Livre XIII
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ARGUMENT DU LIVRE XIII.

 ULYSSE prend congé d'Alcinoüs & d'Arête, & part pour Ithaque. Il arrive, & les Phœaciens qui le conduisent, le portent tout endormi sur le rivage de l'île. Il s'éveille enfin ; mais le nuage dont Pallas a couvert ses yeux l'empêche de reconnaître sa patrie. La Déesse lui apparoît sous la forme d'un Berger, & après lui avoir dessillé les yeux, consulte avec lui sur les moyens de se défaire des Prétendant : Pour mieux cacher son retour, Pallas change ses traits, & lui donne la figure d'un mendiant chargé d'années & de misère. 

  
 

Ainsi parloit Ulysse, & ces rares merveilles,

Du Peuple & du Monarque ont charmé les oreilles ;

Ils restoient en silence, enchantés & surpris.

Alcinoüs enfin, rappelant ses esprits :

 

 
5

   Rassurez-vous, dit-il, o courageux Ulysse,

Espérez les bienfaits d'un destin plus propice,

A travers mille écueils sur nos bords descendu,

Espérez ce retour si long-temps attendu :

Tant de maux supportés d'un cœur confiant & ferme,

 
10

Vont ici, croyez-moi, trouver enfin leur terme.

       

    Vous, Princes, qui toujours admis à ma faveur,

De mes divers plaisirs partagez la douceur,

Vous, assis aux banquets qu'accompagné la lyre,

Voici,  sur ce Mortel, ce que mon cœur m'inspire.

 
15

C'est trop peu des présens qu'il reçut de nos mains,

Il aura de ma foi des gages plus certains,

Des vases éclatans, des trépiés magnifiques ;

Que nous rendront un jour les largesses publiques (1).

 

    Le Roi parle ; à ses vœux l'assemblée applaudit.

 
20

Mais l'ombre qui descend a ramené la nuit :

On se sépare enfin ; & sitôt que l'aurore

Eut annoncé le jour qui s'empresse d'éclore,

On lance le Navire, & dans ses vastes flancs,

Du sage Alcinoüs on porte les présens.

 
25

Ce Monarque, empresse pour un Héros qu'il aime,

Au soin de les ranger vient présider lui-même :

Jaloux de garantir ces merveilles de l'art,

Sous les bancs des Rameurs il les place à l'écart.

 

    Cependant au palais le festin qui s'apprête,

 
30

Va de cet heureux jour solenniser la fête.

Le Sacrifice est prêt ; un superbe taureau,

Offert à Jupiter, tombe sous le couteau ;

 Et le Chantre immortel que la cité révère,

Aux accords de sa lyre unit sa voix légère

 

 
35

   Mais Ulysse, occupé du soin de son retour,

D'un œil impatient suivoit l'astre du jour,

Déploroit la longueur de sa vaste carrière.

Ainsi, durant le cours d'une journée entière,

Un homme qui, traçant un pénible sillon,

 
40

Conduit deux bœufs tardifs, pressés par l'aiguillon,

Soupire après l'instant qui doit finir sa peine,

Et d'un œil satisfait voit aux bords de la plaine

Le Soleil affoibli pencher vers son couchant.

Tel Ulysse avec joie, éperdu, languissant,        

 
45

Vit cet astre dans l'onde éteindre sa lumière.

 

    Vous Peuples, & vous Roi, leur modèle & leur père

Accordez-moi, dit-il, respectables Amis,

Les secours généreux que vous m'avez promis ;          

Ordonnez mon départ, consolez ma détresse,

 
50

Et recevez l'adieu que mon cœur vous adresse.          

J'ai reçu de vos mains tous les biens que mes vœux

Auroient pu demander à la bonté des Dieux ;

Puissent ces Immortels me les rendre prospères !

Puissé-je retrouver, au palais de mes pères,

 
55

Une épouse fidèle & chère à son époux,

Et des amis constans aussi zélés que vous !

Et vous, goûtez les biens que le Ciel vous envoie!

De vos nombreux enfans soyez long-temps la joie !  

Que les Dieux, protégeant votre heureuse Cité,

 
60

Y versent tous les dons de la prospérité !

 

     L’assemblée, à ces mots, l'applaudit, & s'écrie :

 

    Qu’il parte, qu'on le rende aux vœux de sa patrie.

 

    Alcinoüs commande, & le Héraut soudain      

Dans un vase profond va préparer le vin ;      

 
65

Et, tenant dans sa main une coupe sacrée,

Porte de rang en rang ta liqueur désirée.

 

    Sur leurs trônes assis, les convives joyeux

A leurs libations appellent tous les Dieux ;

Mais Ulysse se lève, il prend la coupe pleine,

 
70

Et va la déposer dans les mains de la Reine :

 

    Grande Reine, dit-il, puissent, de vos beaux jours,

Le plaisir & la paix accompagner le cours,  

Jusqu'au temps où la loi des sombres Destinées 

Viendra marquer un terme à vos longues années !

