Livre VIII

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Lcinous assemble les principaux des Pheaciens, pour pourvoir & aduifer sur le retour & departement de leur hoste : ils conclurent tous d'unanime voix de luy fournira equipage & donner sauf-conduit, apres que le conseil fut tenu : Alcinous convie toute l'assemblee à vn solemnel banquet qui ne fut pas si tost fini que les Pheaciens sur le desfy donné à Ulysse jouerent avec luy à jetter la pierre : ce qu'ils firent jusques à tant que Demodocus, pour diversifier les passe-temps chanta, les embrassemens & adulteres de Mars & de Venus & puis les ruses & artifices; par lequel le cheval de bois fut introduit dans la ville de Troy : dont Ulysse se ressouvenant de ce qui s’estoit passé se print à pleurer, qui fut cause qu’Alcinous luy demanda la cause de ses gemissements, & son nom & le lieu de sa naissance.

 

omme l'Aurore se levoit Alcinoüs se ressouvenant de l'assignation donnnee aux Pheaciens, pour adviser sur le retour d'Ulysse, se leva pour aller à l’assemblee convoquee pour ce sujet : dont Minerve qui minutoit à par-foy les moyens pour faciliter le retour de son Ulysse, print la representation du heraut, disant à un chacun qui entroit comme si elle eust voulu les corrompre & obliger leurs suffrages à sa faveur.      

   Assemblez-vous principaux des Pheaciens au conseil, pour adviser sur le retour de celuy qui est venu loger chez Alcinoüs, apres avoir enduré mille destresses, afin qu'il reçoive de vous ces faveurs avec obligation perpetuelle.

   Comme elle disoit, les Pheaciens entroient remplissans tous les sieges, admirans la contenance & le port d'Ulysse, que Minerve luy avoit donné, afin que sa bonne grace & gravité le rendist agreable aux Pheaciens esmouvants leurs cœurs à commiseration, l'estimant pareillement digne d'exercer avec luy quelques jeux & passe temps qui donnassent tesmoignage de sa galantise : estans donc tous assemblez Alcinoüs qui devoit proposer ceste matiere, dit ainsi.

   Messieurs les Pheaçiens, escoutez ce que je vous veux dire touchant le retour de nostre hoste qui est venu par hazard en nos terres : nous ne sçavons d'où il vient ou des Indes Orientales, ou Occidentales : & à quel subjet qui ne se retrouvera pas en ceste affaire, à raison que la fortune l’a volontiers poussé en ce païs icy, estant egaré dans la mer orageuse, on ne sçauroit que penser en ces doubtes, qui nous suggerent mille raisons & soupçons. Tant y a, il demande un equipage de navire avec sauf-conduit pour avancer son retour que nous luy octroyerons, autant que la charité nous le commande, & les loix d'hospitalité nous invitent. Joint aussi que je desire que ceux qui ont prins mon palais pour asyle & refuge, reçoivent tout contentement, ne voulant permettre qu'ils demeurent desolez faute de navire. C'est pourquoy entérinant sa requeste nous luy donnerons un vaisseau neuf, en deputant de la ville cinquante deux jeunes hommes pour l'assister, apres avoir calfretté & aprovisionné leur vaisseau. Cependant messieurs, vous m'obligerez tant que d'assister à un banquet que je celebreray en l'honeur de nostre hoste, ne tecevant aucunes excuses de ceux qui s'en voudroient dispenser, faisant tort à ma bonne volonté. Et vous heraut, allez-vous en querir Demodocus cet excellent joueur d'instrument pour y assister, nous recevrons un grand contentement à l'oüir chanter ce que Jupiter luy dictera.

