. Alors il propose les prix pour le terrible jeu du pugilat ; il conduit et at­tache dans le cirque une mule robuste de six ans, qui n'a point encore été sous le joug, et qui sera difficile à dompter ; ensuite il apporte pour le vaincu une coupe à double fond, et, debout ail milieu de l'enceinte, il parle ainsi aux Argiens :

     « Atride, et vous, Grecs valeureux, ordonnons que, parmi les plus braves, deux hommes vigoureux s'avancent, et qu'avec te poing tous deux se frappent en élevant les bras. Celui auquel Apollon donnera la victoire, et que tous les Grecs auront reconnu, conduira dans sa tente cette mule infatigable ; quant au vaincu, il recevra cette coupe à double fond. »

     A l'instant se lève un héros d'une grande force et d'une taille élevée, le fris de Panops, Épéus, habile au pugilat ; il saisit la mule vigoureuse, et s'écrie :

     « Qu'il approche celui qui désire cette large coupe ; je ne pense pas qu'aucun des Grecs prétende enlever cette mule en triom­phant au pugilat, car je me glorifie d'être le plus fort. N'est-ce pas assez que je ne sois qu'au second rang dans les batailles? Il n'est pas donné à l'homme d'exceller en toutes sortes de tra­vaux. Mais je le déclare, cela s'accomplira ; je déchirerai le corps de mon rival, et briserai ses os. Que ses compagnons se rassem­blent en foule autour de lui pour l'emporter quand il sera vaincu par mon bras. »

Ainsi parle Épéus, et tous gardent le silence. Le seul Euryale  s’avance, semblable à un dieu, Euryale fils de Mécistée, issu du roi Talaïon, et qui jadis se rendit à Thèbes quand on célé­brait les funérailles d'OEdipe : là il vainquit tous les enfants de Cadmus. Le vaillant Diomède l'accompagne et l'encourage par ses discours ; car il désire qu'Euryale soit vainqueur. Il l'entoure d'une large ceinture, et lui donne de fortes courroies, dé­pouille d'un bœuf sauvage. Les deux rivaux, entourés de leur ceinture, s'avancent dans l'arène; ils lèvent à la fois l'un contre l'autre leurs bras vigoureux, qui tombent ensemble, et leurs mains pesantes se confondent. Le bruit de leurs mâchoires se fait entendre, et de toutes parts la sueur coule de leurs membres. Mais Épéus se précipite et frappe à la joue Euryale, qui cher­chait à l'éviter ; celui-ci ne résiste point à ce coup, et ses membres robustes se dérobent sous lui. Ainsi au souffle frémissant de Borée, le poisson s'agite sur l'algue du rivage, où le recouvrent les vastes flots ; de même s'agite ce guerrier blessé. Alors le magnanime Épéus le prend par la main, et le relève : les amis d'Euryale s'empressent autour de lui, et l'emmènent à travers le cirque, où ses pieds traînent dans la poussière ; il vomit un sang noir, et sa tète se balance des deux côtés ; enfin il s'éva­nouit entre les bras de ceux qui le conduisent. Cependant ses compagnons s'emparent de la coupe à double fond.

     Le fils de Pelée montre ensuite aux enfants de Danaüs les troisièmes prix destinés aux pénibles jeux de la lutte ; il réserve pour le vainqueur un trépied destiné au feu, les Grecs l'esti­ment valoir douze bœufs : pour le vaincu il place dans le cirque une captive, habile en toutes sortes d'ouvrages, et qu'on estimait valoir quatre bœufs. Debout, au milieu de l'assemblée, Achille s'écrie :

     « Approchez, ô guerriers qui voulez tenter la fortune de ce combat. »

    Il dit : aussitôt se présente le grand Ajax, fils de Télamon, et se lève aussi le prudent Ulysse, fertile en ruses. Tous deux, entourés d'une ceinture, s'avancent dans le cirque et s'embrassent l'un l'autre de leurs mains vigoureuses. Telles sont au sommet d'un édifice deux fortes poutres qu'un ouvrier habile a réunies pour braver l'impétuosité des vents. On entend leurs dos cra­quer sous l'effort de leurs mains entrelacées ; ils sont baignés de sueur ; des tumeurs empourprées de sang s'élèvent sur leurs flancs et sur leurs épaules : tous les deux désirent avec ardeur la victoire pour obtenir le superbe trépied. Ulysse ne peut ébran­ler ni terrasser son rival, Ajax ne peut triompher de la force d'Ulysse. Mais lorsqu'ils sont près de lasser la patience des va­leureux Grecs, le fils de Télamon s'écrie :

     « Noble fils de Laërte, astucieux Ulysse, ou enlève-moi, ou que je t'enlève moi-même ; Jupiter prendra soin du reste. »

     En parlant ainsi Ajax soulève son rival ; mais Ulysse n'oublie point la ruse : avec son pied il frappe Ajax au jarret, lui fait plier les genoux, le renverse et tombe sur le sein du guerrier : toute l'armée est frappée d'admiration et d'étonnement. Ulysse, à son tour, veut soulever Ajax ; mais à peine lui fait-il perdre la terre, il ne peut l'enlever ; ses genoux fléchissent ; tous les deux, près l'un de l'autre, tombent sur l'arène et sont souillés de pous­sière. Déjà ils se relevaient pour lutter encore ; mais Achille s'ap­proche, et, les retenant :

     « Ne luttez pas davantage , leur dit-il, ne vous fatiguez point à ces combats si funestes : la victoire est à tous les deux ; recevez des prix égaux, et que les autres Grecs combattent à leur tour. »

    Il dit ; et les deux guerriers obéissent à sa voix : ils enlèvent la poussière dont ils sont couverts, et reprennent leurs vêtements.

     Achille alors offre des prix pour la course ; le premier est une urne d'argent, travaillée avec art, et qui contient six mesures il n'en est point sur toute la terre qu'elle ne surpasse de beaucoup en beauté, car les habiles ouvriers de Sidon la travaillèrent avec soin : les Phéniciens traversant les vastes mers la portèrent dans divers ports, et la donnèrent en présent à Thoas ; Eunée, fils de Jason, la céda ensuite au guerrier Patrocle pour être la rançon de Lycaon, fils de Priam ; et aujourd'hui Achille veut qu'aux funérailles de son ami elle soit la récompense du guer­rier le plus léger à la course ; le second prix est un bœuf immense et longtemps engraissé ; le dernier est un demi-talent d'or. Achille s'avance au milieu des Argiens, et leur dit :

     « Approchez, ô guerriers qui voulez tenter la fortune de ce combat. »

    A l'instant s'avancent et le rapide Ajax, fils d'Oïlée, et le prudent Ulysse, et le fils de Nestor, Antiloque, de tous les jeunes guerriers le plus agile à la course ; ils se placent de front, et Achille désigne le but. Du point de départ s'étend pour eux une longue carrière. D'abord le fils d'Oïlée s'élance avec rapi­dité; Ulysse se précipite après lui, et le suit de près; de même que du sein de l'ouvrière habile est rapproché le rouleau du métier que de ses mains elle tend avec force, en attirant à elle le fil de la chaîne, et le tient prés de sa poitrine, autant Ulysse est rapproché du fils d'Oïlée ; ses pieds couvrent les pas d'Ajax avant que la poussière s'élève dans les airs. Le divin Ulysse, en cou­rant toujours avec rapidité, exhale son baleine sur la tête de ce jeune rival. Tous les Grecs applaudissent à son ardeur pour la victoire, et encouragent ce héros qui hâte sa course. Lorsqu'ils touchent au terme de la carrière, Ulysse implore en son cœur la belle Minerve :

     « Exauce-moi, dit-il, déesse bienfaisante ; viens seconder ma course. »

     Il dit ; Pallas entend sa prière, elle ranime les membres du héros, et rend ses pieds et ses mains plus agiles. Lorsque les guerriers étaient sur le point de saisir les prix glorieux, Ajax glisse en courant, car Minerve l'a frappé, et il tombe dans un ter­rain où se trouvait répandue la fiente des bœufs qu'Achille avait immolés pour les funérailles de Patrocle. Sa bouche et ses narines en sont souillées. Aussitôt le sage Ulysse s'empare de la coupe, car il est arrivé le premier, l'illustre Ajax saisit le bœuf. Alors debout, tenant avec ses mains les cornes du bœuf sauvage, et sa bouche rejetant la fange, il dit, au milieu des Argiens rassemblés :

     « Grands dieux ! c'est Minerve qui m'a frappé les pieds, elle qui sans cesse, comme une tendre mère, assiste Ulysse et lui est secourable, »

    Il dit ; et tous les Grecs rient de son accident. Antiloque reçoit le dernier prix en souriant aussi ; puis il adresse aux Grecs ces paroles :

     « A vous qui le savez déjà, mes amis, laissez-moi vous dire combien, même encore à présent, les dieux honorent les vieillards : Ajax est un peu plus âgé que moi, et Ulysse est de la gé­nération précédente; mais on sait qu'Ulysse est un vieillard vigoureux : il serait difficile aux Grecs de le vaincre a la course, à moins que ce ne fût Achille. »

    C'est ainsi qu'il honorait le valeureux fils de Pelée. Alors Achille lui répond en ces mots :

    « Antiloque, ce n'est pas en vain que tu m'auras donné cet éloge, et j'ajoute à ta récompense un demi-talent d'or.»

     Aussitôt il remet ce nouveau prix entre les mains d'Antiloque : celui-ci le reçoit avec joie ; ensuite le fils de Pelée porte au milieu de l'enceinte une longue lance, un bouclier et un casque, ar­mure de Sarpédon, que Patrocle lui avait enlevée, et il dit à tous les Argiens :

     « Ordonnons que deux guerriers, parmi les plus braves, revê­tent leurs armes, et qu'avec l'airain tranchant ils combattent à l'envi en présence de la foule : le premier qui déchirera la peau délicate, et qui à travers l'armure fera couler le sang de son rival, je lui donnerai ce superbe glaive de Thrace, orné de clous d'argent, et qu'autrefois je ravis à Astéropée ; les deux combat­tants ensuite se partageront les dépouilles de Sarpédon, et je leur offrirai dans ma tente un splendide repas. »

     Après qu'il a parlé, le grand Ajax, fils de Télamon, se lève, et de son côté le puissant Diomède en fait autant ; après qu'à l'écart de l'armée ils ont revêtu leurs armes, tous deux, brûlant de combattre, s'avancent au milieu de l'assemblée ; leurs regards sont terribles, et les Grecs sont frappés de crainte ! Lorsque, marchant l'un vers l'autre, ils se sont rejoints, trois fois ils s'élancèrent, et trois fois ils en vinrent aux mains de près. Enfin Ajax perce le bouclier uni de Diomède, mais n'atteignit point le corps du guerrier, que protège sa cuirasse. Le fils de Tydée dirige ensuite sa lance au-dessus du large bouclier, et la pointe étincelante effleure le cou d'Ajax. Alors tous les Grecs, craignant pour ce héros, commandent de cesser le combat et d'emporter des récompenses égales : cependant Achille donne à Diomède le glaive superbe, avec le fourreau et le baudrier éclatant.

    Alors le fils de Pelée apporte un bloc, masse telle qu'elle sortit de la fournaise, et que lançait autrefois le vigoureux Éétion ; après qu'Achille eut immolé ce prince, il transporta ce bloc dans ses navires, avec les autres richesses ; maintenant il se lève, et fait entendre ces paroles :

    « Approchez, ô guerriers qui voulez tenter la fortune de ce combat ; celui qui sera maître de ce bloc, lors même qu'il posséderait une vaste étendue de champs fertiles, aura du fer à son usage durant cinq années ; pendant tout ce temps ni le labou­reur ni le berger n'en manqueront, et ne seront pas obligés d'aller à la ville prochaine : ce bloc leur en fournira abondamment. » Il dit ; aussitôt s'avance Polypétès, inébranlable dans les com­bats ; il est suivi de Léontée, dont la force égale celle des dieux ; d'Ajax, fils de Télamon ; et du noble Épéus. Ils se placent en ordre; d'abord Épéus saisit le bloc, et le lance en le faisant pirouetter dans les airs ; à cette vue une risée générale s'élève parmi les Grecs. Après lui c'est Léontée, rejeton du dieu Mars, qui lance le bloc ; le troisième est le fils de Télamon, qui, d'une main vigoureuse, dépasse les marques des deux premiers ; enfin le fort Polypétès s'empare du bloc : autant que franchit d'espace la houlette du berger, lorsqu'il la lance en tourbillonnant au milieu de ses génisses, autant dans la carrière Polypétès devance ses rivaux. Tous les soldats applaudissent par leurs cris, et les compagnons du fort Polypétès emportent dans les navires le glorieux prix de ce roi.

     Ensuite Achille destine aux archers l'acier rembruni, et il dépose dans l'enceinte dix cognées à deux tranchants et dix cognées simples ; puis il dresse au loin dans le sable un mât de vaisseau à la proue azurée ; au sommet de ce mât une trem­blante colombe est attachée par le pied avec une corde légère : c'est vers ce but qu'il ordonne de diriger les flèches. « Celui, dit-il, qui frappera la timide colombe emportera dans sa tente les cognées à deux tranchants ; mais celui qui, en s'éloignant de l'oiseau, n'atteindra que la corde qui le retient, comme moins adroit, ne recevra que les cognées simples. »

     Il dit. Le roi Teucer et Mérion, noble écuyer d'Idoménée, s'avancent à l'instant; ils agitent les sorts dans un casque d'airain : Teucer est le premier que désigne le sort. Soudain il lance sa flèche avec vigueur ; mais il ne promet point à Phébus une illustre hécatombe de jeunes agneaux : il manque la colombe, et ce dieu le prive d'atteindre le but ; mais il frappe la corde près du pied par lequel l'oiseau était attaché, et la pointe acérée coupe en eux le lien. La colombe s'envole dans les cieux, et la corde vole vers la terre. Alors tous les Grecs applaudissent. Mérion, se hâtant, enlève l'arc des mains de Teucer ; car il tenait déjà la flèche tout prêt à la lancer. Aussitôt il promet au puissant Apol­lon une illustre hécatombe de jeunes agneaux ; il suit de l'œil la colombe au sein des nuages, et tandis qu'elle volait en tour­noyant dans les airs, il l'atteint dans le milieu du corps au-des­sous de l'aile ; le trait la traverse de part en part, et vient ensuite tomber aux pieds de Mérion. L'oiseau s'arrête un instant sur le mât du navire à la proue azurée, le cou penché et les deux ailes étendues ; mais à peine a-t-il exhalé le souffle de la vie qu'il tombe du haut de ce mât élevé : toute l'armée à ce spectacle est frappée d'admiration. Mérion enlève les dix cognées à deux tranchants, et Teucer emporte les cognées simples dans ses larges navires.