 
75

Adieu ; charmez long-temps, au sein de ce palais,

Votre époux, vos enfans, & vos heureux sujets !  

 

    Il s'éloigne, à ces mots, marche vers le portique,

Vole & franchit le seuil de ce lieu magnifique.

Le Roi, pour le conduire au bord de ses États,

 
80

Par un sage Héraut fait précéder ses pas.

Trois femmes le suivoient, par la Reine envoyées ;

L'une tenoit en main des tuniques ployées,

Une autre un écrin d'or, une troisième enfin

Portoit entre ses bras le froment & le vin.

 
85

Au Vaisseau qui l'attend, à grands pas il arrive ;

Près de lui les Rameurs accourant sur la rive,

Au fond de ce Vaisseau s'empressent de ranger

Les présens dont la Reine eut soin de le charger.

Il monte, & plein de joie à la poupe il s'avance ;

 
90

Sur un lit qu'on apprête, il repose en silence,

Sa paupière s'affaisse, & bientôt il s'endort

D'un doux sommeil semblable au calme de la mort.

 

    Mais avant ce repos, consommant son ouvrage,

Il avoit vu la Nef s'éloigner du rivage,  

 
95

Et la main des Rameurs endurcie aux travaux,

Par les coups de la rame ouvrir le sein des eaux.

 

    Tels, dans les champs poudreux d'une vaste carrière

Quatre légers coursiers, entourés de poussière,  

Traînent un char superbe, &, les crins hérissés,

 
100

S'élancent sous le fouet dont leurs flancs sont pressés :

Tel, élevant sa proue écumeuse & rapide (2),

Le Navire voloit sur l'élément humide,

Dans son cours, après lui, laissant de longs sillons

D'une onde qui blanchit & fuit à gros bouillons.

 
105

Le rapide épervier n'auroit atteint qu'à peine

Ce Vaisseau, qui portoit sur la liquide plaine

Un Mortel invincible, ardent, industrieux,

Que ses hautes vertus rendoient semblable aux Dieux,

Un Mortel, dont la guerre & l’onde courroucée

 
110

Ont exercé l'audace, & ne l'ont point lassée.

Il dormoit, & des maux que son cœur a soufferts

Le sommeil effaçoit les souvenirs amers.

Quand l'astre, dont l'éclat fait pâlir les étoiles,

Parut,  de la nuit vint dissiper les voiles,

 
115

Au bord qu'il desiroit le Vaisseau descendit.

 

    Sur la rive d'Ithaque est un vaste réduit,

Un port large & profond, dont l'enceinte escarpée

De deux bras de rochers paroît enveloppée.

Là, les flots agités ne trouvent point d'accès ;

 
120

Là, le vent en courroux ne pénétra jamais ;

Les Vaisseaux, parvenus en cet heureux asyle,

Y restent sans lien sur une onde immobile ;

C'est le port de Phorcyne : un antique olivier (3),

Au fond de cette enceinte élève un front altier,

 
125

Dont les rameaux épais embrassent sous leur ombre

Une grotte sacrée, un antre vaste & sombre,

Où les Nymphes des eaux, les Naïades en paix,

Sortant du sein des mers, vont respirer le frais.

Là, des marbres brillans de diverse structure,

 
130

En vases façonnés, creusés par la Nature

Reçoivent dans leurs flancs les précieux trésors

Que la soigneuse abeille amasse sur ces bords.

On y voit les fuseaux que ces Nymphes charmantes

Employoient à former les trames éclatantes

 
135

De cent voiles légers où les plus belles fleurs,

Sur un tissu de pourpre, étalent leurs couleurs.

En cet antre profond, des sources d'une eau pure

Sans cesse sont entendre un aimable murmure.

Deux portes dans ce lieu laissent percer le jour ;

 
140

L'une, ouverte aux mortels, admet en ce séjour

La confiante fraîcheur du souffle de Borée ;

L'autre aux feux du midi présente son entrée,

Spacieuse, élevée, interdite aux humains,

Et dont les Dieux eux seuls connoissent les chemins (4).

 

 
145

    C'est à ce port fameux qu'aborda le Navire.

Aussitôt les Rameurs chargés de le conduire,

Redoublant les efforts de leurs bras vigoureux,

Le poussent à moitié sur les bords sablonneux,

Et, d'un pas diligent, transportent sur l'arène

 
150

Ce Roi, qu'un doux sommeil en ce moment enchaîne

 Enveloppé du voile & des riches tapis,

Où s'étoient reposés ses membres affoiblis (5)

Ils le quittent soudain, &, d'une main fidèle,

Apportant les trésors que le Vaisseau recèle,

 
155

A l'écart, avec soin, ils vont les confier

Au pied du tronc sacré de l'antique olivier.