    Alcinoüs mettant fin à sa harangue meine les principaux des Pheacicns qui le suivoient : comme le heraut obeissant aux commandemens d’Alcinoüs, se haste pour advertir Demodocus d'assister à ce banquet : Cepandant les cinquante-deux hommes deputez conduisent le vaisseau en mer l'aprovisionnent, levent les mats, tendent les voiles, attachent les avirons pour demarer, n'eust esté que le banquet où assistoit Ulysse les retardoit, que l'on prépara incontinent qu'ils furent arrivez au palais d'Alcinoüs en tel nombre qu'ils remplissoient toutes les cours & porches du chasteau : ce qui fut cause que l'on tua douze aigneaux, huit truyes & deux bœufs. Au mesme temps arriva Demodocus cet excellent joueur d'instrument, le mignon de sa muse qui luy inspire quelques motets & airs nouveaux tres-agreables,  recompensant d'une grande cognoissance son aveuglement : Pentanous luy, donna une chaire pour s'asseoir, &  apres avoir attaché son luth à une colonne voisine de la table, se mit en devoir de manger ce que l'on luy servoit : incontinent qu'il eut repeu la Muse luy esmeut la veine, esleve son esprit, l'inspirant de chanter les stratagemes des Grecs & particulierement des debats & querelles d'Ulysse & d'Achile qu'ils eurent en un banquet où assistoit Agamemnon, qui se plaisoit fort aux dissenstions injurieuses, tant à cause du contentement qu'il avoit aux reproches, que de voir la prophetie d'Apollon accomplie, qui dés long-temps avoit predit ces debats au Roy Agamemnon, quand il consulta l'oracle lors que  les Grecs & Troyens estoient menassez d'un grand encombre. Ces chansons furent tellement desagreables à Ulysse qu'elles fléchirent ses yeux aux larmes qu'il cachoit tant qu’il pouvoit avec son vestement de peur que les Pheaciens ne le vissent pleurer. Ces pleurs cesserent lors que Demodocus cessa de chanter : Et alors Ulysse essuyant ses yeux laissa tomber le bout de sa robe, & remercia les Dieux immortels en beuvant. Ce qui ne dura gueres : car Demodocus considerant que ses airs estoient tres-agréables aux Pheaciens entonne derechef nouvelles chantons qui exciterent Ulysse aux regrets & gemissemens que les Pheaciens possedez de joye qu'ils estoient, ne peurent onques adviser excepté Alcinoüs qui jugea aux larmes d'Ulysse le ressentiment qu'il en avoit. Neantmoins il n'en scandaliza point la compagnie, au contraire pour changer de ton & diversifier les jeux & passe-temps ; & monstrer l'exercice honneste de ses subjets, dit à l'assistance.

    Messieurs les Pheaciens, maintenant que nous avons beu & mangé selon nostre suffisance, & resjouy nos esprits à l'harmonie des instrumens, sortons en la campagne pour nous exercer à toutes sortes de jeux & passe-temps, afin que nostre hoste qui est le subjet de ceste assemblée, remporte en son pays la reputation qu'il concevra de nous, qui surpassons toutes les nations estrangeres à la lutte, à la course, à la danse, donnant un tesmoignage de nostre galantise qui nous apportera honneur & respect.

    Comme il eut dit, il meine tous les Pheaciens qui le suivirent avec une grande multitude, curieuse de voir ces passe-temps, qui y courut : entre autres y assistoient Acioneus, Ocyalus, Elatreus, Nauteus, Prymneus, Anchialus, Eretmerus, Ponteus, Prorcus, Thion, Anabisineus, Amphialus, Euryalus le magna­nime qui ressemble en port au Dieu Mars, Naubolidus & les trois fils d'Alcinoüs, à sçavoir Laodamas, Halius, Clytoneus. Leur premier jeu fut la course, dont un chacun s'en escrima si bien que la pouldre s'en esleva, voletant çà & là. Mais ce fut Clytoneus qui en remporta le prix. Incontinent apres ils proposerent la lutte, de laquelle le prix sut remporté par Euryalus, comme le prix de la danse par Amphialas. Or entre autres qui estoient experts à jetter la pierre, c'estoit Elatreus & à combattre à coups de poings Laodamas qui voulut par courtoisie semondre Ulysse à quelque jeu , dit à la Compagnie.

    Mes amis, je croy qu'il ne sera point hors de propos d'inviter nostre hoste à quelque jeu qu'il sçache, afin qu'il en soit autrement il pourroit s'ennuyer. Au reste je ne croy point qu'il soit si ignorant que d'estre privé de la vulgaire cognoissance de ces excercices, considerant son port, sa façon, sa disposition, ses espaules, me persuadant ceste opinion qu'il à assez de force, bien qu'elle ait esté debilitee par les labeurs qu'il a enduré sur la mer qui sont capables d'affoiblir les hommes les plus robustes : encores ne peut-il manquer de force, au moins aux exercices qui desirent plus d'addresse que de force de corps.

    Euryalus observant les loix de la ceremonie qui sçavoit bien que ce n'estoit pas à luy, à inviter Ulysse, respondit ainsi à Laodamas : Vrayement c'est bien sait à, vous que de semondre vostre hoste, je croy que c'est vostre devoir, invitez-le donc, vous sçavez que ce n'est pas à moy qui ne suis pas de la maison.

    Laodamas ayant receu les regles de son devoir, pensant que c'estoit à luy à en faire la semonce, fend la presse, & dit à Ulysse d'une façon courtoise : Nostre hoste, voulez-vous que partions le temps à quelque jeu que vous sçachiez ? Je croy que vous n'estes pas si grossier que d'estre privé de la cognoissance de toutes sortes d'exercices, ne manquant aucunement à sçavoir les choses dont la cognoissance apporte une singuliere recommendation & disposition du corps : Ne prenez point d'excuse que vous estes en affliction : car vous n'avez aucun sujet de vous faschers à raison que vos affaires vont bien, vostre retour est asseuré, puisque le vaisseau & la compagnie qui vous assistera sont prests à demarer, ce qui est occasion de vous resjouyr autant que vous desirez vostre departement.

