Chant XIX
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     L'aurore, au voile de pourpre, quittait les flots de l'Océan pour ramener la lumière aux dieux et aux mortels, lorsque Thétis arrive près des navires, portant les riches dons de Vulcain ; elle trouve son fils chéri assis auprès de Patrocle, et pleurant avec amertume ; autour du héros gémissaient aussi ses nombreux compagnons. L'illustre déesse s'arrête auprès d'eux, prend avec tendresse la main d'Achille, et lui dit :

     « Mon fils, malgré nos peines, laissons Patrocle sur ce lit de mort, puisqu'il a péri par la volonté des dieux : toi, cependant, accepte ces armes glorieuses, forgées par Vulcain, et si belles, que jamais sur ses épaules mortel n'en porta de semblables. »

     A ces mots, la divine Thétis dépose aux pieds d'Achille ces armes, d'un travail exquis : elles rendent un son terrible. Tous les Thessaliens sont saisis d'effroi ; ils ne peuvent soutenir l'éclat de ces armes. Mais Achille aussitôt à leur vue éprouve une colère plus vive. Sous ses épais sourcils ses yeux brillent terribles comme la flamme. Prenant dans ses mains ces riches présents du dieu, il s'en réjouit ; et lorsque avec plaisir il a longtemps contemplé ce travail admirable :

     « Oui, ma mère, s'écrie-t-il, c'est un dieu qui vous donna ces armes ; de telles armes ne peuvent être que l'ouvrage des immortels, un homme n'aurait pu accomplir ce travail. Je m'armerai donc aujourd'hui ; mais je crains que les mouches ne pénètrent dans les blessures faites par l'airain au noble fils de Ménétius, n'engendrent les vers, ne souillent ce corps (car il est privé de vie), et que les chairs ne soient entièrement corrompues. »

     « Mon fils, lui répond la déesse aux pieds d'argent, que de tels soins ne troublent point ton âme ; moi-même j'écarterai de lui ces essaims cruels, ces mouches qui dévorent les héros immolés dans les combats. Quand il reposerait durant une année révolue sur le rivage, ce cadavre serait toujours entier, et même dans un meilleur état. Toi, cependant, appelle dans l'assemblée les guerriers argiens, et renonçant à ta colère contre Agamemnon, pasteur des peuples, arme-toi pour la guerre, et revêts la force. »

    En parlant ainsi, Thétis remplit le cœur d'Achille d'une nouvelle audace ; ensuite dans les narines de Patrocle elle fait couler l'ambroisie et le rouge nectar, afin que ses chairs soient incorruptibles.

     Alors Achille parcourt les rivages de la mer, et appelle à grands cris les vaillants capitaines des Grecs : tous ceux qui avaient coutume de rester au milieu de la flotte, et les pilotes qui tiennent le gouvernail des navires, et les économes chargés sur la flotte de distribuer les vivres, se rendent au conseil, parce qu'Achille y reparaissait, lui qui depuis longtemps s'était éloigné des batailles cruelles. Deux héros, disciples de Mars, s'avancent en boitant, l'intrépide fils de Tydée et le divin Ulysse, appuyés sur leurs lances, car ils souffraient encore do leurs blessures. Ils arrivent les premiers, et prennent place dans le conseil ; ensuite vient Agamemnon, roi des hommes, aussi blessé, car le fils d'Anténor, Coon, l'atteignit de sa lance d'airain dans cette mêlée sanglante. Après que tous les Grecs sont réunis, Achille se lève, et dit ces paroles :

     « Atride, ce que nous faisons maintenant eût été meilleur pour tous les deux, lorsque, le cœur plein de tristesse, nous nous livrâmes à une violente querelle pour une captive. Ah ! plût aux dieux que dans mes vaisseaux Diane l'eût frappée de ses flèches le jour où je l'enlevai, après avoir détruit la ville de Lyrnesse ! Aujourd'hui tant de Grecs vaincus par les mains des ennemis n'auraient pas mordu la poudre durant les jours de ma colère : c'était favoriser Hector et les Troyens. Ah ! je pense que les Grecs se ressouviendront longtemps de notre querelle. Mais, quels que soient nos chagrins, oublions ce qui est passé, et par nécessité domptons le courroux dans notre cœur : je fais cesser au­jourd'hui mon ressentiment ; il ne me faut pas être toujours irrité. Cependant, hâte-toi d'appeler au combat les valeureux Grecs, pour que je sache, en marchant contre les Troyens, s'ils veulent encore rester près de notre flotte. Certes, je crois qu'il goûtera volontiers le repos celui qui, échappant à cette bataille terrible, évitera les coups de ma lance. »

     Il dit : et tous les Grecs se réjouissent que le magnanime fils de Pelée ait enfin apaisé sa colère. Alors le roi Agamemnon, sans s'éloigner de son siège, ni s'avancer au milieu de l'assemblée, parle en ces mots :

     « Amis, braves enfants de Danaüs, disciples du dieu Mars, on doit écouter avec attention celui qui se lève ; il ne convient pas de l'interrompre, ce qui est importun même pour le plus habile. Au bruit confus de la foule, qui pourrait ou parler ou se faire entendre ? la voix la plus sonore est alors étouffée. Je m'adresserai au fils de Pelée ; mais vous tous, Argiens, soyez attentifs, et que chacun de vous pèse bien mes paroles : Souvent les Grecs ont tenu des discours contre moi, et m'ont fait des reproches ; mais je ne suis point coupable : ce furent et Jupiter, et le Destin, et Érinnys, errante au sein des ténèbres, qui, dans l'assemblée, remplirent mon âme d'un sauvage aveuglement, le jour où j'enlevai la récompense d'Achille. Mais que pouvais-je alors ? Une divinité a tout conduit, la terrible fille de Jupiter, Até, déesse funeste, qui trouble tous les cœurs ; ses pieds sont légers, jamais ils ne touchent le sol ; elle marche sur la tète des hommes pour hâter leur ruine. Ah ! je ne suis pas le seul qu'elle ait opprimé ; jadis elle offensa Jupiter, qu'on dit être si fort au-dessus des hommes et des dieux. Junon, quoique son épouse, le trompa par ses artifices, alors qu'Alcmène devait enfanter le vigoureux Hercule dans la superbe ville de Thèbes. Jupiter triomphant disait à toutes les divinités :

     « Écoutez-moi tous, dieux, et vous déesses ; je vous dirai ce que dans mon cœur le désir m'invite à révéler. Aujourd'hui même, Ilithye, qui préside aux enfantements, mettra au jour un héros qui régnera sur tous ses voisins ; il est de la race de ces hommes qui sont issus de mon sang. »

     « Discours trompeurs, s'écrie la perfide Junon ; jamais tu n'accompliras ces paroles : si tu es sincère, atteste-moi, roi de l'Olympe, par un serment sacré, qu'il régnera sur tous ses voisins celui qui en ce jour naîtra d'une femme, parmi les hommes issus de ton sang et de ta race. »

     « Elle dit : Jupiter ne reconnut point l'artifice, et prononce le serment qui dans la suite lui devint si funeste. Aussitôt Junon s'élance des sommets de l'Olympe, et vient dans Argus, ville de l'Achaïe ; c'est là qu'elle connut jadis l'illustre épouse de Sthénélus, fils de Persée. Cette femme portait un enfant dans son sein, !e septième mois était accompli : la déesse l'appelle à la lumière, quoique avant le terme ; et, arrêtant Ilithye, elle retarde l'accou­chement d'Alcmène. Alors Junon elle-même court annoncer cette nouvelle, et dit au fils de Saturne :

     « Puissant Jupiter, roi des tempêtes, je veux déposer un secret au fond de ton âme ; il est né ce héros vaillant qui régnera dans Argos : c'est Eurysthée, fils de Sthénélus, et petit-fils de Persée ; il te doit son origine, et n'est point indigne de commander aux Argiens. »

     « A ces mots, Jupiter éprouve dans son cœur une douleur profonde ; soudain il saisit Até par sa brillante chevelure, et, enflammé de colère, il prononce ce serment terrible : « Que dans l'Olympe et le ciel étoile Até ne reparaisse jamais, elle qui nous frappe tous. »

     « En parlant ainsi, Jupiter, d'une main vigoureuse, la précipite des cieux, et bientôt elle atteint les terres cultivées par les hommes. Cependant le roi des dieux soupirait sans cesse en voyant son fils accomplissant une tâche honteuse sous les ordres d'Eurysthée.