Ces devoirs accomplis, ils partent ; mais Neptune

N'avoit pas oublié quelle longue infortune

Il avoit préparée à ce Roi malheureux,

 
160

Que les Phaeaciens ont conduit en ces lieux.

Au Souverain des Dieux il s'adresse & soupire,

 

    Eh ! qui m'honorera dans le céleste empire,

Quand les Phaeaciens, quoiqu'issus de mon sang,

Méprisent sans pudeur mon pouvoir & mon rang

 
165

J'avois juré qu'Ulysse, objet de ma colère,

Ne reverroit cette île à ses desirs si chère,

Que lorsque, consumé d'ennuis & de tourmens,

Il auroit satisfait à mes ressentimens ;

Car je ne voulois point, connoissant tes oracles,

 
170

Arrêter son retour par d'éternels obstacles.  

Mais voici qu'au mépris de mes justes fureurs,

Du sommeil sur la rive il goûte les douceurs :

Des mortels l'ont conduit, qui, bravant ma vengeance,

Avec lui, contre moi, semblent d'intelligence ;  

 
175

Il revient plus chargé de trésors & de biens,

Qu'il n'en eût remporté du débris des Troyens.

 

    Neptune, répondit le Maître du tonnerre,

Vous, de qui le trident peut ébranler la Terre,  

Vous, le plus respectable & le plus grand des Dieux,  

 
180

Quels mépris avez-vous à craindre dans ces lieux ?

D'un Mortel trop hardi si l'orgueil vous offense,

Ne pouvez-vous donc pas punir son insolence,

Et de votre courroux lancer sur lui les traits ?

 

    Combien cette vengeance auroit pour moi d'attraits,

 
185

Dit le Tyran des flots ! mais mon cœur vous révère ;  

Je crains de vos arrêts l'autorité sévère,   

C'est des Phaeaciens que je veux me venger.  

Leur fierté va cesser enfin de m'outrager, 

De guider sans péril, sur l'empire où je règne,

 
190

Des Mortels dont l'orgueil me brave & me dédaigne.

 Je perdrai leur Navire, & mon bras irrité

Sous un mont sourcilleux couvrira leur Cité.

 

    Mon cœur, avec le vôtre ici d'intelligence,

Répond le Dieu suprême, approuve sa vengeance.

 
195

Pour en perpétuer le juste souvenir,  

Allez, près de ces murs que vous voulez punir,

Transformer en rocher leur Vaisseau téméraire,

Et d'un mont Sourcilleux écraser l'île entière.

 

    Il dit : le Dieu des mers rompant ces entretiens

 
200

Descend à pas presque aux champs Phaeaciens ;

Il s'élance au-devant du Vaisseau qui s'approche,

Il le frappe & le change en une vaste roche (6),

Dont les flancs escarpés, en vain battus des Mers,

Touchent par leur racine au séjour des Enfers,

 
205

Les Peuples cependant, témoins de ce prodige,

Se croyoient abusés par quelque vain prestige.

 

    Quel pouvoir, disoient-ils, en ce même moment

Enchaîne ce Vaisseau sur l'humide élément !

 

     Ah ! dit Alcinoüs, cet effrayant miracle,  

 
210

D'un père qui m'aimoit, me rappelle l'Oracle :

Il m'annonça qu'un jour Neptune, en son courroux,

Détruiroit un pouvoir dont il étoit jaloux ;  

Qu'il ne souffriroit plus que nos Vaisseaux rapides  

Fussent, pour les Mortels, d'inviolables guides ;

 
215

Qu'un d'eux, non loin du port, périroit à nos yeux,

Et qu'un mont effroyable écraseroit ces lieux.

L'Oracle s'accomplit : Amis, qu'on me seconde ;

Offrons douze taureaux au Souverain de l'onde ;

Prions-le d'épargner ce séjour fortuné,

 
220

Que son fatal courroux semble avoir condamné ;

Par nos soins indiscrets cessons de lui déplaire,

Et tâchons, s'il se peut, de fléchir sa colère.

 

    Les Peuples, à ces mots, saisis d'un saint effroi,

S'empressent, en tremblant, d'obéir à leur Roi,

 
225

Préparent les taureaux, & de fleurs les couronnent,

Les mènent à l'autel que les Chefs environnent ;

Le sang coule à grands flots sous le couteau sacré.

 

    Cependant du sommeil Ulysse délivré

Ouvrit enfin les yeux, & revit ce rivage

 
230

Dont son fidèle cœur avoit gardé l'image.

Mais son œil obscurci ne le reconnoît pas.