     Ulysse qui ne prenoit auçun plaisir à tous ces jeux qui ne servoient que de retardement insuportable à ses desirs luy respondit.

    Monseigneur Laodamas, je vous supplie de me dispenser, recevant pour légitime excuse mon affliction & fortune, qui ne me permettent aucunement de me resjouyr, estant receu en vostre palais comme par souffrance, & en humble supplication de moyenner mon retour qui me sera une resjouysance & le passe-temps des passe-temps.

    Euryalus esmeu de vanité & impudence, dit à Ulysse, bien que l'on ne parlait pas à luy le taxant grandement  Je ne vous prendrois pas pour homme expert & adroit aux combats & exercices, vos excuses donnent un tesmoignage de vostre impertinence : car vous ne pouvez vous excuser légitimement sur vos afflictions qui ne se retrouveront en vous, ayant la faveur & le secours du Roy Alcinoüs, ny aussi refuser l'offre de mon Seigneur Laodamas : mais pour moy je vous prendrois facilement pour un maistre de navire ou secretaire qui escrit & remarque tous les fardeaux, dont on charge les vaisseaux plustost que pour un maistre luitteur.

    Ulysse qui ne pouvoit supporter ces injures & affronts sans revanche luy respondit d'un œil courrouce & plein de menasses, & en ces mots Mon amy, vous estes un maladvisé de me taxer ainsi sans subjet, vos discours discourtois & remplis d'injures vous font ressembler à un jeune escervelé & impudent : avez-vous jamais fait esprevue de ma force & adresse ? il ne faut pas ainsi juger témérairement, encores quand je considerois ingenuëment mon ignorance elle ne meriteroit pas ceste grave censure qui est autant odieusse punissable, que le nom d'un hoste plein de commiseration & compassion respectueuse : outre cela, ne sçavez-vous pas bien que la nature ne donne à tous le corps toutes perfections, les accompagnant de quelque defaut pour eviter l'occasion de vanité ? elle ne donne pas à seul les dons d'éloquence, de sagesse  vertu tout ensemble, divisant sagement les liberalitez & faveurs, aux uns elle donne la beauté sans vertu & sagesse aux autres l'éloquence accompagnée de grace les uns auront une force aux yeux attrayante, pleine de persuasion, un autre aura la hardiesse de haranguer en public sans autant de bien-veillance que de modestie & belle action, qui paroistra en vertu ces advantages par-dessus les hommes qui le recevreront comme un Dieu, un autre aura une beauté de corps accompagnee de sottise & ignorance : ainsi qu’il plaist à Dieu, nature distribue ses dons & presens : Comme à vous elle, vous a donné une belle disposition de corps, au ce defaut de prudence que je vous desirois en vos discours remplis de picques en mon endroit, mal à propos : car je suis pas si ignorant & mal habile en ces exercices que vous pourriez bien penser :  j'en ay esté le maistre & superieur, quand ma jeunesse me donnoit la force & que fleurissoit en moy cet advantage que de remporter le prix sur des plus expers. Neantmoins afin de ne remettre l’espreuve en l'excusant, je ne laisseray pas pourtant que mes forces soyent affoiblies, d’en faire la monstre pour te convaincre de temerité & indiscretion.

   Il n'eut pas si tost dit, qu'il print de cholere un des plus gros palets & pierres, dont jouiassent les Pheaciens, & l'ayant tourné en sa main la jette d'une telle force qu'elle fit un grand bruit sortant de sa main, dont les Pheaciens tremblerent de peur par la vehemence qui la porta plus loin & haut, que les marques des palets des autres, dont Minerve voulant monstrer son Ulysse plus expert que les Pheaciens, prenant la representation d’un homme, marque le lieu auquel estoit venu le palet d'Ulysse qui surpassoit les autres, disant à la compagnie.

   Messieurs voyes-vous, cet hoste pourroit à veuglette remarquer ce lieu de son palet en tatonnant, parce que son palet est plus esloigné que les vostres, joint aussi pour ceste raison qu'il n'est pas meslé & confus avec les autres, ce qui luy en osteroit la cognoissance, disant à Ulysse, Courage, je voy bien à la disposition de ton corps, que tu remporteras le prix asseuré, que tant s’enfaut qu'ils te surpassent que jamais ils n'y arriveront.