     « De même quand le terrible Hector immolait les Argiens devant les poupes de nos vaisseaux, je n'ai pu méconnaître la déesse Até, par qui d'abord je fus frappé. Mais puisque j'ai commis une faute, et que Jupiter m'a privé de ma raison, je veux t'apaiser aujourd'hui et te combler de riches présents. Vole aux combats, Achille ; excite les autres guerriers, et je t'accorderai tous les dons qu'hier, dans tes tentes, te promit le divin Ulysse ; ou, si tu le veux, diffère encore malgré ton ardeur des batailles, mes serviteurs iront dans mes navires, en rapporteront les présents , et tu verras tout ce que je te donne pour te calmer. »

     « Puissant Atride, Agamemnon, roi des hommes, lui répond le valeureux Achille, si tu le veux, accorde, comme il est juste, ou retiens tes dons ; cela dépend de toi. Maintenant songeons à la guerre, et sur-le-champ, il ne faut pas perdre ici le temps en discours et en vaines lenteurs, car le travail est encore inachevé : bientôt on verra Achille marcher aux premiers rangs, et de sa lance d'airain renverser les phalanges troyennes. De même, que chacun de vous songe à renverser un ennemi. »

     Alors le prudent Ulysse parlant à son tour :

     « Quel que soit ton courage, dit-il, ô généreux Achille, ne conseille point aux Grecs, encore privés de nourriture, d'attaquer Ilion et de combattre les Troyens : la bataille ne sera pas de courte durée ; et quand une fois les phalanges auront engagé le combat, sans doute un dieu soufflera une violente ardeur aux deux armées. Ordonne donc que sur les vaisseaux légers les Grecs se rassasient et de pain et de vin, ce qui fait la force et le courage. L'homme privé de nourriture depuis l'aurore jusqu'au coucher du soleil ne peut combattre l'ennemi. Quoique plein d'ardeur pour la guerre, il sent ses membres appesantis ; la faim et la soif le tourmentent, et ses genoux sont sans vigueur. L'homme, au contraire, rassasié de vin et d'aliments combat pendant tout le jour les soldats ennemis ; son cœur reste intrépide dans son sein, et ses membres ne ressentent la fatigue que lorsque tous ont quitté les batailles. Renvoie donc tes guerriers, et commande-leur de préparer le repas. Agamemnon, roi des hommes, fera porter les présents au sein de cette assemblée, afin que tous les Grecs en soient témoins, et que tu te réjouisses dans ton cœur. Debout au milieu des Argiens, il jurera avec serment que, n'usant point du droit des vainqueurs sur leurs captives, jamais il ne s'unit à Briséis, et que jamais il ne partagea sa couche. Toi cependant, que dans ton sein ton cœur nous soit secourable : ce prince te donnera dans sa tente un repas magnifique, afin que rien ne manque à la réparation. Atride, à l'avenir, montre-toi plus juste envers tout autre guerrier, et songe qu'il n'est point honteux pour un roi d'apaiser le héros qui fut le premier offensé. »

    Agamemnon, roi des hommes, lui répond en ces mots :

    « J'applaudis, fils de Laërte, aux paroles que je viens d'entendre , car tu dis et tu développes toute chose avec équité. Oui, je veux jurer, mon désir m'y porte, et je ne me parjurerai point devant un dieu. Cependant, qu'Achille diffère encore, malgré son impatience pour les combats ; différez de même, vous tous ici rassemblés, jusqu'à ce que les présents arrivent de ma tente, et que nous immolions les victimes gages des serments. C'est à toi-même, Ulysse, que je confie mes volontés et mes ordres ; après avoir choisi l'élite de tous les jeunes guerriers achéens, apporte de mes navires les dons qu'hier nous promîmes au fils de Pelée : conduis aussi les captives ; et que Talthybius se hâte de préparer, dans le vaste camp des Grecs, le sanglier que nous immolerons à Jupiter et au Soleil. »

     « Atride, roi plein de gloire, lui répond Achille, dans un autre temps tu pourras mieux te livrer à de tels soins, lorsque la guerre nous laissera quelque repos, et qu'une telle ardeur ne résidera pas dans mon âme. Ils sont étendus sans vie ceux qu'Hector a frappés quand Jupiter le comblait de gloire ; et vous nous invitez aux festins ! Je conseillerais donc aux Grecs de combattre à jeun, sans nourriture, et de ne préparer le repas qu'au coucher du soleil, quand nous aurons vengé notre affront. Pour moi, avant ce temps, aucun aliment n'entrera dans mon sein, puisque mon compagnon fidèle a péri ; lui qui repose dans ma tente, percé par l'airain cruel et les pieds tournés vers l'entrée. Nos amis pleurent autour de lui ; quant à moi, aucun soin de ma nourriture n'occupe ma pensée, mais le carnage, le sang, et les funestes gémissements des guerriers. »

    « 0 Achille, fils de Pelée, et le plus brave des Grecs, reprend le sage Ulysse, sans doute tu es bien plus puissant, bien plus fort que moi par ta lance ; mais aussi je te surpasse de beaucoup dans le conseil, car je suis né le premier, et j'ai vu plus de choses. Que ton âme se rende donc à mes avis. Les hommes éprouvent bientôt la satiété du carnage ; d'abord l'airain répand sur la terre de nombreux cadavres, mais bientôt la moisson devient moins abondante, quand Jupiter fait pencher ses balances, lui qui est l'arbitre de la guerre parmi les hommes. Non ce n'est point par le jeûne que les Grecs doivent pleurer les morts ; tous les jours de nombreux guerriers périssent en foule : quand donc pourrions-nous respirer ? Mais il nous faut avec un cœur patient ensevelir celui qui succombe, et ne pleurer que pendant un jour. Quant à ceux qui ont échappé à la guerre cruelle, qu'ils songent au breuvage et à la nourriture, afin que sans relâche nous puissions mieux combattre nos ennemis quand nous aurons revêtu l'airain étincelant. Alors, que nul dans l'armée n'attende un second ordre, cet ordre serait funeste à celui qui resterait près des navires ; mais tous en foule élançons-nous et livrons aux guerriers troyens un combat terrible. »

     Il dit, et il se fait suivre par les deux fils du vénérable Nestor ; Mégès, issu de Phylée, Thoas, Mérion, Lycomède, fils de Créon, et Mélanippe. Ils se rendent tous dans la tente d'Agamemnon, fils d'Atrée : aussitôt l'ordre donné l'œuvre fut accomplie. Ils apportent de la tente les sept trépieds qui furent promis, vingt vases resplendissants et douze coursiers : ils conduisent aussi sept captives habiles en toutes sortes d'ouvrages ; la huitième est Briséis, d'une éclatante beauté. Ulysse les précède portant les dix talents d'or qu'il a pesés ; et les jeunes guerriers chargés des autres pré­sents les déposent au milieu de l'assemblée. Agamemnon se lève ; Talthybius, dont la voix est semblable à celle des dieux, tient le sanglier de ses deux mains, et se place devant le pasteur des peuples. Alors Atride tire le coutelas suspendu toujours auprès du long fourreau de son glaive, et pour les prémices coupe les soies sur la tête du sanglier, puis, en élevant les mains, il implore Jupiter. Tous les Argiens gardent le silence, et, rangés en ordre, ils écoutent avec respect leur roi, qui, les regards attachés sur la voûte immense des cieux, prononce ces paroles :

     « Maintenant j'atteste d'abord Jupiter, le plus grand et le plus puissant des dieux ; j'atteste la Terre, le Soleil, et les Furies, qui, dans les enfers, punissent les hommes parjures, que jamais je n'ai porté mes mains sur la jeune Briséis, sous le prétexte de ma couche ou de tout autre motif ; mais que toujours elle fut honorée dans mes tentes : si j'ai fait un faux serment, que les dieux m'accablent des maux nombreux réservés à celui qui les offense en violant sa foi. »

     Il dit, et plonge le fer dans le sein de la victime ; Talthybius, d'une main vigoureuse, la précipite dans le gouffre des mers pour être la pâture des poissons ; ensuite Achille, debout au milieu des guerriers argiens, s'écrie :

     « Puissant Jupiter, que d'infortunes tu répands sur les hommes ! Non, sans doute, jamais Atride n'eût excité la colère dans mon sein ; jamais il n'eût enlevé malgré moi cette captive, si Jupiter n'eût pas résolu la mort d'un grand nombre d'Achéens. Cependant allez prendre le repas, et préparons-nous au combat. »

     A ces mots, Achille rompt l'assemblée ; tous se dispersent, et chacun regagne son vaisseau. Les braves Thessaliens s'emparent des présents, les portent vers le navire d'Achille, les déposent dans les tentes, et placent les captives. Des serviteurs fidèles con­duisent les coursiers vers les autres troupeaux.

     Aussitôt que Briséis, semblable à la belle Vénus, aperçoit Patrocle déchiré par le cruel airain, elle entoure le héros de ses bras, et pousse de profonds gémissements ; de ses mains elle déchire sa poitrine, son cou délicat, son charmant visage ; et cette femme, belle comme une déesse, s'écrie en pleurant :

     « 0 Patrocle, toi, l'ami le plus cher d'une infortunée ! je te laissai plein de vie quand je quittai les tentes d'Achille, et maintenant, à mon retour, je te retrouve mort, prince des peuples ! Ah ! comme pour moi le malheur succède sans cesse au malheur ! L'époux auquel m'avaient unie mon père et mon auguste mère, je l'ai vu devant nos remparts frappé d'une lance aiguë mes trois frères chéris, et nés de la même mère que moi, touchèrent aussi à leur dernier jour. Hélas ! quand l'impétueux Achille immola mon époux, quand il ravagea la ville du divin Mynès, tu ne voulais pas que je répandisse des larmes ; tu me disais qu'un jour je serais l'épouse du noble Achille, qu'il me conduirait dans la Phthie sur ses navires, et qu'il célébrerait mon mariage parmi les Thessaliens. Non, je ne cesserai point de pleurer ta mort, toi qui fus toujours doux envers moi. »