Sous un nuage épais, la prudente Pallas

A voulu, jusqu'au temps marqué par la vengeance,

A ses plus chers Amis dérober sa présence,

 
235

Et, par un double effet, ce voile ténébreux

A ses regards trompés déguisé tous ces lieux,

Ce port si désiré, ces routes si connues,

Ces rochers dont le front s'élève jusqu'aux nues ;

Tout lui semble étranger, il les regarde en vain ;

 
240

Il frappe ses genoux de sa tremblante main ;

Il se lève, & ses pleurs inondent son visage.

 

    Où suis-je, malheureux ! & quel est ce rivage ?

Dois-je y trouver, dit-il, la douce humanité,

Ou ces penchans cruels que suit l'impiété ?

 
245

Où marcher ! où porter cet or, cette richesse ?

Trésors, qui maintenant augmentez ma détresse,

Aux mains d'Alcinoüs que n'êtes-vous restés (7)!

J'aurois d'un autre Prince imploré les bontés ;

Il m'auroit reconduit au sein de ma Patrie ?

 
250

Il n'eût point abusé l'espérance chérie

D'un Mortel malheureux, qui, crédule en sa foi,

Confioit sa fortune aux promesses d'un Roi.

Injurieux tyrans, hommes vains & frivoles,

Qui vous faites un jeu des plus saintes paroles,

 
255

Que le Dieu protecteur de l'hospitalité,

Vengeur des supplians, ami de l'équité,

Lui qui voit & punit le mensonge & l'injure,

Fasse tomber sur vous la peine du parjure !

 

    Il dit ; dans les soupçons qui troublent ses esprits,

 
260

Il compte ses trésors, ses vases, ses habits :

Il les retrouve entiers, mais son âme inquiète

Rappelle, en soupirant, d'autres biens qu'il regrette ;

Il pleure sa Patrie, & de ses pleurs amers

Il baigne en gémissant le rivage des mers,

 
265

Lorsqu'un jeune Berger se présente à sa vue ;

Il a des fils des Rois la douceur ingénue,

Et d'un double manteau les replis ondoyans

Flottoient sur son épaule abandonnés aux vents ;

D'un brillant javelot sa main étoit armée :

 
270

C'est Minerve elle-même en Berger transformée.

 

    Le Héros éperdu le vit avec plaisir,

Et soudain sur ses pas s'empressant d'accourir :

 

    O mon ami, dit-il, o vous que cette rive

Présenta le premier à ma douleur plaintive,

 

275

 Que ce présage heureux n'abuse point ma foi ! 

Conservez ces trésors, sauvez-les, sauvez-moi.

J'embrasse vos genoux, écoutez ma prière ;  

Soyez mon défenseur & mon Dieu tutélaire.

Dites-moi quels Mortels habitent ces climats ;

 

280

Sur quels bords inconnus ai-je porté mes pas ?

 

    Certes, répond Pallas, d'une rive lointaine,

Étranger, sur ces bords le Destin vous amène.

Eh ! quel lieu reculé, séparé par les mers,

Ignore encor ce nom qui remplit l'Univers,

 
285

Depuis les champs heureux où le Soleil se lève,

Jusqu'aux climats obscurs où sa course s'achève !

Par les flots resserré, ce pays montagneux

Ne vous offrira point des coursiers belliqueux ;

Mais on voit, du milieu des fertiles prairies,

 

290

La génisse & la chèvre en ses vallons nourries.

Une douce rosée entretient sur ces bords,

De Cérés, de Bacchus, les plus riches trésors ;

Et, parmi nos forêts brillantes de verdure,

Des ruisseaux éternels roulent une onde pure ;

 
295

Le nom d'Ithaque enfin, si vanté, si connu,

Jusqu'aux champs Phrygiens sans doute est parvenu,

A ces bords renommés, qu'un intervalle immense

Tient séparé, dit-on, des lieux de ma naissance.

 

    Transporté de plaisir, Ulysse, à ce discours,

 
300

N'ose à sa joie encor laisser un libre cours ;

Et l'esprit vigilant qui sans cesse l'anime,

Sous un mensonge adroit, avec soin la réprime.

 

    D'Ithaque, répond-t-il, le nom, plus d'une fois, 

Vint frapper mon oreille aux rivages Crétois.

 

305

Chargé de ces trésors que j'emporte de Crète,

Je vais chercher au loin quelque heureuse retraite.

Je suis Idoménée, & son juste courroux.

Orsiloque son fils est tombé sous mes coups ;

Il vouloit m'enlever une honorable proie,

 
310

Qu'aux dépens de mon sang j'avois acquise à Troie ;

Il vouloit me punir d'avoir, en ces combats,

Dédaigné de marcher au rang de ses Soldats.

La nuit d'un voile épais avoit couvert la terre,

J'attendis Orsiloque en un lieu solitaire,

 
315

D'où mon bras lui lançant un homicide airain,   

L'atteignit dans la route, & lui perça le sein (8).