    Ulysse se resjouyt à ces paroles, se plaisant aux discours courtois & remplis de louanges de ces hommes plus civils & honnestes qu'Euryalus, parlant aux Pheaciens avec plus de confiance & advantage, que de cholere, pour se revenger des defis honteux, dit ainsi : Mes amis prenez courage, jettez la pierre si loin que vous parveniez jusques à moy, ce sera en vain, car j'en jetteray encores une autre plus loin, faites espreuve de vos forces sans excuses, puis que vous m'avez defié avec tant de censure & injure, soit à combattre des poings, ou à la luitte & course, ausquels exercices je suis tellement expert, que je n'en porte envie à personne, surmontant les plus habiles : neantmoins je porteray cet honneur à Monseigneur Laodamas que de m'estimer son inferieur, qui seroit si beste  & peu courtois, que de jouer & combatre  avec son amy & bien-faicteur certes il seroit mal-instruit, qui par temerité & sottise entreprendroit, se mettant en hazard de produire une jalousie ou  envie   qui   apporteroit  un grand detriment à ses affaires, ou faire naistre une mauvaise volonté, non sans prejudice & alteration de  l'amitié, encores en terre estrangere, là où tant s'en faut qu'il faille s'hazarder à monstrer sa galantise & addresse, qu'il est besoin de plaire par tous moyens, plustost par une ignorance affectee pour empescher la jalousie, se reduisant à ceste espece de flaterie pour l'advanncement de ses affaires. Ce n'est pas neantmoins en disant que je crains & honnore mon Seigneur Laodamas  comme superieur & maistre en ces exercices, que je mesprise les autres, mon intention n'y est point : mais pour monstrer que je ne suis pas si ignorant que l'on me veut faire accroire, vous asseurant que j'ay une pareille cognoissance à tirer de l'arc, en telle sorte que visant à un homme de l'armee, je ne failliray à  l'assener.  Ceste expérience a esté si grande en moy, que je n'ay cognu en la guerre de Troye que Philotecte qui me surmontast : Neantmoins je ne voudrois pas estre si téméraire & outrecuidé que d'y defier ces vieux archers, comme Hercule & Euryte qui ont eu l'asseurance d'y defier les Dieux, non sans encourir une peine digne de leur presomptueux desyr : Car Eurytus ayant invité Apollon par un cartel de defy receut pour supplice sortable à sa superbe, la mort.

   Quant à manier & lancer le javelot,  j'en ay une vulgaire cognoissance, autant qu'un autre : reste la course, de laquelle je quitte le prix à tout homme, qui par sa legereté & vistesse me surmontera facilement, a raison que les tempestes m'ayant réduit en mer à la nage, m'ont cassé les jambes & disloqué Ies membres.

    Ulysse ayant finy, Alcinoüs qui admiroit l'addresse d'Ulysse pour l'appaiser & purger le soupçon de la vanité de ses discours, luy dit : Nostre hoste, nous prenons en bonne part ce que vous dites, non pour nous offenser, mais pour monstrer vostre expérience & vertu qui a este irritée par picques : maintenant nous n'avons pas subjet de la blasmer, mais au contraire la louer autant que faire ce peut, en ayant ressenty des effort qui sont capables de la faire admirer à nostre grand desadvantage, puisque nous avons esté les inferieurs en ces exercices. Mais escoutez ce que je vous veux dire, afin que vous remportiez en vostre pays la vertu & galantise des Pheaciens, qui n'est pas un des exercices ci violens & pénibles, mais plus agréables & faciles : car nous ne somme ny luitteurs ny gens qui combattent à coups de poings de toute ancienneté : ce n'est pas neantmoins que la paresse ou lascheté nous ayent desrobé ces exercices : car nos anciens n'en ont eu aucune cognoissance non plus que nous, ne nous ayans laissé par succession de pere en fils que l'art de bien courir, de gouverner les vaisseaux, baller, danser, changer souvent de bains, & de vestemens. Or afin que nostre hoste remporte ceste réputation ; entonnez quelques motets nouveaux, & airs de court, vous autres joueurs de luths & instruments, mariez vostre  voix avec l'harmonie des luths, pour luy monstrer que nous surpassons à la danse & aux instrumens, toutes les nations estrangeres, fus que l'on appreste un luth à Demodocus.

    Incontinent qu'Alcinoüs eut commandé, le héraut en va querir un : Cependant on assemble les jeunes hommes tres-expers à la dance pour faire un bransle en rond, au milieu desquels se mit Dedomocus avec le luth que l'on, luy avoit apporté : ces jeunes hommes alloient ci bien à la cadence, decoupans leurs pas si dextrement, accompagnez de saillies & capreolles si bien frizees & redoublees, qu'Ulysse les admiroit : La premiere chanson fut entonnée de l'adultere de Mars & de Venus y comment ils receurent les mutuels embrassemens en la maison de Vulcain, qui ayant entendu ces amours, apres plusieurs gemissemens, se resout estant adverty par le Soleil qui les descouvrir, souillant la couche nuptiale pour cet effect, il s'en va en sa forge, minutant à par-soy quelques ruses & artifices pour les surprendre & garotter, la juste douleur luy fournit d'invention de faire des liens de fer qui furent tellement forts que l'on ne les peust rompre, tellement deliez que l'on ne les peust appercevoir pour les enveloper tous deux en leurs caresses & baisers : ce qui estoit facile à un Dieu qui a tant d'invention : Ce qu'il fit prompternent, & là estant sur la couche de Venus sa femme en telle sorte que personne ne s'en fust douté : les ayans mis, il dit à Venus prenant congé d'elle, qu'il s'en alloit en Lemnos où il avoit affaire : Cependant Mars sçachant le departement de Vulcain, arrive au logis de Venus pour jouyr de ses embrassemens, il la trouva assise en sa chambre luy prenant la main, luy dit.

