Chant VII
Remonter

   

 

    En achevant ces paroles, l'intrépide Hector s'élance hors des portes ; son frère, Pâris, marche à ses côtés : tous deux brûlent d'ardeur pour la guerre et les combats. Ainsi, quand une divinité accorde un vent favorable aux matelots qui longtemps ont fatigué en agitant la mer de leurs rames polies, et dont les membres sont brisés par le travail ; de même les deux guerriers apparaissent aux Troyens, impatients de les revoir.

     D'abord Pâris immole Ménesthius, habitant d'Arna, lui qu'engendrèrent Areithoüs, à la forte massue, et la belle Philoméduse. Hector, de sa lance terrible, frappe Éionée a la gorge, au-dessous du casque d'airain, et lui ravit le jour. Dans cette mêlée sanglante, Glaucus, fils d'Hippoloque, et chef des soldats lyciens, de sa lance frappe à l'épaule le fils de Dexius, Iphinoüs, lorsqu'il s'élançait sur son char ; il tombe renversé, et ses forces l'aban­donnent.

     Cependant Minerve, voyant les Grecs périr dans cette bataille cruelle, descend des sommets de l'Olympe jusque dans les murs sacrés d'Ilion ; Apollon, du haut de Pergame, accourt au-devant de cette déesse, car il désire accorder la victoire aux Troyens. Les deux divinités se rencontrent près du hêtre. Apollon, par­lant le premier, adresse ces paroles à Minerve :

     « Dans quel nouveau dessein, fille du grand Jupiter, es-tu descendue de l'Olympe ? quelle ardeur t'anime ? Est-ce pour faire pencher en faveur des Grecs la victoire inconstante ? car tu es sans pitié pour les Troyens expirants. Cependant, si tu veux m'écouter, il est un plus sage parti : suspendons au­jourd'hui le carnage et la guerre ; ensuite les Grecs combattront de nouveau, jusqu'à ce qu'ils trouvent la ruine d'Ilion, puisque toi et Junon désirez si vivement da détruire cette ville. »

     « J'y consens, Apollon, lui répondit Minerve, aux yeux d'azur ; la même pensée m'occupait lorsque je suis descendue de l'Olympe au milieu des Grecs et des Troyens. Mais, dis-moi, comment pourras-tu faire cesser les combats de ces guerriers ? »

     « Excitons le courage redoutable du brave Hector, lui dit Apollon, afin qu'il provoque l'un des enfants de Danaüs à se mesurer seul avec lui dans un combat terrible ; et les valeureux Grecs, applau-dissant à cette audace, exciteront un de leurs guer­riers à combattre le divin Hector. »

     Il dit ; et Minerve ne s'oppose pas a cet avis. Alors Hélénus, fils chéri de Priam, ayant compris dans son cœur les desseins qui plaisaient à ces divinités, s'approche d'Hector, et lui parle en ces mots :

     « Fils de Priam, Hector, égal aux dieux par ta prudence, je suis ton frère, voudras-tu m'obéir ? Arrête les Troyens et les Grecs, et toi-même va provoquer le plus vaillant des Grecs à combattre seul contre toi ; car il n'est pas encore dans ta destinée de mourir et d'atteindre le terme fatal : j'en suis instruit par la voix des immortels. »

     Ainsi parle Hélénus ; ace discours, Hector, plein de joie, s'avance entre les deux armées, et saisissant le milieu de sa lance, il arrête les phalanges des Troyens, qui tous restent immobiles. Agamemnon retient aussi les Grecs valeureux. Cependant Apollon et Minerve, placés sur le hêtre majestueux de Jupiter, sem­blables à deux vautours, contemplent avec joie ces guerriers, dont les épais bataillons, hérissés de boucliers, de casques et de lances, sont maintenant en repos. Comme le souffle naissant du zéphyr fait frémir la surface des ondes, qui s'obscurcissent a son approche ; ainsi paraissent dans la plaine les rangs des Grecs et des Troyens. Alors, au milieu des deux armées, Hector s'é­crie :

     « Écoutez-moi, Troyens, et vous, Grecs valeureux ; je dirai ce que m'inspire mon courage. Le puissant fils de Saturne n'a point ratifié nos serments ; et dans sa pensée ce dieu prépare, encore des malheurs aux deux peuples, jusqu'au jour où vous renverserez les tours élevées d'Ilion ou que vous-mêmes serez vain­cus près de vos navires. Mais, puisque parmi vous sont les plus vaillants héros de la Grèce, que celui de vos guerriers qui désire me combattre sorte des rangs, et, le premier de tous, qu'il attaque le vaillant Hector. Toutefois, voici ce que je propose, et que Jupiter nous en soit témoin : si l'un de vous me ravit le jour de sa longue lance, il enlèvera mes armes, et les portera vers ses navires ; mais il rendra mon corps a ma patrie, afin que les Troyens et les épouses des Troyens m'accordent les honneurs du bûcher. Au contraire, si j'immole mon ennemi, si Phèbus me donne cette gloire, j'enlèverai ses armes, je les porterai dans la ville sacrée d'Ilion, et les suspendrai dans le temple d'Apollon, qui lance au loin ses traits ; mais je renverrai le corps de ce guerrier vers les vaisseaux, afin que les Grecs, à la longue che­velure, l'ensevelissent, lui construisent un tombeau sur les ri­vages du vaste Hellespont ; et, dans les siècles a venir, un jour quelqu'un, traversant sur son vaisseau les noires ondes de la mer, dira : Voila le tombeau d'un guerrier mort anciennement ; tout brave qu'il était, il tomba sous les coups du magnanime Hector. C'est là ce qu'on dira, et ma gloire ne périra jamais. »

     A ces paroles, tous les Grecs restent dans le silence ; par honte ils n'osent refuser, et craignent cependant d'accepter le combat. Mais enfin Ménélas se lève, et, gémissant avec amertume, il les accable de reproches :

     « Guerriers pleins de jactance, ô vous qui n'êtes que des femmes, et non des hommes! quel opprobre pour nous, quel honteux outrage si parmi les Grecs nul ne se présente aujourd'hui contre Hector ! Ah ! puissiez-vous tous, anéantis, être réduits en poussière, vous qui restez immobiles, sans honneur et sans gloire ! Eh bien ! moi seul, je m'armerai contre lui, car les destins des combats reposent dans le sein des immortels. »

     Il dit, et revêt une armure superbe. Alors, ô Ménélas, le terme de ta vie était entre les mains d'Hector, car il était bien plus fort que toi, si les chefs des Grecs n'étaient accourus pour te retenir ; Atride lui-même, le puissant Agamemnon, l'arrête par le bras, et lui dit :

     « Ton cœur t'égare, trop généreux Ménélas ; cette témérité ne te convient pas ; quoi qu'il t'en coûte, retiens ton courage ; ne va pas, dans ta colère, combattre un héros qui t'est bien supé­rieur, Hector, fils de Priam, que redoutent tous les guerriers. Achille lui-même, dans nos combats glorieux, ne le rencontre qu'en frémissant, lui, bien plus redoutable que toi. Retire-toi maintenant au milieu de tes compagnons : les Grecs susciteront contre Hector un autre combattant ; et ce guerrier, quelque in­trépide qu'il soit, reposera volontiers ses membres fatigués, s'il échappe à cette lutte dangereuse, à ce combat terrible. »

     Ainsi, par de sages conseils, ce héros persuade le cœur de son frère, et Ménélas obéit. Aussitôt ses compagnons détachent avec joie l'armure de ses épaules. Cependant Nestor se lève au milieu des Grecs, et leur tient ce discours :

    « 0 dieux, quelle tristesse profonde va s'emparer de toute la Grèce ! Oh ! combien gémira le vieux guerrier Pelée, ce chef éloquent et sage des Thessaliens, lui qui jadis se plaisait tant, près de ses foyers, à m'interroger sur les ancêtres et sur les enfants de tous les Argiens ! Ah ! s'il apprend qu'aujourd'hui tous tremblent devant Hector, sans doute, en élevant ses mains, il implorera les dieux pour que son âme, abandonnant son corps, descende dans les sombres demeures de Pluton! Puissant Jupiter, Minerve, jours où, sur les rivages du rapide Céladon, combattaient les citoyens de Pylos et les vaillants Arcadiens, rassemblés autour des remparts de Phée, sur les rivages du Jardanus ! A la tête des guerriers d'Arcadie était Éreuthalion, héros pareil aux dieux ; il portait sur ses épaules l'armure d'Areithoüs, du terrible Areithoüs, que les hommes et les femmes nommaient le guerrier à la forte massue, car jamais il ne combattit avec l'arc ou le javelot ; mais, armé de la massue de fer, il renversait des phalanges entières. Lycurgue le tua par ruse, et non par la force ; il l'attaqua dans un étroit sentier, où la massue de fer ne garantit pas Areithoüs de la mort ; car Lycurgue le prévint, et lui plongea sa lance dans le corps. Areithoüs tomba renversé sur la terre ; Lycurgue enleva les armes, présent du terrible Mars, et lui-même ensuite s'en servait en combattant. Lorsque ce héros eut vieilli dans ses palais, il donna l'armure d'Areithoüs à son compagnon fidèle, Éreuthalion, qui, possesseur de ces armes, provoquait les plus illustres guerriers. Tous, remplis d'effroi, tremblaient de­vant lui, nul n'osait l'attendre ; mais mon cœur audacieux, méconnaissant la crainte, m'excita à le combattre. J'étais le plus jeune de tous ; cependant je l'attaquai, et Minerve m'accorda la victoire : je terrassai ce héros, d'une taille et d'une force prodi­gieuses ; son corps, étendu sur la terre, couvrait un espace immense. Ah ! que ne suis-je, comme alors, à la fleur de mon âge ! que n'ai-je ma force tout entière ! bientôt l'intrépide Hector trouverait un adversaire. Et parmi vous, les plus vaillants des Grecs, pas un ne s'empresse de marcher contre lui ! »

     Tels étaient les reproches du vieux Nestor. Aussitôt neuf guerriers se présentent ; et d'abord se lève le grand Agamemnon, roi des hommes ; puis le fils de Tydée, le terrible Diomède ; viennent ensuite les deux Ajax, revêtus d'une force indomptable ; Idoménée, et l'écuyer d'Idoménée, Mérion, semblable au dieu sanglant de la guerre ; enfin s'avancent Eurypyle, fils illustre d'Évémon ; Thoas, fils d'Andrémon, et le sage Ulysse : tous veu­lent combattre l'intrépide Hector.

