Livre VI
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ARGUMENT DU LIVRE VI.

MINERVE apparaît  en songe  à  Nausicaa, fille d'Alcinoüs, Roi des Phœaciens, & lui commande d'aller au fleuve voisin laver les habits qui doivent servir à la pompe de son hymen. La Princesse obéit, & va, suivie de ses Femmes, remplir la tâche que Minerve vient de lui donner. Tandis que ses habits sèchent sur le rivage, elle se divertit & joue avec ses Compagnes. Leurs cris éveillent Ulysse ; il se jette aux pieds de Nausicaa, qui prend pitié de son sort, lui donne les secours dont il avait besoin, & le conduit au palais de son Père. 

  
 

   Tandis que dans ces bois l'invincible Héros,

Vaincu par le sommeil, goûtoit quelque repos,

Minerve descendit aux rives de Schérie (1)

Où l'antique habitant de la vaste Hypérie,

 
5

Long-temps en butte aux traits des Cyclopes affreux,

Tyrans dévastateurs de ces bords dangereux,

Pour mieux fuir des Mortels le commerce perfide (2)

Vint s'établir au sein de l'empire liquide.

Le Roi Nausithoüs en ces lointains climats,

 
10

Transporta ses foyers, son Trône & ses États,

Y bâtit des remparts, des palais & des temples,

Régna moins par les loix que par de grands exemples,

Y partagea la terre à ses Peuples heureux,

Et descendit en paix au séjour ténébreux.

 
15

Le sage Alcinoüs, qu'inspiroit le Ciel même,

Obtint, après ce Roi, l'autorité suprême.

Ce fut vers son Palais que la sage Pallas

De la cime des Cieux précipita ses pas ;

Elle alloit, employant un heureux artifice,

 
20

Y préparer la gloire & le retour d'Ulysse.

 

    Une jeune Princesse en ce brillant Palais,

D'un tranquille sommeil goûtoit la douce paix ;

Fille d'Alcinoüs, objet de sa tendresse,

Elle a les traits, le port & l'air d'une Déesse ;

 
25

Deux femmes de sa Cour, deux charmantes beautés,

Voisines de son lit, dormoient à ses côtés ;

C'est Vénus qui repose & dort auprès des Grâces.

Pallas vole, &, des airs parcourant les espaces,

Comme un léger zéphyr pénètre ce réduit,

 
30

En traverse la porte, &, s'approchant du lit,

Va, sous les traits chéris d'une compagne aimée,

Adresser ces accens à la Nymphe charmée :

 

    Nausicaa, dit-elle en planant sur son front,

Quelle honte pour vous, & quel sensible affront,

 
35

Si, lorsque votre hymen en ce Palais s'apprête,

Vous n'avez point d'habits pour en orner la fête,

Pour parer vos amis qui conduiront vos pas,       

Et relever encor l'éclat de vos appas !

Négligerez-vous donc cet heureux art de plaire,

 
40

D'enchanter les regards de la plus tendre Mère ?

Allons, dès que, l'Aurore éclairera les Cieux,

Rafraîchir dans les eaux ces tissus précieux,

Ces pompeux vétemens qu'Alcinoüs possède

Pour soulager vos soins, j'accourois à votre aide ;

 
45

Car votre hymen approche, & nos Chefs à l'envi

Se disputent un bien dont leur cœur est ravi.

Allez solliciter la tendresse d'un Père,

Qu'il vous accorde un char à vos soins nécessaire,

Pour porter vers nos bains, du palais écartés,

 
50

Ces somptueux habits, ces voiles argentés,

Conduisant sur vos pas, à travers les campagnes,

Le timide troupeau de vos jeunes Compagnes.

 

   La Déesse, à ces mots, revole au sein de l'air,

Vers l'Olympe, où, dit-on, le puissant Jupiter

 
55

Plaça des Immortels l'inébranlable asyle (3),

Demeure de la paix, séjour pur & tranquille,

Que le souffle des vents n'a jamais agité ;

Où l'air incorruptible en sa sérénité,

Ne fut jamais troublé par cette âpre froidure

 
60

Dont la neige & la pluie affligent la Nature ;

Où d'un jour infini la brillante splendeur

De la voûte des Cieux embrasse la grandeur ;

Où les Dieux, reposant sur leurs trônes suprêmes,

Goûtent de vrais plaisirs éternels comme eux-mêmes.

 

 
65

    L'Aurore cependant vint de ses rayons d'or

Frapper Nausicaa qui sommeilloit encor :

Nausicaa s'éveille, & son ame soupire ;

Elle rappelle encor ce songe qu'elle admire ;

Avant que le Soleil ait commencé son cours,

 
70

Elle veut embrasser les auteurs de ses jours.

 

    Sa Mère en ses foyers, de femmes entourée,

Chargeoit ses fuseaux d'or d'une laine empourprée,

Et son Père déjà, renonçant au sommeil,

Accompagné des Grands, va se rendre au Conseil.