     Ainsi parle Briséis en versant des larmes ; près d'elle les autres captives gémissent, en apparence, sur Patrocle, mais réellement sur leurs propres malheurs. Les plus illustres des Grecs entourent Achille, et le supplient de prendre le repas ; mais il s'y refuse, et dit en soupirant :

     « Je vous en conjure, et si mes amis fidèles veulent m'obéir, ne me pressez pas de ranimer d'abord mon cœur par la nourriture et le breuvage, car une profonde douleur s'est emparée de moi ; j'attendrai jusqu'au coucher du soleil, je puis le supporter. »

     En parlant ainsi, Achille congédie les autres princes. Cependant les deux Atrides, le divin Ulysse, Nestor, Idoménée, et le vieux guerrier Phénix, restent auprès de lui, pour adoucir son chagrin cruel ; mais l'âme d'Achille ne trouvera pas de soulagement avant qu'il se soit plongé au sein des batailles sanglantes : livré à de cruels souvenirs, il soupire avec amertume, et s'écrie :

     « Hélas ! naguère c'était toi, infortuné, et le plus cher de mes compagnons, toi qui dans ma tente, plein de zèle et de soins, préparais nos repas abondants, lorsque les Grecs se hâtaient de porter une guerre terrible aux héros troyens. Maintenant tu reposes percé par le fer ; mon cœur cependant, qui ne regrette que toi, refuse le breuvage et la nourriture, notre soutien intérieur. Non, je n'éprouverais pas une plus vive douleur lors même que j'apprendrais la mort de mon père, qui maintenant dans la Phthie verse des larmes amères, par le désir qu'il a de voir son fils, tandis que sur une terre étrangère je combats les Troyens pour l'odieuse Hélène ; ou lors même que j'apprendrais le trépas de mon enfant chéri qu'on élève à Scyros, si toutefois  le beau Néoptolème respire encore. J'espérai longtemps au fond de mon cœur que seul je périrais loin de la fertile Argos, sur les rivages d'Ilion ; que toi, Patrocle, tu retournerais dans la Phthie, et que, sur un léger navire, tu ramènerais mon fils de Scyros ; que tu lui ferais connaître toute chose, mes trésors, mes esclaves, et mon riche palais : car peut-être Pelée n'existe plus ; ou s'il traîne un reste de vie, accablé par la vieillesse pénible, sans cesse il attend le funeste message qui l'instruira de mon trépas. »

     Ainsi parlait Achille en pleurant. Près de lui soupiraient les chefs de la Grèce au souvenir de tous ceux qu'ils laissèrent dans leurs maisons. Le fils de Saturne en les voyant plongés dans la douleur est ému de pitié, et soudain il dit à Minerve ces mots rapides :

     « Ma fille, quoi ! tu abandonnes entièrement ce héros ? dans ton cœur n'est-il donc plus d'amour pour Achille ? Assis devant les poupes élevées de ses navires, il pleure son compagnon ; et tandis que les autres prennent le repas, lui reste à jeun et sans nourriture. Va donc, verse dans son sein le nectar et la douce ambroisie, pour que la faim ne s'empare pas de lui. »

      Par ces mots il excite l'ardeur de Minerve, qui souhaite de le secourir. Telle que le milan, aux ailes étendues, à la voix éclatante, elle s'élance de l'Olympe, en traversant les airs ; déjà dans le camp les Grecs revêtaient leur armure : elle répand dans le sein du héros le nectar et la douce ambroisie, pour que la faim cruelle ne s'empare pas des membres d'Achille. Soudain la déesse revole dans les palais de son glorieux père, et les Grecs se dispersent loin des légers navires. Comme du sein de Jupiter les flocons abondants d'une neige glacée volent au souffle de Borée, qui dissipe les nuages, aussi nombreux sortaient des vaisseaux, et les casques éblouissants, et les boucliers arrondis, et les fortes cuirasses, et les lances de frêne ; leur éclat monte jusqu'aux cieux, et toute la terre sourit aux éclairs de l'airain ; un bruit sourd retentit sous les pas des guerriers. Parmi ces héros s'arme le divin Achille : ses dents ont grincé, ses yeux brillent comme la flamme, son âme est en proie à une douleur que rien ne peut adoucir, et, dans sa rage contre les Troyens, il revêt les présents d'un dieu, et que Vulcain forgea lui-même. D'abord il entoure ses jambes de riches jambarts, que fixent des agrafes d'argent ; il place la cuirasse sur sa poitrine, et suspend à ses épaules un glaive d'airain enrichi d'argent ; il saisit ensuite l'immense et fort bouclier, d'où jaillit une vive lumière semblable à celle de la lune. Ainsi de la haute mer paraît aux nautoniers la flamme d'un feu brillant qui fut allumé sur les montagnes en un lieu solitaire ; mais les tempêtes emportent les matelots malgré eux, loin de leurs amis, sur la mer poissonneuse : tels sont les feux qui dans les airs jaillissent du riche et superbe bouclier d'Achille. Enfin il prend et pose sur sa tête un casque pesant, dont la crinière épaisse resplendit comme un astre, et l'on voit ondoyer la chevelure d'or que Vulcain a rassemblée au sommet de ce casque. Le divin Achille s'essaye lui-même dans cette armure pour voir si elle s'adapte à sa taille, et si ses membres agiles pourront s'y mouvoir : comme des plumes légères, elle enlève ce chef des peuples ; puis il sort de son étui le grand, le fort et terrible javelot de son père : nul parmi les Grecs ne peut le brandir, Achille seul sait manier cet énorme frêne, qu'autrefois au père de ce guerrier Chiron apporta des sommets du Pélion pour être la mort des héros. Alcime et Automédon placent les chevaux sous le joug, qu'ils lient avec de riches courroies ; ils mettent le mors dans la bouche des coursiers, et allongent les rênes en arrière, jusqu'au siège solide. Automédon d'une main saisit le fouet éclatant, et s'élance sur le char ; Achille tout armé y monte après lui : il brille par son armure comme le soleil éclatant, et, d'une voix formidable, il adresse ces paroles aux coursiers de son père :

     « Xanthe et Balie, noble race de Podarge, songez à ramener votre guide au milieu des Grecs, quand nous serons las de la guerre ; et, comme Patrocle, ne le laissez point périr ici. »

    Le brillant coursier déjà soumis au frein, Xanthe incline la tête, et lui répond aussitôt ; toute sa crinière, flottant sur le collier et sur le joug, tombait jusqu'à terre ; ce fut la déesse Junon qui lui donna la voix :

     « Nous te sauverons aujourd'hui, terrible Achille ; mais le jour de ta mort approche, et ce n'est point nous qui en serons coupables, mais une divinité puissante et l'inévitable destinée ; ce n'est point non plus par notre lenteur ou notre paresse que les Troyens arrachèrent les armes des épaules de Patrocle : un dieu puissant, né de la blonde Latone, l'immola aux premiers rangs, et combla de gloire Hector. Quand nous volerions aussi vite que Zéphyr, qu'on dit être le plus rapide des vents, ton destin n'en est pas moins de périr sous les coups d'un dieu et d'un héros. »

     A ces mots, les Furies arrêtent sa voix ; alors Achille, indigné, lui répond :

     « Xanthe, pourquoi me prédire la mort ? Cela ne te convient pas. Je sais que mon destin est de périr ici, loin de ma mère et d'un père chéri ; cependant je ne m'éloignerai point avant que les Troyens ne soient rassasiés de combats.

     Il dit, et jetant de grands cris, le héros pousse aux premiers rangs ses coursiers vigoureux.