     Alors Nestor, guerrier vénérable, leur parle en ces mots :

     « Tirez au sort maintenant pour savoir quel est le guerrier qu'il désignera. Ce héros méritera bien des Grecs, et se félicitera lui-même, s'il échappe à cette lutte dangereuse, à ce combat ter­rible. »

     Alors chacun des chefs trace un signe qu'il jette dans le casque d'Agamemnon, fils d'Atrée. Cependant les peuples priaient, les mains élevées vers les dieux, et chacun disait en regardant le ciel :

     « 0 puissant Jupiter, fais que le sort désigne Ajax, ou le fils de Tydée, ou le roi de l'opulente Mycène. »

     Telles étaient leurs prières ; Nestor agite le casque, et le sort désigne celui qu'ils désiraient, le grand Ajax. Un héraut porte le signe de tous côtés dans la foule, et, commençant par la droite, il le montre aux chefs des Grecs ; nul d'entre eux ne le reconnaît ni ne l'avoue pour être le sien. Mais lorsque à travers les rangs il arrive à l'illustre Ajax, qui traça ce signe et le jeta dans le casque, alors celui-ci tend la main, et le héraut le lui remet en s'approchant. A la vue de ce signe, qu'il reconnaît, le guerrier se sent pénétré de joie ; il le laisse tomber à ses pieds, et s'écrie : « Oui, mes amis, cette marque est la mienne, et je m'en réjouis comme vous, car j'espère vaincre le divin Hector. Vous cepen­dant, tandis que je prendrai mes armes, implorez silencieusement en vous-mêmes Jupiter, puissant fils de Saturne, afin que les Troyens ne vous entendent pas ; ou plutôt à haute voix, car nous ne craignons personne : nul à son gré ne pourra me domp­ter, ou par force, ou par adresse ; car je me flatte que Salamine, qui m'a vu naître et qui m'a nourri, n'a pas fait de moi un guerrier inhabile. »

     Il dit, et les peuples adressaient leurs vœux au grand Jupi­ter ; tous s'écriaient, les yeux levés vers le ciel :

     « Puissant Jupiter, toi qui règnes sur l'Ida, dieu grand et majestueux, fais qu'Ajax remporte la victoire, et qu'il obtienne une gloire éclatante ; cependant, si tu chéris aussi Hector et si tu le protèges, du moins accorde à tous deux la même force et le même honneur. »

     C'est ainsi que priaient les Grecs. Cependant Ajax se couvrait de l'airain étincelant. Dès qu'il a revêtu ses armes, il s'élance aus­sitôt : tel se montre le formidable Mars, lorsqu'il va se mêler aux combats des hommes que Jupiter excite à combattre par la force de la discorde dévorante ; tel se lève le terrible Ajax, le rempart des Grecs ; il sourit d'un air farouche, et marche à grands pas en agitant sa longue javeline. A cette vue les Grecs se réjouissent ; mais les Troyens sentent leurs membres trembler d'effroi, le coeur même d'Hector palpite dans son sein : mais il n'était plus possible de reculer, ni de se plonger dans la foule, puisque lui-même avait provoqué le combat. Ajax s'approche, portant son bouclier énorme semblable a une tour ; il était d'airain, et re­couvert de sept peaux de bœuf. Le plus habile ouvrier, Tychius, qui habitait Hylé, fabriqua ce bouclier superbe avec la dépouille de sept taureaux vigoureux, et la huitième couche était d'airain.

     Ajax, portant ce bouclier devant sa poitrine, s'arrête tout près d'Hector, et lui dit en le menaçant :

     « Hector, tu vas connaître maintenant, dans ce combat singulier, quels braves se trouvent parmi les Grecs, même après l'im­pétueux Achille, au cœur de lion ; car ce héros reste auprès de ses navires, irrité contre Agamemnon, pasteur des hommes. Il est encore parmi nous des guerriers nombreux et dignes de se mesurer avec toi. Mais commence le combat. »

     « Fils de Télamon, noble Ajax, prince des peuples, lui répond le brave Hector, ne cherche pas à m'éprouver comme un faible enfant, ou comme une femme qui ne connaît pas les travaux de la guerre. Je connais les périls et le carnage ; je sais porter à droite, je sais porter à gauche mon bouclier solide ; je sais lancer mes coursiers rapides sans me fatiguer dans les batailles, et je sais avec joie me signaler dans un combat de pied ferme. Mais, quelque fort que tu sois, je ne veux point t'attaquer à la dérobée ; si je réussis à t'atteindre, je veux que ce soit ouvertement. »

     A ces mots, balançant une longue javeline, il la jette contre le formidable bouclier d'Ajax, et frappe la surface d'airain qui formait la huitième et dernière couche ; le fer inflexible la traverse en perçant les six premières, et s'arrête à la septième. Le noble Ajax, à son tour, lance un long javelot, et frappe le bou­clier arrondi du fils de Priam ; l'arme impétueuse perce le brillant airain, pénètre la cuirasse superbe, et la pointe déchire la tuni­que près du flanc : Hector s'incline, et se dérobe à la mort cruelle. Tous les deux alors arrachent de leurs mains ces fortes javelines, et se précipitent tels que des lions dévorants ou des sangliers dont la force est indomptable. Le fils de Priam atteint de sa lance le milieu du bouclier ; mais la pointe se recourbe sans pouvoir rompre l'airain. Alors Ajax se précipite sur Hector : sa pique traverse le bouclier, arrête le Troyen qui s'élance, et le blesse à la gorge ; un sang noir jaillit aussitôt. Toutefois le brave Hector ne cesse point le combat ; seulement il s'éloigne, et de sa forte main, saisissant un roc noir, énorme et raboteux, qui gisait dans la plaine, il frappe le milieu du formidable bouclier d'Ajax : l'airain retentit avec un son terrible. Alors Ajax soulève a son tour une pierre plus grande encore, et, la tournant dans les airs, il lui imprime une force immense. Cette pierre, large comme une meule, brise le bouclier et blesse les genoux d'Hector ; il tombe renversé, mais couvert de son bouclier. Apollon le relève aus­sitôt. Tous les deux, le glaive à la main, étaient près de se déchi­rer, si des hérauts, ministres de Jupiter et des hommes, ne fus­sent venus, l'un envoyé par les Troyens et l'autre par les Grecs valeureux, Idéus et Talthybius : tous deux, pleins de prudence, étendent leur sceptre au milieu des combattants ; et le héraut Idéus, fertile en sages conseils, leur parle en ces mots :

     « Cessez, ô mes enfants, cessez vos combats ; le puissant Ju­piter vous chérit tous deux : vous êtes l'un et l'autre de vaillants guerriers, nous le savons tous ; mais déjà la nuit est arrivée, il est bien aussi d'obéir à la nuit. »

     « Sage Idéus, répond Ajax, invitez Hector à tenir ce même langage, car c'est lui qui provoqua nos chefs les plus braves au combat : que ce soit donc lui qui commence, et s'il cède, je cé­derai également. »

     Alors le magnanime Hector, au casque étincelant, dit aussitôt :

     « Ajax, c'est un dieu qui t'a donné la force, la valeur, et la sagesse, et, par ta lance, tu l'emportes sur tous les Grecs. Cessons aujourd'hui cette lutte meurtrière ; une autre fois nous combat­trons encore, jusqu'à ce qu'un dieu, nous sépare et donne la victoire à l'un des deux. Déjà la nuit est arrivée, il est bien aussi d'obéir à la nuit : ainsi donc, retourne vers tes navires combler de joie les Grecs, surtout tes amis et tes compagnons ; moi, dans la vaste cité du roi Priam, je réjouirai les Troyens et les chastes Troyennes, elles qui se rendent dans le temple pour implorer les dieux en ma faveur. Cependant, faisons-nous l'un à l'autre des présents glorieux, et que chacun des Grecs et des Troyens dise : Ils combattirent animés d'une rage meurtrière, mais ils se sépa­rèrent unis par l'amitié. »

     En achevant ces. mots, Hector donne une épée enrichie de clous d'argent, avec le fourreau et le superbe baudrier ; Ajax donne une ceinture éclatante de pourpre. Ils se séparent : l'un retourne dans l'armée des Grecs, et l'autre se mêle à la foule des Troyens. Ceux-ci sont charmés de revoir plein de force et de vie ce héros qui vient d'échapper à la valeur et aux mains invincibles d'Ajax ; ils le conduisent vers la ville, après avoir désespéré de son salut. De leur côté, les chefs des Grecs reconduisent Ajax auprès d'Agamemnon, qui se réjouit de cette victoire.

     Lorsque les chefs sont rassemblés dans la tente d'Atride, pour eux Agamemnon, roi des hommes, immole un fort taureau de cinq ans au puissant fils de Saturne ; ils dépouillent la victime, ils l'apprêtent, la divisent, la découpent avec art en morceaux que l'on passe dans des broches, la font rôtir avec soin, et la reti­rent du foyer. Ces apprêts terminés, et le festin étant ainsi dis­posé , ils mangent, et se rassasient de mets également partagés : mais le héros fils d'Atrée, Agamemnon, honore Ajax du large dos de la victime. Lorsqu'ils eurent chassé la faim et la soif, Nestor le premier de tous ouvre un nouvel avis ; ce vieillard, qui déjà venait de leur donner de sages conseils, se lève dans l'as­semblée, et, plein de prudence, leur parle en ces mots :

     « Atrides, et vous tous, chefs de la Grèce, déjà de nombreux guerriers ont péri, déjà le farouche Mars a mêlé leur sang noir aux ondes limpides du Scamandre, et leurs âmes sont descendues dans les enfers : il faut donc qu'au lever de l'aurore tu fasses cesser les combats, et, tous rassemblés, nous transporterons ici les cadavres avec nos bœufs et nos mules ; nous livrerons les corps aux flammes, non loin des navires , afin que chacun rap­porte les os des guerriers à leurs enfants, quand nous retourne­rons aux terres de la patrie. Élevons donc hors du camp une tombe commune autour du bûcher, et près de ce monument hâtons-nous de construire de hautes murailles, rempart de nos vaisseaux et de nos guerriers ; là seront pratiquées des portes solides, pour laisser à nos chars un large chemin. Creusons, en dehors et tout près, un fossé profond qui, entourant le rem­part, puisse arrêter les chevaux et les soldats ennemis, de peur que les superbes Troyens ne nous accablent de tout le poids de la guerre. »