     Enfin Achille apporte une longue lance avec un vase non destiné au feu, du prix d'un bœuf, et les place dans l'enceinte. Les deux guerriers qui doivent lancer le javelot se présentent aus­sitôt : c'est Agamemnon, fils d'Atrée, et Mérion, fidèle écuyer d'Idoménée. Alors le divin Achille leur tient ce discours :

     « Atride, nous le savons, tu l'emportes sur tous, tu es le plus habile par ta force et par ton adresse à lancer un trait : reçois donc ce prix ; qu'il soit déposé dans tes navires, et donnons cette lance au brave Mérion, si toutefois telle est ta volonté : pour moi, c'est la ce que je propose. »

     Il dit, et Agamemnon ne s'y refuse point. Il donne à Mérion la lance d'airain, et remet à son héraut Talthybius le vase magnifique.

  ς οἳ μὲν στενάχοντο κατὰ πτόλιν· αὐτὰρ Ἀχαιοὶ
ἐπεὶ δὴ νῆάς τε καὶ Ἑλλήσποντον ἵκοντο,
οἳ μὲν ἄρ᾽ ἐσκίδναντο ἑὴν ἐπὶ νῆα ἕκαστος,
Μυρμιδόνας δ᾽ οὐκ εἴα ἀποσκίδνασθαι Ἀχιλλεύς,
5
ἀλλ᾽ ὅ γε οἷς ἑτάροισι φιλοπτολέμοισι μετηύδα·
Μυρμιδόνες ταχύπωλοι ἐμοὶ ἐρίηρες ἑταῖροι
μὴ δή πω ὑπ᾽ ὄχεσφι λυώμεθα μώνυχας ἵππους,
ἀλλ᾽ αὐτοῖς ἵπποισι καὶ ἅρμασιν ἆσσον ἰόντες
Πάτροκλον κλαίωμεν· ὁ γὰρ γέρας ἐστὶ θανόντων.
10
αὐτὰρ ἐπεί κ᾽ ὀλοοῖο τεταρπώμεσθα γόοιο,
ἵππους λυσάμενοι δορπήσομεν ἐνθάδε πάντες.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ὤιμωξαν ἀολλέες, ἦρχε δ᾽ Ἀχιλλεύς.
οἳ δὲ τρὶς περὶ νεκρὸν ἐΰτριχας ἤλασαν ἵππους
μυρόμενοι· μετὰ δέ σφι Θέτις γόου ἵμερον ὦρσε.
15
δεύοντο ψάμαθοι, δεύοντο δὲ τεύχεα φωτῶν
δάκρυσι· τοῖον γὰρ πόθεον μήστωρα φόβοιο.
τοῖσι δὲ Πηλεΐδης ἁδινοῦ ἐξῆρχε γόοιο
χεῖρας ἐπ᾽ ἀνδροφόνους θέμενος στήθεσσιν ἑταίρου·
χαῖρέ μοι ὦ Πάτροκλε καὶ εἰν Ἀΐδαο δόμοισι·
20
πάντα γὰρ ἤδη τοι τελέω τὰ πάροιθεν ὑπέστην
Ἕκτορα δεῦρ᾽ ἐρύσας δώσειν κυσὶν ὠμὰ δάσασθαι,
δώδεκα δὲ προπάροιθε πυρῆς ἀποδειροτομήσειν
Τρώων ἀγλαὰ τέκνα σέθεν κταμένοιο χολωθείς.
ἦ ῥα καὶ Ἕκτορα δῖον ἀεικέα μήδετο ἔργα
25
πρηνέα πὰρ λεχέεσσι Μενοιτιάδαο τανύσσας
ἐν κονίηις· οἳ δ᾽ ἔντε᾽ ἀφωπλίζοντο ἕκαστος
χάλκεα μαρμαίροντα, λύον δ᾽ ὑψηχέας ἵππους,
κὰδ δ᾽ ἷζον παρὰ νηῒ ποδώκεος Αἰακίδαο
μυρίοι· αὐτὰρ ὁ τοῖσι τάφον μενοεικέα δαίνυ.
30
πολλοὶ μὲν βόες ἀργοὶ ὀρέχθεον ἀμφὶ σιδήρωι
σφαζόμενοι, πολλοὶ δ᾽ ὄϊες καὶ μηκάδες αἶγες·
πολλοὶ δ᾽ ἀργιόδοντες ὕες θαλέθοντες ἀλοιφῆι
εὑόμενοι τανύοντο διὰ φλογὸς Ἡφαίστοιο·
πάντηι δ᾽ ἀμφὶ νέκυν κοτυλήρυτον ἔρρεεν αἷμα.
35
αὐτὰρ τόν γε ἄνακτα ποδώκεα Πηλεΐωνα
εἰς Ἀγαμέμνονα δῖον ἄγον βασιλῆες Ἀχαιῶν
σπουδῆι παρπεπιθόντες ἑταίρου χωόμενον κῆρ.
οἳ δ᾽ ὅτε δὴ κλισίην Ἀγαμέμνονος ἷξον ἰόντες,
αὐτίκα κηρύκεσσι λιγυφθόγγοισι κέλευσαν
40
ἀμφὶ πυρὶ στῆσαι τρίποδα μέγαν, εἰ πεπίθοιεν
Πηλεΐδην λούσασθαι ἄπο βρότον αἱματόεντα.
αὐτὰρ ὅ γ᾽ ἠρνεῖτο στερεῶς, ἐπὶ δ᾽ ὅρκον ὄμοσσεν·
οὐ μὰ Ζῆν᾽, ὅς τίς τε θεῶν ὕπατος καὶ ἄριστος,
οὐ θέμις ἐστὶ λοετρὰ καρήατος ἆσσον ἱκέσθαι
45
πρίν γ᾽ ἐνὶ Πάτροκλον θέμεναι πυρὶ σῆμά τε χεῦαι
κείρασθαί τε κόμην, ἐπεὶ οὔ μ᾽ ἔτι δεύτερον ὧδε
ἵξετ᾽ ἄχος κραδίην ὄφρα ζωοῖσι μετείω.
ἀλλ᾽ ἤτοι νῦν μὲν στυγερῆι πειθώμεθα δαιτί·
ἠῶθεν δ᾽ ὄτρυνον ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγάμεμνον
50
ὕλην τ᾽ ἀξέμεναι παρά τε σχεῖν ὅσσ᾽ ἐπιεικὲς
νεκρὸν ἔχοντα νέεσθαι ὑπὸ ζόφον ἠερόεντα,
ὄφρ᾽ ἤτοι τοῦτον μὲν ἐπιφλέγηι ἀκάματον πῦρ
θᾶσσον ἀπ᾽ ὀφθαλμῶν, λαοὶ δ᾽ ἐπὶ ἔργα τράπωνται.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα τοῦ μάλα μὲν κλύον ἠδὲ πίθοντο.
55
ἐσσυμένως δ᾽ ἄρα δόρπον ἐφοπλίσσαντες ἕκαστοι
δαίνυντ᾽, οὐδέ τι θυμὸς ἐδεύετο δαιτὸς ἐΐσης.
αὐτὰρ ἐπεὶ πόσιος καὶ ἐδητύος ἐξ ἔρον ἕντο,
οἳ μὲν κακκείοντες ἔβαν κλισίην δὲ ἕκαστος,
Πηλεΐδης δ᾽ ἐπὶ θινὶ πολυφλοίσβοιο θαλάσσης
60
κεῖτο βαρὺ στενάχων πολέσιν μετὰ Μυρμιδόνεσσιν
ἐν καθαρῶι, ὅθι κύματ᾽ ἐπ᾽ ἠϊόνος κλύζεσκον·
εὖτε τὸν ὕπνος ἔμαρπτε λύων μελεδήματα θυμοῦ
νήδυμος ἀμφιχυθείς· μάλα γὰρ κάμε φαίδιμα γυῖα
Ἕκτορ᾽ ἐπαΐσσων προτὶ Ἴλιον ἠνεμόεσσαν·
65
ἦλθε δ᾽ ἐπὶ ψυχὴ Πατροκλῆος δειλοῖο
πάντ᾽ αὐτῶι μέγεθός τε καὶ ὄμματα κάλ᾽ ἐϊκυῖα
καὶ φωνήν, καὶ τοῖα περὶ χροῒ εἵματα ἕστο·
στῆ δ᾽ ἄρ᾽ ὑπὲρ κεφαλῆς καί μιν πρὸς μῦθον ἔειπεν·
εὕδεις, αὐτὰρ ἐμεῖο λελασμένος ἔπλευ Ἀχιλλεῦ.
70
οὐ μέν μευ ζώοντος ἀκήδεις, ἀλλὰ θανόντος·
θάπτέ με ὅττι τάχιστα πύλας Ἀΐδαο περήσω.
τῆλέ με εἴργουσι ψυχαὶ εἴδωλα καμόντων,
οὐδέ μέ πω μίσγεσθαι ὑπὲρ ποταμοῖο ἐῶσιν,
ἀλλ᾽ αὔτως ἀλάλημαι ἀν᾽ εὐρυπυλὲς Ἄϊδος δῶ.
75
καί μοι δὸς τὴν χεῖρ᾽· ὀλοφύρομαι, οὐ γὰρ ἔτ᾽ αὖτις
νίσομαι ἐξ Ἀΐδαο, ἐπήν με πυρὸς λελάχητε.
οὐ μὲν γὰρ ζωοί γε φίλων ἀπάνευθεν ἑταίρων
βουλὰς ἑζόμενοι βουλεύσομεν, ἀλλ᾽ ἐμὲ μὲν κὴρ
ἀμφέχανε στυγερή, ἥ περ λάχε γιγνόμενόν περ·
80
καὶ δὲ σοὶ αὐτῶι μοῖρα, θεοῖς ἐπιείκελ᾽ Ἀχιλλεῦ,
τείχει ὕπο Τρώων εὐηφενέων ἀπολέσθαι.
ἄλλο δέ τοι ἐρέω καὶ ἐφήσομαι αἴ κε πίθηαι·
μὴ ἐμὰ σῶν ἀπάνευθε τιθήμεναι ὀστέ᾽ Ἀχιλλεῦ,
ἀλλ᾽ ὁμοῦ ὡς ἐτράφημεν ἐν ὑμετέροισι δόμοισιν,
85
εὖτέ με τυτθὸν ἐόντα Μενοίτιος ἐξ Ὀπόεντος
ἤγαγεν ὑμέτερόνδ᾽ ἀνδροκτασίης ὕπο λυγρῆς,
ἤματι τῶι ὅτε παῖδα κατέκτανον Ἀμφιδάμαντος
νήπιος οὐκ ἐθέλων ἀμφ᾽ ἀστραγάλοισι χολωθείς·
ἔνθά με δεξάμενος ἐν δώμασιν ἱππότα Πηλεὺς
90
ἔτραφέ τ᾽ ἐνδυκέως καὶ σὸν θεράποντ᾽ ὀνόμηνεν·
ὣς δὲ καὶ ὀστέα νῶϊν ὁμὴ σορὸς ἀμφικαλύπτοι
χρύσεος ἀμφιφορεύς, τόν τοι πόρε πότνια μήτηρ.
τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
τίπτέ μοι ἠθείη κεφαλὴ δεῦρ᾽ εἰλήλουθας
95
καί μοι ταῦτα ἕκαστ᾽ ἐπιτέλλεαι; αὐτὰρ ἐγώ τοι
πάντα μάλ᾽ ἐκτελέω καὶ πείσομαι ὡς σὺ κελεύεις.
ἀλλά μοι ἆσσον στῆθι· μίνυνθά περ ἀμφιβαλόντε
ἀλλήλους ὀλοοῖο τεταρπώμεσθα γόοιο.
ὣς ἄρα φωνήσας ὠρέξατο χερσὶ φίληισιν
100
οὐδ᾽ ἔλαβε· ψυχὴ δὲ κατὰ χθονὸς ἠΰτε καπνὸς
ὤιχετο τετριγυῖα· ταφὼν δ᾽ ἀνόρουσεν Ἀχιλλεὺς
χερσί τε συμπλατάγησεν, ἔπος δ᾽ ὀλοφυδνὸν ἔειπεν·
ὢ πόποι ἦ ῥά τίς ἐστι καὶ εἰν Ἀΐδαο δόμοισι
ψυχὴ καὶ εἴδωλον, ἀτὰρ φρένες οὐκ ἔνι πάμπαν·
105
παννυχίη γάρ μοι Πατροκλῆος δειλοῖο
ψυχὴ ἐφεστήκει γοόωσά τε μυρομένη τε,
καί μοι ἕκαστ᾽ ἐπέτελλεν, ἔϊκτο δὲ θέσκελον αὐτῶι.
ὣς φάτο, τοῖσι δὲ πᾶσιν ὑφ᾽ ἵμερον ὦρσε γόοιο·
μυρομένοισι δὲ τοῖσι φάνη ῥοδοδάκτυλος Ἠὼς
110
ἀμφὶ νέκυν ἐλεεινόν. ἀτὰρ κρείων Ἀγαμέμνων
οὐρῆάς τ᾽ ὄτρυνε καὶ ἀνέρας ἀξέμεν ὕλην
πάντοθεν ἐκ κλισιῶν· ἐπὶ δ᾽ ἀνὴρ ἐσθλὸς ὀρώρει
Μηριόνης θεράπων ἀγαπήνορος Ἰδομενῆος.
οἳ δ᾽ ἴσαν ὑλοτόμους πελέκεας ἐν χερσὶν ἔχοντες
115
σειράς τ᾽ εὐπλέκτους· πρὸ δ᾽ ἄρ᾽ οὐρῆες κίον αὐτῶν.
πολλὰ δ᾽ ἄναντα κάταντα πάραντά τε δόχμιά τ᾽ ἦλθον·
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ κνημοὺς προσέβαν πολυπίδακος Ἴδης,
αὐτίκ᾽ ἄρα δρῦς ὑψικόμους ταναήκεϊ χαλκῶι
τάμνον ἐπειγόμενοι· ταὶ δὲ μεγάλα κτυπέουσαι
120
πῖπτον· τὰς μὲν ἔπειτα διαπλήσσοντες Ἀχαιοὶ
ἔκδεον ἡμιόνων· ταὶ δὲ χθόνα ποσσὶ δατεῦντο
ἐλδόμεναι πεδίοιο διὰ ῥωπήϊα πυκνά.
πάντες δ᾽ ὑλοτόμοι φιτροὺς φέρον· ὡς γὰρ ἀνώγει
Μηριόνης θεράπων ἀγαπήνορος Ἰδομενῆος.
125
κὰδ δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ ἀκτῆς βάλλον ἐπισχερώ, ἔνθ᾽ ἄρ᾽ Ἀχιλλεὺς
φράσσατο Πατρόκλωι μέγα ἠρίον ἠδὲ οἷ αὐτῶι.
αὐτὰρ ἐπεὶ πάντηι παρακάββαλον ἄσπετον ὕλην
ἥατ᾽ ἄρ᾽ αὖθι μένοντες ἀολλέες. αὐτὰρ Ἀχιλλεὺς
αὐτίκα Μυρμιδόνεσσι φιλοπτολέμοισι κέλευσε
130
χαλκὸν ζώννυσθαι, ζεῦξαι δ᾽ ὑπ᾽ ὄχεσφιν ἕκαστον
ἵππους· οἳ δ᾽ ὄρνυντο καὶ ἐν τεύχεσσιν ἔδυνον,
ἂν δ᾽ ἔβαν ἐν δίφροισι παραιβάται ἡνίοχοί τε,
πρόσθε μὲν ἱππῆες, μετὰ δὲ νέφος εἵπετο πεζῶν
μυρίοι· ἐν δὲ μέσοισι φέρον Πάτροκλον ἑταῖροι.
135
θριξὶ δὲ πάντα νέκυν καταείνυσαν, ἃς ἐπέβαλλον
κειρόμενοι· ὄπιθεν δὲ κάρη ἔχε δῖος Ἀχιλλεὺς
ἀχνύμενος· ἕταρον γὰρ ἀμύμονα πέμπ᾽ Ἄϊδος δέ.
οἳ δ᾽ ὅτε χῶρον ἵκανον ὅθί σφισι πέφραδ᾽ Ἀχιλλεὺς
κάτθεσαν, αἶψα δέ οἱ μενοεικέα νήεον ὕλην.
140
ἔνθ᾽ αὖτ᾽ ἄλλ᾽ ἐνόησε ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς·
στὰς ἀπάνευθε πυρῆς ξανθὴν ἀπεκείρατο χαίτην,
τήν ῥα Σπερχειῶι ποταμῶι τρέφε τηλεθόωσαν·
ὀχθήσας δ᾽ ἄρα εἶπεν ἰδὼν ἐπὶ οἴνοπα πόντον·
Σπερχεί᾽ ἄλλως σοί γε πατὴρ ἠρήσατο Πηλεὺς
145
κεῖσέ με νοστήσαντα φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν
σοί τε κόμην κερέειν ῥέξειν θ᾽ ἱερὴν ἑκατόμβην,
πεντήκοντα δ᾽ ἔνορχα παρ᾽ αὐτόθι μῆλ᾽ ἱερεύσειν
ἐς πηγάς, ὅθι τοι τέμενος βωμός τε θυήεις.
ὣς ἠρᾶθ᾽ ὁ γέρων, σὺ δέ οἱ νόον οὐκ ἐτέλεσσας.
 