  ὼς μὲν κροκόπεπλος ἀπ᾽ Ὠκεανοῖο ῥοάων
ὄρνυθ᾽, ἵν᾽ ἀθανάτοισι φόως φέροι ἠδὲ βροτοῖσιν·
ἣ δ᾽ ἐς νῆας ἵκανε θεοῦ πάρα δῶρα φέρουσα.
εὗρε δὲ Πατρόκλωι περικείμενον ὃν φίλον υἱὸν
5
κλαίοντα λιγέως· πολέες δ᾽ ἀμφ᾽ αὐτὸν ἑταῖροι
μύρονθ᾽· ἣ δ᾽ ἐν τοῖσι παρίστατο δῖα θεάων,
ἔν τ᾽ ἄρα οἱ φῦ χειρὶ ἔπος τ᾽ ἔφατ᾽ ἔκ τ᾽ ὀνόμαζε·
τέκνον ἐμὸν τοῦτον μὲν ἐάσομεν ἀχνύμενοί περ
κεῖσθαι, ἐπεὶ δὴ πρῶτα θεῶν ἰότητι δαμάσθη·
10
τύνη δ᾽ Ἡφαίστοιο πάρα κλυτὰ τεύχεα δέξο
καλὰ μάλ᾽, οἷ᾽ οὔ πώ τις ἀνὴρ ὤμοισι φόρησεν.
ὡς ἄρα φωνήσασα θεὰ κατὰ τεύχε᾽ ἔθηκε
πρόσθεν Ἀχιλλῆος· τὰ δ᾽ ἀνέβραχε δαίδαλα πάντα.
Μυρμιδόνας δ᾽ ἄρα πάντας ἕλε τρόμος, οὐδέ τις ἔτλη
15
ἄντην εἰσιδέειν, ἀλλ᾽ ἔτρεσαν. αὐτὰρ Ἀχιλλεὺς
ὡς εἶδ᾽, ὥς μιν μᾶλλον ἔδυ χόλος, ἐν δέ οἱ ὄσσε
δεινὸν ὑπὸ βλεφάρων ὡς εἰ σέλας ἐξεφάανθεν·
τέρπετο δ᾽ ἐν χείρεσσιν ἔχων θεοῦ ἀγλαὰ δῶρα.
αὐτὰρ ἐπεὶ φρεσὶν ἧισι τετάρπετο δαίδαλα λεύσσων
20
αὐτίκα μητέρα ἣν ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
μῆτερ ἐμὴ τὰ μὲν ὅπλα θεὸς πόρεν οἷ᾽ ἐπιεικὲς
ἔργ᾽ ἔμεν ἀθανάτων, μὴ δὲ βροτὸν ἄνδρα τελέσσαι.
νῦν δ᾽ ἤτοι μὲν ἐγὼ θωρήξομαι· ἀλλὰ μάλ᾽ αἰνῶς
δείδω μή μοι τόφρα Μενοιτίου ἄλκιμον υἱὸν
25
μυῖαι καδδῦσαι κατὰ χαλκοτύπους ὠτειλὰς
εὐλὰς ἐγγείνωνται, ἀεικίσσωσι δὲ νεκρόν,
ἐκ δ᾽ αἰὼν πέφαται, κατὰ δὲ χρόα πάντα σαπήηι.
τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα θεὰ Θέτις ἀργυρόπεζα·
τέκνον μή τοι ταῦτα μετὰ φρεσὶ σῆισι μελόντων.
30
τῶι μὲν ἐγὼ πειρήσω ἀλαλκεῖν ἄγρια φῦλα
μυίας, αἵ ῥά τε φῶτας ἀρηϊφάτους κατέδουσιν·
ἤν περ γὰρ κεῖταί γε τελεσφόρον εἰς ἐνιαυτόν,
αἰεὶ τῶι γ᾽ ἔσται χρὼς ἔμπεδος, ἢ καὶ ἀρείων.