Ma vengeance, en secret, fut à peine assouvie,

Qu'un Pilote, venu des bords de Phoenicie,

Séduit par mes présens, arma ses Matelots,

 
320

Et promit de me rendre aux rives de Pylos ;

Mais des vents opposés l'insurmontable rage

Le força dans la nuit d'aborder ce rivage,

Où, contens d'échapper à des périls pressans,

Le seul soin du repos occupa tous nos sens.

 

325

Je quitte le Navire, &, couché sur le sable,

Je me livre uns crainte au sommeil qui m'accable ;

Mais bientôt les Rameurs, rapportant près de moi

Les trésors que j'avois confiés à leur foi,

M'ont laisse sur ces bords, sont partis, &, sans douté,

 
330

Des rives de Sidon ils ont repris la route.

 

    Il dit : à ce discours, qu'il compose avec art,

La Déesse sourit, lui lance un doux regard,

Le caresse, le flatte, & devient à sa vue

Une jeune beauté de mille attraits pourvue.

 

 
335

    Quel Mortel, ou quel Dieu, dit-elle, fût jamais

Déguiser comme toi ses sentiment secrets  

Homme dissimulé ! te verra-t-on sans cesse

Envelopper tes pas d'artifice & d'adresse,

Et jusqu'en ta patrie employant ces secours,

 
340

D'un récit mensonger colorer tes discours ?

Mais laissons entre nous cet art de la prudence,

Dont nous seuls possédons la suprême science,

Toi parmi les Mortels, & moi parmi les Dieux.

Vois, reconnois Pallas, cette fille des Cieux,

 
345

Qui, dans tous tes travaux assistant ton courage,

De ta gloire immortelle a consommé l'ouvrage ;

Qui des Phaeaciens t'a ménagé l'amour,

Et qui vient, épiant l'instant de ton retour,

Pour mettre en sûreté tes trésors & ta vie,

 
350

Aider de ses conseils ta féconde industrie,

Te dire quels travaux, & quel nouveau danger,

Au sein de ton palais, sont prêts à t'assiéger.

De la nécessité c'est la loi souveraine ;

Il faudra t'y soumettre, & dévorer ta peine,

 
355

Dans le fond de ton sein enfermer ton secret,

Éviter les périls d'un éclat indiscret,

Déguiser ton retour, & souffrir en silence

Les affronts du mépris joint à la violence.

 

   Déesse, dit Ulysse, à ses pieds éperdu,

 
360

Pardonnez les erreurs de mon cœur confondu.

Quel regard d'un mortel, si perçant qu'il pût être,

Dans vos déguisement pourroit vous reconnoitre,

Vous, qui vous transformant en mille objets divers,

Remplissez tous les lieux de ce vaste Univers (9)

 
365

Je sais, aux champs de Troie, avec quelle confiance

Vous m'avez accordé votre heureuse assistance ;

Mais, depuis que ses murs sont tombés sous nos coups,

Que les Grecs ont des Dieux éprouvé le courroux,

Que leur flotte périt, par les ondes battue,

 
370

Mon oeil sur mes Vaisseaux ne vous a plus revue.

Victime abandonnée à mon cruel destin,

J'errois à l'aventure, & sans guide certain,

Jusqu'au jour où touchant aux rives de Schérie,

J'éprouvai sur ses bords votre bonté chérie.

 
375

Maintenant vos discours, & tout ce que je voi,

Semblent, pour me tromper, solliciter ma foi.

Je crains de votre part quelque ruse nouvelle.

Au nom de votre Père, o puissante Immortelle,

Daignez donc rassurer mon esprit étonné,

 
380

Parlez ; revois-je enfin les lieux où je suis né ?

 

    Que je reconnois bien, lui répondît Minerve,

De ton cœur soupçonneux la prudente réserve

Et cet esprit actif qui, fins être abattu,

S'affermit d'autant plus qu'il est plus combattu,

 
385

Et qui t'a mérité que ma juste tendresse !

Ne t'abandonnât point au sein de ta détresse

Avec quels doux transports & quels empressemens

Un autre voleroit vers les embrassemens

D'un fils unique & cher, d'une épouse adorée !

 
390

Et toi quand tu revois ton heureuse contrée,

Ta femme, que ton cœur brûloit de retrouver,

Est le premier objet que tu veux éprouver (10)

Cependant de ses maux la cruelle amertume,

Au fond de ion palais, nuit & jour la consume ;

 
395

Elle perd un espoir que j'ai gardé toujours.

De tes malheurs passés j'avois prévu le cours ;

Mais je ne pouvois pas, pour sauver ta fortune,

Soulever tout l'Olympe, & combattre Neptune,

Qui, te persécutant sur les flots ennemis,

 
400

Vouloit venger les coups dont tu frappas son fils,

Reconnois donc ces lieux ; vois le port de Phorcyne (11)

Vois l'antique olivier qui par-tout les domine ;

Sous son ombrage obscur, vois cet antre sacré,

Des Nymphes de ces eaux asyle révéré,  

 
405

Où tant de sois ta main, à ces Nymphes propices,

Offrit, avec tes vœux, de sanglans sacrifices ;

Vois ce Nérite enfin dont le front sourcilleux,

Couvert de bois épais, s'élève jusqu'aux cieux.