    Ma chere Venus aux blonds cheveux, vrayement voicy une heure fort commode à nos amours, allons nous coucher pour nous enyvrer en nos caresses & embrassemens, sans craindre d'estre surprins, Vulcain ce vieux jaloux est allé en Lemnos.

    Ayant dit, Venus reçoit ces offres amoureuses de Mars, avec autant de gracieuseté que de beauté : Mars la meine dans la couche, à l'entour de laquelle estoient les liens de Vulcain qui les garrosterent tellement qu'ils ne pouvoient avoir aucun mouvement de leur membre :  ceste estraincte leur fit recognoistre leur captivité honteuse, que Vulcain estant retourne de Lemnos, avants que d'avoir esté jusques-là par l'advertissement du Soleil descouvrit à tous les Dieux estant arrivé à son logis esmeu de cholere, s'escria haute voix.

    Messieurs les Dieux, & vous mon pere Jupiter,accourez pour voir un honteux adultere qui n'est aucunement supportable devant vos deitez voyla Venus que j'ay surprise en ces embrassemens impudics à mon mon grand prejudice, elle n'a d'autre raison & cause motive de sa perfidie amoureuse, ce dit-elle, sinon que je suis un boiteux, difforme, sans aucune grace & courage, imperfections dignes de la peine de cocuage, autant que les perfections, la beauté & la generosité de Mars méritent ses caresses, & bienveillances : à la miene volonté que mes parens ne m'eussent pas engendré plustost qu'avec ces imperfections. Les voyla qui souillent ma couche, produisants en mon cœur la jalousie, un venin qui empoisonne & ensorcelle les esprits : faut-il que je supporte la veuë de ces caresses, encores  que j'appelle des tesmoins à mon deshonneur ? mais bien que l'amour soit grand entre vous & l’affection, neantmoins tantost les liens vous garrotteront, la fraude vous saisira pour vous faire ressentir de vos folles amours demeurant en ceste captivité jusques à tant que ton pere me rende ce que je t'ay donné en faveur de mariage, desirant la separation d'entre nous-deux, puisque tu es convaincuë devant si bonne compagnie. O mal-heureux jour qui nous a conjoind tous deux pour diviser nos volontez, estranger nos affections, forger des amours bastardes, rompre la foy, vivre en perpétuelle querelle, riotte, deffiante, soupçons, craintes, esperances, desespoirs je ne me plains aucunement, ta beauté qui est trop enviée, muguettée, recherchée, esbranlée ; à mon grand prejudice, trop grande & parfaiste pour mon profit : mais de ton impudicité qui te desrobe les merites d'une que peut avoir une grande beauté remplie de fidelité & constance en ses affections legitimes.

     Il dit ainsi, & tous les Dieux s'assemblerent, comme Jupiter, Neptune, Mercure, Apollon, lassant les Deesees au mont Olympe, qui ne vinrent pas pour le respect de l'honneur que produit la vergongne du sexe, n'estant pas seant aux chastes Deesses de comparoistre à des actions deshonnestes & honteuses. Estans tous à la porte, voyans les artifices de Vulcain s'esclatterent de rire, se disans l’un à l'autre en l'aureille. Voila comment un qui va lentement, attrape celuy qui est prompt & leger à la course, comme vous voyez que Vulcain le boiteux, atrappe Mars qui est si prompt a la course.      

   Ils disoient ainsi, lors qu'Apollon dit à Mercure en ces mots, Mercure messager des Dieux voudrois-tu estre lié & garotté avec Venus, à la charge de jouyr de ses embrassemens, aussi d'encourir la honte & la mocquerie ?                                       

    Mercure luy respondit, A la miene volonté que je fusse lié & garotté de cent & infinis liens avec Venus, pour jouyr de la plus belle Dame du monde, je ne crains point en ceste matiere amoureuse, les garrots, au contraire j'en regretterois plustost la separation & delivrance.

    Il dit ainsi & tous les Dieux s'esclatterent de rire, excepté Neptune qui supplioir Vulcain de delivrer & deslier Mars sous la parole qu'il luy promettoit, que Mars luy payeroit l'interest civil, en luy disant.

    Vulcain, deslie Mars en asseurance, que je te promets de faire recognoistre l'interest & le dommage par Mars, en la presence de tous les Dieux immortels.

    Vulcain qui ne vouloit point entendre à ceste delivrance, luy respondit ; Neptu­ne à quel suject voulez-vous que je delivre & deslie Mars ? quelle caution me donnez-vous, qui est volontiers aussi bonne que le principal debiteur, entant que les cautions faictes pour choses qui ne valent rien ne sont d'aucune valeur, & mesmes comment vous pourray-je obliger & lier, quand Mars sera deslié & depestré des liens, faisant cession de mon deub, je vous supplie, faisons nos affaires plus seurement.