     Ainsi parla Nestor, et tous les rois applaudirent. Cependant, au sommet de la citadelle élevée d'Ilion, et sous les portiques de Priam, il se forme une assemblée imposante et tumultueuse. Alors le sage Anténor se lève, et parle ainsi le premier aux Troyens :

     « Écoutez-moi, Troyens, enfants de Dardanus, et vous, alliés, je vous dirai ce que dans mon sein m'inspire mon cœur. Rendons aux Atrides l'Argienne Hélène et ses richesses ; qu'ils l'emmènent car nous combattons aujourd'hui, parjures à la foi des serments ; et je n'espère rien de glorieux pour nous, si les Troyens refuserai ce que je propose. »

     Après ce discours, Anténor se rassied ; mais le divin Pâris, l'époux d'Hélène à la belle chevelure, s'avance au milieu de l'assemblée, et répond par ces paroles :

     « Anténor, tu tiens des discours qui ne me sont point agréa­bles : tu pourrais en concevoir de meilleurs. Si tu parles sérieuse­ment, il faut que les dieux mêmes t'aient privé de la raison. A mon tour, je veux parler aux valeureux Troyens. Je le déclare donc ouvertement : je ne rendrai point mon épouse. Quant aux richesses que je conduisis d'Argos dans mon palais, je consens à les rendre toutes, et même j'en ajouterai que je possède en mes demeures. »

     Ayant ainsi parlé, Pâris se rassied ; mais alors le roi Priam, que sa prudence rend égal aux dieux, se lève, et tient ce sage dis­cours dans l'assemblée :

     « Écoutez-moi, Troyens, enfants de Dardanos, et vous, alliés, afin que je vous dise ce que dans mon sein m'inspire mon cœur. Maintenant, prenez le repas du soir dans l'armée comme aupa­ravant ; songez à la garde de la ville, et que chacun veille avec soin : que demain, dès l'aurore, Idéus se rende vers les vais­seaux des Grecs, qu'il rapporte aux Atrides, Agamemnon et Ménélas, les paroles de Pâris, pour qui s'alluma cette querelle ; puis, dans un sage discours, il leur demandera s'ils consentent à sus­pendre la guerre terrible, afin de brûler les cadavres ; nous com­battrons ensuite jusqu'à ce qu'un dieu nous sépare et donne la victoire à l'un des deux peuples. »

     Il dit : tous se rendent à ces paroles ; et les soldats prennent dans leurs rangs le repas du soir. Dès l'aurore, Idéus se rend vers les navires. Il trouve les Grecs belliqueux rassemblés prés du vaisseau d'Agamemnon ; le héraut, debout au milieu des chefs, leur dit à haute voix :

      « Atrides, et vous, chefs des Grecs, Priam et les nobles Troyens, ( puisse ce qu'ils vous proposent vous être agréable ! ) m'ordon­nent de vous dire les discours de Pâris, pour qui s'alluma cette guerre. Toutes les richesses que, dans ses larges navires, Pâris rapporta dans Ilion ( que n'est-il mort auparavant ! ) il consent à les rendre ; et même il en joindra d'autres qu'il possède en ses demeures ; mais il dit ne vouloir point rendre l'épouse qui, vierge encore, s'unit au glorieux Ménélas, quoique les Troyens l'y exhortent. Ceux-ci m'ordonnent aussi de vous demander si vous consentez à suspendre la guerre terrible, afin de brûler les cadavres ; nous combattrons ensuite jusqu'à ce qu'un dieu nous sépare, et donne la victoire à l'un des deux peuples. »

     A ce discours, tous les Grecs restent en silence ; enfin le brave Diomède s'écrie :

     « Que nul n'accepte à présent les richesses de Pâris, ni même Hélène ; il est manifeste pour le moins clairvoyant que déjà les Troyens touchent à leur ruine. »

     Il dit ; et les Grecs applaudissent, charmés des paroles du vaillant Diomède ; alors le puissant Agamemnon dit au héraut : « Idéus, tu viens d'entendre ce que te répondent les Grecs ; tels sont aussi mes désirs. Toutefois, je ne m'oppose point à ce qu'on brûle les cadavres, car on ne peut refuser aux morts les honneurs du bûcher ; et puisqu'ils ont péri, apaisons promptement leurs mânes par le feu. Que Jupiter, redoutable époux de Junon, reçoive nos serments. »

     En disant ces mots il tenait son sceptre élevé vers les dieux. Idéus retourne dans la ville sacrée d'Ilion. Les Troyens et les fils de Dardanus, tous réunis, attendaient impatiemment son retour, il arrive enfin, et, debout au milieu de l'assemblée, il les instruit du refus des Grecs. Soudain on s'empresse, les uns de conduire les cadavres, les autres d'apporter le bois. De leur côté, les Grecs, loin des vaisseaux, se hâtent aussi, les uns de conduire les morts, les autres d'apporter le bois.

     Cependant le soleil naissant éclairait les campagnes, et du sein de la mer, vaste et paisible, il s'élevait dans les cieux ; bientôt les deux peuples se rencontrèrent. Alors il leur fut difficile de reconnaître chaque guerrier ; mais avec une onde limpide ils enlèvent la poussière sanglante, et placent les morts sur des chars, en versant d'abondantes larmes. Cependant le roi Priam ne permet pas qu'on pleure ; les Troyens, le cœur plein de tristesse, ac­cumulent en silence les cadavres sur le bûcher, les livrent aux flammes, et retournent dans les saints remparts d'Ilion. De même les Grecs, de leur côté, le cœur plein de tristesse, posent les cadavres sur le bûcher, les livrent aux flammes, et retournent vers les larges navires.

     A l'heure où, l'aube n'ayant point encore paru, la nuit deve­nait douteuse, une troupe choisie de guerriers grecs se rassemble vers le bûcher : ils élèvent hors du camp une tombe commune ; puis, non loin de ce monument, ils construisent une muraille avec de hautes tours, remparts des vaisseaux et des guerriers. Là sont pratiquées des portes solides, pour laisser aux chars un chemin facile ; enfin ils creusent en avant un fossé large et pro­fond, dont les bords sont hérissés de pieux.

     Tels étaient les travaux des valeureux Grecs. Les dieux, assis près de Jupiter, maître de la foudre, regardent attentivement le grand ouvrage qu'élèvent ces guerriers à la cuirasse d'airain ; alors le puissant Neptune s'écrie :

     « 0 Jupiter, quel homme désormais sur la terre voudra com­muniquer aux dieux sa pensée et ses desseins ? Ne vois-tu pas que les Grecs superbes ont élevé une muraille en avant de leurs vaisseaux, qu'ils ont creuse un fossé tout autour, sans avoir of­fert aux dieux d'illustres hécatombes ? La gloire de ces travaux s'étendra dans tous les lieux où brille la lumière du jour, et l'on oubliera ces remparts qu'avec tant de peine Phébus et moi nous avons élevés au roi Laomédon. »

     Jupiter, qui rassemble les nuages, lui répond en soupirant :

     « 0 puissant Neptune, toi qui ébranles la terre, que viens-tu de dire ? Laisse à d'autres divinités, qui n'ont ni ta force ni ta puissance, de redouter une telle pensée ; mais toi, ta gloire s'étendra partout où brille la lumière du jour. Va, lorsque les Grecs, à la longue chevelure, retourneront sur leurs vaisseaux vers les douces terres de la patrie, tu arracheras ces murs, tu les engloutiras dans le sein des mers, et tu couvriras de sable ces vastes rivages : ainsi disparaîtront ces hautes murailles qu'élevèrent les Grecs.»

     Pendant que les dieux s'entretiennent ainsi, le soleil termine sa carrière, et les Grecs achèvent leurs travaux. Ils égorgent les bœufs dans le camp, et préparent le repas du soir. Plusieurs vaisseaux, chargés de vin étaient venus de Lemnos, envoyés par le fils de Jason, Eunée, qu'Hypsipyle conçut de Jason, pasteur des peuples. Mille mesures de ce vin furent offertes par Eunée en présent aux Atrides. Le reste est acheté par les Grecs, qui donnent en échange soit du fer, soit de l'airain ; les uns offrent des peaux, les autres des bœufs ou des esclaves. Ils apprêtent le banquet joyeux ; et durant toute la nuit les Grecs prennent le repas, ainsi que les Troyens et les alliés dans l'enceinte d'Ilion. Mais cette nuit même Jupiter médite contre eux d'affreux desseins, en faisant gronder son tonnerre. La pâle crainte s'empare de tous les cœurs ; les guerriers laissent couler à terre le vin de leurs coupes ; aucun d'eux n'ose boire avant d'avoir fait des libations au puissant fils de Saturne. Ils se couchent ensuite, et vont goûter les bienfaits du sommeil.

  ς εἰπὼν πυλέων ἐξέσσυτο φαίδιμος Ἕκτωρ,
τῶι δ᾽ ἅμ᾽ Ἀλέξανδρος κί᾽ ἀδελφεός· ἐν δ᾽ ἄρα θυμῶι
ἀμφότεροι μέμασαν πολεμίζειν ἠδὲ μάχεσθαι.
ὡς δὲ θεὸς ναύτηισιν ἐελδομένοισιν ἔδωκεν
5
οὖρον, ἐπεί κε κάμωσιν ἐϋξέστηις ἐλάτηισι
πόντον ἐλαύνοντες, καμάτωι δ᾽ ὑπὸ γυῖα λέλυνται,
ὣς ἄρα τὼ Τρώεσσιν ἐελδομένοισι φανήτην.

ἔνθ᾽ ἑλέτην ὁ μὲν υἱὸν Ἀρηϊθόοιο ἄνακτος
Ἄρνηι ναιετάοντα Μενέσθιον, ὃν κορυνήτης
10
γείνατ᾽ Ἀρηΐθοος καὶ Φυλομέδουσα βοῶπις·
Ἕκτωρ δ᾽ Ἠϊονῆα βάλ᾽ ἔγχεϊ ὀξυόεντι
αὐχέν᾽ ὑπὸ στεφάνης εὐχάλκου, λύντο δὲ γυῖα.
Γλαῦκος δ᾽ Ἱππολόχοιο πάϊς Λυκίων ἀγὸς ἀνδρῶν
Ἰφίνοον βάλε δουρὶ κατὰ κρατερὴν ὑσμίνην
15
Δεξιάδην ἵππων ἐπιάλμενον ὠκειάων
ὦμον· ὁ δ᾽ ἐξ ἵππων χαμάδις πέσε, λύντο δὲ γυῖα.