ἀλλὰ σύ γ᾽ εἰς ἀγορὴν καλέσας ἥρωας Ἀχαιοὺς
35
μῆνιν ἀποειπὼν Ἀγαμέμνονι ποιμένι λαῶν
αἶψα μάλ᾽ ἐς πόλεμον θωρήσσεο, δύσεο δ᾽ ἀλκήν.
ὣς ἄρα φωνήσασα μένος πολυθαρσὲς ἐνῆκε,
Πατρόκλωι δ᾽ αὖτ᾽ ἀμβροσίην καὶ νέκταρ ἐρυθρὸν
στάξε κατὰ ῥινῶν, ἵνα οἱ χρὼς ἔμπεδος εἴη.
40
αὐτὰρ ὁ βῆ παρὰ θῖνα θαλάσσης δῖος Ἀχιλλεὺς
σμερδαλέα ἰάχων, ὦρσεν δ᾽ ἥρωας Ἀχαιούς.
καί ῥ᾽ οἵ περ τὸ πάρος γε νεῶν ἐν ἀγῶνι μένεσκον
οἵ τε κυβερνῆται καὶ ἔχον οἰήϊα νηῶν
καὶ ταμίαι παρὰ νηυσὶν ἔσαν σίτοιο δοτῆρες,
45
καὶ μὴν οἳ τότε γ᾽ εἰς ἀγορὴν ἴσαν, οὕνεκ᾽ Ἀχιλλεὺς
ἐξεφάνη, δηρὸν δὲ μάχης ἐπέπαυτ᾽ ἀλεγεινῆς.
τὼ δὲ δύω σκάζοντε βάτην Ἄρεος θεράποντε
Τυδεΐδης τε μενεπτόλεμος καὶ δῖος Ὀδυσσεὺς
ἔγχει ἐρειδομένω· ἔτι γὰρ ἔχον ἕλκεα λυγρά·
50
κὰδ δὲ μετὰ πρώτηι ἀγορῆι ἵζοντο κιόντες.
αὐτὰρ ὁ δεύτατος ἦλθεν ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων
ἕλκος ἔχων· καὶ γὰρ τὸν ἐνὶ κρατερῆι ὑσμίνηι
οὖτα Κόων Ἀντηνορίδης χαλκήρεϊ δουρί.
αὐτὰρ ἐπεὶ δὴ πάντες ἀολλίσθησαν Ἀχαιοί,
55
τοῖσι δ᾽ ἀνιστάμενος μετέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
Ἀτρεΐδη ἦ ἄρ τι τόδ᾽ ἀμφοτέροισιν ἄρειον
ἔπλετο σοὶ καὶ ἐμοί, ὅ τε νῶΐ περ ἀχνυμένω κῆρ
θυμοβόρωι ἔριδι μενεήναμεν εἵνεκα κούρης;
τὴν ὄφελ᾽ ἐν νήεσσι κατακτάμεν Ἄρτεμις ἰῶι
60
ἤματι τῶι ὅτ᾽ ἐγὼν ἑλόμην Λυρνησσὸν ὀλέσσας·
τώ κ᾽ οὐ τόσσοι Ἀχαιοὶ ὀδὰξ ἕλον ἄσπετον οὖδας
δυσμενέων ὑπὸ χερσὶν ἐμεῦ ἀπομηνίσαντος.
Ἕκτορι μὲν καὶ Τρωσὶ τὸ κέρδιον· αὐτὰρ Ἀχαιοὺς
δηρὸν ἐμῆς καὶ σῆς ἔριδος μνήσεσθαι ὀΐω.
65
ἀλλὰ τὰ μὲν προτετύχθαι ἐάσομεν ἀχνύμενοί περ
θυμὸν ἐνὶ στήθεσσι φίλον δαμάσαντες ἀνάγκηι·
νῦν δ᾽ ἤτοι μὲν ἐγὼ παύω χόλον, οὐδέ τί με χρὴ
ἀσκελέως αἰεὶ μενεαινέμεν· ἀλλ᾽ ἄγε θᾶσσον
ὄτρυνον πόλεμον δὲ κάρη κομόωντας Ἀχαιούς,
70
ὄφρ᾽ ἔτι καὶ Τρώων πειρήσομαι ἀντίον ἐλθὼν
αἴ κ᾽ ἐθέλωσ᾽ ἐπὶ νηυσὶν ἰαύειν· ἀλλά τιν᾽ οἴω
ἀσπασίως αὐτῶν γόνυ κάμψειν, ὅς κε φύγηισι
δηΐου ἐκ πολέμοιο ὑπ᾽ ἔγχεος ἡμετέροιο.
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἐχάρησαν ἐϋκνήμιδες Ἀχαιοὶ
75
μῆνιν ἀπειπόντος μεγαθύμου Πηλεΐωνος.
τοῖσι δὲ καὶ μετέειπεν ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων
αὐτόθεν ἐξ ἕδρης, οὐδ᾽ ἐν μέσσοισιν ἀναστάς·
ὦ φίλοι ἥρωες Δαναοὶ θεράποντες Ἄρηος
ἑσταότος μὲν καλὸν ἀκούειν, οὐδὲ ἔοικεν
80
ὑββάλλειν· χαλεπὸν γὰρ ἐπισταμένωι περ ἐόντι.
ἀνδρῶν δ᾽ ἐν πολλῶι ὁμάδωι πῶς κέν τις ἀκούσαι
ἢ εἴποι; βλάβεται δὲ λιγύς περ ἐὼν ἀγορητής.
Πηλεΐδηι μὲν ἐγὼν ἐνδείξομαι· αὐτὰρ οἱ ἄλλοι
σύνθεσθ᾽ Ἀργεῖοι, μῦθόν τ᾽ εὖ γνῶτε ἕκαστος.
85
πολλάκι δή μοι τοῦτον Ἀχαιοὶ μῦθον ἔειπον
καί τέ με νεικείεσκον· ἐγὼ δ᾽ οὐκ αἴτιός εἰμι,
ἀλλὰ Ζεὺς καὶ Μοῖρα καὶ ἠεροφοῖτις Ἐρινύς,
οἵ τέ μοι εἰν ἀγορῆι φρεσὶν ἔμβαλον ἄγριον ἄτην,
ἤματι τῶι ὅτ᾽ Ἀχιλλῆος γέρας αὐτὸς ἀπηύρων.
90
ἀλλὰ τί κεν ῥέξαιμι; θεὸς διὰ πάντα τελευτᾶι.
πρέσβα Διὸς θυγάτηρ Ἄτη, ἣ πάντας ἀᾶται,
οὐλομένη· τῆι μέν θ᾽ ἁπαλοὶ πόδες· οὐ γὰρ ἐπ᾽ οὔδει
πίλναται, ἀλλ᾽ ἄρα ἥ γε κατ᾽ ἀνδρῶν κράατα βαίνει
βλάπτουσ᾽ ἀνθρώπους· κατὰ δ᾽ οὖν ἕτερόν γε πέδησε.
95
καὶ γὰρ δή νύ ποτε Ζεὺς ἄσατο, τόν περ ἄριστον
ἀνδρῶν ἠδὲ θεῶν φασ᾽ ἔμμεναι· ἀλλ᾽ ἄρα καὶ τὸν
Ἥρη θῆλυς ἐοῦσα δολοφροσύνηις ἀπάτησεν,
ἤματι τῶι ὅτ᾽ ἔμελλε βίην Ἡρακληείην
Ἀλκμήνη τέξεσθαι ἐϋστεφάνωι ἐνὶ Θήβηι.
100
ἤτοι ὅ γ᾽ εὐχόμενος μετέφη πάντεσσι θεοῖσι·
κέκλυτέ μευ πάντές τε θεοὶ πᾶσαί τε θέαιναι,
ὄφρ᾽ εἴπω τά με θυμὸς ἐνὶ στήθεσσιν ἀνώγει.
σήμερον ἄνδρα φόως δὲ μογοστόκος Εἰλείθυια
ἐκφανεῖ, ὃς πάντεσσι περικτιόνεσσιν ἀνάξει,
105
τῶν ἀνδρῶν γενεῆς οἵ θ᾽ αἵματος ἐξ ἐμεῦ εἰσί.
τὸν δὲ δολοφρονέουσα προσηύδα πότνια Ἥρη·
ψευστήσεις, οὐδ᾽ αὖτε τέλος μύθωι ἐπιθήσεις.
εἰ δ᾽ ἄγε νῦν μοι ὄμοσσον Ὀλύμπιε καρτερὸν ὅρκον,
ἦ μὲν τὸν πάντεσσι περικτιόνεσσιν ἀνάξειν
110
ὅς κεν ἐπ᾽ ἤματι τῶιδε πέσηι μετὰ ποσσὶ γυναικὸς
τῶν ἀνδρῶν οἳ σῆς ἐξ αἵματός εἰσι γενέθλης.
ὣς ἔφατο· Ζεὺς δ᾽ οὔ τι δολοφροσύνην ἐνόησεν,
ἀλλ᾽ ὄμοσεν μέγαν ὅρκον, ἔπειτα δὲ πολλὸν ἀάσθη.
Ἥρη δ᾽ ἀΐξασα λίπεν ῥίον Οὐλύμποιο,
115
καρπαλίμως δ᾽ ἵκετ᾽ Ἄργος Ἀχαιικόν, ἔνθ᾽ ἄρα ἤιδη
ἰφθίμην ἄλοχον Σθενέλου Περσηϊάδαο.
ἣ δ᾽ ἐκύει φίλον υἱόν, ὁ δ᾽ ἕβδομος ἑστήκει μείς·
ἐκ δ᾽ ἄγαγε πρὸ φόως δὲ καὶ ἠλιτόμηνον ἐόντα,
Ἀλκμήνης δ᾽ ἀπέπαυσε τόκον, σχέθε δ᾽ Εἰλειθυίας.
120
αὐτὴ δ᾽ ἀγγελέουσα Δία Κρονίωνα προσηύδα·
Ζεῦ πάτερ ἀργικέραυνε ἔπος τί τοι ἐν φρεσὶ θήσω·
ἤδη ἀνὴρ γέγον᾽ ἐσθλὸς ὃς Ἀργείοισιν ἀνάξει
Εὐρυσθεὺς Σθενέλοιο πάϊς Περσηϊάδαο
σὸν γένος· οὔ οἱ ἀεικὲς ἀνασσέμεν Ἀργείοισιν.
125
ὣς φάτο, τὸν δ᾽ ἄχος ὀξὺ κατὰ φρένα τύψε βαθεῖαν·
αὐτίκα δ᾽ εἷλ᾽ Ἄτην κεφαλῆς λιπαροπλοκάμοιο
χωόμενος φρεσὶν ἧισι, καὶ ὤμοσε καρτερὸν ὅρκον
μή ποτ᾽ ἐς Οὔλυμπόν τε καὶ οὐρανὸν ἀστερόεντα
αὖτις ἐλεύσεσθαι Ἄτην, ἣ πάντας ἀᾶται.
130
ὣς εἰπὼν ἔρριψεν ἀπ᾽ οὐρανοῦ ἀστερόεντος
χειρὶ περιστρέψας· τάχα δ᾽ ἵκετο ἔργ᾽ ἀνθρώπων.
τὴν αἰεὶ στενάχεσχ᾽ ὅθ᾽ ἑὸν φίλον υἱὸν ὁρῶιτο
ἔργον ἀεικὲς ἔχοντα ὑπ᾽ Εὐρυσθῆος ἀέθλων.
ὣς καὶ ἐγών, ὅτε δ᾽ αὖτε μέγας κορυθαίολος Ἕκτωρ
135
Ἀργείους ὀλέκεσκεν ἐπὶ πρυμνῆισι νέεσσιν,
οὐ δυνάμην λελαθέσθ᾽ Ἄτης ἧι πρῶτον ἀάσθην.
ἀλλ᾽ ἐπεὶ ἀασάμην καί μευ φρένας ἐξέλετο Ζεύς,
ἂψ ἐθέλω ἀρέσαι, δόμεναί τ᾽ ἀπερείσι᾽ ἄποινα·
ἀλλ᾽ ὄρσευ πόλεμον δὲ καὶ ἄλλους ὄρνυθι λαούς.
140
δῶρα δ᾽ ἐγὼν ὅδε πάντα παρασχέμεν ὅσσά τοι ἐλθὼν
χθιζὸς ἐνὶ κλισίηισιν ὑπέσχετο δῖος Ὀδυσσεύς.
εἰ δ᾽ ἐθέλεις, ἐπίμεινον ἐπειγόμενός περ Ἄρηος,
δῶρα δέ τοι θεράποντες ἐμῆς παρὰ νηὸς ἑλόντες
οἴσουσ᾽, ὄφρα ἴδηαι ὅ τοι μενοεικέα δώσω.
145
τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
Ἀτρεΐδη κύδιστε ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγάμεμνον
δῶρα μὲν αἴ κ᾽ ἐθέληισθα παρασχέμεν, ὡς ἐπιεικές,
ἤ τ᾽ ἐχέμεν παρὰ σοί· νῦν δὲ μνησώμεθα χάρμης
αἶψα μάλ᾽· οὐ γὰρ χρὴ κλοτοπεύειν ἐνθάδ᾽ ἐόντας
150
οὐδὲ διατρίβειν· ἔτι γὰρ μέγα ἔργον ἄρεκτον·
ὥς κέ τις αὖτ᾽ Ἀχιλῆα μετὰ πρώτοισιν ἴδηται
ἔγχεϊ χαλκείωι Τρώων ὀλέκοντα φάλαγγας.
ὧδέ τις ὑμείων μεμνημένος ἀνδρὶ μαχέσθω.
τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πολύμητις Ὀδυσσεύς·
155
μὴ δ᾽ οὕτως, ἀγαθός περ ἐών, θεοείκελ᾽ Ἀχιλλεῦ
νήστιας ὄτρυνε προτὶ Ἴλιον υἷας Ἀχαιῶν
Τρωσὶ μαχησομένους, ἐπεὶ οὐκ ὀλίγον χρόνον ἔσται
φύλοπις, εὖτ᾽ ἂν πρῶτον ὁμιλήσωσι φάλαγγες
ἀνδρῶν, ἐν δὲ θεὸς πνεύσηι μένος ἀμφοτέροισιν.
160
ἀλλὰ πάσασθαι ἄνωχθι θοῆις ἐπὶ νηυσὶν Ἀχαιοὺς
σίτου καὶ οἴνοιο· τὸ γὰρ μένος ἐστὶ καὶ ἀλκή.
οὐ γὰρ ἀνὴρ πρόπαν ἦμαρ ἐς ἠέλιον καταδύντα
ἄκμηνος σίτοιο δυνήσεται ἄντα μάχεσθαι·
εἴ περ γὰρ θυμῶι γε μενοινάαι πολεμίζειν,
165
ἀλλά τε λάθρηι γυῖα βαρύνεται, ἠδὲ κιχάνει
δίψά τε καὶ λιμός, βλάβεται δέ τε γούνατ᾽ ἰόντι.
ὃς δέ κ᾽ ἀνὴρ οἴνοιο κορεσσάμενος καὶ ἐδωδῆς
ἀνδράσι δυσμενέεσσι πανημέριος πολεμίζηι,
θαρσαλέον νύ οἱ ἦτορ ἐνὶ φρεσίν, οὐδέ τι γυῖα
170
πρὶν κάμνει πρὶν πάντας ἐρωῆσαι πολέμοιο.
ἀλλ᾽ ἄγε λαὸν μὲν σκέδασον καὶ δεῖπνον ἄνωχθι
ὅπλεσθαι· τὰ δὲ δῶρα ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων
οἰσέτω ἐς μέσσην ἀγορήν, ἵνα πάντες Ἀχαιοὶ
ὀφθαλμοῖσιν ἴδωσι, σὺ δὲ φρεσὶ σῆισιν ἰανθῆις.
175
ὀμνυέτω δέ τοι ὅρκον ἐν Ἀργείοισιν ἀναστὰς
μή ποτε τῆς εὐνῆς ἐπιβήμεναι ἠδὲ μιγῆναι·
ἣ θέμις ἐστὶν ἄναξ ἤ τ᾽ ἀνδρῶν ἤ τε γυναικῶν·
καὶ δὲ σοὶ αὐτῶι θυμὸς ἐνὶ φρεσὶν ἵλαος ἔστω.
αὐτὰρ ἔπειτά σε δαιτὶ ἐνὶ κλισίηις ἀρεσάσθω
180
πιείρηι, ἵνα μή τι δίκης ἐπιδευὲς ἔχηισθα.
Ἀτρεΐδη σὺ δ᾽ ἔπειτα δικαιότερος καὶ ἐπ᾽ ἄλλωι
ἔσσεαι. οὐ μὲν γάρ τι νεμεσσητὸν βασιλῆα
ἄνδρ᾽ ἀπαρέσσασθαι ὅτε τις πρότερος χαλεπήνηι.
τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπεν ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων·
185
χαίρω σεῦ Λαερτιάδη τὸν μῦθον ἀκούσας·
ἐν μοίρηι γὰρ πάντα διίκεο καὶ κατέλεξας.
ταῦτα δ᾽ ἐγὼν ἐθέλω ὀμόσαι, κέλεται δέ με θυμός,
οὐδ᾽ ἐπιορκήσω πρὸς δαίμονος. αὐτὰρ Ἀχιλλεὺς
μιμνέτω αὐτόθι τεῖος ἐπειγόμενός περ Ἄρηος·
190
μίμνετε δ᾽ ἄλλοι πάντες ἀολλέες, ὄφρά κε δῶρα
ἐκ κλισίης ἔλθηισι καὶ ὅρκια πιστὰ τάμωμεν.
σοὶ δ᾽ αὐτῶι τόδ᾽ ἐγὼν ἐπιτέλλομαι ἠδὲ κελεύω·
κρινάμενος κούρητας ἀριστῆας Παναχαιῶν
δῶρα ἐμῆς παρὰ νηὸς ἐνεικέμεν, ὅσσ᾽ Ἀχιλῆϊ
195
χθιζὸν ὑπέστημεν δώσειν, ἀγέμεν τε γυναῖκας.
Ταλθύβιος δέ μοι ὦκα κατὰ στρατὸν εὐρὺν Ἀχαιῶν
κάπρον ἑτοιμασάτω ταμέειν Διί τ᾽ Ἠελίωι τε.
τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
Ἀτρεΐδη κύδιστε ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγάμεμνον
200
ἄλλοτέ περ καὶ μᾶλλον ὀφέλλετε ταῦτα πένεσθαι,
ὁππότε τις μεταπαυσωλὴ πολέμοιο γένηται
καὶ μένος οὐ τόσον ἦισιν ἐνὶ στήθεσσιν ἐμοῖσι.
νῦν δ᾽ οἳ μὲν κέαται δεδαϊγμένοι, οὓς ἐδάμασσεν
Ἕκτωρ Πριαμίδης, ὅτε οἱ Ζεὺς κῦδος ἔδωκεν,
205
ὑμεῖς δ᾽ ἐς βρωτὺν ὀτρύνετον· ἦ τ᾽ ἂν ἔγωγε
νῦν μὲν ἀνώγοιμι πτολεμίζειν υἷας Ἀχαιῶν
νήστιας ἀκμήνους, ἅμα δ᾽ ἠελίωι καταδύντι
τεύξεσθαι μέγα δόρπον, ἐπὴν τεισαίμεθα λώβην.
πρὶν δ᾽ οὔ πως ἂν ἔμοιγε φίλον κατὰ λαιμὸν ἰείη
210
οὐ πόσις οὐδὲ βρῶσις ἑταίρου τεθνηῶτος
ὅς μοι ἐνὶ κλισίηι δεδαϊγμένος ὀξέϊ χαλκῶι
κεῖται ἀνὰ πρόθυρον τετραμμένος, ἀμφὶ δ᾽ ἑταῖροι
μύρονται· τό μοι οὔ τι μετὰ φρεσὶ ταῦτα μέμηλεν,
ἀλλὰ φόνος τε καὶ αἷμα καὶ ἀργαλέος στόνος ἀνδρῶν.
215
τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πολύμητις Ὀδυσσεύς·
ὦ Ἀχιλεῦ Πηλῆος υἱὲ μέγα φέρτατ᾽ Ἀχαιῶν,
κρείσσων εἰς ἐμέθεν καὶ φέρτερος οὐκ ὀλίγον περ
ἔγχει, ἐγὼ δέ κε σεῖο νοήματί γε προβαλοίμην
πολλόν, ἐπεὶ πρότερος γενόμην καὶ πλείονα οἶδα.
220
τώ τοι ἐπιτλήτω κραδίη μύθοισιν ἐμοῖσιν.
αἶψά τε φυλόπιδος πέλεται κόρος ἀνθρώποισιν,
ἧς τε πλείστην μὲν καλάμην χθονὶ χαλκὸς ἔχευεν,
ἄμητος δ᾽ ὀλίγιστος, ἐπὴν κλίνηισι τάλαντα
Ζεύς, ὅς τ᾽ ἀνθρώπων ταμίης πολέμοιο τέτυκται.
225
γαστέρι δ᾽ οὔ πως ἔστι νέκυν πενθῆσαι Ἀχαιούς·
λίην γὰρ πολλοὶ καὶ ἐπήτριμοι ἤματα πάντα
πίπτουσιν· πότε κέν τις ἀναπνεύσειε πόνοιο;
ἀλλὰ χρὴ τὸν μὲν καταθάπτειν ὅς κε θάνηισι
νηλέα θυμὸν ἔχοντας ἐπ᾽ ἤματι δακρύσαντας·
230
ὅσσοι δ᾽ ἂν πολέμοιο περὶ στυγεροῖο λίπωνται
μεμνῆσθαι πόσιος καὶ ἐδητύος, ὄφρ᾽ ἔτι μᾶλλον
ἀνδράσι δυσμενέεσσι μαχώμεθα νωλεμὲς αἰεὶ
ἑσσάμενοι χροῒ χαλκὸν ἀτειρέα. μηδέ τις ἄλλην
λαῶν ὀτρυντὺν ποτιδέγμενος ἰσχαναάσθω·
235
ἥδε γὰρ ὀτρυντὺς κακὸν ἔσσεται ὅς κε λίπηται
νηυσὶν ἐπ᾽ Ἀργείων· ἀλλ᾽ ἀθρόοι ὁρμηθέντες
Τρωσὶν ἐφ᾽ ἱπποδάμοισιν ἐγείρομεν ὀξὺν Ἄρηα.
ἦ, καὶ Νέστορος υἷας ὀπάσσατο κυδαλίμοιο
Φυλεΐδην τε Μέγητα Θόαντά τε Μηριόνην τε
240
καὶ Κρειοντιάδην Λυκομήδεα καὶ Μελάνιππον·
βὰν δ᾽ ἴμεν ἐς κλισίην Ἀγαμέμνονος Ἀτρεΐδαο.
αὐτίκ᾽ ἔπειθ᾽ ἅμα μῦθος ἔην, τετέλεστο δὲ ἔργον·
ἑπτὰ μὲν ἐκ κλισίης τρίποδας φέρον, οὕς οἱ ὑπέστη,
αἴθωνας δὲ λέβητας ἐείκοσι, δώδεκα δ᾽ ἵππους·
245
ἐκ δ᾽ ἄγον αἶψα γυναῖκας ἀμύμονα ἔργα ἰδυίας
ἕπτ᾽, ἀτὰρ ὀγδοάτην Βρισηΐδα καλλιπάρηιον.
χρυσοῦ δὲ στήσας Ὀδυσεὺς δέκα πάντα τάλαντα
ἦρχ᾽, ἅμα δ᾽ ἄλλοι δῶρα φέρον κούρητες Ἀχαιῶν.