150
νῦν δ᾽ ἐπεὶ οὐ νέομαί γε φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν
Πατρόκλωι ἥρωϊ κόμην ὀπάσαιμι φέρεσθαι.
ὣς εἰπὼν ἐν χερσὶ κόμην ἑτάροιο φίλοιο
θῆκεν, τοῖσι δὲ πᾶσιν ὑφ᾽ ἵμερον ὦρσε γόοιο.
καί νύ κ᾽ ὀδυρομένοισιν ἔδυ φάος ἠελίοιο
155
εἰ μὴ Ἀχιλλεὺς αἶψ᾽ Ἀγαμέμνονι εἶπε παραστάς·
Ἀτρεΐδη, σοὶ γάρ τε μάλιστά γε λαὸς Ἀχαιῶν
πείσονται μύθοισι, γόοιο μὲν ἔστι καὶ ἆσαι,
νῦν δ᾽ ἀπὸ πυρκαϊῆς σκέδασον καὶ δεῖπνον ἄνωχθι
ὅπλεσθαι· τάδε δ᾽ ἀμφὶ πονησόμεθ᾽ οἷσι μάλιστα
160
κήδεός ἐστι νέκυς· παρὰ δ᾽ οἵ τ᾽ ἀγοὶ ἄμμι μενόντων.
αὐτὰρ ἐπεὶ τό γ᾽ ἄκουσεν ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων,
αὐτίκα λαὸν μὲν σκέδασεν κατὰ νῆας ἐΐσας,
κηδεμόνες δὲ παρ᾽ αὖθι μένον καὶ νήεον ὕλην,
ποίησαν δὲ πυρὴν ἑκατόμπεδον ἔνθα καὶ ἔνθα,
165
ἐν δὲ πυρῆι ὑπάτηι νεκρὸν θέσαν ἀχνύμενοι κῆρ.
πολλὰ δὲ ἴφια μῆλα καὶ εἰλίποδας ἕλικας βοῦς
πρόσθε πυρῆς ἔδερόν τε καὶ ἄμφεπον· ἐκ δ᾽ ἄρα πάντων
δημὸν ἑλὼν ἐκάλυψε νέκυν μεγάθυμος Ἀχιλλεὺς
ἐς πόδας ἐκ κεφαλῆς, περὶ δὲ δρατὰ σώματα νήει.
170
ἐν δ᾽ ἐτίθει μέλιτος καὶ ἀλείφατος ἀμφιφορῆας
πρὸς λέχεα κλίνων· πίσυρας δ᾽ ἐριαύχενας ἵππους
ἐσσυμένως ἐνέβαλλε πυρῆι μεγάλα στεναχίζων.
ἐννέα τῶι γε ἄνακτι τραπεζῆες κύνες ἦσαν,
καὶ μὲν τῶν ἐνέβαλλε πυρῆι δύο δειροτομήσας,
175
δώδεκα δὲ Τρώων μεγαθύμων υἱέας ἐσθλοὺς
χαλκῶι δηϊόων· κακὰ δὲ φρεσὶ μήδετο ἔργα·
ἐν δὲ πυρὸς μένος ἧκε σιδήρεον ὄφρα νέμοιτο.
ὤιμωξέν τ᾽ ἄρ᾽ ἔπειτα, φίλον δ᾽ ὀνόμηνεν ἑταῖρον·
χαῖρέ μοι ὦ Πάτροκλε καὶ εἰν Ἀΐδαο δόμοισι·
180
πάντα γὰρ ἤδη τοι τελέω τὰ πάροιθεν ὑπέστην,
δώδεκα μὲν Τρώων μεγαθύμων υἱέας ἐσθλοὺς
τοὺς ἅμα σοὶ πάντας πῦρ ἐσθίει· Ἕκτορα δ᾽ οὔ τι
δώσω Πριαμίδην πυρὶ δαπτέμεν, ἀλλὰ κύνεσσιν.
ὣς φάτ᾽ ἀπειλήσας· τὸν δ᾽ οὐ κύνες ἀμφεπένοντο,
185
ἀλλὰ κύνας μὲν ἄλαλκε Διὸς θυγάτηρ Ἀφροδίτη
ἤματα καὶ νύκτας, ῥοδόεντι δὲ χρῖεν ἐλαίωι
ἀμβροσίωι, ἵνα μή μιν ἀποδρύφοι ἑλκυστάζων.
τῶι δ᾽ ἐπὶ κυάνεον νέφος ἤγαγε Φοῖβος Ἀπόλλων
οὐρανόθεν πεδίον δέ, κάλυψε δὲ χῶρον ἅπαντα
190
ὅσσον ἐπεῖχε νέκυς, μὴ πρὶν μένος ἠελίοιο
σκήλει᾽ ἀμφὶ περὶ χρόα ἴνεσιν ἠδὲ μέλεσσιν.
οὐδὲ πυρὴ Πατρόκλου ἐκαίετο τεθνηῶτος·
ἔνθ᾽ αὖτ᾽ ἀλλ᾽ ἐνόησε ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς·
στὰς ἀπάνευθε πυρῆς δοιοῖς ἠρᾶτ᾽ ἀνέμοισι
195
Βορέηι καὶ Ζεφύρωι, καὶ ὑπίσχετο ἱερὰ καλά·
πολλὰ δὲ καὶ σπένδων χρυσέωι δέπαϊ λιτάνευεν
ἐλθέμεν, ὄφρα τάχιστα πυρὶ φλεγεθοίατο νεκροί,
ὕλη τε σεύαιτο καήμεναι. ὦκα δὲ Ἶρις
ἀράων ἀΐουσα μετάγγελος ἦλθ᾽ ἀνέμοισιν.
200
οἳ μὲν ἄρα Ζεφύροιο δυσαέος ἀθρόοι ἔνδον
εἰλαπίνην δαίνυντο· θέουσα δὲ Ἶρις ἐπέστη
βηλῶι ἔπι λιθέωι· τοὶ δ᾽ ὡς ἴδον ὀφθαλμοῖσι
πάντες ἀνήϊξαν, κάλεόν τέ μιν εἰς ἓ ἕκαστος·
ἣ δ᾽ αὖθ᾽ ἕζεσθαι μὲν ἀνήνατο, εἶπε δὲ μῦθον·
205
οὐχ ἕδος· εἶμι γὰρ αὖτις ἐπ᾽ Ὠκεανοῖο ῥέεθρα
Αἰθιόπων ἐς γαῖαν, ὅθι ῥέζουσ᾽ ἑκατόμβας
ἀθανάτοις, ἵνα δὴ καὶ ἐγὼ μεταδαίσομαι ἱρῶν.
ἀλλ᾽ Ἀχιλεὺς Βορέην ἠδὲ Ζέφυρον κελαδεινὸν
ἐλθεῖν ἀρᾶται, καὶ ὑπίσχεται ἱερὰ καλά,
210
ὄφρα πυρὴν ὄρσητε καήμεναι, ἧι ἔνι κεῖται
Πάτροκλος, τὸν πάντες ἀναστενάχουσιν Ἀχαιοί.
ἣ μὲν ἄρ᾽ ὣς εἰποῦσ᾽ ἀπεβήσετο, τοὶ δ᾽ ὀρέοντο
ἠχῆι θεσπεσίηι νέφεα κλονέοντε πάροιθεν.
αἶψα δὲ πόντον ἵκανον ἀήμεναι, ὦρτο δὲ κῦμα
215
πνοιῆι ὕπο λιγυρῆι· Τροίην δ᾽ ἐρίβωλον ἱκέσθην,
ἐν δὲ πυρῆι πεσέτην, μέγα δ᾽ ἴαχε θεσπιδαὲς πῦρ.
παννύχιοι δ᾽ ἄρα τοί γε πυρῆς ἄμυδις φλόγ᾽ ἔβαλλον
φυσῶντες λιγέως· ὁ δὲ πάννυχος ὠκὺς Ἀχιλλεὺς
χρυσέου ἐκ κρητῆρος ἑλὼν δέπας ἀμφικύπελλον
220
οἶνον ἀφυσσόμενος χαμάδις χέε, δεῦε δὲ γαῖαν
ψυχὴν κικλήσκων Πατροκλῆος δειλοῖο.
ὡς δὲ πατὴρ οὗ παιδὸς ὀδύρεται ὀστέα καίων
νυμφίου, ὅς τε θανὼν δειλοὺς ἀκάχησε τοκῆας,
ὣς Ἀχιλεὺς ἑτάροιο ὀδύρετο ὀστέα καίων,
225
ἑρπύζων παρὰ πυρκαϊὴν ἁδινὰ στεναχίζων.
ἦμος δ᾽ ἑωσφόρος εἶσι φόως ἐρέων ἐπὶ γαῖαν,
ὅν τε μέτα κροκόπεπλος ὑπεὶρ ἅλα κίδναται ἠώς,
τῆμος πυρκαϊὴ ἐμαραίνετο, παύσατο δὲ φλόξ.
οἳ δ᾽ ἄνεμοι πάλιν αὖτις ἔβαν οἶκον δὲ νέεσθαι
230
Θρηΐκιον κατὰ πόντον· ὁ δ᾽ ἔστενεν οἴδματι θύων.