 

    En achevant ces mots, Pallas chassa la nue

 
410

Qui du fils de Laërte obscurcissoit la vue ;

Il revoit sa patrie, & son cœur enchanté :

D'un doux ravissement goûte la volupté.

Soudain il se prosterne, il baise la poussière,

Lève les bras au Ciel, & fait cette prière

 
415

Aux Nymphes dont ce lieu reconnoît le pouvoir :

 

    Vous, dit-il, que mon cœur n'espéroit plus revoir,

Nymphes, dont la présence honore ce rivage,

Naïades que j'implore, acceptez mon hommage ;       

Que mes vœux, en ce jour, me tiennent lieu d'encens :

 
420

Bientôt, comme autrefois, j'y joindrai mes présens,

Si la sage Pallas, sauvant mes destinées,

Daigne aussi de mon fils prolonger les années.

Ulysse, dit Pallas, sur ces grands intérêts  

Faites trêve un moment à vos ennuis secrets ;

 
425

Déposez avec moi dans la grotte profonde

Ces trésors échappés à la fureur de l'onde :  

Songeons à les sauver des mains des Voyageurs,

Et d'autres soins ensuite occuperont nos cœurs.

 

    Elle dit, & de l'antre elle franchit l'entrée,

 
430

Parcourt de ses regards la retraite sacrée,

Y reçoit ces trésors, & cherche à les cacher

Dans les sombres détours que forme le rocher.

Aux pieds de la Déesse, Ulysse les apporte.

Elle sort de la grotte, &, refermant la porte,

 
435

Elle conduit Ulysse au pied de l'olivier,

Et réveille en ces mots son courage guerrier :

 

    Songez, disoit Pallas songez, fils de Laërte,

Comment votre vaillance assurera la perte  

De ces Amans altiers, que le cours de trois ans  

 
440

A vus, dans les transports de leurs vœux insolens,

Fatiguer de leurs soins votre Épouse fidèle.

Pénélope, livrée à sa douleur mortelle,

Pour vous garder sa soi, les trompe tour-à-tour

Et par de longs délais amusé leur amour.

 

 
445

    O vous, dont la bonté me soutient & me guide,

Dit Ulysse, j'aurois subi le sort d'Atride,

Dans mes propres foyers bientôt j'eusse expiré,

Si vos sages avis ne m'avoient éclairé

Daignez donc, avec moi toujours d'intelligence  

 
450

Offrir à mon esprit des moyen de vengeance,

Veiller à mes côtés, & verser dans mon cœur

L'ardeur qui m'enflammoit, quand, des Troyens vainqueur,

Par le fer & le feu je brisai leurs murailles.

O vous, qui m'assistiez au milieu des batailles,

 
455

Ne m'abandonnez point, &, fier de vos secours,

Contre mille Guerriers j'exposerai mes jours.

 

    Je serai près de vous, répondit la Déesse,

Nous combattrons ensemble, & dans leur folle ivresse

Ces lâches Prétendans qui dévorent vos biens,     

 
460

Sentiront à la fois & vos coups & les miens ;

Et ce palais, qui vit leurs deux illégitimes,  

Les verra dans leur sang expier tous leurs crimes.  

Mais il faut, avant tout, que mon art merveilleux,

Défigurant vos traits, vous cache à tous les yeux,  

 
465

Et, trompant ces Amans, votre Fils & la Reine,  

Vous rende un vil objet de mépris & de peine. 

Dans cet état, allez préparer nos combats,  

Aux rochers de Corax portez vos premiers pas,  

A ce roc, où, sortant de sa source profonde,

 
470

Aréthuse à grands flots laisse couler son onde ;  

Où des chênes épais nourrissent de leurs fruits,

Des troupeaux, chaque jour, sur ces rives conduits.  

Là, parmi les rochers, sous un toit solitaire,

Vous verrez un mortel que la Sagesse éclaire ;

 
475

Fidèle à votre épouse, ainsi qu'à votre fils,  

Il garde ces troupeaux à son zèle commis.

Son cœur, qui vous chérit, sans cesse vous regrette,

Là, dans l'obscurité de son humble retraite,

Demeurez quelques jours ; apprenez par sa voix  

 
480

L'état de ce palais où vous donniez des loix,

Attendant que de Sparte aux rivages d'Ithaque

Ma main ait ramené votre fils Télémaque,  

Qui, pour chercher un père, objet de son amour,

Voulut de Ménélas visiter le séjour.