 
75

Il sort, & se présente au Peuple qui l'appelle.

Elle approche du Roi : « Mon Père, lui dit-elle,

Vous qui me chérissez, ne daignerez-vous pas

Faire apprêter un char pour conduire mes pas  

Vers la rive du fleuve, où mes mains empressées

 
80

Vont rendre à vos habits leurs couleurs effacées ?

J'aime à voir, dans le rang où vous êtes monté,

De vos habits pompeux briller la pureté.

J'ai cinq frères chéris, qui, fiers de leur jeune âge ?

Des plus beaux vêtemens affectent l'avantage,

 
85

Lorsqu'entre leurs égaux, à la danse excités,

Ils vont orner les jeux de nos solennités.

Ce soin, vous le savez, m'intéresse & me flatte.

 

    La pudeur, à ces mots, sur son visage éclate.

De l'hymen qui l'occupe elle n'a point parlé (4),

 
90

Mais aux yeux paternels son cœur s'est dévoilé.

 

   Ma Fille, dit le Roi, ne craignez point qu'un Père

Jamais à vos desirs oppose un front sévère.

Allez, & j'aurai soin de vous faire apprêter

Le char sur & commode où vous devez monter.

 

 
95

   Il commande ; aussitôt une troupe fidèle

Vole & choisit ce char, le prépare & l'atelle ;

Nausicaa le voit aux portes du parvis,

Et court y déposer ses somptueux habits,

En recevant des bras de la plus tendre Mère

 
100

Ce que sa prévoyance a jugé nécessaire,

Des alimens exquis, & de précieux vins,

Et la douce liqueur qui parfume les bains.

Sur le char apprêté Nausicaa s'élance,

Dans ses avides mains prend les rênes, s'avance,

 
105

Emmenant avec elle, à travers les guérets,

Un essaim de Beautés qu'effacent ses attraits.

 

    Près des bords où le fleuve épand une onde pure,

Sont de vastes bassins couronnés de verdure,

Où le crystal de l'eau que ce fleuve fournit,

 
110

Ne se souille jamais, & jamais ne tarit.

Là s'arrête le char, & la troupe timide

Court porter les habits dans cette onde limpide,

S'empresse d'y descendre, &, d'un pied diligent,

Les foule avec adresse au sein des flots d'argent,

 
115

Leur rend le vis éclat de leur blancheur première,

Et, sur un sable doux, lavé par l'onde amère,

Les expose avec soin aux rayons du matin.

Tandis que le Soleil de son regard serein

Séchoit ces vêtemens étendus sur l'arène,

 
120

Les plaisirs occupoient la Fille de la Reine

Et les jeunes Beautés qui marchoient sur ses pas.

Les délices du bain précèdent leur repas,

Et bientôt leur adresse à grands cris se déploie

Dans des débats charmans qu'accompagné la joie.

 
125

Chacune en liberté, pour signaler sa main,

Se dépouille du voile étendu sur son sein,

Et court, d'un pas léger, dans la lice tracée,

Prendre ou fuir une balle adroitement lancée.

 

    Nausicaa commence, & brille dans ces jeux (5);

 
130

Ses grâces & son air, & l'éclat de ses yeux

Effaçoient les appas de ses jeunes Compagnes.

Telle qu'on voit Diane au milieu des campagnes (6),

Parcourant le Taygète & ses vastes forêts,

Sur le daim fugitif faire voler ses traits,

 
135

Des Nymphes de ces bois un essaim l'environne ;

Sa démarche & son air font sourire Latone,

Qui, sur tant de Beautés, filles de Jupiter,

La voit lever son front majestueux & fier.   

Eh ! qui méconnoîtroit cette jeune Immortelle !

 
140

Elles ont mille attraits, mais Diane est plus belle.

Telle Nausicaa, rebelle aux feux d'amour (7),

Brille entre les beautés qui composent sa. Cour.

 

    Minerve cependant préparoit l'artifice

Qui des bras du sommeil doit arracher Ulysse ;

 
145

Elle vient détourner & pousser vers la mer

La balle que la Nymphe a fait voler dans l'air.

Ses Compagnes soudain, de leurs clameurs perçantes,

Sont retentir au loin les rives mugissantes.

Ulysse les entend, il s'éveille à ces cris,

 
150

Il se lève, & s'assied incertain & surpris.

 

    Où suis-je, disoit-il , qu'entends-je ? ces rivages

N'ont-ils pour habitans que des Peuples sauvages,

Partisans de l'injure & de l'iniquité ?

Suis-je en des lieux amis de l'hospitalité,

 
155

Où la crainte des Dieux ne soit point étrangère ?

Quel bruit frappe mes sens ! est-ce la voix légère  

Des Nymphes des forêts qui couvrent ces coteaux,

Ou des Divinités souveraines des eaux ?