   Neptune contestant là dessus, luy respondit, je vous jure que si Mars vous refuse de payer, au premier refus je vous rendray contant.

   Vulcain qui voyoit la foy de Neptune en ceste affaire, luy respondit, Vrayement je ne sçaurois rejecter ces belles offres, & rien dénier à vostre prud'hommie, puisse aussi vous vous constitués caution.

    Il dit ainsi, & incontinent rompit avec grande force les liens, desquels Mars s'estant despestre, s'ensfuit en Thrace, & Venus en l'isle de Cypre, & de là en Paphos, où il y avoit un petit bois espais consacré à Venus, dans lequel il y avoit un hostel remply de bonnes odeurs : incontinent qu'elle fut arrivée, les Graces la laverent & oignirent avec force huille, luy don­nant des riches vestemens, conformement à la qualité d'une Deesse immortelle : voila les chansons qu'entonoit Demodocus qui estoient fort agréables à Ulysse, qui y prenoit un singulier contentement, qui fut entresuivy d'un autre jeu fort commode pour s'exercer, à sçavoir la paulme, à laquelle les Pheaciens estoient tres-experts, l’un poussoit la balle si haut que l'on la perdoit de veuë, l'autre la prenoit si dextrement, qu'il sembloit que l'esteus le cerchast, les autres le prenoient apres avoir compté les bonds apres ce jeu Alcinoüs pour monstrer l'excellence & l’addresse de ces danseurs, commanda à ses ensans Halius & Laodamas de faire un bransle, ce qu'ils firent, non sans acquerir beaucoup de reputation, pour sçavoir entrecoupper leurs pas & danser si legerement qu'Ulysse les admirast, con­gratulant le Roy Alcinoüs d'avoir en son Palais des hommes si experts à la danse en ces mots.   

    Sire, ce n'est pas sans raison que vous faictes estat de vos danseurs, que je loue grandement, & n'admire pas moins leurs contenances, leurs capreoles & bonne grace capable de ravir les cœurs des plus belles Dames

    Alcinoüs ressentant une singuliere joye de ces louanges, parla ainsi aux Pheaciens favorisant Ulysse de son amitié : Messieurs je trouve que la sagesse & prudence de nostre hoste est digne de recevoir des presens d'hospitalite : c'est pourquoy vous ferez vostre devoir de luy donner chacun une robe & un talent d'or, que vous apporterez au banquet que je prepareray à mon Palais, aussi qu'Euryalus se concilie avec nostre hoste, par un don qu'il luy fera pour luy desrober le ressentiment des paroles injurieuses, qui pourroit desavantager & faire tort à la bonne opinion qu'il a de nous.

   Euryalus ne voulant pas estre le suject d'un mescontentement, respondit à Alcinoüs : Sire, je ne manqueray à me reconcilier avec nostre hoste, pour vostre respect, luy faisant un present d'une espée d'airain, de laquelle la garde & pommeau sont d'argent & le fourreau d'ivoire, je croy, qu'il en sera autant d'estat que je la prise & estime.

   Ayant dit, il prit son espée avec son fourreau, parlant ainsi à  Ulysse venerable hoste, si nous avons eu quelques picques & riottes, ensemble quelques paroles aigres, je vous supplie de n'en avoir aucun ressentiment, les estimant vens & air : suppliant les Dieux immortels de favoriser vostre retour & departement, que je ne permettray qu'au prealable vous ayez receu de ma main ceste espée que je vous donne, avec autant d'affection que je delivre vostre felicité & bon-heur.

    Ulysse qui ne pouvoir ny refuser à ces presens, ny à ces paroles courtoises son amitié & reconciliation, luy respondit : Mon bon amy, vostre visage plein de courtoisie, & vos discours remplis de bonne volonté, me donnent tesmoignage de vo­stre affection, effacent tout ce qui s'est passé entre nous, esperant que nostre reconciliation sera l'instrument d'une amitié plus solide  & parfaicte, suppliant les Dieux immortels qu'ils vous donnent & octroyent ce que vous desirez, recevant le present de vostre espée que vous me donnez en tesmoignage de nostre accord ; suppliant les Dieux que vous n'ayez plus affaire & besoin de ce que vous me donnez.

    Ulysse acceptant ceste espée, la ceind à ses espaules au mesme temps le Soleil se couche, & alors tous les Pheaciens s'assemblerent au banquet que celebroit Alcinoüs en son Palais, apportans leurs presens & dons peur Ulysse, ce qui fut occasion qu'Alcinoüs prenant soin d'equipper Ulysse du coffre pour mettre ces presens, dit à la Royne Arete.