καὶ τὰ μὲν ἐν μέσσηι ἀγορῆι θέσαν, ἂν δ᾽ Ἀγαμέμνων
250
ἵστατο· Ταλθύβιος δὲ θεῶι ἐναλίγκιος αὐδὴν
κάπρον ἔχων ἐν χερσὶ παρίστατο ποιμένι λαῶν.
Ἀτρεΐδης δὲ ἐρυσσάμενος χείρεσσι μάχαιραν,
ἥ οἱ πὰρ ξίφεος μέγα κουλεὸν αἰὲν ἄωρτο,
κάπρου ἀπὸ τρίχας ἀρξάμενος Διὶ χεῖρας ἀνασχὼν
255
εὔχετο· τοὶ δ᾽ ἄρα πάντες ἐπ᾽ αὐτόφιν εἵατο σιγῆι
Ἀργεῖοι κατὰ μοῖραν ἀκούοντες βασιλῆος.
εὐξάμενος δ᾽ ἄρα εἶπεν ἰδὼν εἰς οὐρανὸν εὐρύν·
ἴστω νῦν Ζεὺς πρῶτα θεῶν ὕπατος καὶ ἄριστος
Γῆ τε καὶ Ἠέλιος καὶ Ἐρινύες, αἵ θ᾽ ὑπὸ γαῖαν
260
ἀνθρώπους τίνυνται, ὅτις κ᾽ ἐπίορκον ὀμόσσηι,
μὴ μὲν ἐγὼ κούρηι Βρισηΐδι χεῖρ᾽ ἐπένεικα,
οὔτ᾽ εὐνῆς πρόφασιν κεχρημένος οὔτέ τευ ἄλλου.
ἀλλ᾽ ἔμεν᾽ ἀπροτίμαστος ἐνὶ κλισίηισιν ἐμῆισιν.
εἰ δέ τι τῶνδ᾽ ἐπίορκον ἐμοὶ θεοὶ ἄλγεα δοῖεν
265
πολλὰ μάλ᾽, ὅσσα διδοῦσιν ὅτίς σφ᾽ ἀλίτηται ὀμόσσας.
ἦ, καὶ ἀπὸ στόμαχον κάπρου τάμε νηλέϊ χαλκῶι.
τὸν μὲν Ταλθύβιος πολιῆς ἁλὸς ἐς μέγα λαῖτμα
ῥῖψ᾽ ἐπιδινήσας βόσιν ἰχθύσιν· αὐτὰρ Ἀχιλλεὺς
ἀνστὰς Ἀργείοισι φιλοπτολέμοισι μετηύδα·
270
Ζεῦ πάτερ ἦ μεγάλας ἄτας ἄνδρεσσι διδοῖσθα·
οὐκ ἂν δή ποτε θυμὸν ἐνὶ στήθεσσιν ἐμοῖσιν
Ἀτρεΐδης ὤρινε διαμπερές, οὐδέ κε κούρην
ἦγεν ἐμεῦ ἀέκοντος ἀμήχανος· ἀλλά ποθι Ζεὺς
ἤθελ᾽ Ἀχαιοῖσιν θάνατον πολέεσσι γενέσθαι.
275
νῦν δ᾽ ἔρχεσθ᾽ ἐπὶ δεῖπνον, ἵνα ξυνάγωμεν Ἄρηα.