Ces bords sont-ils enfin habités par des hommes ?

 
160

Sortons de ces forêts, & voyons où nous sommes.

 

    Ulysse, hors du bois s'élançant à ces mots,

Saisit un rejeton des plus épais rameaux,

L'arrache, &, du feuillage étalant la verdure,

Forme autour de son corps une large ceinture,

 
165

Se rassure, s'avance, & franchit le buisson.

Ainsi du sein des bois un énorme lion

Long-temps battu des vents & mouillé par l'orage,

S'élance, quand la faim aiguillonne sa rage ;

Il se fie à sa force, &, l'œil étincelant,

 
170

Fond au milieu des prés sur un troupeau bêlant.

Tel, horrible & noirci par le bitume humide (8),

Paroît le fier Ulysse à la troupe timide.

La foule se disperse & suit vers les coteaux

Que cette rive oppose à la fureur des eaux ;

 
175

Seule entre ces Beautés, la Fille de la Reine

S'arrête, & ne fuit point l'effroi qui les entraîne ;

Minerve la rassure, & dans son jeune cœur

A de plus nobles soins a fait céder la peur.

Ulysse la contemple, il hésite, il balance :

 
180

Doit-il, de cette Nymphe implorant l'assistance,

Aller en suppliant embrasser ses genoux ?

Ou doit-il à l'écart, redoutant son courroux,

Et ménageant l'orgueil d'une Beauté sévère,

Adoucir sa fierté par une humble prière ?

 
185

Fixé par le respect ; Ulysse, prosterné,

Lui tient ce doux langage avec art amené:

 

    Écoutez les accens que ma voix vous adresse,

O, qui que vous soyez, ou Mortelle ou Déesse (9),

O Reine, digne objet de respect & d'amour  

 
190

Du puissant Jupiter si vous ornez la Cour,

A ces traits éclatans d'une beauté suprême,

Je crois, sans m'abuser, voir Diane elle même ;

Mais si d'un sang mortel votre sang sut produit,

Heureux, trois sois heureux le sein qui vous nourrit !

 
195

Trop heureux le Mortel qui vous nomma sa Fille,

Glorieux ornement d'une illustre famille !

Quel plaisir pour leur cœur, quel charme pour leurs yeux,

De vous voir, animant les danses & les jeux,

Effacer d'un coup d'oeil l'éclat de vos rivales !

 
200

Mais, o félicités à jamais sans égales

Pour le Mortel chéri, qui, vous comblant de biens

Pourra vous enchaîner des plus tendres liens !

Mes sens sont enchantés, mon ame eu confondue ;

Tant de grâces jamais n'avoient frappé ma vue.

 
205

Tel étoit à Délos le Palmier immortel (10),

Qui couvroit d'Apollon le redoutable autel,

Lorsqu'en ces lieux, suivi d'une troupe guerrière,

J'allai de mes malheurs commencer la carrière.

Long-temps je l'admirai ce superbe Palmier,

 
210

Qui sembloit jusqu'au Ciel lever son front altier.

Mon oeil croit voir encor cette rare merveille,

Je sens mêmes transports & surprise pareille ;

Même respect aussi m'enchaîne loin de vous ;

Je crains, malgré mes maux, d'embrasser vos genoux.

 
215

De quels maux cependant la rigueur me tourmente !

Jouet durant vingt jours de la vague écumante,

En butte aux ouragans contre moi révoltés,

Poussé loin d'Ogygie à ces bords écartés,

J'y descendis hier, pour y trouver encore,

 
220

Et des maux éprouvés, & des maux que j'ignore,

Si le courroux des Dieux n'a pas fini son cours.

Ne me refusez pas vos généreux secours,      

O Reine, qu'en ces lieux j'implorai la première

Le plus vil vêtement suffit à ma misère,

 
225

Ne me l'enviez pas, & plaignant mon destin,

Daignez de la Cité me montrer le chemin ;

Et que des justes Dieux la suprême puissance

De vos chartes desirs couronne l'innocence,

Vous accorde un Époux qui soit cher à vos vœux,

 
230

Vous donne de l'hymen les gages précieux,

Et les heureux transports, les douceurs infinies

Qu'éprouvent dans leurs nœuds deux âmes bien unies !

Rare & parfait bonheur de deux tendres Époux,

Ils ont mêmes penchans, mêmes soins, mêmes goûts,

 
235

Sont pâlir l'envieux qui de loin les contemple,

Et sont de leurs amis le plaisir & l'exemple (11).

 

    La Nymphe lui répond : « Étranger malheureux,

Vous, dont la voix annonce un Mortel généreux,

Vous savez que du Ciel la puissance suprême

 
240

Ne suit dans ses faveurs que sa volonté même,

Et que ses libres mains, aux méchans comme aux bons,

Partagent tour-à-tour ses bienfaits & ses dons :

Supportez constamment les maux qu'il vous envoie.