   Madame, ayez le soing de faire provision d'un beau coffre pour serrer tous les presens que les Pheaciens ont donc à nostre hoste, & par mesme moyen faictes chauffer de l'eau dans un grand bassin pour le laver & oindre, n'espargnant envers luy aucunes especes de delices quant à moy je luy seray un present de ce vase d'or en tesmoignage de mon affection.

    Comme il eut dit, la Royne Arete commanda à ses servantes d'apporter un grand : bassin au feu, pour faire bouillir de l'eau pour laver Ulysse : cependant elle apporte un grand coffre pour serrer les presens des Pheaciens, & luy donnant un saye & vestement luy dit.

   Nostre hoste, mettez vous-mesme le couvercle à ce coffre par industrie refermant quelque secret pour l'ouvrir, afin que par le chemin on ne vous desrobe quand vous prendrez vostre repos.

    Ulysse ayant ouy ces paroles apposa le couvercle, faisant certains nœuds aux liens que Circe luy avoit enseigné. A l'instant les servantes laverent Ulysse, & oignirent tres-bien ce qu'il receut fort volontiers d'autant qu'il n'avoit point esté lavé depuis qu'il laissa Calypso en l'isle d'Ogygie, ce qu'ayant faict, les servantes luy baillerent une camisole & un manteau, estant sorty de là pour entrer à la sale où celebroit le banquet il rencontre Nausicaa, qui l'ayant apperceu de si bonne grace, luy dit.

    Dieu vous garde nostre hoste, puisque vous estes sur vostre département, quand  vous serez arrivé en vostre pays, ayez au moins  ressouvenance de moy, comme celle qui a esté le premier reffort & mouvement de vostre bonne fortune & conservation de vostre vie, afin que ce ressouvenir soit une recompense & recognoissance de mes faveurs.

    Ulysse consideroit l'affection de Nausicaa, ne voulant estre ingrat, apres avoir tant receu de biensfaits luy respondit ainsi, Madame, tres-parfaicte Dame & fille du Roy Alcinoüs, si Jupiter le  mary de Junon me faict la grace d'arriver sain & sauve en mon pays, je vous honoreray en ma pensée comme une Deesee, & recognoistray comme ayant esté l'instrument & cause motrice de mon bon-heur, autrement mon ingratitude seroit coulpable de stupidité de ne recognoistre celle à qui je dois ma vie & ma bonne fortune, je vous asseure que j'ay plus de ressentiment des faveurs que l'on me faict : que vous ne penseriez peut-estre, en reservant l'espreuve au temps qui vous en produira des effects.

    Ayant mis fin à tous ces devoirs il s'assied proche le Roy Alcinoüs, comme les asistans couppoient offroient les viandes uns aux autres : au mesme temps le heraut fit seoir Demodocus au milieu des assistans, & alors Ulysse qui vouloir gratifier Demodocus joueur d'instruments pour luy faire chanter les ruses & artifices, par lesquelles le cheval de bois entra en la ville de Troye, couppa du derriere un morceau de truye, disant au héraut.

    Heraut, recevez ce morceau de chair pour le donner de ma part à Demodocus que j'ay envie de traiter, bien que je sois plein de tristesse : car les Musiciens ne sont pas moins honorez de ceux qui sont affligez, que de ceux qui ont gaillards, joyeux & sans soucy, d'autant que l'harmonie de leurs instruments chasse la melancolie & tristesse par les airs & chansons que leur muse leur dicte.

   Il dit ainsi, & le héraut porte à Demodocus ce present qu'il receut, en baisant humblement les mains à Ulysse, qui imitta peu apres ce joueur d'instrumems à chanter en ces mots, Demodocus tres-excellent joueur d'instruments, je loue grandement l'harmonie de vostre luth & le suject de vos chansons & airs, qui sont tellement agréables, que je croy fermement que la muse favorable fille de Jupin vous l'enseigne, où Apollon le visage resjouy & rermply de contentement de toute l’assistance, donne un tesmoignage de mon dire.