Πηλεΐδης δ᾽ ἀπὸ πυρκαϊῆς ἑτέρωσε λιασθεὶς
κλίνθη κεκμηώς, ἐπὶ δὲ γλυκὺς ὕπνος ὄρουσεν·
οἳ δ᾽ ἀμφ᾽ Ἀτρεΐωνα ἀολλέες ἠγερέθοντο·
τῶν μιν ἐπερχομένων ὅμαδος καὶ δοῦπος ἔγειρεν,
235
ἕζετο δ᾽ ὀρθωθεὶς καί σφεας πρὸς μῦθον ἔειπεν·
Ἀτρεΐδη τε καὶ ἄλλοι ἀριστῆες Παναχαιῶν,
πρῶτον μὲν κατὰ πυρκαϊὴν σβέσατ᾽ αἴθοπι οἴνωι
πᾶσαν, ὁπόσσον ἐπέσχε πυρὸς μένος· αὐτὰρ ἔπειτα
ὀστέα Πατρόκλοιο Μενοιτιάδαο λέγωμεν
240
εὖ διαγιγνώσκοντες· ἀριφραδέα δὲ τέτυκται·
ἐν μέσσηι γὰρ ἔκειτο πυρῆι, τοὶ δ᾽ ἄλλοι ἄνευθεν
ἐσχατιῆι καίοντ᾽ ἐπιμὶξ ἵπποι τε καὶ ἄνδρες.
καὶ τὰ μὲν ἐν χρυσέηι φιάληι καὶ δίπλακι δημῶι
θείομεν, εἰς ὅ κεν αὐτὸς ἐγὼν Ἄϊδι κεύθωμαι.
245
τύμβον δ᾽ οὐ μάλα πολλὸν ἐγὼ πονέεσθαι ἄνωγα,
ἀλλ᾽ ἐπιεικέα τοῖον· ἔπειτα δὲ καὶ τὸν Ἀχαιοὶ
εὐρύν θ᾽ ὑψηλόν τε τιθήμεναι, οἵ κεν ἐμεῖο
δεύτεροι ἐν νήεσσι πολυκλήϊσι λίπησθε.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἐπίθοντο ποδώκεϊ Πηλεΐωνι.
250
πρῶτον μὲν κατὰ πυρκαϊὴν σβέσαν αἴθοπι οἴνωι
ὅσσον ἐπὶ φλὸξ ἦλθε, βαθεῖα δὲ κάππεσε τέφρη·
κλαίοντες δ᾽ ἑτάροιο ἐνηέος ὀστέα λευκὰ
ἄλλεγον ἐς χρυσέην φιάλην καὶ δίπλακα δημόν,
ἐν κλισίηισι δὲ θέντες ἑανῶι λιτὶ κάλυψαν·
255
τορνώσαντο δὲ σῆμα θεμείλιά τε προβάλοντο
ἀμφὶ πυρήν· εἶθαρ δὲ χυτὴν ἐπὶ γαῖαν ἔχευαν,
χεύαντες δὲ τὸ σῆμα πάλιν κίον. αὐτὰρ Ἀχιλλεὺς
αὐτοῦ λαὸν ἔρυκε καὶ ἵζανεν εὐρὺν ἀγῶνα,
νηῶν δ᾽ ἔκφερ᾽ ἄεθλα λέβητάς τε τρίποδάς τε
260
ἵππους θ᾽ ἡμιόνους τε βοῶν τ᾽ ἴφθιμα κάρηνα,
ἠδὲ γυναῖκας ἐϋζώνους πολιόν τε σίδηρον.
ἱππεῦσιν μὲν πρῶτα ποδώκεσιν ἀγλά᾽ ἄεθλα
θῆκε γυναῖκα ἄγεσθαι ἀμύμονα ἔργα ἰδυῖαν
καὶ τρίποδ᾽ ὠτώεντα δυωκαιεικοσίμετρον
265
τῶι πρώτωι· ἀτὰρ αὖ τῶι δευτέρωι ἵππον ἔθηκεν
ἑξέτε᾽ ἀδμήτην βρέφος ἡμίονον κυέουσαν·
αὐτὰρ τῶι τριτάτωι ἄπυρον κατέθηκε λέβητα
καλὸν τέσσαρα μέτρα κεχανδότα λευκὸν ἔτ᾽ αὔτως·
τῶι δὲ τετάρτωι θῆκε δύω χρυσοῖο τάλαντα,
270
πέμπτωι δ᾽ ἀμφίθετον φιάλην ἀπύρωτον ἔθηκε.
στῆ δ᾽ ὀρθὸς καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
Ἀτρεΐδη τε καὶ ἄλλοι ἐϋκνήμιδες Ἀχαιοὶ
ἱππῆας τάδ᾽ ἄεθλα δεδεγμένα κεῖτ᾽ ἐν ἀγῶνι.
εἰ μὲν νῦν ἐπὶ ἄλλωι ἀεθλεύοιμεν Ἀχαιοὶ
275
ἦ τ᾽ ἂν ἐγὼ τὰ πρῶτα λαβὼν κλισίην δὲ φεροίμην.
ἴστε γὰρ ὅσσον ἐμοὶ ἀρετῆι περιβάλλετον ἵπποι·
ἀθάνατοί τε γάρ εἰσι, Ποσειδάων δὲ πόρ᾽ αὐτοὺς
πατρὶ ἐμῶι Πηλῆϊ, ὁ δ᾽ αὖτ᾽ ἐμοὶ ἐγγυάλιξεν.

ἀλλ᾽ ἤτοι μὲν ἐγὼ μενέω καὶ μώνυχες ἵπποι·
280
τοίου γὰρ κλέος ἐσθλὸν ἀπώλεσαν ἡνιόχοιο
ἠπίου, ὅς σφωϊν μάλα πολλάκις ὑγρὸν ἔλαιον
χαιτάων κατέχευε λοέσσας ὕδατι λευκῶι.
τὸν τώ γ᾽ ἑσταότες πενθείετον, οὔδεϊ δέ σφι
χαῖται ἐρηρέδαται, τὼ δ᾽ ἕστατον ἀχνυμένω κῆρ.
285
ἄλλοι δὲ στέλλεσθε κατὰ στρατόν, ὅς τις Ἀχαιῶν
ἵπποισίν τε πέποιθε καὶ ἅρμασι κολλητοῖσιν.
ὣς φάτο Πηλεΐδης, ταχέες δ᾽ ἱππῆες ἄγερθεν.
ὦρτο πολὺ πρῶτος μὲν ἄναξ ἀνδρῶν Εὔμηλος
Ἀδμήτου φίλος υἱός, ὃς ἱπποσύνηι ἐκέκαστο·
290
τῶι δ᾽ ἐπὶ Τυδεΐδης ὦρτο κρατερὸς Διομήδης,
ἵππους δὲ Τρωιοὺς ὕπαγε ζυγόν, οὕς ποτ᾽ ἀπηύρα
Αἰνείαν, ἀτὰρ αὐτὸν ὑπεξεσάωσεν Ἀπόλλων.
τῶι δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ Ἀτρεΐδης ὦρτο ξανθὸς Μενέλαος
διογενής, ὑπὸ δὲ ζυγὸν ἤγαγεν ὠκέας ἵππους
295
Αἴθην τὴν Ἀγαμεμνονέην τὸν ἑόν τε Πόδαργον·
τὴν Ἀγαμέμνονι δῶκ᾽ Ἀγχισιάδης Ἐχέπωλος
δῶρ᾽, ἵνα μή οἱ ἕποιθ᾽ ὑπὸ Ἴλιον ἠνεμόεσσαν,
ἀλλ᾽ αὐτοῦ τέρποιτο μένων· μέγα γάρ οἱ ἔδωκε
Ζεὺς ἄφενος, ναῖεν δ᾽ ὅ γ᾽ ἐν εὐρυχόρωι Σικυῶνι·
300
τὴν ὅ γ᾽ ὑπὸ ζυγὸν ἦγε μέγα δρόμου ἰσχανόωσαν.
Ἀντίλοχος δὲ τέταρτος ἐΰτριχας ὁπλίσαθ᾽ ἵππους,
Νέστορος ἀγλαὸς υἱὸς ὑπερθύμοιο ἄνακτος
τοῦ Νηληϊάδαο· Πυλοιγενέες δέ οἱ ἵπποι
ὠκύποδες φέρον ἅρμα· πατὴρ δέ οἱ ἄγχι παραστὰς
305
μυθεῖτ᾽ εἰς ἀγαθὰ φρονέων νοέοντι καὶ αὐτῶι·
Ἀντίλοχ᾽ ἤτοι μέν σε νέον περ ἐόντ᾽ ἐφίλησαν
Ζεύς τε Ποσειδάων τε, καὶ ἱπποσύνας ἐδίδαξαν
παντοίας· τὼ καί σε διδασκέμεν οὔ τι μάλα χρεώ·
οἶσθα γὰρ εὖ περὶ τέρμαθ᾽ ἑλισσέμεν· ἀλλά τοι ἵπποι
310
βάρδιστοι θείειν· τώ τ᾽ οἴω λοίγι᾽ ἔσεσθαι.
τῶν δ᾽ ἵπποι μὲν ἔασιν ἀφάρτεροι, οὐδὲ μὲν αὐτοὶ
πλείονα ἴσασιν σέθεν αὐτοῦ μητίσασθαι.
ἀλλ᾽ ἄγε δὴ σὺ φίλος μῆτιν ἐμβάλλεο θυμῶι
παντοίην, ἵνα μή σε παρεκπροφύγηισιν ἄεθλα.
315
μήτι τοι δρυτόμος μέγ᾽ ἀμείνων ἠὲ βίηφι·
μήτι δ᾽ αὖτε κυβερνήτης ἐνὶ οἴνοπι πόντωι
νῆα θοὴν ἰθύνει ἐρεχθομένην ἀνέμοισι·
μήτι δ᾽ ἡνίοχος περιγίγνεται ἡνιόχοιο.
ἀλλ᾽ ὃς μέν θ᾽ ἵπποισι καὶ ἅρμασιν οἷσι πεποιθὼς
320
ἀφραδέως ἐπὶ πολλὸν ἑλίσσεται ἔνθα καὶ ἔνθα,
ἵπποι δὲ πλανόωνται ἀνὰ δρόμον, οὐδὲ κατίσχει·
ὃς δέ κε κέρδεα εἰδῆι ἐλαύνων ἥσσονας ἵππους,
αἰεὶ τέρμ᾽ ὁρόων στρέφει ἐγγύθεν, οὐδέ ἑ λήθει
ὅππως τὸ πρῶτον τανύσηι βοέοισιν ἱμᾶσιν,
325
ἀλλ᾽ ἔχει ἀσφαλέως καὶ τὸν προὔχοντα δοκεύει.
σῆμα δέ τοι ἐρέω μάλ᾽ ἀριφραδές, οὐδέ σε λήσει.

ἕστηκε ξύλον αὖον ὅσον τ᾽ ὄργυι᾽ ὑπὲρ αἴης
ἢ δρυὸς ἢ πεύκης· τὸ μὲν οὐ καταπύθεται ὄμβρωι,
λᾶε δὲ τοῦ ἑκάτερθεν ἐρηρέδαται δύο λευκὼ
330
ἐν ξυνοχῆισιν ὁδοῦ, λεῖος δ᾽ ἱππόδρομος ἀμφὶς
ἤ τευ σῆμα βροτοῖο πάλαι κατατεθνηῶτος,
ἢ τό γε νύσσα τέτυκτο ἐπὶ προτέρων ἀνθρώπων,
καὶ νῦν τέρματ᾽ ἔθηκε ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς.
τῶι σὺ μάλ᾽ ἐγχρίμψας ἐλάαν σχεδὸν ἅρμα καὶ ἵππους,
335
αὐτὸς δὲ κλινθῆναι ἐϋπλέκτωι ἐνὶ δίφρωι
ἦκ᾽ ἐπ᾽ ἀριστερὰ τοῖιν· ἀτὰρ τὸν δεξιὸν ἵππον
κένσαι ὁμοκλήσας, εἶξαί τέ οἱ ἡνία χερσίν.
ἐν νύσσηι δέ τοι ἵππος ἀριστερὸς ἐγχριμφθήτω,
ὡς ἄν τοι πλήμνη γε δοάσσεται ἄκρον ἱκέσθαι
340
κύκλου ποιητοῖο· λίθου δ᾽ ἀλέασθαι ἐπαυρεῖν,
μή πως ἵππους τε τρώσηις κατά θ᾽ ἅρματα ἄξηις·
χάρμα δὲ τοῖς ἄλλοισιν, ἐλεγχείη δὲ σοὶ αὐτῶι
ἔσσεται· ἀλλὰ φίλος φρονέων πεφυλαγμένος εἶναι.
εἰ γάρ κ᾽ ἐν νύσσηι γε παρεξελάσηισθα διώκων,
345
οὐκ ἔσθ᾽ ὅς κέ σ᾽ ἕληισι μετάλμενος οὐδὲ παρέλθηι,
οὐδ᾽ εἴ κεν μετόπισθεν Ἀρίονα δῖον ἐλαύνοι
Ἀδρήστου ταχὺν ἵππον, ὃς ἐκ θεόφιν γένος ἦεν,
ἢ τοὺς Λαομέδοντος, οἳ ἐνθάδε γ᾽ ἔτραφεν ἐσθλοί.
ὣς εἰπὼν Νέστωρ Νηλήϊος ἂψ ἐνὶ χώρηι
350
ἕζετ᾽, ἐπεὶ ὧι παιδὶ ἑκάστου πείρατ᾽ ἔειπε.
Μηριόνης δ᾽ ἄρα πέμπτος ἐΰτριχας ὁπλίσαθ᾽ ἵππους.
ἂν δ᾽ ἔβαν ἐς δίφρους, ἐν δὲ κλήρους ἐβάλοντο·
πάλλ᾽ Ἀχιλεύς, ἐκ δὲ κλῆρος θόρε Νεστορίδαο
Ἀντιλόχου· μετὰ τὸν δ᾽ ἔλαχε κρείων Εὔμηλος·
355
τῶι δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ Ἀτρεΐδης δουρὶ κλειτὸς Μενέλαος,
τῶι δ᾽ ἐπὶ Μηριόνης λάχ᾽ ἐλαυνέμεν· ὕστατος αὖτε
Τυδεΐδης ὄχ᾽ ἄριστος ἐὼν λάχ᾽ ἐλαυνέμεν ἵππους.
στὰν δὲ μεταστοιχί, σήμηνε δὲ τέρματ᾽ Ἀχιλλεὺς
τηλόθεν ἐν λείωι πεδίωι· παρὰ δὲ σκοπὸν εἷσεν
360
ἀντίθεον Φοίνικα ὀπάονα πατρὸς ἑοῖο,
ὡς μεμνέωιτο δρόμους καὶ ἀληθείην ἀποείποι.
οἳ δ᾽ ἅμα πάντες ἐφ᾽ ἵπποιιν μάστιγας ἄειραν,
πέπληγόν θ᾽ ἱμᾶσιν, ὁμόκλησάν τ᾽ ἐπέεσσιν
ἐσσυμένως· οἳ δ᾽ ὦκα διέπρησσον πεδίοιο
365
νόσφι νεῶν ταχέως· ὑπὸ δὲ στέρνοισι κονίη
ἵστατ᾽ ἀειρομένη ὥς τε νέφος ἠὲ θύελλα,
χαῖται δ᾽ ἐρρώοντο μετὰ πνοιῆις ἀνέμοιο.
ἅρματα δ᾽ ἄλλοτε μὲν χθονὶ πίλνατο πουλυβοτείρηι,
ἄλλοτε δ᾽ ἀΐξασκε μετήορα· τοὶ δ᾽ ἐλατῆρες
370
ἕστασαν ἐν δίφροισι, πάτασσε δὲ θυμὸς ἑκάστου
νίκης ἱεμένων· κέκλοντο δὲ οἷσιν ἕκαστος
ἵπποις, οἳ δ᾽ ἐπέτοντο κονίοντες πεδίοιο.
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ πύματον τέλεον δρόμον ὠκέες ἵπποι
ἂψ ἐφ᾽ ἁλὸς πολιῆς, τότε δὴ ἀρετή γε ἑκάστου
375
φαίνετ᾽, ἄφαρ δ᾽ ἵπποισι τάθη δρόμος· ὦκα δ᾽ ἔπειτα
αἳ Φηρητιάδαο ποδώκεες ἔκφερον ἵπποι.
τὰς δὲ μετ᾽ ἐξέφερον Διομήδεος ἄρσενες ἵπποι
Τρώϊοι, οὐδέ τι πολλὸν ἄνευθ᾽ ἔσαν, ἀλλὰ μάλ᾽ ἐγγύς·
αἰεὶ γὰρ δίφρου ἐπιβησομένοισιν ἐΐκτην,
380
πνοιῆι δ᾽ Εὐμήλοιο μετάφρενον εὐρέε τ᾽ ὤμω
θέρμετ᾽· ἐπ᾽ αὐτῶι γὰρ κεφαλὰς καταθέντε πετέσθην.
καί νύ κεν ἢ παρέλασσ᾽ ἢ ἀμφήριστον ἔθηκεν,
εἰ μὴ Τυδέος υἷϊ κοτέσσατο Φοῖβος Ἀπόλλων,
ὅς ῥά οἱ ἐκ χειρῶν ἔβαλεν μάστιγα φαεινήν.
385
τοῖο δ᾽ ἀπ᾽ ὀφθαλμῶν χύτο δάκρυα χωομένοιο,
οὕνεκα τὰς μὲν ὅρα ἔτι καὶ πολὺ μᾶλλον ἰούσας,
οἳ δέ οἱ ἐβλάφθησαν ἄνευ κέντροιο θέοντες.
οὐδ᾽ ἄρ᾽ Ἀθηναίην ἐλεφηράμενος λάθ᾽ Ἀπόλλων
Τυδεΐδην, μάλα δ᾽ ὦκα μετέσσυτο ποιμένα λαῶν,
390
δῶκε δέ οἱ μάστιγα, μένος δ᾽ ἵπποισιν ἐνῆκεν·
ἣ δὲ μετ᾽ Ἀδμήτου υἱὸν κοτέουσ᾽ ἐβεβήκει,
ἵππειον δέ οἱ ἦξε θεὰ ζυγόν· αἳ δέ οἱ ἵπποι
ἀμφὶς ὁδοῦ δραμέτην, ῥυμὸς δ᾽ ἐπὶ γαῖαν ἐλύσθη.