Peut-être vos ennuis seront place à la joie.

 
245

Sur ces bords descendu, ce que vous demandez,

Asyle & vêtemens vous seront accordés.

Aux murs de la Cité je saurai vous conduire,

Et sur ses habitans ma voix va vous instruise.

C'est ici la contrée où les Phaeaciens     

 
250

Font prospérer sans cesse & leur gloire & leurs biens ;

Alcinoüs y règne, & je dois la naissance

A ce Roi dont le bras a sondé leur puissance.

 

    Elle dit ; & soudain sa résonnante voix

Fait au loin retentir le rivage & les bois ;

 
255

Elle rappelle ainsi ses femmes fugitives :

 

    Où courez-vous encore errantes & craintives

Revenez ; ce Mortel, dont vous fuyez l'aspect :

N'est point un ennemi redoutable & suspect.

Et quel audacieux viendroit porter la guerre

 
260

En ces lieux séparés du reste de la terre,

Où les Dieux complaisans daignent veiller sur nous ?

C'est un infortuné qui tombe à nos genoux,  

Qui des mers en courroux est devenu la proie,  

Il le faut secourir, Jupiter nous l'envoie ;  

 
265

Le Pauvre & l'Étranger nous viennent de sa main (12);

Le plus foible secours est un tribut humain,  

Qui flatte l'indigent autant qu'il le soulage.

Venez donc de vos soins assister son courage,

Et dans ce pur crystal lavez cet Étranger,

 
270

Que l'humanité sainte invite à soulager.

 

    Aux accens de sa voix ses Compagnes fidèles

Reviennent sur leurs pas, s'encouragent entr'elles,

Contemplent le Héros, &, l'osant approcher,

Le mènent vers le fleuve, à l'abri d'un rocher,

 
275

Où l'haleine des vents semble toujours captive.

Des plus riches habits elles couvrent la rive,

Y joignent des parfums pour le bain apprêtés,

Et déjà le guidoient vers les flots argentés,

 Lorsqu'Ulysse écoutant la voix de la Sagesse :

 

 
280

   O vous, de qui mon cœur respecte la jeunesse,

Éloignez-vous, dit-il, laissez-moi sur ces bords

Laver le sel impur qui pénètre mon corps,

Et m'arroser des flots de cette huile odorante.

Retirez-vous, allez, troupe jeune & charmante.

 

 
285

    Il dit ; & ces Beautés obéissent aux loix

De la sage Pudeur qui parle par sa voix.

 

    Ulysse alors, plongeant dans le crystal limpide,

Baigne son large sein couvert d'un sel humide ;

Un liquide parfum sur sa tête épanché

 
290

Humecte l'âpreté de son corps desséché,

Il revêt les habits laissés sur le rivage ;

Quand Pallas, se hâtant d'accomplir son ouvrage,

Relève de ce Roi la taille & la fierté,

Fait sur son front serein briller la majesté,

 
295

Ajoute à ses cheveux la souplesse & la teinte

Qui distinguent la fleur de la noire hyacinthe ;

Ainsi qu'un Artisan dont Minerve & Vulcain

Éclairent l'industrie & dirigent la main,

Joint l'éclat d'un or pur à la blancheur brillante

 
300

De l'argent travaillé par sa main diligente.

Ulysse en cet état, tranquille & radieux,

S'assied au bord des mers, y promène ses yeux ;

La Nymphe cependant le regarde, l'admire,

Et fait parler ainsi le penchant qui l'inspire :

 

 
305

    O vous dont j'éprouvai la tendresse & la foi,  

Compagnes, approchez, venez, écoutez-moi :

Sans doute que des Dieux la volonté sacrée

Ouvrit à ce Mortel cette heureuse contrée.  

Vous l'avez vu tantôt, le front humilié,

 
310

Ne mériter de nous qu'un regard de pitié ;

Maintenant, c'est un Dieu que le Ciel nous envoie.  

Ah ! pour mon cœur charmé quelle source de joie !

Si d'un semblable Époux je recevois la main,

S'il vouloit à mon sort attacher son destin,  

 
315

Habiter ces beaux lieux... Mais, vous qui m'êtes chères,

Allez, lui prodiguant les secours nécessaires,

De Cérés & Bacchus lui porter les présens.

 

    Aussitôt, prévenu par leurs soins complaisans,

Ulysse, qu'aiguillonné une faim dévorante,

 
320

S'assouvit à son gré des mets qu'on lui présente.

 

    La Nymphe cependant préparoit son départ ;

Les habits repliés & placés sur le char,

Brilloient à ses côtés d'une blancheur nouvelle ;

Elle regarde Ulysse, & tendrement l'appelle :

 

 
325

    Levez-vous, Étranger, marchons vers la Cité,

Venez, confiez-vous à ma fidélité ;

Vous verrez le palais où mon père réside,

Au milieu de vingt Chefs qu'il éclaire & préside,  

Mais songez aux égards que j'exige de vous,

 
330

Vous, pour qui la sagesse a des attraits si doux.