   Neantmoins puisque vous avez si bien commence a entonner les stratagemes des Grecs avec toutes leurs circonstances, que volontiers on vous raconte & remarque ; je vous supplie de m'obliger tant que de continuer en rapportant la structure & fabrique du cheval de bois, faicte par l’industrieux Epeus avec le secours de Minerve, les ruses & artifices par lesquelles il a esté introduit en la ville de Troye, par les inventions & menées d'Ulysse, qui l'ayant remply de soldats & Capitaines surprint les Troyens : si de grace & faveur vous nous racontez ainsi qu'il appartient céte histoire je publieray en tout lieux vostre réputation, & la divine harmonie de vos chansons inspirées de quelque Dieu. Ulysse ayant ainsi parlé, Demodocus espoinçonné d'honneur, & esmeu de la veine & fureur divine, comme estant en enthousiasme, commence à preparer son luth, & toucher ses cordes pour reconoistre la sympathie de tous, & chanta comment une partie des Grecs s'estoit preparée pour jecter du feu dans les pavillons & tentes des Troyens, & l'autre s'estoit enfermée dans le cheval de bois, avec Ulysse qui estant assisté d’une infinité de soldats pour surprendre les Troyens, ayant entendu les trois opinions & conseils des Troyens, eut une grande crainte d'estre descouvert car les Troyens ayans receu ce cheval de bois, eurent trois advis tous dissemblables : les uns disoient qu'il falloit rompre le ventre de ce cheval a coups de barres, ou le brusler : les autres estoient d'avis de le jecter du haut d'une tour ou d'un rocher, les autres moins advisez & plus superstitieux, vouloient le recevoir, comme une offrande & sacrifice pour appaiser l'ire de quelque Dieu, & qu'il en arrivast ce qu'il pourroit. Ulysse craignoit extrêmement que l'on le bruslast, comme c'estoit l'advis de Cassandre, neantmoins cela ne pouvoit arriver, car les destins vouloient à ce coup ruiner la ville de Troye, les Troyens ayans receu teméerairement ce cheval sans conseil, ce qui fut cause de leur ruine : en apres comment la ville fut mise à sac & à sang, aussi comme Ulysse entra comme un Mars courageux avec Menelaüs en la maison de Deiphobus :  la ville ayant esté prise par le secours & faveur de Minerve apres tant de combats  & assauts. Telles estoient  les chansons de Demodocus qui fléchirent les yeux d'Ulysse aux larmes, ne plus ne moins qu'une Royne pleure amerement la mort de son mary, qui est mort pour venger la mort de ses ensans & de son peuple, ne recevant aucune consolation, voyant les miseres & la servitude que les ennemis sont supporter à son peuple. Ainsi Ulysse gemissoit entre les assistans, sans qu'ils en  vissent rien, sinon Alcinoüs, qui ayant apperceu ces larmes jugea le ressentiment qu'avoit Ulysse, c'est pourquoy pour eviter à ce discord, il dit ainsi à l'assistance d'une courtoise façon.

   Messieurs les Pheaciens, si vous te trouvez bon, Demodocus cessera d'entonner ces chansons qui ns sont pas volontiers agreables à tous : car si je ne me trompe, nostre hoste n'a cesse de pleurer depuis qu'il a commencé à chanter, changeons de ton resjouyssons-nous en ce banquet, qui n'est fait que pour honorer nostre hoste comme un frere.

   Mais nostre hoste, nous n'avons l'honneur de vous cognoistre  dictes nous franchement sans dissimulation vostre nom par lequel vos parens vous appellent : car je ne pense pas que vous n'ayez quelque nom, à raison qu'il n'y a rien de plus absurde & ridicule qu'un homme sans nom, que les parens imposent à la naissance des ensans : dictes pareillement le lieu de vostre naissance, vostre pays, les peuples qui y habitent, qui peut estre vous ont envoyé en nostre pays comme un espion, pour voir & visiter nos navires, nos façons de faire, nos mœurs ; nos vaisseaux ne sont pas comme les vostres, ils n'ont point de maistres de navires, ny de sçavans pilotes qui les gouvernent selon les aspects des Cieux, selon le temps & les lieux. Ils n'ont que faire de tous ces equipages & conduittes, sçachans les desseins des hommes, les lieux, les ports, les havres, & l'addresse de venir à la rade, de passer sans faire naufrage en la tourmente, mesme sans aucun péril, en telle sorte que j'ay ouy dire à mon pere Nausithous, que Neptune se faschoit de ce que les navires des Pheaciens jamais ne perissoient en mer ; & que pour monstrer sa puissance & faire recognoistre son authorité, il avoit menacé les Pheaciens de submerger quelques navires & pareillement d'eslever des montagnes d'eau sur Scherie nostre ville, comme pour la noyer ; ainsi disoit mon pere, mais que Neptune l'accomplisse ou ne l'accomplisse pas ainsi qu'il luy plaira : mais dictes-moy, où avez-vous tant esté errant & vagabond ? en quelles terres ? racontez-nous les mœurs & constance des peuples, soit qu'ils soient barbares, discourtois, inhumains, ou bien qu'ils soient affables, humains, recevans les passans ainsi qu'il appartient, ou addonnez à pieté, religion, ou à un mespris des Dieux & injustice, racontez-le nous sans passion, sans ressentiment, aussi la cause motive de vos pleurs, si c'est que vous ayez perdu au siege de Troye que Demodocus chantoit, un gendre, un beau pere que vous affectionnez grandement, en second degré apres vos parens & consanguins, ou bien un arny une amitié parfaicte que vous pleuriez autant qu'un frere, non sans raison : car un parfaict amy  qui nous communiquons nos secrets, n'est pas moins qu'un frere : ne faictes donc difficulté de nous raconter toutes vos advantures, en asseurance que vous estes avec vos amis.