τοὺς δ᾽ ὡς οὖν ἐνόησε θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη
Ἀργείους ὀλέκοντας ἐνὶ κρατερῆι ὑσμίνηι,
βῆ ῥα κατ᾽ Οὐλύμποιο καρήνων ἀΐξασα
20
Ἴλιον εἰς ἱερήν· τῆι δ᾽ ἀντίος ὄρνυτ᾽ Ἀπόλλων
Περγάμου ἐκκατιδών, Τρώεσσι δὲ βούλετο νίκην·
ἀλλήλοισι δὲ τώ γε συναντέσθην παρὰ φηγῶι.
τὴν πρότερος προσέειπεν ἄναξ Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων·
τίπτε σὺ δ᾽ αὖ μεμαυῖα Διὸς θύγατερ μεγάλοιο
25
ἦλθες ἀπ᾽ Οὐλύμποιο, μέγας δέ σε θυμὸς ἀνῆκεν;
ἦ ἵνα δὴ Δαναοῖσι μάχης ἑτεραλκέα νίκην
δῶις; ἐπεὶ οὔ τι Τρῶας ἀπολλυμένους ἐλεαίρεις.

ἀλλ᾽ εἴ μοί τι πίθοιο τό κεν πολὺ κέρδιον εἴη·
νῦν μὲν παύσωμεν πόλεμον καὶ δηϊοτῆτα
30
σήμερον· ὕστερον αὖτε μαχήσοντ᾽ εἰς ὅ κε τέκμωρ
Ἰλίου εὕρωσιν, ἐπεὶ ὣς φίλον ἔπλετο θυμῶι
ὑμῖν ἀθανάτηισι, διαπραθέειν τόδε ἄστυ.

τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπε θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη·
ὧδ᾽ ἔστω ἑκάεργε· τὰ γὰρ φρονέουσα καὶ αὐτὴ
35
ἦλθον ἀπ᾽ Οὐλύμποιο μετὰ Τρῶας καὶ Ἀχαιούς.
ἀλλ᾽ ἄγε πῶς μέμονας πόλεμον καταπαυσέμεν ἀνδρῶν;

τὴν δ᾽ αὖτε προσέειπεν ἄναξ Διὸς υἱὸς Ἀπόλλων·
Ἕκτορος ὄρσωμεν κρατερὸν μένος ἱπποδάμοιο,
ἤν τινά που Δαναῶν προκαλέσσεται οἰόθεν οἶος
40
ἀντίβιον μαχέσασθαι ἐν αἰνῆι δηϊοτῆτι,
οἳ δέ κ᾽ ἀγασσάμενοι χαλκοκνήμιδες Ἀχαιοὶ
οἶον ἐπόρσειαν πολεμίζειν Ἕκτορι δίωι.

ὣς ἔφατ᾽, οὐδ᾽ ἀπίθησε θεὰ γλαυκῶπις Ἀθήνη.
τῶν δ᾽ Ἕλενος Πριάμοιο φίλος παῖς σύνθετο θυμῶι
45
βουλήν, ἥ ῥα θεοῖσιν ἐφήνδανε μητιόωσι·
στῆ δὲ παρ᾽ Ἕκτορ᾽ ἰὼν καί μιν πρὸς μῦθον ἔειπεν·
Ἕκτορ υἱὲ Πριάμοιο Διὶ μῆτιν ἀτάλαντε
ἦ ῥά νύ μοί τι πίθοιο, κασίγνητος δέ τοί εἰμι·
ἄλλους μὲν κάθισον Τρῶας καὶ πάντας Ἀχαιούς,
50
αὐτὸς δὲ προκάλεσσαι Ἀχαιῶν ὅς τις ἄριστος
ἀντίβιον μαχέσασθαι ἐν αἰνῆι δηϊοτῆτι·
οὐ γάρ πώ τοι μοῖρα θανεῖν καὶ πότμον ἐπισπεῖν·
ὣς γὰρ ἐγὼ ὄπ᾽ ἄκουσα θεῶν αἰειγενετάων.

ὣς ἔφαθ᾽, Ἕκτωρ δ᾽ αὖτε χάρη μέγα μῦθον ἀκούσας,
55
καί ῥ᾽ ἐς μέσσον ἰὼν Τρώων ἀνέεργε φάλαγγας,
μέσσου δουρὸς ἑλών· οἳ δ᾽ ἱδρύνθησαν ἅπαντες.
κὰδ δ᾽ Ἀγαμέμνων εἷσεν ἐϋκνήμιδας Ἀχαιούς·
κὰδ δ᾽ ἄρ᾽ Ἀθηναίη τε καὶ ἀργυρότοξος Ἀπόλλων
ἑζέσθην ὄρνισιν ἐοικότες αἰγυπιοῖσι
60
φηγῶι ἐφ᾽ ὑψηλῆι πατρὸς Διὸς αἰγιόχοιο
ἀνδράσι τερπόμενοι· τῶν δὲ στίχες εἵατο πυκναὶ
ἀσπίσι καὶ κορύθεσσι καὶ ἔγχεσι πεφρικυῖαι.
οἵη δὲ Ζεφύροιο ἐχεύατο πόντον ἔπι φρὶξ
ὀρνυμένοιο νέον, μελάνει δέ τε πόντος ὑπ᾽ αὐτῆς,
65
τοῖαι ἄρα στίχες εἵατ᾽ Ἀχαιῶν τε Τρώων τε
ἐν πεδίωι· Ἕκτωρ δὲ μετ᾽ ἀμφοτέροισιν ἔειπε·
κέκλυτέ μευ Τρῶες καὶ ἐϋκνήμιδες Ἀχαιοὶ
ὄφρ᾽ εἴπω τά με θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι κελεύει.
ὅρκια μὲν Κρονίδης ὑψίζυγος οὐκ ἐτέλεσσεν,
70
ἀλλὰ κακὰ φρονέων τεκμαίρεται ἀμφοτέροισιν
εἰς ὅ κεν ἢ ὑμεῖς Τροίην εὔπυργον ἕλητε
ἢ αὐτοὶ παρὰ νηυσὶ δαμείετε ποντοπόροισιν.
ὑμῖν δ᾽ ἐν γὰρ ἔασιν ἀριστῆες Παναχαιῶν·
τῶν νῦν ὅν τινα θυμὸς ἐμοὶ μαχέσασθαι ἀνώγει
75
δεῦρ᾽ ἴτω ἐκ πάντων πρόμος ἔμμεναι Ἕκτορι δίωι.
ὧδε δὲ μυθέομαι, Ζεὺς δ᾽ ἄμμ᾽ ἐπιμάρτυρος ἔστω·
εἰ μέν κεν ἐμὲ κεῖνος ἕληι ταναήκεϊ χαλκῶι,
τεύχεα συλήσας φερέτω κοίλας ἐπὶ νῆας,
σῶμα δὲ οἴκαδ᾽ ἐμὸν δόμεναι πάλιν, ὄφρα πυρός με
80
Τρῶες καὶ Τρώων ἄλοχοι λελάχωσι θανόντα.
εἰ δέ κ᾽ ἐγὼ τὸν ἕλω, δώηι δέ μοι εὖχος Ἀπόλλων,
τεύχεα σύλησας οἴσω προτὶ Ἴλιον ἱρήν,
καὶ κρεμόω προτὶ νηὸν Ἀπόλλωνος ἑκάτοιο,
τὸν δὲ νέκυν ἐπὶ νῆας ἐϋσσέλμους ἀποδώσω,
85
ὄφρά ἑ ταρχύσωσι κάρη κομόωντες Ἀχαιοί,
σῆμά τέ οἱ χεύωσιν ἐπὶ πλατεῖ Ἑλλησπόντωι.
καί ποτέ τις εἴπηισι καὶ ὀψιγόνων ἀνθρώπων
νηῒ πολυκλήϊδι πλέων ἐπὶ οἴνοπα πόντον·
ἀνδρὸς μὲν τόδε σῆμα πάλαι κατατεθνηῶτος,
90
ὅν ποτ᾽ ἀριστεύοντα κατέκτανε φαίδιμος Ἕκτωρ.
ὥς ποτέ τις ἐρέει· τὸ δ᾽ ἐμὸν κλέος οὔ ποτ᾽ ὀλεῖται.

ὣς ἔφαθ᾽, οἱ δ᾽ ἄρα πάντες ἀκὴν ἐγένοντο σιωπῆι·
αἴδεσθεν μὲν ἀνήνασθαι, δεῖσαν δ᾽ ὑποδέχθαι·
ὀψὲ δὲ δὴ Μενέλαος ἀνίστατο καὶ μετέειπε
95
νείκει ὀνειδίζων, μέγα δὲ στεναχίζετο θυμῶι·
ὤ μοι ἀπειλητῆρες Ἀχαιΐδες οὐκέτ᾽ Ἀχαιοί·
ἦ μὲν δὴ λώβη τάδε γ᾽ ἔσσεται αἰνόθεν αἰνῶς
εἰ μή τις Δαναῶν νῦν Ἕκτορος ἀντίος εἶσιν.
ἀλλ᾽ ὑμεῖς μὲν πάντες ὕδωρ καὶ γαῖα γένοισθε
100
ἥμενοι αὖθι ἕκαστοι ἀκήριοι ἀκλεὲς αὔτως·
τῶιδε δ᾽ ἐγὼν αὐτὸς θωρήξομαι· αὐτὰρ ὕπερθε
νίκης πείρατ᾽ ἔχονται ἐν ἀθανάτοισι θεοῖσιν.