Je consens qu'avec moi traversant les campagnes,

Vos pas suivent mon char auprès de mes Compagnes ;

Mais, du peuple indiscret évitant les regards,

Songez à me quitter non loin de nos remparts

 
335

Dont le front semble atteindre à la voûte éthérée.

Deux magnifiques ports en resserrent l'entrée (13)

Sur des marbres épais un solide chemin

S'élève en séparant l'un & l'autre bassin,

Mille Vaisseaux, couvrant le lit qui les enchaîne,

 
340

D'une épaisse forêt semblent border l'arène.

Non loin du pied des murs que domine la tour,

D'une superbe place est le vaste contour.

Au centre de ce lieu le temple de Neptune

De nos Concitoyens protège la fortune.

 
345

On y voit à l'entour les vastes arsenaux,

Où leurs mains, façonnant les agrès des Vaisseaux,

Préparent ces longs mâts & ces rames pliantes

Qui rendent à leurs vœux les mers obéissantes.

Ils méconnoissent l'art des carquois & des traits,

 
350

Le seul art de Neptune a pour eux des attraits.

 De ce peuple orgueilleux je connois la licence (14);

Je craindrois d'éveiller sa noire médisance,

De m'exposer aux traits qu'il se plaît à lancer.

Quel est, diroit l'un d'eux, plus prompt à m'offenser,

 
355

Cet Étranger si beau, qui s'avance & s'empresse (15)

A suivre dans nos murs cette jeune Princesse ?

Où l'a-t-elle trouvé ce Mortel plein d'appas ?

Vient-il sur un Vaisseau des plus lointains climats

Est-ce un Dieu, qui, sensible à sa tendre prière,

 
360

Pour recevoir sa main vient habiter la terre !

Ah ! sans doute, il falloit qu'un superbe Étranger

Sous le joug de l'hymen vînt ici l'engager,

Et subjuguer ce cœur long-temps sourd & rebelle

Aux Chefs de nos Maisons qui soupirent pour elle,

 
365

A ces propos amers, quelle honte pour moi !

Pour moi, qui de mon sexe aimai toujours la loi !

Moi, qui ne pourrois voir sans en être indignée,

Celle qui, devançant le temps de l'hyménée,

Sans crainte de déplaire aux Auteurs de ses jours,

 
370

Oseroit d'un Mortel écouter les discours !

Suivez donc ; Étranger, un avis salutaire,

Si vous voulez bientôt, secouru par mon Père,

Hâter votre départ & revoir vos foyers.

Il est près du chemin un bois de peupliers,

 
375

Dont l'auguste Pallas daigne habiter l'ombrage.

Une pure fontaine au sein de ce bocage

Sourcille, &, s'épanchant hors du bosquet sacré,

Baigne les prés fleuris dont il est entouré.

C'est-là que, près des murs qui couronnent la ville,

 
380

On voit d'Alcinoüs l'héritage fertile ;

Là, quelque temps caché sous des ombrages frais,

Laissez-nous le loisir d'arriver au palais.

Vous sortirez alors, & pourrez vous instruire

Du facile chemin qui vous y doit conduire.

 
385

Un enfant suffiroit pour y guider vos pas.

Et quel œil étranger ne reconnoîtroit pas,

Parmi les humbles toits que la Cité rassemble,

Ce palais dont l'aspect : n'a rien qui leur ressemble ?

En ce brillant séjour aisément introduit,

 
390

Ne vous arrêtez point, marchez vers le réduit

Où, près de ses foyers, de femmes entourée,       

La Reine, préparant sa laine colorée, 

Fait tourner ses fuseaux sous ses légères mains.

Là, comme un puissant Dieu, protecteur des humains

 
395

Non loin de la colonne où se place ma Mère,

Sur un trône éclatant vous trouverez mon Père ;

Passez devant ce trône, &, sans vous détourner,

Aux genoux de la Reine allez vous prosterner (16)

Si vos vœux trouvent grâce en son ame attendrie,

 
400

L'espoir de voir bientôt votre chère patrie,

D'embrasser vos parens, vos foyers, vos amis,

Cet espoir si flatteur va vous être permis.

 

    Elle part à ces mots, & du char qu'elle guide

Sa main fait modérer la marche trop rapide,

 
405

Pour conduire sans peine à travers les guérets

Ses Femmes & le Roi qui la suivent de près.