αὐτὸς δ᾽ ἐκ δίφροιο παρὰ τροχὸν ἐξεκυλίσθη,
395
ἀγκῶνάς τε περιδρύφθη στόμα τε ῥῖνάς τε,
θρυλίχθη δὲ μέτωπον ἐπ᾽ ὀφρύσι· τὼ δέ οἱ ὄσσε
δακρυόφι πλῆσθεν, θαλερὴ δέ οἱ ἔσχετο φωνή.
Τυδεΐδης δὲ παρατρέψας ἔχε μώνυχας ἵππους,
πολλὸν τῶν ἄλλων ἐξάλμενος· ἐν γὰρ Ἀθήνη
400
ἵπποις ἧκε μένος καὶ ἐπ᾽ αὐτῶι κῦδος ἔθηκε.
τῶι δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ Ἀτρεΐδης εἶχε ξανθὸς Μενέλαος.
Ἀντίλοχος δ᾽ ἵπποισιν ἐκέκλετο πατρὸς ἑοῖο·
ἔμβητον καὶ σφῶϊ· τιταίνετον ὅττι τάχιστα.
ἤτοι μὲν κείνοισιν ἐριζέμεν οὔ τι κελεύω
405
Τυδεΐδεω ἵπποισι δαΐφρονος, οἷσιν Ἀθήνη
νῦν ὤρεξε τάχος καὶ ἐπ᾽ αὐτῶι κῦδος ἔθηκεν·
ἵππους δ᾽ Ἀτρεΐδαο κιχάνετε, μὴ δὲ λίπησθον,
καρπαλίμως, μὴ σφῶϊν ἐλεγχείην καταχεύηι
Αἴθη θῆλυς ἐοῦσα· τί ἢ λείπεσθε φέριστοι;
410
ὧδε γὰρ ἐξερέω, καὶ μὴν τετελεσμένον ἔσται·
οὐ σφῶϊν κομιδὴ παρὰ Νέστορι ποιμένι λαῶν
ἔσσεται, αὐτίκα δ᾽ ὔμμε κατακτενεῖ ὀξέϊ χαλκῶι,
αἴ κ᾽ ἀποκηδήσαντε φερώμεθα χεῖρον ἄεθλον.
ἀλλ᾽ ἐφομαρτεῖτον καὶ σπεύδετον ὅττι τάχιστα·
415
ταῦτα δ᾽ ἐγὼν αὐτὸς τεχνήσομαι ἠδὲ νοήσω
στεινωπῶι ἐν ὁδῶι παραδύμεναι, οὐδέ με λήσει.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δὲ ἄνακτος ὑποδείσαντες ὁμοκλὴν
μᾶλλον ἐπιδραμέτην ὀλίγον χρόνον· αἶψα δ᾽ ἔπειτα
στεῖνος ὁδοῦ κοίλης ἴδεν Ἀντίλοχος μενεχάρμης.
420
ῥωχμὸς ἔην γαίης, ἧι χειμέριον ἀλὲν ὕδωρ
ἐξέρρηξεν ὁδοῖο, βάθυνε δὲ χῶρον ἅπαντα·
τῆι ῥ᾽ εἶχεν Μενέλαος ἁματροχιὰς ἀλεείνων.
Ἀντίλοχος δὲ παρατρέψας ἔχε μώνυχας ἵππους
ἐκτὸς ὁδοῦ, ὀλίγον δὲ παρακλίνας ἐδίωκεν.
425
Ἀτρεΐδης δ᾽ ἔδεισε καὶ Ἀντιλόχωι ἐγεγώνει·
Ἀντίλοχ᾽ ἀφραδέως ἱππάζεαι, ἀλλ᾽ ἄνεχ᾽ ἵππους·
στεινωπὸς γὰρ ὁδός, τάχα δ᾽ εὐρυτέρη παρελάσσαι·
μή πως ἀμφοτέρους δηλήσεαι ἅρματι κύρσας.
ὣς ἔφατ᾽, Ἀντίλοχος δ᾽ ἔτι καὶ πολὺ μᾶλλον ἔλαυνε
430
κέντρωι ἐπισπέρχων ὡς οὐκ ἀΐοντι ἐοικώς.
ὅσσα δὲ δίσκου οὖρα κατωμαδίοιο πέλονται,
ὅν τ᾽ αἰζηὸς ἀφῆκεν ἀνὴρ πειρώμενος ἥβης,
τόσσον ἐπιδραμέτην· αἳ δ᾽ ἠρώησαν ὀπίσσω
Ἀτρεΐδεω· αὐτὸς γὰρ ἑκὼν μεθέηκεν ἐλαύνειν
435
μή πως συγκύρσειαν ὁδῶι ἔνι μώνυχες ἵπποι,
δίφρους τ᾽ ἀνστρέψειαν ἐϋπλεκέας, κατὰ δ᾽ αὐτοὶ
ἐν κονίηισι πέσοιεν ἐπειγόμενοι περὶ νίκης.
τὸν καὶ νεικείων προσέφη ξανθὸς Μενέλαος·
Ἀντίλοχ᾽ οὔ τις σεῖο βροτῶν ὀλοώτερος ἄλλος·
440 ἔρρ᾽, ἐπεὶ οὔ σ᾽ ἔτυμόν γε φάμεν πεπνῦσθαι Ἀχαιοί.
ἀλλ᾽ οὐ μὰν οὐδ᾽ ὧς ἄτερ ὅρκου οἴσηι ἄεθλον.

ὣς εἰπὼν ἵπποισιν ἐκέκλετο φώνησέν τε·
μή μοι ἐρύκεσθον μὴ δ᾽ ἕστατον ἀχνυμένω κῆρ.
φθήσονται τούτοισι πόδες καὶ γοῦνα καμόντα
445 ἢ ὑμῖν· ἄμφω γὰρ ἀτέμβονται νεότητος.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δὲ ἄνακτος ὑποδείσαντες ὁμοκλὴν
μᾶλλον ἐπιδραμέτην, τάχα δέ σφισιν ἄγχι γένοντο.
Ἀργεῖοι δ᾽ ἐν ἀγῶνι καθήμενοι εἰσορόωντο
ἵππους· τοὶ δὲ πέτοντο κονίοντες πεδίοιο.
450 πρῶτος δ᾽ Ἰδομενεὺς Κρητῶν ἀγὸς ἐφράσαθ᾽ ἵππους·
ἧστο γὰρ ἐκτὸς ἀγῶνος ὑπέρτατος ἐν περιωπῆι·
τοῖο δ᾽ ἄνευθεν ἐόντος ὁμοκλητῆρος ἀκούσας
ἔγνω, φράσσατο δ᾽ ἵππον ἀριπρεπέα προὔχοντα,
ὃς τὸ μὲν ἄλλο τόσον φοῖνιξ ἦν, ἐν δὲ μετώπωι
455 λευκὸν σῆμα τέτυκτο περίτροχον ἠΰτε μήνη.
στῆ δ᾽ ὀρθὸς καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
ὦ φίλοι Ἀργείων ἡγήτορες ἠδὲ μέδοντες
οἶος ἐγὼν ἵππους αὐγάζομαι ἦε καὶ ὑμεῖς;
ἄλλοι μοι δοκέουσι παροίτεροι ἔμμεναι ἵπποι,
460 ἄλλος δ᾽ ἡνίοχος ἰνδάλλεται· αἳ δέ που αὐτοῦ
ἔβλαβεν ἐν πεδίωι, αἳ κεῖσέ γε φέρτεραι ἦσαν·
ἤτοι γὰρ τὰς πρῶτα ἴδον περὶ τέρμα βαλούσας,
νῦν δ᾽ οὔ πηι δύναμαι ἰδέειν· πάντηι δέ μοι ὄσσε
Τρωϊκὸν ἂμ πεδίον παπταίνετον εἰσορόωντι·
465 ἦε τὸν ἡνίοχον φύγον ἡνία, οὐδὲ δυνάσθη
εὖ σχεθέειν περὶ τέρμα καὶ οὐκ ἐτύχησεν ἑλίξας·
ἔνθά μιν ἐκπεσέειν ὀΐω σύν θ᾽ ἅρματα ἆξαι,
αἳ δ᾽ ἐξηρώησαν, ἐπεὶ μένος ἔλλαβε θυμόν.
ἀλλὰ ἴδεσθε καὶ ὔμμες ἀνασταδόν· οὐ γὰρ ἔγωγε
470 εὖ διαγιγνώσκω· δοκέει δέ μοι ἔμμεναι ἀνὴρ
Αἰτωλὸς γενεήν, μετὰ δ᾽ Ἀργείοισιν ἀνάσσει
Τυδέος ἱπποδάμου υἱὸς κρατερὸς Διομήδης.
τὸν δ᾽ αἰσχρῶς ἐνένιπεν Ὀϊλῆος ταχὺς Αἴας·
Ἰδομενεῦ τί πάρος λαβρεύεαι; αἳ δέ τ᾽ ἄνευθεν
475 ἵπποι ἀερσίποδες πολέος πεδίοιο δίενται.
οὔτε νεώτατός ἐσσι μετ᾽ Ἀργείοισι τοσοῦτον,
οὔτέ τοι ὀξύτατον κεφαλῆς ἐκδέρκεται ὄσσε·
ἀλλ᾽ αἰεὶ μύθοις λαβρεύεαι· οὐδέ τί σε χρὴ
λαβραγόρην ἔμεναι· πάρα γὰρ καὶ ἀμείνονες ἄλλοι.
480 ἵπποι δ᾽ αὐταὶ ἔασι παροίτεραι, αἳ τὸ πάρος περ,
Εὐμήλου, ἐν δ᾽ αὐτὸς ἔχων εὔληρα βέβηκε.
τὸν δὲ χολωσάμενος Κρητῶν ἀγὸς ἀντίον ηὔδα·
Αἶαν νεῖκος ἄριστε κακοφραδὲς ἄλλά τε πάντα
δεύεαι Ἀργείων, ὅτι τοι νόος ἐστὶν ἀπηνής.
485 δεῦρό νυν ἢ τρίποδος περιδώμεθον ἠὲ λέβητος,
ἴστορα δ᾽ Ἀτρεΐδην Ἀγαμέμνονα θείομεν ἄμφω,
ὁππότεραι πρόσθ᾽ ἵπποι, ἵνα γνώηις ἀποτίνων.
ὣς ἔφατ᾽, ὄρνυτο δ᾽ αὐτίκ᾽ Ὀϊλῆος ταχὺς Αἴας
χωόμενος χαλεποῖσιν ἀμείψασθαι ἐπέεσσι·
490 καί νύ κε δὴ προτέρω ἔτ᾽ ἔρις γένετ᾽ ἀμφοτέροισιν,
εἰ μὴ Ἀχιλλεὺς αὐτὸς ἀνίστατο καὶ φάτο μῦθον·
μηκέτι νῦν χαλεποῖσιν ἀμείβεσθον ἐπέεσσιν
Αἶαν Ἰδομενεῦ τε κακοῖς, ἐπεὶ οὐδὲ ἔοικε.
καὶ δ᾽ ἄλλωι νεμεσᾶτον ὅτις τοιαῦτά γε ῥέζοι.
495 ἀλλ᾽ ὑμεῖς ἐν ἀγῶνι καθήμενοι εἰσοράασθε
ἵππους· οἳ δὲ τάχ᾽ αὐτοὶ ἐπειγόμενοι περὶ νίκης
ἐνθάδ᾽ ἐλεύσονται· τότε δὲ γνώσεσθε ἕκαστος
ἵππους Ἀργείων, οἳ δεύτεροι οἵ τε πάροιθεν.
ὣς φάτο, Τυδεΐδης δὲ μάλα σχεδὸν ἦλθε διώκων,
500 μάστι δ᾽ αἰὲν ἔλαυνε κατωμαδόν· οἳ δέ οἱ ἵπποι
ὑψόσ᾽ ἀειρέσθην ῥίμφα πρήσσοντε κέλευθον.
αἰεὶ δ᾽ ἡνίοχον κονίης ῥαθάμιγγες ἔβαλλον,
ἅρματα δὲ χρυσῶι πεπυκασμένα κασσιτέρωι τε
ἵπποις ὠκυπόδεσσιν ἐπέτρεχον· οὐδέ τι πολλὴ
505 γίγνετ᾽ ἐπισσώτρων ἁρματροχιὴ κατόπισθεν
ἐν λεπτῆι κονίηι· τὼ δὲ σπεύδοντε πετέσθην.
στῆ δὲ μέσωι ἐν ἀγῶνι, πολὺς δ᾽ ἀνεκήκιεν ἱδρὼς
ἵππων ἔκ τε λόφων καὶ ἀπὸ στέρνοιο χαμᾶζε.
αὐτὸς δ᾽ ἐκ δίφροιο χαμαὶ θόρε παμφανόωντος,
510 κλῖνε δ᾽ ἄρα μάστιγα ποτὶ ζυγόν· οὐδὲ μάτησεν
ἴφθιμος Σθένελος, ἀλλ᾽ ἐσσυμένως λάβ᾽ ἄεθλον,
δῶκε δ᾽ ἄγειν ἑτάροισιν ὑπερθύμοισι γυναῖκα
καὶ τρίποδ᾽ ὠτώεντα φέρειν· ὁ δ᾽ ἔλυεν ὑφ᾽ ἵππους.
τῶι δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ Ἀντίλοχος Νηλήϊος ἤλασεν ἵππους
515 κέρδεσιν, οὔ τι τάχει γε, παραφθάμενος Μενέλαον·
ἀλλὰ καὶ ὧς Μενέλαος ἔχ᾽ ἐγγύθεν ὠκέας ἵππους.