 

 
485

    Pourquoi, répond Ulysse, o puissante Déesse,  

N'éclairâtes vous pas sa trop foible jeunesse

Pourquoi, quand de mon sort vous pouviez l'informer,

L'exposer à des maux qui dévoient l'alarmer,

Et souffrir que, voguant sur le sein de Neptune,

 
490

En de perfides mains il laissât sa fortune.

 

    Calmez les vains soucis de ce cœur paternel,

Dît Pallas : j'ai voulu qu'un renom immortel

Éclairât ses beaux jours, illustrât son jeune âge (12):

 
495

J'approuvai sa tendresse, & guidai son courage.

L'infortune n'a point accompagné ses pas ;  

Il vit, comblé de biens, auprès de Ménélas,

Et, bientôt de retour, va tromper la furie

Des Prétendans cruels armés contre sa vie.

 

 
500

    Sur Ulysse, à ces mots, Pallas lève la main,

Et soudain, le touchant de son sceptre divin,

Courbe de ce Héros la superbe stature ;

Elle enlève à son front l'or de sa chevelure,

Par de larges sillons profondément tracés

 
505

Imprime la vieillesse en ses traits effacés,

Et, de ses yeux éteints flétrissent la paupière,

Semble y laisser à peine un reste de lumière.

Ses vêtemens de pourpre & de fleurs enrichis

Se changent aussitôt en de sales habits,

 
510

Dont les plis déchirés, & souillés de poussière,

Sont le triste appareil de l'horrible misère.

La peau d'un cerf usée, attachée à son dos,

Ne couvre qu'à moitié ses dégoutans lambeaux ;

Il porte une besace, & dans sa main tremblante

 
515

Un vieux bâton soutient sa marche chancelante.

 

    La Déesse soudain, précipitant ses pas,

Va chercher Télémaque aux bords de l’Eurotas.

 

 

 

 

Notes, explications et commentaires

 

(1) Les Rois tenoient du peuple toutes les richesses qu'ils possedoient i!s avoient des terres qui leur étoient données pour suffire à leurs dépenses ; mais, lorsqu'il y avoit de ces dépenses extraordinaires qui pouvoient intéresser la Nation, c'étoit la Nation alors qui les fournissoit par forme, de contribution.

 

(2) Le grec dit la poupe ; mais je suis fort porté à croire qu'il s'est glissé une faute en cet endroit, & qu'il faut lire πρώρα  prora, au lieu de πρύμνη puppis. Je crois que l'image en sera plus exacte, en adoptant la leçon que je propose ; car lors-qu'une galère vogue avec le plus de vitesse, ce n'est pas la poupe, Mais la proue qui s'élève ; & dans cette situation, le Vaisseau fendant les ondes écumantes, rappelle parfaitement l'image d'un char traîné par des chevaux qui, s'élançant dans la carrière, courent la tête élevée comme la proue du Vaisseau qui vogue. Il n'y a point de revers de médaille représentant un char antique, qui ne puisse servir à justifier mon opinion. Le Scholiaste, au contraire, a cru que les chevaux, en courant, levoient le derrière, & que c'étoit sur cela que portoit la comparaison. Les Scholiastes sont quelquefois de singuliers commentateurs.

 

(3) Je ne sais pas pourquoi Madame Dacier veut que ce fait un bois d'olivier, & non pas un seul arbre. Voyez le vers 122, du texte. Un vieux arbre servoit souvent d'indication chez les Anciens, comme il en sert encore parmi les gens de la. campagnie. D'ailleurs, l'exactitude & la beauté du tableau demandent cet arbre unique, qui couronne mieux le paysage que ne seroit un bois entier. Je m'en rapporte aux gens de l'art.

 

(4) Si l'on en croyoit Porphyre, on trouveroit dans la description de cet antre, une image allégorique du monde & de l'homme. Mais il saut se défier de ces allégories si recherchées. La vraie Poësie, qui cherche ses modèles dans la Nature existante, se refuse à ces rêveries philosophiques qui n'ont rien de réel. Il est plus vraisemblable que tout le merveilleux dont Homère embellit cette grotte, étoit sondé sur des traditions. Dans un temps où toutes les parties de l'Univers étoient censées habitées par des Dieux, il étoit aisé de croire que cet antre si frais & si agréable, étoit le séjour des Nymphes. Là, quelques pierres auxquelles la Nature avoit donné la forme de vases, & qui servoient de ruches aux abeilles ; quelques congélations en forme de fuseaux, qu'on aura appelées les fuseaux des Nymphes ; deux ouvertures différentes, l'une basse & l'autre élevée, qui aura paru mystérieuse ; il n'en aura pas fallu davantage aux gens du pays pour inventer mille histoires sur le compte de cette grotte. L'esprit de l'homme, toujours porté à la superstition, n'est-il pas le même dans tous les siècles ! Ne voyons-nous pas tous les jours des accidens de la Nature, expliqués par des histoires miraculeuses.