ὣς ἄρ᾽ ἐφώνησεν, λῦσεν δ᾽ ἀγορὴν αἰψηρήν.
οἳ μὲν ἄρ᾽ ἐσκίδναντο ἑὴν ἐπὶ νῆα ἕκαστος,
δῶρα δὲ Μυρμιδόνες μεγαλήτορες ἀμφεπένοντο,
βὰν δ᾽ ἐπὶ νῆα φέροντες Ἀχιλλῆος θείοιο.
280
καὶ τὰ μὲν ἐν κλισίηισι θέσαν, κάθισαν δὲ γυναῖκας,
ἵππους δ᾽ εἰς ἀγέλην ἔλασαν θεράποντες ἀγαυοί.
Βρισηῒς δ᾽ ἄρ᾽ ἔπειτ᾽ ἰκέλη χρυσέηι Ἀφροδίτηι
ὡς ἴδε Πάτροκλον δεδαϊγμένον ὀξέϊ χαλκῶι,
ἀμφ᾽ αὐτῶι χυμένη λίγ᾽ ἐκώκυε, χερσὶ δ᾽ ἄμυσσε
285
στήθεά τ᾽ ἠδ᾽ ἁπαλὴν δειρὴν ἰδὲ καλὰ πρόσωπα.
εἶπε δ᾽ ἄρα κλαίουσα γυνὴ ἐϊκυῖα θεῆισι·
Πάτροκλέ μοι δειλῆι πλεῖστον κεχαρισμένε θυμῶι
ζωὸν μέν σε ἔλειπον ἐγὼ κλισίηθεν ἰοῦσα,
νῦν δέ σε τεθνηῶτα κιχάνομαι ὄρχαμε λαῶν
290
ἂψ ἀνιοῦσ᾽· ὥς μοι δέχεται κακὸν ἐκ κακοῦ αἰεί.

ἄνδρα μὲν ὧι ἔδοσάν με πατὴρ καὶ πότνια μήτηρ
εἶδον πρὸ πτόλιος δεδαϊγμένον ὀξέϊ χαλκῶι,
τρεῖς τε κασιγνήτους, τούς μοι μία γείνατο μήτηρ,
κηδείους, οἳ πάντες ὀλέθριον ἦμαρ ἐπέσπον.
295
οὐδὲ μὲν οὐδέ μ᾽ ἔασκες, ὅτ᾽ ἄνδρ᾽ ἐμὸν ὠκὺς Ἀχιλλεὺς
ἔκτεινεν, πέρσεν δὲ πόλιν θείοιο Μύνητος,
κλαίειν, ἀλλά μ᾽ ἔφασκες Ἀχιλλῆος θείοιο
κουριδίην ἄλοχον θήσειν, ἄξειν τ᾽ ἐνὶ νηυσὶν
ἐς Φθίην, δαίσειν δὲ γάμον μετὰ Μυρμιδόνεσσι.
300
τώ σ᾽ ἄμοτον κλαίω τεθνηότα μείλιχον αἰεί.
ὣς ἔφατο κλαίουσ᾽, ἐπὶ δὲ στενάχοντο γυναῖκες
Πάτροκλον πρόφασιν, σφῶν δ᾽ αὐτῶν κήδε᾽ ἑκάστη.

αὐτὸν δ᾽ ἀμφὶ γέροντες Ἀχαιῶν ἠγερέθοντο
λισσόμενοι δειπνῆσαι· ὁ δ᾽ ἠρνεῖτο στεναχίζων·
305
λίσσομαι, εἴ τις ἔμοιγε φίλων ἐπιπείθεθ᾽ ἑταίρων,
μή με πρὶν σίτοιο κελεύετε μηδὲ ποτῆτος
ἄσασθαι φίλον ἦτορ, ἐπεί μ᾽ ἄχος αἰνὸν ἱκάνει·
δύντα δ᾽ ἐς ἠέλιον μενέω καὶ τλήσομαι ἔμπης.
ὣς εἰπὼν ἄλλους μὲν ἀπεσκέδασεν βασιλῆας,
310
δοιὼ δ᾽ Ἀτρεΐδα μενέτην καὶ δῖος Ὀδυσσεὺς
Νέστωρ Ἰδομενεύς τε γέρων θ᾽ ἱππηλάτα Φοῖνιξ
τέρποντες πυκινῶς ἀκαχήμενον· οὐδέ τι θυμῶι
τέρπετο, πρὶν πολέμου στόμα δύμεναι αἱματόεντος.
μνησάμενος δ᾽ ἁδινῶς ἀνενείκατο φώνησέν τε·
315
ἦ ῥά νύ μοί ποτε καὶ σὺ δυσάμμορε φίλταθ᾽ ἑταίρων
αὐτὸς ἐνὶ κλισίηι λαρὸν παρὰ δεῖπνον ἔθηκας
αἶψα καὶ ὀτραλέως, ὁπότε σπερχοίατ᾽ Ἀχαιοὶ
Τρωσὶν ἐφ᾽ ἱπποδάμοισι φέρειν πολύδακρυν Ἄρηα.
νῦν δὲ σὺ μὲν κεῖσαι δεδαϊγμένος, αὐτὰρ ἐμὸν κῆρ
320
ἄκμηνον πόσιος καὶ ἐδητύος ἔνδον ἐόντων
σῆι ποθῆι· οὐ μὲν γάρ τι κακώτερον ἄλλο πάθοιμι,
οὐδ᾽ εἴ κεν τοῦ πατρὸς ἀποφθιμένοιο πυθοίμην,
ὅς που νῦν Φθίηφι τέρεν κατὰ δάκρυον εἴβει
χήτεϊ τοιοῦδ᾽ υἷος· ὁ δ᾽ ἀλλοδαπῶι ἐνὶ δήμωι
325
εἵνεκα ῥιγεδανῆς Ἑλένης Τρωσὶν πολεμίζω·
ἠὲ τὸν ὃς Σκύρωι μοι ἔνι τρέφεται φίλος υἱός,
εἴ που ἔτι ζώει γε Νεοπτόλεμος θεοειδής.
πρὶν μὲν γάρ μοι θυμὸς ἐνὶ στήθεσσιν ἐώλπει
οἶον ἐμὲ φθίσεσθαι ἀπ᾽ Ἄργεος ἱπποβότοιο
330
αὐτοῦ ἐνὶ Τροίηι, σὲ δέ τε Φθίην δὲ νέεσθαι,
ὡς ἄν μοι τὸν παῖδα θοῆι ἐνὶ νηῒ μελαίνηι
Σκυρόθεν ἐξαγάγοις καί οἱ δείξειας ἕκαστα
κτῆσιν ἐμὴν δμῶάς τε καὶ ὑψερεφὲς μέγα δῶμα.
ἤδη γὰρ Πηλῆά γ᾽ ὀΐομαι ἢ κατὰ πάμπαν
335
τεθνάμεν, ἤ που τυτθὸν ἔτι ζώοντ᾽ ἀκάχησθαι
γήραΐ τε στυγερῶι καὶ ἐμὴν ποτιδέγμενον αἰεὶ
λυγρὴν ἀγγελίην, ὅτ᾽ ἀποφθιμένοιο πύθηται.
ὣς ἔφατο κλαίων, ἐπὶ δὲ στενάχοντο γέροντες,
μνησάμενοι τὰ ἕκαστος ἐνὶ μεγάροισιν ἔλειπον·
340
μυρομένους δ᾽ ἄρα τούς γε ἰδὼν ἐλέησε Κρονίων,
αἶψα δ᾽ Ἀθηναίην ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
τέκνον ἐμόν, δὴ πάμπαν ἀποίχεαι ἀνδρὸς ἑῆος.
ἦ νύ τοι οὐκέτι πάγχυ μετὰ φρεσὶ μέμβλετ᾽ Ἀχιλλεύς;
κεῖνος ὅ γε προπάροιθε νεῶν ὀρθοκραιράων
345
ἧσται ὀδυρόμενος ἕταρον φίλον· οἳ δὲ δὴ ἄλλοι
οἴχονται μετὰ δεῖπνον, ὁ δ᾽ ἄκμηνος καὶ ἄπαστος.