 

    Déjà l'astre du jour au bout de sa carrière,

Dans le vaste Océan éteignoit sa lumière,

Lorsqu'approchant du bois à Pallas consacré

 
410

Ulysse alla s'asseoir en ce lieu révéré,

Et soudain à Pallas adressant sa prière :

 

    Fille du Dieu puissant qui lance le tonnerre,

Daignez du haut des Cieux m'écouter aujourd'hui,

Disoit-il, vous m'avez refusé votre appui,

 
415

Lorsqu'au milieu des mers la fureur de Neptune

Achevoit mon naufrage & ma longue infortune ;

Pour réparer mes maux, donnez à mes accens

L'art de toucher les cœurs & d'émouvoir les sens,

D'inspirer l'intérêt, la pitié la plus tendre,

 
420

A ces Peuples heureux dont mon sort va dépendre.

 

    Du sommet azuré de la voûte des d'eux,

Pallas l'entend & n'ose apparoître à ses yeux ;

Tant elle craint encor d'enflammer la colère

D'un Dieu que Jupiter reconnoît pour son frère !

 

 

 

Notes, explications et commentaires

 

(1) Quelques Commentateurs veulent que Schérie soit Corcyre, aujourd'hui Corfou ; mais on ne sait trop sur quel fondement ; car Homère a eu la précaution de ne pas désigner plus clairement la position de cette île, que celle de l'île de Calypso, pour laisser une libre carrière à son imagination & aux merveilles qu'il vouloit en raconter. Il en est de cette île comme des remparts qu'Homère sait bâtir aux Grecs autour de leur camp pendant le siége de Troie, au XI° Livre de l'Iliade. Le Poète a soin de dire qu'ils surent détruits dans la suite par la fureur de Neptune ; de même, en parlant de Schérie, dont il ne détermine point la position il a soin de publier qu'elle sut dans la suite ensevelie sous une montagne dont Neptune la couvrit. Homère évitoit par là de faire regarder Schérie comme une île réellement existante, & sembloit annoncer que tout ce qu'il alloit raconter tenoit moins à l'Histoire qu'à la Fable. C'étoit l'opinion d'Eustathe, & les Anciens ne s'y sont pas trompés. Ils regardoient la Fable d'Alcinoüs & de son île, comme un véritable apologue ; c'était le mot propre dont Aristote se servoit pour désigner cet épisode de l'Odyssée :

Αλχινόον ἀπὀλγος  Chap. XV de la Poét.

 

 (2) ἑκὰς ἀνδρῶν ἀλφηστάων (vers 8). On veut qu'Homère ait eu quelque intention particulière en employant le mot ἀλφηστάων ; cependant il pourroit bien se faire que ce ne sût qu'une épithète oiseuse, qui n'eût pas plus de sens ici que dans plusieurs endroits de l'Iliade ; mais si cette épithète est susceptible de quelque interprétation, ce n'est guère de celle que lui donne Mme Dacier, d'après Eustathe ; elle croit que ce mot veut dire, loin des gens d'esprit, & qu'Homère annonce ainsi la crédulité de ce peuple, pour tous les contes qu'Ulysse va lui faire. Ou je me trompe, ou ce n'est guère là l'esprit d'Homère.

 

(3) J'ai conservé l'expression d'Homère, qui, pour disculper en quelque sorte la description qu'il va faire de l'Olympe, se sert de ce mot : on dit φασἱ,  pour faire entendre qu'il ne rapporte ici qu'une opinion vulgaire. Au reste, si on veut en voir une traduction parfaite & digne de lutter avec l'original, il faut lire ces vers de Lucrèce, liv. III, vers 18 :

Apparet Divûm numen, sedesque quietœ,

Quas neque  concutiunt venti, neque nubila nembis

Aspergunt, neque nix, acri concreta pruinâ,

Cana cadens violât, semperque innubilus oether

Integit & largè diffuso lumine ridet.

Pope va plus loin que moi, &prétend que Lucrèce a surpassé Homère. Je conviens de toute la beauté du passage de Lucrèce, mais j’avoue que je n’ai point encore vu ni en poësie, ni en peinture, des copies surpasser des originaux ; que si c'étoit ici le lieu, je pourrois faire observer dans les vers de Lucrèce quelques taches que l'original n'a pas.

 

(4) La peinture des mœurs simples ne sauroit manquer de nous intéresser, non-seulement par elle-même, mais encore par les sentimens naïfs qu'on voit résulter de cette simplicité touchante. Il est des gens délicats qui, oubliant la vérité des mœurs antiques, pourroient être choqués de voir la fille d'une Reine laver ses habits, mais qui, en faveur de plusieurs traits pareils à celui que nous voyons ici, & que nous allons voir répandus en foule dans la suite de cet épisode, se reconcilieroient aisément avec la Simplicité des premiers âges.

 

(5) Madame Dacier, & Pope qui la suit toujours fidèlement, me paroislent s'être singulièrement trompés à l'interprétation du mot μολπῆς, employé dans cet endroit ; ils ont cru qu'Homère vouloit dire que Nausicaa se mit à chanter ; tandis que le mot dont il est question, est souvent employé dans Homère pour signifier tout exercice du corps, qui se fait avec un certain art,  comme on le voit au VII° Livre de l'Iliade, vers 240.