Je dois observer ici que cette phrase, αἱ δ᾽ αὖ πρὸς Νότου εἰσὶ θεώτεραι (vers 111), a été généralement mal interprétée par ces mots : Illœ autem (januœ) ad Notum, sunt diviniores. Le mot θεώτεραι signifie dans cet endroit allions, plus élevées, comme Platon emploie ce mot figurément dans son Traité de la République : καθἀπερ νῦν ἄνδρωπος, ζὤοη ἰν έτέρων, δειότερον, ἄλλα γένη φαυλὀτερα ἀυτῶν νομεύοσι.  On voit dans ce passage que le mot φαυλὀτερα est l'opposé de δειότερον.

 

(5) Les Scholiastes & les Commentateurs auront beau faire ; ils auront beau dire, d'après Plutarque, qu'Ulysse passoit pour être naturellement grand dormeur ; ils auront beau imaginer que le sommeil d'Ulysse étoit une ruse dont il se servoit pour n'être point dans le cas de rougir, en faisant partir ses Conducteurs, sans exercer envers eux l'hospitalité ; cet événement ne sera pas moins la partie foible de ce Poëme : nous en avons déjà parlé dans le Discours préliminaire. Il vaut mieux dire, comme Aristote, que cette aventure est tellement hors de vraisemblance, qu'elle ne seroit pas tolérable si elle eût été traitée par un Poëte médiocre, & si Homère n'avoit racheté les défauts de cette invention par les grâces du style, & par les évènernens intéressans qui l'accompagnent & la suivent.

 

(6) J'ai dit plus haut, que la description de la grotte du port de Phorcyne fut, sans doute, faite sur quelque tradition populaire, On peut dire la même chose de ce Vaisseau changé en rocher. Eustathe pense en effet que toute cette fable n'étoit fondée que sur la forme d'un rocher, dont la figure représentoit un Vaisseau au milieu de la mer. Il ajoute que, suivant quelques relations, ce rocher étoit près de Corcyre. Mais j'ai dit ailleurs combien peu étoit fondée l'opinion qui vouloit que Corcyre fût l'ancienne Schérie.

Rien n'est plus singulier que de voir avec quelle assurance on a osé déterminer la place de cette île fabuleuse, habitée par les Phaéaciens, tandis que, suivant la remarque même d'Eustathe, l'invention de cette montagne, dont Neptune doit couvrir tout ce pays, est une imagination dont le Poëte se sert pour couvrir les fables qu'il a débitées sur cette contrée merveilleuse, & pour échapper à la curiosité de son Lecteur.  Le Scholiaste confirme l'opinion d'Eustathe.

 

(7) Madame Dacier dit : Plût aux Dieux que je fusse demeuré chez les  Phœaciens ! Ce n'est pas la le sens. Voyez le Scholiaste.

 

(8) On a été bien étonné de voir Ulysse se vanter d'avoir tué Orsiloque par surprise : mais plus l'action étoit honteuse, plus cet aveu portoit un caractère de vérité.

Ainsi Ulysse, qui, dans ce récit, n'avoit pour objet que de se déguiser, y réussissoit parfaitement, en racontant un fait qui n'étoit pas à son honneur.

 

(9) La pensée d'Homère m'a paru si belle, que je n'ai pas craint, de l'étendre un peu pour la mieux faire sentir. Je suis étonné que personne n'ait relevé ce magnifique passage, si propre à caractériser l'allégorie de cette Minerve qui accompagne toujours Ulysse, de cette Sagesse éternelle qui préside à tous les évènemens de la vie, & qui prenant cent formes différentes, échappe souvent à la pénétration des hommes.

 

(10) Nous avons remarqué ailleurs (Voyez les notes du X° Livre de l'Iliade), que telle étoit la manière usitée d'Homère, quand il fait parler un personnage qui veut donner des conseils à son ami ; l'auteur du conseil feint de croire que celui à qui il le donne, a déjà prévenu sa pensée. Ulysse ici n'a rien dit qui puisse faire imaginer qu'il veut éprouver Pénélope. Au reste, la liaison de ce discours est assez difficile à sentir dans l'original.

 

(11) Belle exposition de scène, imitée par Sophocle, dans la I° scène de l'Électre.

 

(12) L'objection que fait Ulysse est conforme aux murmures ordinaires des hommes ; & la repense de Pallas nous apprend comment les Anciens excusoient la Providence, & les maux apparens auxquels elle livre les hommes. Ces anciennes opinions, qui ont été ensuite renouvelées par la plus illustre secte de la Philosophie, par les Stoïciens, me paroissent bien consolantes, & devroient être, par cette seule considération, bien chères aux hommes, qui couvent ont plus besoin de consolations que de lumières.