ὅσσον δὲ τροχοῦ ἵππος ἀφίσταται, ὅς ῥα ἄνακτα
ἕλκηισιν πεδίοιο τιταινόμενος σὺν ὄχεσφι·
τοῦ μέν τε ψαύουσιν ἐπισσώτρου τρίχες ἄκραι
520 οὐραῖαι· ὁ δέ τ᾽ ἄγχι μάλα τρέχει, οὐδέ τι πολλὴ
χώρη μεσσηγὺς πολέος πεδίοιο θέοντος·
τόσσον δὴ Μενέλαος ἀμύμονος Ἀντιλόχοιο
λείπετ᾽· ἀτὰρ τὰ πρῶτα καὶ ἐς δίσκουρα λέλειπτο,
ἀλλά μιν αἶψα κίχανεν· ὀφέλλετο γὰρ μένος ἠῢ
525 ἵππου τῆς Ἀγαμεμνονέης καλλίτριχος Αἴθης·
εἰ δέ κ᾽ ἔτι προτέρω γένετο δρόμος ἀμφοτέροισι,
τώ κέν μιν παρέλασσ᾽ οὐδ᾽ ἀμφήριστον ἔθηκεν.
αὐτὰρ Μηριόνης θεράπων ἐῢς Ἰδομενῆος
λείπετ᾽ ἀγακλῆος Μενελάου δουρὸς ἐρωήν·
530 βάρδιστοι μὲν γάρ οἱ ἔσαν καλλίτριχες ἵπποι,
ἤκιστος δ᾽ ἦν αὐτὸς ἐλαυνέμεν ἅρμ᾽ ἐν ἀγῶνι.

υἱὸς δ᾽ Ἀδμήτοιο πανύστατος ἤλυθεν ἄλλων
ἕλκων ἅρματα καλὰ ἐλαύνων πρόσσοθεν ἵππους.
τὸν δὲ ἰδὼν ὤικτειρε ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς,
535 στὰς δ᾽ ἄρ᾽ ἐν Ἀργείοις ἔπεα πτερόεντ᾽ ἀγόρευε·
λοῖσθος ἀνὴρ ὤριστος ἐλαύνει μώνυχας ἵππους·
ἀλλ᾽ ἄγε δή οἱ δῶμεν ἀέθλιον ὡς ἐπιεικὲς
δεύτερ᾽· ἀτὰρ τὰ πρῶτα φερέσθω Τυδέος υἱός.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα πάντες ἐπήινεον ὡς ἐκέλευε.
540 καί νύ κέ οἱ πόρεν ἵππον, ἐπήινησαν γὰρ Ἀχαιοί,
εἰ μὴ ἄρ᾽ Ἀντίλοχος μεγαθύμου Νέστορος υἱὸς
Πηλεΐδην Ἀχιλῆα δίκηι ἠμείψατ᾽ ἀναστάς·
ὦ Ἀχιλεῦ μάλα τοι κεχολώσομαι αἴ κε τελέσσηις
τοῦτο ἔπος· μέλλεις γὰρ ἀφαιρήσεσθαι ἄεθλον
545 τὰ φρονέων ὅτι οἱ βλάβεν ἅρματα καὶ ταχέ᾽ ἵππω
αὐτός τ᾽ ἐσθλὸς ἐών· ἀλλ᾽ ὤφελεν ἀθανάτοισιν
εὔχεσθαι· τό κεν οὔ τι πανύστατος ἦλθε διώκων.
εἰ δέ μιν οἰκτίρεις καί τοι φίλος ἔπλετο θυμῶι
ἔστί τοι ἐν κλισίηι χρυσὸς πολύς, ἔστι δὲ χαλκὸς
550 καὶ πρόβατ᾽, εἰσὶ δέ τοι δμωιαὶ καὶ μώνυχες ἵπποι·
τῶν οἱ ἔπειτ᾽ ἀνελὼν δόμεναι καὶ μεῖζον ἄεθλον
ἠὲ καὶ αὐτίκα νῦν, ἵνα σ᾽ αἰνήσωσιν Ἀχαιοί.
τὴν δ᾽ ἐγὼ οὐ δώσω· περὶ δ᾽ αὐτῆς πειρηθήτω
ἀνδρῶν ὅς κ᾽ ἐθέληισιν ἐμοὶ χείρεσσι μάχεσθαι.
555 ὣς φάτο, μείδησεν δὲ ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεὺς
χαίρων Ἀντιλόχωι, ὅτι οἱ φίλος ἦεν ἑταῖρος·
καί μιν ἀμειβόμενος ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
Ἀντίλοχ᾽, εἰ μὲν δή με κελεύεις οἴκοθεν ἄλλο
Εὐμήλωι ἐπιδοῦναι, ἐγὼ δέ κε καὶ τὸ τελέσσω.
560
δώσω οἱ θώρηκα, τὸν Ἀστεροπαῖον ἀπηύρων
χάλκεον, ὧι πέρι χεῦμα φαεινοῦ κασσιτέροιο
ἀμφιδεδίνηται· πολέος δέ οἱ ἄξιος ἔσται.
ἦ ῥα, καὶ Αὐτομέδοντι φίλωι ἐκέλευσεν ἑταίρωι
οἰσέμεναι κλισίηθεν· ὁ δ᾽ ὤιχετο καί οἱ ἔνεικεν,
565 Εὐμήλωι δ᾽ ἐν χερσὶ τίθει· ὁ δὲ δέξατο χαίρων.
τοῖσι δὲ καὶ Μενέλαος ἀνίστατο θυμὸν ἀχεύων
Ἀντιλόχωι ἄμοτον κεχολωμένος· ἐν δ᾽ ἄρα κῆρυξ
χειρὶ σκῆπτρον ἔθηκε, σιωπῆσαί τε κέλευσεν
Ἀργείους· ὁ δ᾽ ἔπειτα μετηύδα ἰσόθεος φώς·
570 Ἀντίλοχε πρόσθεν πεπνυμένε ποῖον ἔρεξας.
ἤισχυνας μὲν ἐμὴν ἀρετήν, βλάψας δέ μοι ἵππους
τοὺς σοὺς πρόσθε βαλών, οἵ τοι πολὺ χείρονες ἦσαν.
ἀλλ᾽ ἄγετ᾽ Ἀργείων ἡγήτορες ἠδὲ μέδοντες
ἐς μέσον ἀμφοτέροισι δικάσσατε, μὴ δ᾽ ἐπ᾽ ἀρωγῆι,
575 μή ποτέ τις εἴπηισιν Ἀχαιῶν χαλκοχιτώνων·
Ἀντίλοχον ψεύδεσσι βιησάμενος Μενέλαος
οἴχεται ἵππον ἄγων, ὅτι οἱ πολὺ χείρονες ἦσαν
ἵπποι, αὐτὸς δὲ κρείσσων ἀρετῆι τε βίηι τε.
εἰ δ᾽ ἄγ᾽ ἐγὼν αὐτὸς δικάσω, καί μ᾽ οὔ τινά φημι
580 ἄλλον ἐπιπλήξειν Δαναῶν· ἰθεῖα γὰρ ἔσται.
Ἀντίλοχ᾽ εἰ δ᾽ ἄγε δεῦρο διοτρεφές, ἣ θέμις ἐστί,
στὰς ἵππων προπάροιθε καὶ ἅρματος, αὐτὰρ ἱμάσθλην
χερσὶν ἔχε ῥαδινήν, ἧι περ τὸ πρόσθεν ἔλαυνες,
ἵππων ἁψάμενος γαιήοχον ἐννοσίγαιον
585 ὄμνυθι μὴ μὲν ἑκὼν τὸ ἐμὸν δόλωι ἅρμα πεδῆσαι.
τὸν δ᾽ αὖτ᾽ Ἀντίλοχος πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα·
ἄνσχεο νῦν· πολλὸν γὰρ ἔγωγε νεώτερός εἰμι
σεῖο ἄναξ Μενέλαε, σὺ δὲ πρότερος καὶ ἀρείων.
οἶσθ᾽ οἷαι νέου ἀνδρὸς ὑπερβασίαι τελέθουσι·
590 κραιπνότερος μὲν γάρ τε νόος, λεπτὴ δέ τε μῆτις.
τώ τοι ἐπιτλήτω κραδίη· ἵππον δέ τοι αὐτὸς
δώσω, τὴν ἀρόμην. εἰ καί νύ κεν οἴκοθεν ἄλλο
μεῖζον ἐπαιτήσειας, ἄφαρ κέ τοι αὐτίκα δοῦναι
βουλοίμην ἢ σοί γε διοτρεφὲς ἤματα πάντα
595 ἐκ θυμοῦ πεσέειν καὶ δαίμοσιν εἶναι ἀλιτρός.
ἦ ῥα καὶ ἵππον ἄγων μεγαθύμου Νέστορος υἱὸς
ἐν χείρεσσι τίθει Μενελάου· τοῖο δὲ θυμὸς
ἰάνθη ὡς εἴ τε περὶ σταχύεσσιν ἐέρση
ληΐου ἀλδήσκοντος, ὅτε φρίσσουσιν ἄρουραι·
600 ὣς ἄρα σοὶ Μενέλαε μετὰ φρεσὶ θυμὸς ἰάνθη.
καί μιν φωνήσας ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
Ἀντίλοχε νῦν μέν τοι ἐγὼν ὑποείξομαι αὐτὸς
χωόμενος, ἐπεὶ οὔ τι παρήορος οὐδ᾽ ἀεσίφρων
ἦσθα πάρος· νῦν αὖτε νόον νίκησε νεοίη.
605 δεύτερον αὖτ᾽ ἀλέασθαι ἀμείνονας ἠπεροπεύειν.
οὐ γάρ κέν με τάχ᾽ ἄλλος ἀνὴρ παρέπεισεν Ἀχαιῶν.
ἀλλὰ σὺ γὰρ δὴ πολλὰ πάθες καὶ πολλὰ μόγησας
σός τε πατὴρ ἀγαθὸς καὶ ἀδελφεὸς εἵνεκ᾽ ἐμεῖο·
τώ τοι λισσομένωι ἐπιπείσομαι, ἠδὲ καὶ ἵππον
610 δώσω ἐμήν περ ἐοῦσαν, ἵνα γνώωσι καὶ οἵδε
ὡς ἐμὸς οὔ ποτε θυμὸς ὑπερφίαλος καὶ ἀπηνής.
ἦ ῥα, καὶ Ἀντιλόχοιο Νοήμονι δῶκεν ἑταίρωι
ἵππον ἄγειν· ὁ δ᾽ ἔπειτα λέβηθ᾽ ἕλε παμφανόωντα.
Μηριόνης δ᾽ ἀνάειρε δύω χρυσοῖο τάλαντα
615 τέτρατος, ὡς ἔλασεν. πέμπτον δ᾽ ὑπελείπετ᾽ ἄεθλον,
ἀμφίθετος φιάλη· τὴν Νέστορι δῶκεν Ἀχιλλεὺς
Ἀργείων ἀν᾽ ἀγῶνα φέρων, καὶ ἔειπε παραστάς·
τῆ νῦν, καὶ σοὶ τοῦτο γέρον κειμήλιον ἔστω
Πατρόκλοιο τάφου μνῆμ᾽ ἔμμεναι· οὐ γὰρ ἔτ᾽ αὐτὸν
620 ὄψηι ἐν Ἀργείοισι· δίδωμι δέ τοι τόδ᾽ ἄεθλον
αὔτως· οὐ γὰρ πύξ γε μαχήσεαι, οὐδὲ παλαίσεις,
οὐδ᾽ ἔτ᾽ ἀκοντιστὺν ἐσδύσεαι, οὐδὲ πόδεσσι
θεύσεαι· ἤδη γὰρ χαλεπὸν κατὰ γῆρας ἐπείγει.
ὣς εἰπὼν ἐν χερσὶ τίθει· ὁ δ᾽ ἐδέξατο χαίρων,
625 καί μιν φωνήσας ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
ναὶ δὴ ταῦτά γε πάντα τέκος κατὰ μοῖραν ἔειπες·
οὐ γὰρ ἔτ᾽ ἔμπεδα γυῖα φίλος πόδες, οὐδέ τι χεῖρες
ὤμων ἀμφοτέρωθεν ἐπαΐσσονται ἐλαφραί.
εἴθ᾽ ὣς ἡβώοιμι βίη τέ μοι ἔμπεδος εἴη
630 ὡς ὁπότε κρείοντ᾽ Ἀμαρυγκέα θάπτον Ἐπειοὶ
Βουπρασίωι, παῖδες δ᾽ ἔθεσαν βασιλῆος ἄεθλα·
ἔνθ᾽ οὔ τίς μοι ὁμοῖος ἀνὴρ γένετ᾽, οὔτ᾽ ἄρ᾽ Ἐπειῶν
οὔτ᾽ αὐτῶν Πυλίων οὔτ᾽ Αἰτωλῶν μεγαθύμων.
πὺξ μὲν ἐνίκησα Κλυτομήδεα Ἤνοπος υἱόν,
635 Ἀγκαῖον δὲ πάληι Πλευρώνιον, ὅς μοι ἀνέστη·
Ἴφικλον δὲ πόδεσσι παρέδραμον ἐσθλὸν ἐόντα,
δουρὶ δ᾽ ὑπειρέβαλον Φυλῆά τε καὶ Πολύδωρον.
οἴοισίν μ᾽ ἵπποισι παρήλασαν Ἀκτορίωνε
πλήθει πρόσθε βαλόντες ἀγασσάμενοι περὶ νίκης,
640 οὕνεκα δὴ τὰ μέγιστα παρ᾽ αὐτόθι λείπετ᾽ ἄεθλα.
οἳ δ᾽ ἄρ᾽ ἔσαν δίδυμοι· ὁ μὲν ἔμπεδον ἡνιόχευεν,
ἔμπεδον ἡνιόχευ᾽, ὁ δ᾽ ἄρα μάστιγι κέλευεν.
ὥς ποτ᾽ ἔον· νῦν αὖτε νεώτεροι ἀντιοώντων
ἔργων τοιούτων· ἐμὲ δὲ χρὴ γήραϊ λυγρῶι
645 πείθεσθαι, τότε δ᾽ αὖτε μετέπρεπον ἡρώεσσιν.
ἀλλ᾽ ἴθι καὶ σὸν ἑταῖρον ἀέθλοισι κτερέϊζε.
τοῦτο δ᾽ ἐγὼ πρόφρων δέχομαι, χαίρει δέ μοι ἦτορ,
ὥς μευ ἀεὶ μέμνησαι ἐνηέος, οὐδέ σε λήθω,
τιμῆς ἧς τέ μ᾽ ἔοικε τετιμῆσθαι μετ᾽ Ἀχαιοῖς.
650 σοὶ δὲ θεοὶ τῶνδ᾽ ἀντὶ χάριν μενοεικέα δοῖεν.
ὣς φάτο, Πηλεΐδης δὲ πολὺν καθ᾽ ὅμιλον Ἀχαιῶν
ὤιχετ᾽, ἐπεὶ πάντ᾽ αἶνον ἐπέκλυε Νηλεΐδαο.
αὐτὰρ ὁ πυγμαχίης ἀλεγεινῆς θῆκεν ἄεθλα·
ἡμίονον ταλαεργὸν ἄγων κατέδησ᾽ ἐν ἀγῶνι
655 ἑξέτε᾽ ἀδμήτην, ἥ τ᾽ ἀλγίστη δαμάσασθαι·
τῶι δ᾽ ἄρα νικηθέντι τίθει δέπας ἀμφικύπελλον.
στῆ δ᾽ ὀρθὸς καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
Ἀτρεΐδη τε καὶ ἄλλοι ἐϋκνήμιδες Ἀχαιοὶ
ἄνδρε δύω περὶ τῶνδε κελεύομεν, ὥ περ ἀρίστω,
660 πὺξ μάλ᾽ ἀνασχομένω πεπληγέμεν· ὧι δέ κ᾽ Ἀπόλλων
δώηι καμμονίην, γνώωσι δὲ πάντες Ἀχαιοί,
ἡμίονον ταλαεργὸν ἄγων κλισίην δὲ νεέσθω·
αὐτὰρ ὁ νικηθεὶς δέπας οἴσεται ἀμφικύπελλον.
ὣς ἔφατ᾽, ὄρνυτο δ᾽ αὐτίκ᾽ ἀνὴρ ἠΰς τε μέγας τε
665 εἰδὼς πυγμαχίης υἱὸς Πανοπῆος Ἐπειός,
ἅψατο δ᾽ ἡμιόνου ταλαεργοῦ φώνησέν τε·
ἆσσον ἴτω ὅς τις δέπας οἴσεται ἀμφικύπελλον·
ἡμίονον δ᾽ οὔ φημί τιν᾽ ἀξέμεν ἄλλον Ἀχαιῶν
πυγμῆι νικήσαντ᾽, ἐπεὶ εὔχομαι εἶναι ἄριστος.
670 ἦ οὐχ ἅλις ὅττι μάχης ἐπιδεύομαι; οὐδ᾽ ἄρα πως ἦν
ἐν πάντεσσ᾽ ἔργοισι δαήμονα φῶτα γενέσθαι.
ὧδε γὰρ ἐξερέω, τὸ δὲ καὶ τετελεσμένον ἔσται·
ἀντικρὺ χρόα τε ῥήξω σύν τ᾽ ὀστέ᾽ ἀράξω.
κηδεμόνες δέ οἱ ἐνθάδ᾽ ἀολλέες αὖθι μενόντων,
675 οἵ κέ μιν ἐξοίσουσιν ἐμῆις ὑπὸ χερσὶ δαμέντα.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα πάντες ἀκὴν ἐγένοντο σιωπῆι.
Εὐρύαλος δέ οἱ οἶος ἀνίστατο ἰσόθεος φὼς
Μηκιστῆος υἱὸς Ταλαϊονίδαο ἄνακτος,
ὅς ποτε Θήβας δ᾽ ἦλθε δεδουπότος Οἰδιπόδαο
680 ἐς τάφον· ἔνθα δὲ πάντας ἐνίκα Καδμείωνας.
τὸν μὲν Τυδεΐδης δουρὶ κλυτὸς ἀμφεπονεῖτο
θαρσύνων ἔπεσιν, μέγα δ᾽ αὐτῶι βούλετο νίκην.
ζῶμα δέ οἱ πρῶτον παρακάββαλεν, αὐτὰρ ἔπειτα
δῶκεν ἱμάντας ἐϋτμήτους βοὸς ἀγραύλοιο.
685 τὼ δὲ ζωσαμένω βήτην ἐς μέσσον ἀγῶνα,
ἄντα δ᾽ ἀνασχομένω χερσὶ στιβαρῆισιν ἅμ᾽ ἄμφω
σύν ῥ᾽ ἔπεσον, σὺν δέ σφι βαρεῖαι χεῖρες ἔμιχθεν.