Nous avons déjà observé que, pour bien interpréter Homère, c'est Homère seul qu'il faut consulter.

 

(6) Cette comparaison étoit trop belle, pour que Virgile, cet élégant imitateur d'Homère, ne cherchât pas à l'employer. Voici comme il l'a rendue :

 Qualis in Eurotoe ripis, aut per juga Cynthi

Exercet Diana choros, quam mille secutoe,

Hinc atque hinc glomerantur Oreades : itta pharetrain

Fert humeris, gradiensque Deas supereminet oinnes,

Latonoe tacitum pertentant gaudia pectus.

Talis erat Dido, talem se loeta frerebat

Per medias, instans operi, regnisque futuris.

                                                             Aen. I, vers 502.

 Aulu-Gelle rapporte qu'il a souvent entendu Valérius Probus critiquer cette imitation de Virgile soutenir que c'étoit une moins heureuses que le Poëte Latin eût empruntées du Poëte Grec. Macrobe étoit du même sentiment. Je n'entrerai point dans l'examen critique des deux passages, & je laisserai aux studieux Amateurs le soin de trouver eux-même en quoi Homère a surpassé Virgile, de sentir combien la comparaison dans le premier est mieux employée que dans le second, & de voir quelles sont les beautés qui sont dans Homère, & qui ne sont plus dans sa copie.

 

(7) παρθένος ἀδμής (vers 109). Cette épithète n'est pas inutile ici, elle convient parfaitement à cette jeune Princesse, qui jusqu'alors avoit paru insensible à l'amour, & autorise ainsi plus particulièrement l'idée d'Homère,  lorsqu'il la compare à Diane : c'est en même temps un moyen détourné dont le Poëte se sert pour relever le mérite de son Héros, qui, le premier, parut digne de toucher ce cœur rebelle.

 

 

(8)  Σμερδαλέος δ᾽ αὐτῆισι φάνη κεκακωμένος ἅλμηι

 (vers 137).

 Denys d'Halicarnasse, dans son Traité de l'arrangement des mots, cite ce vers, pour montrer que lorsqu'Homère veut peindre quelque image effrayante, il a soin de rejeter ces voyelles douces & harmonieuses, & sait un choix de voyelles sourdes dont la prononciation est lente & pénible. Je me suis attaché, autant que j'ai pu, à saisir l'intention d'Homère jusque dans son coloris ; mais il ne faut pas imaginer que, dans une langue aussi peu accentuée que la nôtre, ces effets puissans jamais être bien sensibles ; & il est souvent à craindre qu'il ne résulte de ces imitations forcées, une dureté révoltante pour notre oreille, parce que l'égalité de notre rhythme ne donne pas allez de mouvement à l'harmonie ; au lieu que la langue grecque est une sorte de musique où les dissonances sont des beautés.

 

(9) Ovide, au IV Livre des Métamorphoses, a imité, ou plutôt traduit fort heureusement ce passage :

                   Puer, o dignissime credi

Esse Deus, seu tu Deus es, potes esse Cupido ;

Sive es mortalis, qui te genuere beauti !

Et frater felix, & quoe dedit ubera nutrix,

Sed longé cunctis, longèque potentior illa

Si qua tibi sponsa est, si quam dignabere tœda.

 Virgile a aussi voulu imiter cet endroit au-dessus de toute imitation.

 

(10) Les personnes à qui le spectacle de la campagne fournit autant de sentimens que d'images, & qui auront joui quelquefois du plaisir de contempler un bel arbre dont la tige élevée porte un caractère de jeunesse, de force & de santé, sentiront la grâce de la comparaison d'Ulysse, surtout en joignant à ces idées le respect de la superstition, qui avoit rendu ce palmier sort célèbre dans l'Antiquité.

 

(11) Quand on étudie l'Antiquité pour en observer les mœurs, on voit avec plaisir combien, dans ces temps de simplicité, on attachait l’existence du bonheur aux sentimens naturels. Jamais aucun Poëte n'a su mieux le représenter qu'Homère, dans ce tableau qu'il nous offre d'un mariage bien assorti. Le Poëte Silius l'a imité avec quelque succès ; mais on reconnoît dans cette imitation la sècheresse ordinaire d'une concision affectée :

 Velle ac mile ambobus idem, sodataqué loeto

Mens aevo, ac parvis dives concordia rebus.

 

(12) Le Lecteur remarquera bien sans moi l'excellente morale que ces discours de Nausicaa renferment. J'observerai seulement combien cette union de la religion & de la morale peut rendre respectables à nos yeux ces siècles, nommés les siècles héroïques, & qui tiennent de si près aux temps fabuleux, qu'on est assez disposé à ne pas y ajouter plus de soi qu'aux merveilles de l'âge d'or, Quand on cherche le siècle où peut avoir vécu un homme tel qu'Homère, & qu'on lit les Ouvrages, on est alors trés-porté à croire que les siècles héroïques ont existé.