ὣς ἄρα φωνήσας κατεδύσετο τεύχεα καλά.
ἔνθά κέ τοι Μενέλαε φάνη βιότοιο τελευτὴ
105
Ἕκτορος ἐν παλάμηισιν, ἐπεὶ πολὺ φέρτερος ἦεν,
εἰ μὴ ἀναΐξαντες ἕλον βασιλῆες Ἀχαιῶν,
αὐτός τ᾽ Ἀτρεΐδης εὐρὺ κρείων Ἀγαμέμνων
δεξιτερῆς ἕλε χειρὸς ἔπος τ᾽ ἔφατ᾽ ἔκ τ᾽ ὀνόμαζεν·
ἀφραίνεις Μενέλαε διοτρεφές, οὐδέ τί σε χρὴ
110
ταύτης ἀφροσύνης· ἀνὰ δὲ σχέο κηδόμενός περ,
μηδ᾽ ἔθελ᾽ ἐξ ἔριδος σεῦ ἀμείνονι φωτὶ μάχεσθαι
Ἕκτορι Πριαμίδηι, τόν τε στυγέουσι καὶ ἄλλοι.
καὶ δ᾽ Ἀχιλεὺς τούτωι γε μάχηι ἔνι κυδιανείρηι
ἔρριγ᾽ ἀντιβολῆσαι, ὅ περ σέο πολλὸν ἀμείνων.
115
ἀλλὰ σὺ μὲν νῦν ἵζευ ἰὼν μετὰ ἔθνος ἑταίρων,
τούτωι δὲ πρόμον ἄλλον ἀναστήσουσιν Ἀχαιοί.
εἴ περ ἀδειής τ᾽ ἐστὶ καὶ εἰ μόθου ἔστ᾽ ἀκόρητος,
φημί μιν ἀσπασίως γόνυ κάμψειν, αἴ κε φύγηισι
δηΐου ἐκ πολέμοιο καὶ αἰνῆς δηϊοτῆτος.
120
ὣς εἰπὼν παρέπεισεν ἀδελφειοῦ φρένας ἥρως
αἴσιμα παρειπών, ὁ δ᾽ ἐπείθετο· τοῦ μὲν ἔπειτα
γηθόσυνοι θεράποντες ἀπ᾽ ὤμων τεύχε᾽ ἕλοντο·
Νέστωρ δ᾽ Ἀργείοισιν ἀνίστατο καὶ μετέειπεν·
ὢ πόποι ἦ μέγα πένθος Ἀχαιΐδα γαῖαν ἱκάνει.
125
ἦ κε μέγ᾽ οἰμώξειε γέρων ἱππηλάτα Πηλεὺς
ἐσθλὸς Μυρμιδόνων βουληφόρος ἠδ᾽ ἀγορητής,
ὅς ποτέ μ᾽ εἰρόμενος μέγ᾽ ἐγήθεεν ὧι ἐνὶ οἴκωι
πάντων Ἀργείων ἐρέων γενεήν τε τόκον τε.
τοὺς νῦν εἰ πτώσσοντας ὑφ᾽ Ἕκτορι πάντας ἀκούσαι,
130
πολλά κεν ἀθανάτοισι φίλας ἀνὰ χεῖρας ἀείραι
θυμὸν ἀπὸ μελέων δῦναι δόμον Ἄϊδος εἴσω.
αἲ γὰρ Ζεῦ τε πάτερ καὶ Ἀθηναίη καὶ Ἄπολλον
ἡβῶιμ᾽ ὡς ὅτ᾽ ἐπ᾽ ὠκυρόωι Κελάδοντι μάχοντο
ἀγρόμενοι Πύλιοί τε καὶ Ἀρκάδες ἐγχεσίμωροι
135
Φειᾶς πὰρ τείχεσσιν Ἰαρδάνου ἀμφὶ ῥέεθρα.
τοῖσι δ᾽ Ἐρευθαλίων πρόμος ἵστατο ἰσόθεος φὼς
τεύχε᾽ ἔχων ὤμοισιν Ἀρηϊθόοιο ἄνακτος
δίου Ἀρηϊθόου, τὸν ἐπίκλησιν κορυνήτην
ἄνδρες κίκλησκον καλλίζωνοί τε γυναῖκες
140
οὕνεκ᾽ ἄρ᾽ οὐ τόξοισι μαχέσκετο δουρί τε μακρῶι,
ἀλλὰ σιδηρείηι κορύνηι ῥήγνυσκε φάλαγγας.
τὸν Λυκόοργος ἔπεφνε δόλωι, οὔ τι κράτεΐ γε,
στεινωπῶι ἐν ὁδῶι ὅθ᾽ ἄρ᾽ οὐ κορύνη οἱ ὄλεθρον
χραῖσμε σιδηρείη· πρὶν γὰρ Λυκόοργος ὑποφθὰς
145
δουρὶ μέσον περόνησεν, ὁ δ᾽ ὕπτιος οὔδει ἐρείσθη·
τεύχεα δ᾽ ἐξενάριξε, τά οἱ πόρε χάλκεος Ἄρης.
καὶ τὰ μὲν αὐτὸς ἔπειτα φόρει μετὰ μῶλον Ἄρηος·
αὐτὰρ ἐπεὶ Λυκόοργος ἐνὶ μεγάροισιν ἐγήρα,
δῶκε δ᾽ Ἐρευθαλίωνι φίλωι θεράποντι φορῆναι·
150
τοῦ ὅ γε τεύχε᾽ ἔχων προκαλίζετο πάντας ἀρίστους.

οἳ δὲ μάλ᾽ ἐτρόμεον καὶ ἐδείδισαν, οὐδέ τις ἔτλη·
ἀλλ᾽ ἐμὲ θυμὸς ἀνῆκε πολυτλήμων πολεμίζειν
θάρσεϊ ὧι· γενεῆι δὲ νεώτατος ἔσκον ἁπάντων·
καὶ μαχόμην οἱ ἐγώ, δῶκεν δέ μοι εὖχος Ἀθήνη.

 

155
τὸν δὴ μήκιστον καὶ κάρτιστον κτάνον ἄνδρα·
πολλὸς γάρ τις ἔκειτο παρήορος ἔνθα καὶ ἔνθα.
εἴθ᾽ ὣς ἡβώοιμι, βίη δέ μοι ἔμπεδος εἴη·
τώ κε τάχ᾽ ἀντήσειε μάχης κορυθαίολος Ἕκτωρ.
ὑμέων δ᾽ οἵ περ ἔασιν ἀριστῆες Παναχαιῶν
160
οὐδ᾽ οἳ προφρονέως μέμαθ᾽ Ἕκτορος ἀντίον ἐλθεῖν.

ὣς νείκεσσ᾽ ὁ γέρων, οἳ δ᾽ ἐννέα πάντες ἀνέσταν.
ὦρτο πολὺ πρῶτος μὲν ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων,
τῶι δ᾽ ἐπὶ Τυδεΐδης ὦρτο κρατερὸς Διομήδης,
τοῖσι δ᾽ ἐπ᾽ Αἴαντες θοῦριν ἐπιειμένοι ἀλκήν,
165
τοῖσι δ᾽ ἐπ᾽ Ἰδομενεὺς καὶ ὀπάων Ἰδομενῆος
Μηριόνης ἀτάλαντος Ἐνυαλίωι ἀνδρειφόντηι,
τοῖσι δ᾽ ἐπ᾽ Εὐρύπυλος Εὐαίμονος ἀγλαὸς υἱός,
ἂν δὲ Θόας Ἀνδραιμονίδης καὶ δῖος Ὀδυσσεύς·
πάντες ἄρ᾽ οἵ γ᾽ ἔθελον πολεμίζειν Ἕκτορι δίωι.
170
τοῖς δ᾽ αὖτις μετέειπε Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ·
κλήρωι νῦν πεπάλασθε διαμπερὲς ὅς κε λάχηισιν·
οὗτος γὰρ δὴ ὀνήσει ἐϋκνήμιδας Ἀχαιούς,
καὶ δ᾽ αὐτὸς ὃν θυμὸν ὀνήσεται αἴ κε φύγηισι
δηΐου ἐκ πολέμοιο καὶ αἰνῆς δηϊοτῆτος.

 

175
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δὲ κλῆρον ἐσημήναντο ἕκαστος,
ἐν δ᾽ ἔβαλον κυνέηι Ἀγαμέμνονος Ἀτρεΐδαο.
λαοὶ δ᾽ ἠρήσαντο, θεοῖσι δὲ χεῖρας ἀνέσχον·
ὧδε δέ τις εἴπεσκεν ἰδὼν εἰς οὐρανὸν εὐρύν·
Ζεῦ πάτερ ἢ Αἴαντα λαχεῖν, ἢ Τυδέος υἱόν,
180
ἢ αὐτὸν βασιλῆα πολυχρύσοιο Μυκήνης.

ὣς ἄρ᾽ ἔφαν, πάλλεν δὲ Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ,
ἐκ δ᾽ ἔθορε κλῆρος κυνέης ὃν ἄρ᾽ ἤθελον αὐτοὶ
Αἴαντος· κῆρυξ δὲ φέρων ἀν᾽ ὅμιλον ἁπάντηι
δεῖξ᾽ ἐνδέξια πᾶσιν ἀριστήεσσιν Ἀχαιῶν.
185
οἳ δ᾽ οὐ γιγνώσκοντες ἀπηνήναντο ἕκαστος.
ἀλλ᾽ ὅτε δὴ τὸν ἵκανε φέρων ἀν᾽ ὅμιλον ἁπάντηι
ὅς μιν ἐπιγράψας κυνέηι βάλε φαίδιμος Αἴας,
ἤτοι ὑπέσχεθε χεῖρ᾽, ὁ δ᾽ ἄρ᾽ ἔμβαλεν ἄγχι παραστάς,
γνῶ δὲ κλήρου σῆμα ἰδών, γήθησε δὲ θυμῶι.
190
τὸν μὲν πὰρ πόδ᾽ ἑὸν χαμάδις βάλε φώνησέν τε·
ὦ φίλοι ἤτοι κλῆρος ἐμός, χαίρω δὲ καὶ αὐτὸς
θυμῶι, ἐπεὶ δοκέω νικησέμεν Ἕκτορα δῖον.
ἀλλ᾽ ἄγετ᾽ ὄφρ᾽ ἂν ἐγὼ πολεμήϊα τεύχεα δύω,
τόφρ᾽ ὑμεῖς εὔχεσθε Διὶ Κρονίωνι ἄνακτι
195
σιγῆι ἐφ᾽ ὑμείων ἵνα μὴ Τρῶές γε πύθωνται,
ἠὲ καὶ ἀμφαδίην, ἐπεὶ οὔ τινα δείδιμεν ἔμπης·
οὐ γάρ τίς με βίηι γε ἑκὼν ἀέκοντα δίηται
οὐδέ τι ἰδρείηι, ἐπεὶ οὐδ᾽ ἐμὲ νήϊδά γ᾽ οὕτως
ἔλπομαι ἐν Σαλαμῖνι γενέσθαι τε τραφέμεν τε.

 

200
ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ εὔχοντο Διὶ Κρονίωνι ἄνακτι·
ὧδε δέ τις εἴπεσκεν ἰδὼν εἰς οὐρανὸν εὐρύν·
Ζεῦ πάτερ Ἴδηθεν μεδέων κύδιστε μέγιστε
δὸς νίκην Αἴαντι καὶ ἀγλαὸν εὖχος ἀρέσθαι·
εἰ δὲ καὶ Ἕκτορά περ φιλέεις καὶ κήδεαι αὐτοῦ,
205
ἴσην ἀμφοτέροισι βίην καὶ κῦδος ὄπασσον.