δεινὸς δὲ χρόμαδος γενύων γένετ᾽, ἔρρεε δ᾽ ἱδρὼς
πάντοθεν ἐκ μελέων· ἐπὶ δ᾽ ὄρνυτο δῖος Ἐπειός,
690 κόψε δὲ παπτήναντα παρήϊον· οὐδ᾽ ἄρ᾽ ἔτι δὴν
ἑστήκειν· αὐτοῦ γὰρ ὑπήριπε φαίδιμα γυῖα.
ὡς δ᾽ ὅθ᾽ ὑπὸ φρικὸς Βορέω ἀναπάλλεται ἰχθὺς
θίν᾽ ἐν φυκιόεντι, μέλαν δέ ἑ κῦμα κάλυψεν,
ὣς πληγεὶς ἀνέπαλτ᾽· αὐτὰρ μεγάθυμος Ἐπειὸς
695 χερσὶ λαβὼν ὤρθωσε· φίλοι δ᾽ ἀμφέσταν ἑταῖροι,
οἵ μιν ἄγον δι᾽ ἀγῶνος ἐφελκομένοισι πόδεσσιν
αἷμα παχὺ πτύοντα κάρη βάλλονθ᾽ ἑτέρωσε·
κὰδ δ᾽ ἀλλοφρονέοντα μετὰ σφίσιν εἷσαν ἄγοντες,
αὐτοὶ δ᾽ οἰχόμενοι κόμισαν δέπας ἀμφικύπελλον.
700 Πηλεΐδης δ᾽ αἶψ᾽ ἄλλα κατὰ τρίτα θῆκεν ἄεθλα
δεικνύμενος Δαναοῖσι παλαισμοσύνης ἀλεγεινῆς,
τῶι μὲν νικήσαντι μέγαν τρίποδ᾽ ἐμπυριβήτην,
τὸν δὲ δυωδεκάβοιον ἐνὶ σφίσι τῖον Ἀχαιοί·
ἀνδρὶ δὲ νικηθέντι γυναῖκ᾽ ἐς μέσσον ἔθηκε,
705 πολλὰ δ᾽ ἐπίστατο ἔργα, τίον δέ ἑ τεσσαράβοιον.
στῆ δ᾽ ὀρθὸς καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
ὄρνυσθ᾽ οἳ καὶ τούτου ἀέθλου πειρήσεσθον.
ὣς ἔφατ᾽, ὦρτο δ᾽ ἔπειτα μέγας Τελαμώνιος Αἴας,
ἂν δ᾽ Ὀδυσεὺς πολύμητις ἀνίστατο κέρδεα εἰδώς.
710 ζωσαμένω δ᾽ ἄρα τώ γε βάτην ἐς μέσσον ἀγῶνα,
ἀγκὰς δ᾽ ἀλλήλων λαβέτην χερσὶ στιβαρῆισιν
ὡς ὅτ᾽ ἀμείβοντες, τούς τε κλυτὸς ἤραρε τέκτων
δώματος ὑψηλοῖο βίας ἀνέμων ἀλεείνων.
τετρίγει δ᾽ ἄρα νῶτα θρασειάων ἀπὸ χειρῶν
715 ἑλκόμενα στερεῶς· κατὰ δὲ νότιος ῥέεν ἱδρώς,
πυκναὶ δὲ σμώδιγγες ἀνὰ πλευράς τε καὶ ὤμους
αἵματι φοινικόεσσαι ἀνέδραμον· οἳ δὲ μάλ᾽ αἰεὶ
νίκης ἱέσθην τρίποδος πέρι ποιητοῖο·
οὔτ᾽ Ὀδυσεὺς δύνατο σφῆλαι οὔδει τε πελάσσαι,
720 οὔτ᾽ Αἴας δύνατο, κρατερὴ δ᾽ ἔχεν ἲς Ὀδυσῆος.

ἀλλ᾽ ὅτε δή ῥ᾽ ἀνίαζον ἐϋκνήμιδας Ἀχαιούς,
δὴ τότε μιν προσέειπε μέγας Τελαμώνιος Αἴας·
διογενὲς Λαερτιάδη πολυμήχαν᾽ Ὀδυσσεῦ
ἤ μ᾽ ἀνάειρ᾽, ἢ ἐγὼ σέ· τὰ δ᾽ αὖ Διὶ πάντα μελήσει.
725 ὣς εἰπὼν ἀνάειρε· δόλου δ᾽ οὐ λήθετ᾽ Ὀδυσσεύς·
κόψ᾽ ὄπιθεν κώληπα τυχών, ὑπέλυσε δὲ γυῖα,
κὰδ δ᾽ ἔβαλ᾽ ἐξοπίσω· ἐπὶ δὲ στήθεσσιν Ὀδυσσεὺς
κάππεσε· λαοὶ δ᾽ αὖ θηεῦντό τε θάμβησάν τε.
δεύτερος αὖτ᾽ ἀνάειρε πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς,
730 κίνησεν δ᾽ ἄρα τυτθὸν ἀπὸ χθονός, οὐδ᾽ ἔτ᾽ ἄειρεν,
ἐν δὲ γόνυ γνάμψεν· ἐπὶ δὲ χθονὶ κάππεσον ἄμφω
πλησίοι ἀλλήλοισι, μιάνθησαν δὲ κονίηι.
καί νύ κε τὸ τρίτον αὖτις ἀναΐξαντ᾽ ἐπάλαιον,
εἰ μὴ Ἀχιλλεὺς αὐτὸς ἀνίστατο καὶ κατέρυκε·
735 μηκέτ᾽ ἐρείδεσθον, μὴ δὲ τρίβεσθε κακοῖσι·
νίκη δ᾽ ἀμφοτέροισιν· ἀέθλια δ᾽ ἶσ᾽ ἀνελόντες
ἔρχεσθ᾽, ὄφρα καὶ ἄλλοι ἀεθλεύωσιν Ἀχαιοί.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα τοῦ μάλα μὲν κλύον ἠδὲ πίθοντο,
καί ῥ᾽ ἀπομορξαμένω κονίην δύσαντο χιτῶνας.
740 Πηλεΐδης δ᾽ αἶψ᾽ ἄλλα τίθει ταχυτῆτος ἄεθλα
ἀργύρεον κρητῆρα τετυγμένον· ἓξ δ᾽ ἄρα μέτρα
χάνδανεν, αὐτὰρ κάλλει ἐνίκα πᾶσαν ἐπ᾽ αἶαν
πολλόν, ἐπεὶ Σιδόνες πολυδαίδαλοι εὖ ἤσκησαν,
Φοίνικες δ᾽ ἄγον ἄνδρες ἐπ᾽ ἠεροειδέα πόντον,
745 στῆσαν δ᾽ ἐν λιμένεσσι, Θόαντι δὲ δῶρον ἔδωκαν·
υἷος δὲ Πριάμοιο Λυκάονος ὦνον ἔδωκε
Πατρόκλωι ἥρωϊ Ἰησονίδης Εὔνηος.
καὶ τὸν Ἀχιλλεὺς θῆκεν ἄεθλον οὗ ἑτάροιο,
ὅς τις ἐλαφρότατος ποσσὶ κραιπνοῖσι πέλοιτο·
750 δευτέρωι αὖ βοῦν θῆκε μέγαν καὶ πίονα δημῶι,
ἡμιτάλαντον δὲ χρυσοῦ λοισθήϊ᾽ ἔθηκε.
στῆ δ᾽ ὀρθὸς καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
ὄρνυσθ᾽ οἳ καὶ τούτου ἀέθλου πειρήσεσθε.
ὣς ἔφατ᾽, ὄρνυτο δ᾽ αὐτίκ᾽ Ὀϊλῆος ταχὺς Αἴας,
755 ἂν δ᾽ Ὀδυσεὺς πολύμητις, ἔπειτα δὲ Νέστορος υἱὸς
Ἀντίλοχος· ὁ γὰρ αὖτε νέους ποσὶ πάντας ἐνίκα.
στὰν δὲ μεταστοιχί· σήμηνε δὲ τέρματ᾽ Ἀχιλλεύς.
τοῖσι δ᾽ ἀπὸ νύσσης τέτατο δρόμος· ὦκα δ᾽ ἔπειτα
ἔκφερ᾽ Ὀϊλιάδης· ἐπὶ δ᾽ ὄρνυτο δῖος Ὀδυσσεὺς
760 ἄγχι μάλ᾽, ὡς ὅτε τίς τε γυναικὸς ἐϋζώνοιο
στήθεός ἐστι κανών, ὅν τ᾽ εὖ μάλα χερσὶ τανύσσηι
πηνίον ἐξέλκουσα παρὲκ μίτον, ἀγχόθι δ᾽ ἴσχει
στήθεος· ὣς Ὀδυσεὺς θέεν ἐγγύθεν, αὐτὰρ ὄπισθεν
ἴχνια τύπτε πόδεσσι πάρος κόνιν ἀμφιχυθῆναι·
765 κὰδ δ᾽ ἄρα οἱ κεφαλῆς χέ᾽ ἀϋτμένα δῖος Ὀδυσσεὺς
αἰεὶ ῥίμφα θέων· ἴαχον δ᾽ ἐπὶ πάντες Ἀχαιοὶ
νίκης ἱεμένωι, μάλα δὲ σπεύδοντι κέλευον.
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ πύματον τέλεον δρόμον, αὐτίκ᾽ Ὀδυσσεὺς
εὔχετ᾽ Ἀθηναίηι γλαυκώπιδι ὃν κατὰ θυμόν·
770 κλῦθι θεά, ἀγαθή μοι ἐπίρροθος ἐλθὲ ποδοῖιν.
ὣς ἔφατ᾽ εὐχόμενος· τοῦ δ᾽ ἔκλυε Παλλὰς Ἀθήνη,
γυῖα δ᾽ ἔθηκεν ἐλαφρά, πόδας καὶ χεῖρας ὕπερθεν.
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ τάχ᾽ ἔμελλον ἐπαΐξασθαι ἄεθλον,
ἔνθ᾽ Αἴας μὲν ὄλισθε θέων, βλάψεν γὰρ Ἀθήνη,
775 τῆι ῥα βοῶν κέχυτ᾽ ὄνθος ἀποκταμένων ἐριμύκων,
οὓς ἐπὶ Πατρόκλωι πέφνεν πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
ἐν δ᾽ ὄνθου βοέου πλῆτο στόμα τε ῥῖνάς τε·
κρητῆρ᾽ αὖτ᾽ ἀνάειρε πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς,
ὡς ἦλθε φθάμενος· ὁ δὲ βοῦν ἕλε φαίδιμος Αἴας.
780 στῆ δὲ κέρας μετὰ χερσὶν ἔχων βοὸς ἀγραύλοιο
ὄνθον ἀποπτύων, μετὰ δ᾽ Ἀργείοισιν ἔειπεν·
ὢ πόποι ἦ μ᾽ ἔβλαψε θεὰ πόδας, ἣ τὸ πάρος περ
μήτηρ ὣς Ὀδυσῆϊ παρίσταται ἠδ᾽ ἐπαρήγει.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα πάντες ἐπ᾽ αὐτῶι ἡδὺ γέλασσαν.
785 Ἀντίλοχος δ᾽ ἄρα δὴ λοισθήϊον ἔκφερ᾽ ἄεθλον
μειδιόων, καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
εἰδόσιν ὔμμ᾽ ἐρέω πᾶσιν φίλοι, ὡς ἔτι καὶ νῦν
ἀθάνατοι τιμῶσι παλαιοτέρους ἀνθρώπους.
Αἴας μὲν γὰρ ἐμεῖ᾽ ὀλίγον προγενέστερός ἐστιν,
790 οὗτος δὲ προτέρης γενεῆς προτέρων τ᾽ ἀνθρώπων·
ὠμογέροντα δέ μίν φασ᾽ ἔμμεναι· ἀργαλέον δὲ
ποσσὶν ἐριδήσασθαι Ἀχαιοῖς, εἰ μὴ Ἀχιλλεῖ.
ὣς φάτο, κύδηνεν δὲ ποδώκεα Πηλεΐωνα.
τὸν δ᾽ Ἀχιλεὺς μύθοισιν ἀμειβόμενος προσέειπεν·
795 Ἀντίλοχ᾽ οὐ μέν τοι μέλεος εἰρήσεται αἶνος,
ἀλλά τοι ἡμιτάλαντον ἐγὼ χρυσοῦ ἐπιθήσω.
ὣς εἰπὼν ἐν χερσὶ τίθει, ὁ δ᾽ ἐδέξατο χαίρων.
αὐτὰρ Πηλεΐδης κατὰ μὲν δολιχόσκιον ἔγχος
θῆκ᾽ ἐς ἀγῶνα φέρων, κατὰ δ᾽ ἀσπίδα καὶ τρυφάλειαν
800 τεύχεα Σαρπήδοντος, ἅ μιν Πάτροκλος ἀπηύρα.
στῆ δ᾽ ὀρθὸς καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
ἄνδρε δύω περὶ τῶνδε κελεύομεν, ὥ περ ἀρίστω,
τεύχεα ἑσσαμένω ταμεσίχροα χαλκὸν ἑλόντε
ἀλλήλων προπάροιθεν ὁμίλου πειρηθῆναι.
805 ὁππότερός κε φθῆισιν ὀρεξάμενος χρόα καλόν,
ψαύσηι δ᾽ ἐνδίνων διά τ᾽ ἔντεα καὶ μέλαν αἷμα,
τῶι μὲν ἐγὼ δώσω τόδε φάσγανον ἀργυρόηλον
καλὸν Θρηΐκιον, τὸ μὲν Ἀστεροπαῖον ἀπηύρων·
τεύχεα δ᾽ ἀμφότεροι ξυνήϊα ταῦτα φερέσθων·
810 καί σφιν δαῖτ᾽ ἀγαθὴν παραθήσομεν ἐν κλισίηισιν.