ἀλλ᾽ ἴθι οἱ νέκτάρ τε καὶ ἀμβροσίην ἐρατεινὴν
στάξον ἐνὶ στήθεσσ᾽, ἵνα μή μιν λιμὸς ἵκηται.
ὣς εἰπὼν ὄτρυνε πάρος μεμαυῖαν Ἀθήνην·
350
ἣ δ᾽ ἅρπηι ἐϊκυῖα τανυπτέρυγι λιγυφώνωι
οὐρανοῦ ἐκκατεπᾶλτο δι᾽ αἰθέρος. αὐτὰρ Ἀχαιοὶ
αὐτίκα θωρήσσοντο κατὰ στρατόν· ἣ δ᾽ Ἀχιλῆϊ
νέκταρ ἐνὶ στήθεσσι καὶ ἀμβροσίην ἐρατεινὴν
στάξ᾽, ἵνα μή μιν λιμὸς ἀτερπὴς γούναθ᾽ ἵκοιτο·
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αὐτὴ δὲ πρὸς πατρὸς ἐρισθενέος πυκινὸν δῶ
ὤιχετο, τοὶ δ᾽ ἀπάνευθε νεῶν ἐχέοντο θοάων.
ὡς δ᾽ ὅτε ταρφειαὶ νιφάδες Διὸς ἐκποτέονται
ψυχραὶ ὑπὸ ῥιπῆς αἰθρηγενέος Βορέαο,
ὣς τότε ταρφειαὶ κόρυθες λαμπρὸν γανόωσαι
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νηῶν ἐκφορέοντο καὶ ἀσπίδες ὀμφαλόεσσαι
θώρηκές τε κραταιγύαλοι καὶ μείλινα δοῦρα.
αἴγλη δ᾽ οὐρανὸν ἷκε, γέλασσε δὲ πᾶσα περὶ χθὼν
χαλκοῦ ὑπὸ στεροπῆς· ὑπὸ δὲ κτύπος ὄρνυτο ποσσὶν
ἀνδρῶν· ἐν δὲ μέσοισι κορύσσετο δῖος Ἀχιλλεύς.
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τοῦ καὶ ὀδόντων μὲν καναχὴ πέλε, τὼ δέ οἱ ὄσσε
λαμπέσθην ὡς εἴ τε πυρὸς σέλας, ἐν δέ οἱ ἦτορ
δῦν᾽ ἄχος ἄτλητον· ὁ δ᾽ ἄρα Τρωσὶν μενεαίνων
δύσετο δῶρα θεοῦ, τά οἱ Ἥφαιστος κάμε τεύχων.
κνημῖδας μὲν πρῶτα περὶ κνήμηισιν ἔθηκε
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καλὰς ἀργυρέοισιν ἐπισφυρίοις ἀραρυίας·
δεύτερον αὖ θώρηκα περὶ στήθεσσιν ἔδυνεν.
ἀμφὶ δ᾽ ἄρ᾽ ὤμοισιν βάλετο ξίφος ἀργυρόηλον
χάλκεον· αὐτὰρ ἔπειτα σάκος μέγα τε στιβαρόν τε
εἵλετο, τοῦ δ᾽ ἀπάνευθε σέλας γένετ᾽ ἠΰτε μήνης.
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ὡς δ᾽ ὅτ᾽ ἂν ἐκ πόντοιο σέλας ναύτηισι φανήηι
καιομένοιο πυρός, τό τε καίεται ὑψόθ᾽ ὄρεσφι
σταθμῶι ἐν οἰοπόλωι· τοὺς δ᾽ οὐκ ἐθέλοντας ἄελλαι
πόντον ἐπ᾽ ἰχθυόεντα φίλων ἀπάνευθε φέρουσιν·
ὣς ἀπ᾽ Ἀχιλλῆος σάκεος σέλας αἰθέρ᾽ ἵκανε
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καλοῦ δαιδαλέου· περὶ δὲ τρυφάλειαν ἀείρας
κρατὶ θέτο βριαρήν· ἣ δ᾽ ἀστὴρ ὣς ἀπέλαμπεν
ἵππουρις τρυφάλεια, περισσείοντο δ᾽ ἔθειραι
χρύσεαι, ἃς Ἥφαιστος ἵει λόφον ἀμφὶ θαμειάς.
πειρήθη δ᾽ ἕο αὐτοῦ ἐν ἔντεσι δῖος Ἀχιλλεύς,
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εἰ οἷ ἐφαρμόσσειε καὶ ἐντρέχοι ἀγλαὰ γυῖα·
τῶι δ᾽ εὖτε πτερὰ γίγνετ᾽, ἄειρε δὲ ποιμένα λαῶν.
ἐκ δ᾽ ἄρα σύριγγος πατρώϊον ἐσπάσατ᾽ ἔγχος
βριθὺ μέγα στιβαρόν· τὸ μὲν οὐ δύνατ᾽ ἄλλος Ἀχαιῶν
πάλλειν, ἀλλά μιν οἶος ἐπίστατο πῆλαι Ἀχιλλεύς·
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Πηλιάδα μελίην, τὴν πατρὶ φίλωι πόρε Χείρων
Πηλίου ἐκ κορυφῆς φόνον ἔμμεναι ἡρώεσσιν·
ἵππους δ᾽ Αὐτομέδων τε καὶ Ἄλκιμος ἀμφιέποντες
ζεύγνυον· ἀμφὶ δὲ καλὰ λέπαδν᾽ ἕσαν, ἐν δὲ χαλινοὺς
γαμφηλῆις ἔβαλον, κατὰ δ᾽ ἡνία τεῖναν ὀπίσσω
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κολλητὸν ποτὶ δίφρον. ὁ δὲ μάστιγα φαεινὴν
χειρὶ λαβὼν ἀραρυῖαν ἐφ᾽ ἵπποιιν ἀνόρουσεν
Αὐτομέδων· ὄπιθεν δὲ κορυσσάμενος βῆ Ἀχιλλεὺς
τεύχεσι παμφαίνων ὥς τ᾽ ἠλέκτωρ Ὑπερίων,
σμερδαλέον δ᾽ ἵπποισιν ἐκέκλετο πατρὸς ἑοῖο·
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Ξάνθέ τε καὶ Βαλίε τηλεκλυτὰ τέκνα Ποδάργης
ἄλλως δὴ φράζεσθε σαωσέμεν ἡνιοχῆα
ἂψ Δαναῶν ἐς ὅμιλον ἐπεί χ᾽ ἕωμεν πολέμοιο,
μηδ᾽ ὡς Πάτροκλον λίπετ᾽ αὐτόθι τεθνηῶτα.
τὸν δ᾽ ἄρ᾽ ὑπὸ ζυγόφι προσέφη πόδας αἰόλος ἵππος
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Ξάνθος, ἄφαρ δ᾽ ἤμυσε καρήατι· πᾶσα δὲ χαίτη
ζεύγλης ἐξεριποῦσα παρὰ ζυγὸν οὖδας ἵκανεν·
αὐδήεντα δ᾽ ἔθηκε θεὰ λευκώλενος Ἥρη·
καὶ λίην σ᾽ ἔτι νῦν γε σαώσομεν ὄβριμ᾽ Ἀχιλλεῦ·
ἀλλά τοι ἐγγύθεν ἦμαρ ὀλέθριον· οὐδέ τοι ἡμεῖς
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αἴτιοι, ἀλλὰ θεός τε μέγας καὶ Μοῖρα κραταιή.
οὐδὲ γὰρ ἡμετέρηι βραδυτῆτί τε νωχελίηι τε
Τρῶες ἀπ᾽ ὤμοιιν Πατρόκλου τεύχε᾽ ἕλοντο·
ἀλλὰ θεῶν ὤριστος, ὃν ἠΰκομος τέκε Λητώ,
ἔκταν᾽ ἐνὶ προμάχοισι καὶ Ἕκτορι κῦδος ἔδωκε.
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νῶϊ δὲ καί κεν ἅμα πνοιῆι Ζεφύροιο θέοιμεν,
ἥν περ ἐλαφροτάτην φάσ᾽ ἔμμεναι· ἀλλὰ σοὶ αὐτῶι
μόρσιμόν ἐστι θεῶι τε καὶ ἀνέρι ἶφι δαμῆναι.
ὣς ἄρα φωνήσαντος Ἐρινύες ἔσχεθον αὐδήν.
τὸν δὲ μέγ᾽ ὀχθήσας προσέφη πόδας ὠκὺς Ἀχιλλεύς·
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Ξάνθε τί μοι θάνατον μαντεύεαι; οὐδέ τί σε χρή.
εὖ νυ τὸ οἶδα καὶ αὐτὸς ὅ μοι μόρος ἐνθάδ᾽ ὀλέσθαι
νόσφι φίλου πατρὸς καὶ μητέρος· ἀλλὰ καὶ ἔμπης
οὐ λήξω πρὶν Τρῶας ἅδην ἐλάσαι πολέμοιο.
ἦ ῥα, καὶ ἐν πρώτοις ἰάχων ἔχε μώνυχας ἵππους.