ὣς ἄρ᾽ ἔφαν, Αἴας δὲ κορύσσετο νώροπι χαλκῶι.
αὐτὰρ ἐπεὶ δὴ πάντα περὶ χροῒ ἕσσατο τεύχεα,
σεύατ᾽ ἔπειθ᾽ οἷός τε πελώριος ἔρχεται Ἄρης,
ὅς τ᾽ εἶσιν πόλεμον δὲ μετ᾽ ἀνέρας οὕς τε Κρονίων
210
θυμοβόρου ἔριδος μένεϊ ξυνέηκε μάχεσθαι.
τοῖος ἄρ᾽ Αἴας ὦρτο πελώριος ἕρκος Ἀχαιῶν
μειδιόων βλοσυροῖσι προσώπασι· νέρθε δὲ ποσσὶν
ἤϊε μακρὰ βιβάς, κραδάων δολιχόσκιον ἔγχος.
τὸν δὲ καὶ Ἀργεῖοι μὲν ἐγήθεον εἰσορόωντες,
215
Τρῶας δὲ τρόμος αἰνὸς ὑπήλυθε γυῖα ἕκαστον,
Ἕκτορί τ᾽ αὐτῶι θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι πάτασσεν·
ἀλλ᾽ οὔ πως ἔτι εἶχεν ὑποτρέσαι οὐδ᾽ ἀναδῦναι
ἂψ λαῶν ἐς ὅμιλον, ἐπεὶ προκαλέσσατο χάρμηι.
Αἴας δ᾽ ἐγγύθεν ἦλθε φέρων σάκος ἠΰτε πύργον
220
χάλκεον ἑπταβόειον, ὅ οἱ Τυχίος κάμε τεύχων
σκυτοτόμων ὄχ᾽ ἄριστος Ὕληι ἔνι οἰκία ναίων,
ὅς οἱ ἐποίησεν σάκος αἰόλον ἑπταβόειον
ταύρων ζατρεφέων, ἐπὶ δ᾽ ὄγδοον ἤλασε χαλκόν.
τὸ πρόσθε στέρνοιο φέρων Τελαμώνιος Αἴας
225
στῆ ῥα μάλ᾽ Ἕκτορος ἐγγύς, ἀπειλήσας δὲ προσηύδα·
Ἕκτορ νῦν μὲν δὴ σάφα εἴσεαι οἰόθεν οἶος
οἷοι καὶ Δαναοῖσιν ἀριστῆες μετέασι
καὶ μετ᾽ Ἀχιλλῆα ῥηξήνορα θυμολέοντα.
ἀλλ᾽ ὁ μὲν ἐν νήεσσι κορωνίσι ποντοπόροισι
230
κεῖτ᾽ ἀπομηνίσας Ἀγαμέμνονι ποιμένι λαῶν·
ἡμεῖς δ᾽ εἰμὲν τοῖοι οἳ ἂν σέθεν ἀντιάσαιμεν
καὶ πολέες· ἀλλ᾽ ἄρχε μάχης ἠδὲ πτολέμοιο.

τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπε μέγας κορυθαίολος Ἕκτωρ·
Αἶαν διογενὲς Τελαμώνιε κοίρανε λαῶν
235
μή τί μευ ἠΰτε παιδὸς ἀφαυροῦ πειρήτιζε
ἠὲ γυναικός, ἣ οὐκ οἶδεν πολεμήϊα ἔργα.
αὐτὰρ ἐγὼν εὖ οἶδα μάχας τ᾽ ἀνδροκτασίας τε·
οἶδ᾽ ἐπὶ δεξιά, οἶδ᾽ ἐπ᾽ ἀριστερὰ νωμῆσαι βῶν
ἀζαλέην, τό μοι ἔστι ταλαύρινον πολεμίζειν·
240
οἶδα δ᾽ ἐπαΐξαι μόθον ἵππων ὠκειάων·
οἶδα δ᾽ ἐνὶ σταδίηι δηΐωι μέλπεσθαι Ἄρηϊ.
ἀλλ᾽ οὐ γάρ σ᾽ ἐθέλω βαλέειν τοιοῦτον ἐόντα
λάθρηι ὀπιπεύσας, ἀλλ᾽ ἀμφαδόν, αἴ κε τύχωμι.

ἦ ῥα, καὶ ἀμπεπαλὼν προΐει δολιχόσκιον ἔγχος,
245
καὶ βάλεν Αἴαντος δεινὸν σάκος ἑπταβόειον
ἀκρότατον κατὰ χαλκόν, ὃς ὄγδοος ἦεν ἐπ᾽ αὐτῶι.
ἓξ δὲ διὰ πτύχας ἦλθε δαΐζων χαλκὸς ἀτειρής,
ἐν τῆι δ᾽ ἑβδομάτηι ῥινῶι σχέτο· δεύτερος αὖτε
Αἴας διογενὴς προΐει δολιχόσκιον ἔγχος,
250
καὶ βάλε Πριαμίδαο κατ᾽ ἀσπίδα πάντοσ᾽ ἐΐσην.
διὰ μὲν ἀσπίδος ἦλθε φαεινῆς ὄβριμον ἔγχος,
καὶ διὰ θώρηκος πολυδαιδάλου ἠρήρειστο·
ἀντικρὺ δὲ παραὶ λαπάρην διάμησε χιτῶνα
ἔγχος· ὁ δ᾽ ἐκλίνθη καὶ ἀλεύατο κῆρα μέλαιναν.
255
τὼ δ᾽ ἐκσπασσαμένω δολίχ᾽ ἔγχεα χερσὶν ἅμ᾽ ἄμφω
σύν ῥ᾽ ἔπεσον λείουσιν ἐοικότες ὠμοφάγοισιν
ἢ συσὶ κάπροισιν, τῶν τε σθένος οὐκ ἀλαπαδνόν.
Πριαμίδης μὲν ἔπειτα μέσον σάκος οὔτασε δουρί,
οὐδ᾽ ἔρρηξεν χαλκός, ἀνεγνάμφθη δέ οἱ αἰχμή.
260
Αἴας δ᾽ ἀσπίδα νύξεν ἐπάλμενος· ἣ δὲ διαπρὸ
ἤλυθεν ἐγχείη, στυφέλιξε δέ μιν μεμαῶτα,
τμήδην δ᾽ αὐχέν᾽ ἐπῆλθε, μέλαν δ᾽ ἀνεκήκιεν αἷμα,
ἀλλ᾽ οὐδ᾽ ὧς ἀπέληγε μάχης κορυθαίολος Ἕκτωρ,
ἀλλ᾽ ἀναχασσάμενος λίθον εἵλετο χειρὶ παχείηι
265
κείμενον ἐν πεδίωι μέλανα τρηχύν τε μέγαν τε·
τῶι βάλεν Αἴαντος δεινὸν σάκος ἑπταβόειον
μέσσον ἐπομφάλιον· περιήχησεν δ᾽ ἄρα χαλκός.
δεύτερος αὖτ᾽ Αἴας πολὺ μείζονα λᾶαν ἀείρας
ἧκ᾽ ἐπιδινήσας, ἐπέρεισε δὲ ἶν᾽ ἀπέλεθρον,
270
εἴσω δ᾽ ἀσπίδ᾽ ἔαξε βαλὼν μυλοειδέϊ πέτρωι,
βλάψε δέ οἱ φίλα γούναθ᾽· ὁ δ᾽ ὕπτιος ἐξετανύσθη
ἀσπίδι ἐγχριμφθείς· τὸν δ᾽ αἶψ᾽ ὤρθωσεν Ἀπόλλων.
καί νύ κε δὴ ξιφέεσσ᾽ αὐτοσχεδὸν οὐτάζοντο,
εἰ μὴ κήρυκες Διὸς ἄγγελοι ἠδὲ καὶ ἀνδρῶν
275
ἦλθον, ὁ μὲν Τρώων, ὁ δ᾽ Ἀχαιῶν χαλκοχιτώνων,
Ταλθύβιός τε καὶ Ἰδαῖος πεπνυμένω ἄμφω·
μέσσωι δ᾽ ἀμφοτέρων σκῆπτρα σχέθον, εἶπέ τε μῦθον
κῆρυξ Ἰδαῖος πεπνυμένα μήδεα εἰδώς·
μηκέτι παῖδε φίλω πολεμίζετε μηδὲ μάχεσθον·
280
ἀμφοτέρω γὰρ σφῶϊ φιλεῖ νεφεληγερέτα Ζεύς,
ἄμφω δ᾽ αἰχμητά· τό γε δὴ καὶ ἴδμεν ἅπαντες.
νὺξ δ᾽ ἤδη τελέθει· ἀγαθὸν καὶ νυκτὶ πιθέσθαι.

τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη Τελαμώνιος Αἴας·
Ἰδαῖ᾽ Ἕκτορα ταῦτα κελεύετε μυθήσασθαι·
285
αὐτὸς γὰρ χάρμηι προκαλέσσατο πάντας ἀρίστους.
ἀρχέτω· αὐτὰρ ἐγὼ μάλα πείσομαι ἧι περ ἂν οὗτος.

τὸν δ᾽ αὖτε προσέειπε μέγας κορυθαίολος Ἕκτωρ·
Αἶαν ἐπεί τοι δῶκε θεὸς μέγεθός τε βίην τε
καὶ πινυτήν, περὶ δ᾽ ἔγχει Ἀχαιῶν φέρτατός ἐσσι,
290
νῦν μὲν παυσώμεσθα μάχης καὶ δηϊοτῆτος
σήμερον· ὕστερον αὖτε μαχησόμεθ᾽ εἰς ὅ κε δαίμων
ἄμμε διακρίνηι, δώηι δ᾽ ἑτέροισί γε νίκην.
νὺξ δ᾽ ἤδη τελέθει· ἀγαθὸν καὶ νυκτὶ πιθέσθαι,
ὡς σύ τ᾽ ἐϋφρήνηις πάντας παρὰ νηυσὶν Ἀχαιούς,
295
σούς τε μάλιστα ἔτας καὶ ἑταίρους, οἵ τοι ἔασιν·
αὐτὰρ ἐγὼ κατὰ ἄστυ μέγα Πριάμοιο ἄνακτος
Τρῶας ἐϋφρανέω καὶ Τρωιάδας ἑλκεσιπέπλους,
αἵ τέ μοι εὐχόμεναι θεῖον δύσονται ἀγῶνα.
δῶρα δ᾽ ἄγ᾽ ἀλλήλοισι περικλυτὰ δώομεν ἄμφω,
300
ὄφρά τις ὧδ᾽ εἴπηισιν Ἀχαιῶν τε Τρώων τε·
ἠμὲν ἐμαρνάσθην ἔριδος πέρι θυμοβόροιο,
ἠδ᾽ αὖτ᾽ ἐν φιλότητι διέτμαγεν ἀρθμήσαντε.