ὣς ἔφατ᾽, ὦρτο δ᾽ ἔπειτα μέγας Τελαμώνιος Αἴας,
ἂν δ᾽ ἄρα Τυδεΐδης ὦρτο, κρατερὸς Διομήδης.
οἳ δ᾽ ἐπεὶ οὖν ἑκάτερθεν ὁμίλου θωρήχθησαν,
ἐς μέσον ἀμφοτέρω συνίτην μεμαῶτε μάχεσθαι
815 δεινὸν δερκομένω· θάμβος δ᾽ ἔχε πάντας Ἀχαιούς.
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ σχεδὸν ἦσαν ἐπ᾽ ἀλλήλοισιν ἰόντες,
τρὶς μὲν ἐπήϊξαν, τρὶς δὲ σχεδὸν ὁρμήθησαν.
ἔνθ᾽ Αἴας μὲν ἔπειτα κατ᾽ ἀσπίδα πάντοσ᾽ ἐΐσην
νύξ᾽, οὐδὲ χρό᾽ ἵκανεν· ἔρυτο γὰρ ἔνδοθι θώρηξ·
820 Τυδεΐδης δ᾽ ἄρ᾽ ἔπειτα ὑπὲρ σάκεος μεγάλοιο
αἰὲν ἐπ᾽ αὐχένι κῦρε φαεινοῦ δουρὸς ἀκωκῆι.
καὶ τότε δή ῥ᾽ Αἴαντι περιδείσαντες Ἀχαιοὶ
παυσαμένους ἐκέλευσαν ἀέθλια ἶσ᾽ ἀνελέσθαι.
αὐτὰρ Τυδεΐδηι δῶκεν μέγα φάσγανον ἥρως
825 σὺν κολεῶι τε φέρων καὶ ἐϋτμήτωι τελαμῶνι.
αὐτὰρ Πηλεΐδης θῆκεν σόλον αὐτοχόωνον
ὃν πρὶν μὲν ῥίπτασκε μέγα σθένος Ἠετίωνος·
ἀλλ᾽ ἤτοι τὸν ἔπεφνε ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς,
τὸν δ᾽ ἄγετ᾽ ἐν νήεσσι σὺν ἄλλοισι κτεάτεσσι.
830 στῆ δ᾽ ὀρθὸς καὶ μῦθον ἐν Ἀργείοισιν ἔειπεν·
ὄρνυσθ᾽ οἳ καὶ τούτου ἀέθλου πειρήσεσθε.
εἴ οἱ καὶ μάλα πολλὸν ἀπόπροθι πίονες ἀγροί,
ἕξει μιν καὶ πέντε περιπλομένους ἐνιαυτοὺς
χρεώμενος· οὐ μὲν γάρ οἱ ἀτεμβόμενός γε σιδήρου
835 ποιμὴν οὐδ᾽ ἀροτὴρ εἶσ᾽ ἐς πόλιν, ἀλλὰ παρέξει.
ὣς ἔφατ᾽, ὦρτο δ᾽ ἔπειτα μενεπτόλεμος Πολυποίτης,
ἂν δὲ Λεοντῆος κρατερὸν μένος ἀντιθέοιο,
ἂν δ᾽ Αἴας Τελαμωνιάδης καὶ δῖος Ἐπειός.
ἑξείης δ᾽ ἵσταντο, σόλον δ᾽ ἕλε δῖος Ἐπειός,
840 ἧκε δὲ δινήσας· γέλασαν δ᾽ ἐπὶ πάντες Ἀχαιοί.
δεύτερος αὖτ᾽ ἀφέηκε Λεοντεὺς ὄζος Ἄρηος·
τὸ τρίτον αὖτ᾽ ἔρριψε μέγας Τελαμώνιος Αἴας
χειρὸς ἄπο στιβαρῆς, καὶ ὑπέρβαλε σήματα πάντων.

ἀλλ᾽ ὅτε δὴ σόλον εἷλε μενεπτόλεμος Πολυποίτης,
845 ὅσσόν τίς τ᾽ ἔρριψε καλαύροπα βουκόλος ἀνήρ,
ἣ δέ θ᾽ ἑλισσομένη πέτεται διὰ βοῦς ἀγελαίας,
τόσσον παντὸς ἀγῶνος ὑπέρβαλε· τοὶ δὲ βόησαν.
ἀνστάντες δ᾽ ἕταροι Πολυποίταο κρατεροῖο
νῆας ἔπι γλαφυρὰς ἔφερον βασιλῆος ἄεθλον.
850 αὐτὰρ ὁ τοξευτῆισι τίθει ἰόεντα σίδηρον,
κὰδ δ᾽ ἐτίθει δέκα μὲν πελέκεας, δέκα δ᾽ ἡμιπέλεκκα,
ἱστὸν δ᾽ ἔστησεν νηὸς κυανοπρώιροιο
τηλοῦ ἐπὶ ψαμάθοις, ἐκ δὲ τρήρωνα πέλειαν
λεπτῆι μηρίνθωι δῆσεν ποδός, ἧς ἄρ᾽ ἀνώγει
855 τοξεύειν· ὃς μέν κε βάληι τρήρωνα πέλειαν,
πάντας ἀειράμενος πελέκεας οἶκον δὲ φερέσθω·
ὃς δέ κε μηρίνθοιο τύχηι ὄρνιθος ἁμαρτών,
ἥσσων γὰρ δὴ κεῖνος, ὁ δ᾽ οἴσεται ἡμιπέλεκκα.
ὣς ἔφατ᾽, ὦρτο δ᾽ ἔπειτα βίη Τεύκροιο ἄνακτος,
860 ἂν δ᾽ ἄρα Μηριόνης θεράπων ἐῢς Ἰδομενῆος.
κλήρους δ᾽ ἐν κυνέηι χαλκήρεϊ πάλλον ἑλόντες,
Τεῦκρος δὲ πρῶτος κλήρωι λάχεν· αὐτίκα δ᾽ ἰὸν
ἧκεν ἐπικρατέως, οὐδ᾽ ἠπείλησεν ἄνακτι
ἀρνῶν πρωτογόνων ῥέξειν κλειτὴν ἑκατόμβην.
865 ὄρνιθος μὲν ἅμαρτε· μέγηρε γάρ οἱ τό γ᾽ Ἀπόλλων·
αὐτὰρ ὁ μήρινθον βάλε πὰρ πόδα, τῆι δέδετ᾽ ὄρνις·
ἀντικρὺ δ᾽ ἀπὸ μήρινθον τάμε πικρὸς ὀϊστός.
ἣ μὲν ἔπειτ᾽ ἤϊξε πρὸς οὐρανόν, ἣ δὲ παρείθη
μήρινθος ποτὶ γαῖαν· ἀτὰρ κελάδησαν Ἀχαιοί.
870 σπερχόμενος δ᾽ ἄρα Μηριόνης ἐξείρυσε χειρὸς
τόξον· ἀτὰρ δὴ ὀϊστὸν ἔχεν πάλαι, ὡς ἴθυνεν.
αὐτίκα δ᾽ ἠπείλησεν ἑκηβόλωι Ἀπόλλωνι
ἀρνῶν πρωτογόνων ῥέξειν κλειτὴν ἑκατόμβην.
ὕψι δ᾽ ὑπὸ νεφέων εἶδε τρήρωνα πέλειαν·
875 τῆι ῥ᾽ ὅ γε δινεύουσαν ὑπὸ πτέρυγος βάλε μέσσην,
ἀντικρὺ δὲ διῆλθε βέλος· τὸ μὲν ἂψ ἐπὶ γαίηι
πρόσθεν Μηριόναο πάγη ποδός· αὐτὰρ ἣ ὄρνις
ἱστῶι ἐφεζομένη νηὸς κυανοπρώιροιο
αὐχέν᾽ ἀπεκρέμασεν, σὺν δὲ πτερὰ πυκνὰ λίασθεν.
880 ὠκὺς δ᾽ ἐκ μελέων θυμὸς πτάτο, τῆλε δ᾽ ἀπ᾽ αὐτοῦ
κάππεσε· λαοὶ δ᾽ αὖ θηεῦντό τε θάμβησάν τε.
ἂν δ᾽ ἄρα Μηριόνης πελέκεας δέκα πάντας ἄειρε,
Τεῦκρος δ᾽ ἡμιπέλεκκα φέρεν κοίλας ἐπὶ νῆας.
αὐτὰρ Πηλεΐδης κατὰ μὲν δολιχόσκιον ἔγχος,
885 κὰδ δὲ λέβητ᾽ ἄπυρον βοὸς ἄξιον ἀνθεμόεντα
θῆκ᾽ ἐς ἀγῶνα φέρων· καί ῥ᾽ ἥμονες ἄνδρες ἀνέσταν·
ἂν μὲν ἄρ᾽ Ἀτρεΐδης εὐρὺ κρείων Ἀγαμέμνων,
ἂν δ᾽ ἄρα Μηριόνης, θεράπων ἐῢς Ἰδομενῆος.
τοῖσι δὲ καὶ μετέειπε ποδάρκης δῖος Ἀχιλλεύς·
890 Ἀτρεΐδη· ἴδμεν γὰρ ὅσον προβέβηκας ἁπάντων
ἠδ᾽ ὅσσον δυνάμει τε καὶ ἥμασιν ἔπλευ ἄριστος·
ἀλλὰ σὺ μὲν τόδ᾽ ἄεθλον ἔχων κοίλας ἐπὶ νῆας
ἔρχευ, ἀτὰρ δόρυ Μηριόνηι ἥρωϊ πόρωμεν,
εἰ σύ γε σῶι θυμῶι ἐθέλοις· κέλομαι γὰρ ἔγωγε.
895 ὣς ἔφατ᾽, οὐδ᾽ ἀπίθησεν ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων·
δῶκε δὲ Μηριόνηι δόρυ χάλκεον· αὐτὰρ ὅ γ᾽ ἥρως
Ταλθυβίωι κήρυκι δίδου περικαλλὲς ἄεθλον.