 

 (13) Homère dit : Quand nous monterons vers la Ville, autour de laquelle il y a une haute muraille, de chaque côté est un beau port ; l'entrée est étroite, les Vaisseaux sont rangés près du chemin, & chacun d'eux à sa calle, έπίςιον. Tout cet endroit ne laisse pas que d'avoir des difficultés. J'ai cru que pour en trouver le sens il falloit avoir égard à l'intention de Nausicaa, lorsqu'elle fait cette description : cette Princesse veut faire entendre à Ulysse qu'elle ne peut éviter de passer par la place publique, où sont les arsenaux, &, par conséquent, les gens les plus grossiers de ce Peuple navigateur. La ville n'est pas ouverte, il y a un rempart qui la défend ; d'ailleurs elle est ceinte des deux côtes par un port où sont rangés tous les Vaisseaux, & cet espace qui sépare les deux ports, n'est qu'une chaussée qui communique par un bout à la ville, & par l'autre à la terre ferme. On entend aisément alors comment ses Vaisseaux sont rangés près du chemin. Toute cette description n'est pas inutile au dessein de Nausicaa ; elle doit lui servir d'excuse auprès de l'Étranger, si elle ne le mène pas jusque dans la ville, & en même, temps de renseignement à cet Étranger même, par la précision des détails qu'elle renferme : mais, en suivant la traduction de Madame Dacier, cette description devient sans intention & tout-à-fait inutile. La voici:

« La ville n'est pas fort éloignée, elle est ceinte d'une haute muraille, &, à chacun de ses deux bouts, elle a un bon port, dont l'entrée est étroite & difficile, ce qui en fait la sûreté ; l'un & l'autre sont si commodes, que les Vaisseaux y sont à l'abri de tous les vents. »

 On demanderoit, avec raison, que servoit à Ulysse de savoir qu'il y avoit deux ports au bout de la ville, & que ces ports étoient fort sûrs ! Homère explique lui-même, au Livre VII, cette topographie de la ville des Phaeaciens, en disant qu'Ulysse passant sur le chemin qui conduit à la ville, admire les deux ports & les Vaisseaux, ce qui certainement ne pourroit pas être, si les deux ports étoient, comme le dit Mme Dacier, aux deux extrémités de la ville.

Cette méprise de Mme Dacier m'a paru assez importante pour mériter d'être relevée ; il en est beaucoup d'autres dans ce Livre que j'ai passées sous silence, & que j'abandonne aux soins des Lecteurs curieux de ces sortes de critiques.

 

(14) Nausicaa ne parle ici que du peuple proprement dit, & qui, comme le remarque Pope, est d'autant plus enclin aux vices qu'elle lui prête, que le loisir dont il jouit, & la vie qu'il mène, contribuent à les favoriser, C'est proprement sa vie grossière & silencieuse des Marins. Les gens d'un rang plus élevé ont de leur côté toute l'aisance, toute l'affabilité, & le goût des plaisirs, qui se trouvent assez ordinairement réunis dans les grandes villes de commerce. C'est ainsi que sont représentés les Phaeaciens, & c'est ainsi qu'Homère, dans ses fictions, a toujours le talent de peindre la vérité.

 

 (15) J'ai déjà parlé, dans mon Discours sur Homère, de la finesse & de la naïveté de cette déclaration. Je n'en connois qu'une, parmi les Modernes, qu'on puisse comparer à celle-là : aussi est-elle d'un Auteur entièrement nourri d'Homère, & qui en eut, pour ainsi dire, l'ame & l'esprit. Antiope n'avoit pu voir le jeune Télémaque sans éprouver pour lui un intérêt qu'elle n'osoit faire paroître. Télémaque, dans une chasse, délivre cette jeune Princesse des fureurs d'un sanglier ; il tue le monstre, & en présente la hure à l'aimable Antiope, qui la reçoit, & lui dit, en rougissant : Je reçois de vous avec reconnaissance un autre don encore plus grand…. car je vous dois la vie.  Télém. Liv. XXIII.

 

(16) Cette petite circonstance, dit Pope, toute indifférente qu'elle paroît, n'est pas cependant sans beauté. Il est naturel à une jeune personne d'avoir plus de confiance dans sa mère que dans son père ; d'ailleurs, les femmes, avec un coeur plus sensible, sont naturellement plus portées à la compassion, Le conseil que donne Nausicaa est donc convenable à son caractère ; il est convenable à la position où se trouve Ulysse, & sert en même temps à montrer l’ascendant que la vertu donnoit à la Reine sur l'esprit du Roi.