ὣς ἄρα φωνήσας δῶκε ξίφος ἀργυρόηλον
σὺν κολεῶι τε φέρων καὶ ἐϋτμήτωι τελαμῶνι·
305
Αἴας δὲ ζωστῆρα δίδου φοίνικι φαεινόν.
τὼ δὲ διακρινθέντε ὁ μὲν μετὰ λαὸν Ἀχαιῶν
ἤϊ᾽, ὁ δ᾽ ἐς Τρώων ὅμαδον κίε· τοὶ δὲ χάρησαν,
ὡς εἶδον ζωόν τε καὶ ἀρτεμέα προσιόντα,
Αἴαντος προφυγόντα μένος καὶ χεῖρας ἀάπτους·
310
καί ῥ᾽ ἦγον προτὶ ἄστυ ἀελπτέοντες σόον εἶναι.
Αἴαντ᾽ αὖθ᾽ ἑτέρωθεν ἐϋκνήμιδες Ἀχαιοὶ
εἰς Ἀγαμέμνονα δῖον ἄγον κεχαρηότα νίκηι.

οἳ δ᾽ ὅτε δὴ κλισίηισιν ἐν Ἀτρεΐδαο γένοντο,
τοῖσι δὲ βοῦν ἱέρευσεν ἄναξ ἀνδρῶν Ἀγαμέμνων
315
ἄρσενα πενταέτηρον ὑπερμενέϊ Κρονίωνι.
τὸν δέρον ἀμφί θ᾽ ἕπον, καί μιν διέχευαν ἅπαντα,
μίστυλλόν τ᾽ ἄρ᾽ ἐπισταμένως πεῖράν τ᾽ ὀβελοῖσιν,
ὄπτησάν τε περιφραδέως, ἐρύσαντό τε πάντα.
αὐτὰρ ἐπεὶ παύσαντο πόνου τετύκοντό τε δαῖτα,
320
δαίνυντ᾽, οὐδέ τι θυμὸς ἐδεύετο δαιτὸς ἐΐσης·
νώτοισιν δ᾽ Αἴαντα διηνεκέεσσι γέραιρεν
ἥρως Ἀτρεΐδης εὐρὺ κρείων Ἀγαμέμνων.
αὐτὰρ ἐπεὶ πόσιος καὶ ἐδητύος ἐξ ἔρον ἕντο,
τοῖς ὁ γέρων πάμπρωτος ὑφαίνειν ἤρχετο μῆτιν
325
Νέστωρ, οὗ καὶ πρόσθεν ἀρίστη φαίνετο βουλή·
ὅ σφιν ἐϋφρονέων ἀγορήσατο καὶ μετέειπεν·
Ἀτρεΐδη τε καὶ ἄλλοι ἀριστῆες Παναχαιῶν,
πολλοὶ γὰρ τεθνᾶσι κάρη κομόωντες Ἀχαιοί,
τῶν νῦν αἷμα κελαινὸν ἐΰρροον ἀμφὶ Σκάμανδρον
330
ἐσκέδασ᾽ ὀξὺς Ἄρης, ψυχαὶ δ᾽ Ἄϊδος δὲ κατῆλθον·
τώ σε χρὴ πόλεμον μὲν ἅμ᾽ ἠοῖ παῦσαι Ἀχαιῶν,
αὐτοὶ δ᾽ ἀγρόμενοι κυκλήσομεν ἐνθάδε νεκροὺς
βουσὶ καὶ ἡμιόνοισιν· ἀτὰρ κατακήομεν αὐτοὺς
τυτθὸν ἀπὸ πρὸ νεῶν, ὥς κ᾽ ὀστέα παισὶν ἕκαστος
335
οἴκαδ᾽ ἄγηι ὅτ᾽ ἂν αὖτε νεώμεθα πατρίδα γαῖαν.

τύμβον δ᾽ ἀμφὶ πυρὴν ἕνα χεύομεν ἐξαγαγόντες
ἄκριτον ἐκ πεδίου· ποτὶ δ᾽ αὐτὸν δείμομεν ὦκα
πύργους ὑψηλοὺς εἶλαρ νηῶν τε καὶ αὐτῶν.
ἐν δ᾽ αὐτοῖσι πύλας ποιήσομεν εὖ ἀραρυίας,
340
ὄφρα δι᾽ αὐτάων ἱππηλασίη ὁδὸς εἴη·
ἔκτοσθεν δὲ βαθεῖαν ὀρύξομεν ἐγγύθι τάφρον,
ἥ χ᾽ ἵππον καὶ λαὸν ἐρυκάκοι ἀμφὶς ἐοῦσα,
μή ποτ᾽ ἐπιβρίσηι πόλεμος Τρώων ἀγερώχων.

ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα πάντες ἐπήινησαν βασιλῆες.
345
Τρώων αὖτ᾽ ἀγορὴ γένετ᾽ Ἰλίου ἐν πόλει ἄκρηι
δεινὴ τετρηχυῖα, παρὰ Πριάμοιο θύρηισι·
τοῖσιν δ᾽ Ἀντήνωρ πεπνυμένος ἦρχ᾽ ἀγορεύειν·
κέκλυτέ μευ Τρῶες καὶ Δάρδανοι ἠδ᾽ ἐπίκουροι,
ὄφρ᾽ εἴπω τά με θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι κελεύει.
350
δεῦτ᾽ ἄγετ᾽ Ἀργείην Ἑλένην καὶ κτήμαθ᾽ ἅμ᾽ αὐτῆι
δώομεν Ἀτρεΐδηισιν ἄγειν· νῦν δ᾽ ὅρκια πιστὰ
ψευσάμενοι μαχόμεσθα· τὼ οὔ νύ τι κέρδιον ἡμῖν
ἔλπομαι ἐκτελέεσθαι, ἵνα μὴ ῥέξομεν ὧδε.

ἤτοι ὅ γ᾽ ὣς εἰπὼν κατ᾽ ἄρ᾽ ἕζετο· τοῖσι δ᾽ ἀνέστη
355
δῖος Ἀλέξανδρος Ἑλένης πόσις ἠϋκόμοιο,
ὅς μιν ἀμειβόμενος ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
Ἀντῆνορ σὺ μὲν οὐκέτ᾽ ἐμοὶ φίλα ταῦτ᾽ ἀγορεύεις·
οἶσθα καὶ ἄλλον μῦθον ἀμείνονα τοῦδε νοῆσαι.
εἰ δ᾽ ἐτεὸν δὴ τοῦτον ἀπὸ σπουδῆς ἀγορεύεις,
360
ἐξ ἄρα δή τοι ἔπειτα θεοὶ φρένας ὤλεσαν αὐτοί.

αὐτὰρ ἐγὼ Τρώεσσι μεθ᾽ ἱπποδάμοις ἀγορεύσω·
ἀντικρὺ δ᾽ ἀπόφημι γυναῖκα μὲν οὐκ ἀποδώσω·
κτήματα δ᾽ ὅσσ᾽ ἀγόμην ἐξ Ἄργεος ἡμέτερον δῶ
πάντ᾽ ἐθέλω δόμεναι καὶ οἴκοθεν ἄλλ᾽ ἐπιθεῖναι.
 
365
ἤτοι ὅ γ᾽ ὣς εἰπὼν κατ᾽ ἄρ᾽ ἕζετο· τοῖσι δ᾽ ἀνέστη
Δαρδανίδης Πρίαμος, θεόφιν μήστωρ ἀτάλαντος,
ὅ σφιν ἐϋφρονέων ἀγορήσατο καὶ μετέειπε·
κέκλυτέ μευ Τρῶες καὶ Δάρδανοι ἠδ᾽ ἐπίκουροι,
ὄφρ᾽ εἴπω τά με θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι κελεύει.
370
νῦν μὲν δόρπον ἕλεσθε κατὰ πτόλιν ὡς τὸ πάρος περ,
καὶ φυλακῆς μνήσασθε καὶ ἐγρήγορθε ἕκαστος·
ἠῶθεν δ᾽ Ἰδαῖος ἴτω κοίλας ἐπὶ νῆας
εἰπέμεν Ἀτρεΐδηις Ἀγαμέμνονι καὶ Μενελάωι
μῦθον Ἀλεξάνδροιο, τοῦ εἵνεκα νεῖκος ὄρωρε·
375
καὶ δὲ τόδ᾽ εἰπέμεναι πυκινὸν ἔπος, αἴ κ᾽ ἐθέλωσι
παύσασθαι πολέμοιο δυσηχέος, εἰς ὅ κε νεκροὺς
κήομεν· ὕστερον αὖτε μαχησόμεθ᾽ εἰς ὅ κε δαίμων
ἄμμε διακρίνηι, δώηι δ᾽ ἑτέροισί γε νίκην.

ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα τοῦ μάλα μὲν κλύον ἠδ᾽ ἐπίθοντο·
380
δόρπον ἔπειθ᾽ εἵλοντο κατὰ στρατὸν ἐν τελέεσσιν·
ἠῶθεν δ᾽ Ἰδαῖος ἔβη κοίλας ἐπὶ νῆας·
τοὺς δ᾽ εὗρ᾽ εἰν ἀγορῆι Δαναοὺς θεράποντας Ἄρηος
νηῒ πάρα πρύμνηι Ἀγαμέμνονος· αὐτὰρ ὁ τοῖσι
στὰς ἐν μέσσοισιν μετεφώνεεν ἠπύτα κῆρυξ·
385
Ἀτρεΐδη τε καὶ ἄλλοι ἀριστῆες Παναχαιῶν
ἠνώγει Πρίαμός τε καὶ ἄλλοι Τρῶες ἀγαυοὶ
εἰπεῖν, αἴ κέ περ ὔμμι φίλον καὶ ἡδὺ γένοιτο,
μῦθον Ἀλεξάνδροιο, τοῦ εἵνεκα νεῖκος ὄρωρε·
κτήματα μὲν ὅσ᾽ Ἀλέξανδρος κοίληις ἐνὶ νηυσὶν
390
ἠγάγετο Τροίηνδ᾽· ὡς πρὶν ὤφελλ᾽ ἀπολέσθαι·
πάντ᾽ ἐθέλει δόμεναι καὶ οἴκοθεν ἄλλ᾽ ἐπιθεῖναι·
κουριδίην δ᾽ ἄλοχον Μενελάου κυδαλίμοιο
οὔ φησιν δώσειν· ἦ μὴν Τρῶές γε κέλονται.
καὶ δὲ τόδ᾽ ἠνώγεον εἰπεῖν ἔπος αἴ κ᾽ ἐθέλητε
395
παύσασθαι πολέμοιο δυσηχέος εἰς ὅ κε νεκροὺς
κήομεν· ὕστερον αὖτε μαχησόμεθ᾽ εἰς ὅ κε δαίμων
ἄμμε διακρίνηι, δώηι δ᾽ ἑτέροισί γε νίκην.

ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα πάντες ἀκὴν ἐγένοντο σιωπῆι·
ὀψὲ δὲ δὴ μετέειπε βοὴν ἀγαθὸς Διομήδης·
400
μήτ᾽ ἄρ τις νῦν κτήματ᾽ Ἀλεξάνδροιο δεχέσθω
μήθ᾽ Ἑλένην· γνωτὸν δὲ καὶ ὃς μάλα νήπιός ἐστιν
ὡς ἤδη Τρώεσσιν ὀλέθρου πείρατ᾽ ἐφῆπται.

ὣς ἔφαθ᾽, οἳ δ᾽ ἄρα πάντες ἐπίαχον υἷες Ἀχαιῶν
μῦθον ἀγασσάμενοι Διομήδεος ἱπποδάμοιο·
405
καὶ τότ᾽ ἄρ᾽ Ἰδαῖον προσέφη κρείων Ἀγαμέμνων·
Ἰδαῖ᾽ ἤτοι μῦθον Ἀχαιῶν αὐτὸς ἀκούεις
ὥς τοι ὑποκρίνονται· ἐμοὶ δ᾽ ἐπιανδάνει οὕτως
ἀμφὶ δὲ νεκροῖσιν κατακαιέμεν οὔ τι μεγαίρω·
οὐ γάρ τις φειδὼ νεκύων κατατεθνηώτων
410
γίγνετ᾽ ἐπεί κε θάνωσι πυρὸς μειλισσέμεν ὦκα.
ὅρκια δὲ Ζεὺς ἴστω ἐρίγδουπος πόσις Ἥρης.

ὣς εἰπὼν τὸ σκῆπτρον ἀνέσχεθε πᾶσι θεοῖσιν,
ἄψορρον δ᾽ Ἰδαῖος ἔβη προτὶ Ἴλιον ἱρήν.
οἳ δ᾽ ἕατ᾽ εἰν ἀγορῆι Τρῶες καὶ Δαρδανίωνες
415
πάντες ὁμηγερέες, ποτιδέγμενοι ὁππότ᾽ ἄρ᾽ ἔλθοι
Ἰδαῖος· ὁ δ᾽ ἄρ᾽ ἦλθε καὶ ἀγγελίην ἀπέειπε
στὰς ἐν μέσσοισιν· τοὶ δ᾽ ὁπλίζοντο μάλ᾽ ὦκα,
ἀμφότερον νέκυάς τ᾽ ἀγέμεν ἕτεροι δὲ μεθ᾽ ὕλην·
Ἀργεῖοι δ᾽ ἑτέρωθεν ἐϋσσέλμων ἀπὸ νηῶν
420
ὀτρύνοντο νέκυς τ᾽ ἀγέμεν, ἕτεροι δὲ μεθ᾽ ὕλην.

Ἠέλιος μὲν ἔπειτα νέον προσέβαλλεν ἀρούρας
ἐξ ἀκαλαρρείταο βαθυρρόου Ὠκεανοῖο
οὐρανὸν εἰσανιών· οἳ δ᾽ ἤντεον ἀλλήλοισιν.
ἔνθα διαγνῶναι χαλεπῶς ἦν ἄνδρα ἕκαστον·
425
ἀλλ᾽ ὕδατι νίζοντες ἄπο βρότον αἱματόεντα
δάκρυα θερμὰ χέοντες ἀμαξάων ἐπάειραν.
οὐδ᾽ εἴα κλαίειν Πρίαμος μέγας· οἳ δὲ σιωπῆι
νεκροὺς πυρκαϊῆς ἐπινήνεον ἀχνύμενοι κῆρ,
ἐν δὲ πυρὶ πρήσαντες ἔβαν προτὶ Ἴλιον ἱρήν
430
ὣς δ᾽ αὔτως ἑτέρωθεν ἐϋκνήμιδες Ἀχαιοὶ
νεκροὺς πυρκαϊῆς ἐπινήνεον ἀχνύμενοι κῆρ,
ἐν δὲ πυρὶ πρήσαντες ἔβαν κοίλας ἐπὶ νῆας.

ἦμος δ᾽ οὔτ᾽ ἄρ πω ἠώς, ἔτι δ᾽ ἀμφιλύκη νύξ,
τῆμος ἄρ᾽ ἀμφὶ πυρὴν κριτὸς ἔγρετο λαὸς Ἀχαιῶν,
435
τύμβον δ᾽ ἀμφ᾽ αὐτὴν ἕνα ποίεον ἐξαγαγόντες
ἄκριτον ἐκ πεδίου, ποτὶ δ᾽ αὐτὸν τεῖχος ἔδειμαν
πύργους θ᾽ ὑψηλούς, εἶλαρ νηῶν τε καὶ αὐτῶν.
ἐν δ᾽ αὐτοῖσι πύλας ἐνεποίεον εὖ ἀραρυίας,
ὄφρα δι᾽ αὐτάων ἱππηλασίη ὁδὸς εἴη·
440 ἔκτοσθεν δὲ βαθεῖαν ἐπ᾽ αὐτῶι τάφρον ὄρυξαν
εὐρεῖαν μεγάλην, ἐν δὲ σκόλοπας κατέπηξαν.

ὣς οἳ μὲν πονέοντο κάρη κομόωντες Ἀχαιοί·
οἳ δὲ θεοὶ πὰρ Ζηνὶ καθήμενοι ἀστεροπητῆι
θηεῦντο μέγα ἔργον Ἀχαιῶν χαλκοχιτώνων.
445 τοῖσι δὲ μύθων ἦρχε Ποσειδάων ἐνοσίχθων·
Ζεῦ πάτερ, ἦ ῥά τίς ἐστι βροτῶν ἐπ᾽ ἀπείρονα γαῖαν
ὅς τις ἔτ᾽ ἀθανάτοισι νόον καὶ μῆτιν ἐνίψει;
οὐχ ὁράαις ὅτι δ᾽ αὖτε κάρη κομόωντες Ἀχαιοὶ
τεῖχος ἐτειχίσσαντο νεῶν ὕπερ, ἀμφὶ δὲ τάφρον
450 ἤλασαν, οὐδὲ θεοῖσι δόσαν κλειτὰς ἑκατόμβας;
τοῦ δ᾽ ἤτοι κλέος ἔσται ὅσον τ᾽ ἐπικίδναται ἠώς·
τοῦ δ᾽ ἐπιλήσονται τὸ ἐγὼ καὶ Φοῖβος Ἀπόλλων
ἥρωι Λαομέδοντι πολίσσαμεν ἀθλήσαντε.

τὸν δὲ μέγ᾽ ὀχθήσας προσέφη νεφεληγερέτα Ζεύς·
455 ὢ πόποι ἐννοσίγαι᾽ εὐρυσθενές, οἷον ἔειπες.
ἄλλός κέν τις τοῦτο θεῶν δείσειε νόημα,
ὃς σέο πολλὸν ἀφαυρότερος χεῖράς τε μένος τε·
σὸν δ᾽ ἤτοι κλέος ἔσται ὅσον τ᾽ ἐπικίδναται ἠώς.
ἄγρει μὰν ὅτ᾽ ἂν αὖτε κάρη κομόωντες Ἀχαιοὶ
460 οἴχωνται σὺν νηυσὶ φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν
τεῖχος ἀναρρήξας τὸ μὲν εἰς ἅλα πᾶν καταχεῦαι,
αὖτις δ᾽ ἠϊόνα μεγάλην ψαμάθοισι καλύψαι,
ὥς κέν τοι μέγα τεῖχος ἀμαλδύνηται Ἀχαιῶν.

ὣς οἳ μὲν τοιαῦτα πρὸς ἀλλήλους ἀγόρευον,
465 δύσετο δ᾽ ἠέλιος, τετέλεστο δὲ ἔργον Ἀχαιῶν,
βουφόνεον δὲ κατὰ κλισίας καὶ δόρπον ἕλοντο.
νῆες δ᾽ ἐκ Λήμνοιο παρέσταν οἶνον ἄγουσαι
πολλαί, τὰς προέηκεν Ἰησονίδης Εὔνηος,
τόν ῥ᾽ ἔτεχ᾽ Ὑψιπύλη ὑπ᾽ Ἰήσονι ποιμένι λαῶν.

 

470 χωρὶς δ᾽ Ἀτρεΐδηις Ἀγαμέμνονι καὶ Μενελάωι
δῶκεν Ἰησονίδης ἀγέμεν μέθυ χίλια μέτρα.
ἔνθεν οἰνίζοντο κάρη κομόωντες Ἀχαιοί,
ἄλλοι μὲν χαλκῶι, ἄλλοι δ᾽ αἴθωνι σιδήρωι,
ἄλλοι δὲ ῥινοῖς, ἄλλοι δ᾽ αὐτῆισι βόεσσιν,
475 ἄλλοι δ᾽ ἀνδραπόδεσσι· τίθεντο δὲ δαῖτα θάλειαν.
παννύχιοι μὲν ἔπειτα κάρη κομόωντες Ἀχαιοὶ
δαίνυντο, Τρῶες δὲ κατὰ πτόλιν ἠδ᾽ ἐπίκουροι·
παννύχιος δέ σφιν κακὰ μήδετο μητίετα Ζεὺς
σμερδαλέα κτυπέων· τοὺς δὲ χλωρὸν δέος ἥιρει·
480 οἶνον δ᾽ ἐκ δεπάων χαμάδις χέον, οὐδέ τις ἔτλη
πρὶν πιέειν πρὶν λεῖψαι ὑπερμενέϊ Κρονίωνι.
κοιμήσαντ᾽ ἄρ᾽ ἔπειτα καὶ ὕπνου δῶρον ἕλοντο.