Le retour de Télémaque

Remonter

   
 

 

LE   RETOUR    DE   TÉLÉMAQUE...

 

  Dans son berceau de brume, à peine avait paru l'Aurore aux doigts de roses que déjà ce vaillant crieur de Ménélas passait ses vêtements et, s'élançant du lit, mettait son glaive à pointe autour de son épaule, chaussait ses pieds luisants de ses belles sandales et sortait de sa chambre ; on l'eût pris, à le voir, pour un des Immortels.

  Auprès de Télémaque, étant venu s'asseoir, il dit et déclara :

  MÉNÉLAS. — Quel est donc le besoin, ô seigneur Télémaque ! qui chez moi, dans ma divine Lacédémone, t'amena sur le dos de la plaine marine ? C'est pour toi ?.., pour ton peuple ? dis-moi la vérité !

  Posément, Télémaque le regarda  et dit :

  TÉLÉMAQUE. — Ménélas, fils d'Atrée, le nourrisson de Zeus, le meneur des guerriers, je viens savoir de toi s'il est quelque rumeur sur le sort de mon père. On  mange ma maison ; on m'a perdu déjà le meilleur de mon bien ! oui ! je vois ma demeure emplie de gens hostiles, qui chaque jour me tuent mes troupeaux de moutons et mes vaches cornues à la démarche torse : ils courtisent ma mère et leur morgue est sans frein. Aussi, je t'en conjure, par tout ce que mon père, cet Ulysse vaillant, a pu dire, entreprendre et, suivant sa promesse, réussir pour ta cause au pays des Troyens, c'est pourquoi tu me vois ici à tes genoux : voudrais-tu me parler de sa perte funeste ? l'as-tu vue de tes yeux ? en sais-tu quelque chose de l'un de nos errants ? c'est le plus malheureux qui soit né d'une femme... Ne mets ni tes égards, ni ta compassion à m'adoucir les choses ; mais dis-moi point par point ce que tes yeux ont vu au temps de vos épreuves, à vous, gens d'Achaïe ; l'heure est enfin venue pour moi qu'il t'en souvienne : dis-moi la vérité.

  Mais   le   blond   Ménélas,   d'un   ton  fort   indigné :

  MÉNÉLAS. — Misère ! ah ! c'est au lit du héros de vaillance que voudraient se coucher ces hommes sans vigueur !... Quand le lion vaillant a quitté sa tanière, il se peut que la biche y vienne remiser les deux faons nouveau-nés qui la tètent encore, puis s'en aille brouter, par les pentes boisées, les combes verdoyantes ! il rentre se coucher et leur donne à tous deux un destin sans douceur. C'est un pareil destin et sans plus de douceur qu'ils obtiendraient d'Ulysse, si, demain, Zeus le Père !... Athéna!... Apollon !... il pouvait revenir tel qu'aux murs de Lesbos, nous le vîmes un jour accepter le défi du fils de Philomèle et lutter avec lui et, de son bras robuste, le tomber pour la joie de tous nos Achéens ! Qu'il rentre, cet Ulysse, parler aux préten-dants ! tous auront la vie courte et des noces amères ! Mais je réponds à tes prières et demandes, sans un mot qui t'égare ou te puisse abuser : oui ! tout ce que m'a dit un des Vieux de la Mer au parler prophétique, le voici sans omettre et sans changer un mot.

  » C'était dans l'Égyptos d'où je voulais rentrer : les dieux m'y retenaient pour n'avoir pas rempli le vœu d'une hécatombe : les dieux tiennent rigueur des oublis de leurs droits. Il est, en cette mer des houles, un îlot qu'on appelle Pharos : par-devant l'Égyptos, il est à la distance que franchit en un jour l'un de nos vaisseaux creux, quand il lui souffle en poupe une brise très fraîche. On trouve dans cette île un port avec des grèves d'où peuvent se remettre à flot les fins croiseurs, lorsqu'ils ont fait de l'eau au trou noir de l'aiguade.

  » C'est là, depuis vingt jours, que les dieux m'arrêtaient, sans que rien annonçât l'un de ces vents du large qui, prenant les vaisseaux, les mènent sur le dos de la plaine marine.

  » Nos vivres s'épuisaient, et le cœur de mes hommes, quand la pitié d'un dieu s'émut et me sauva.

  » Le robuste Protée, un des Vieux de la Mer, a pour fille Idothée dont je touchai le cœur. Un jour que j'errais seul, elle vint m'aborder ; j'étais loin de mes gens qui passaient leurs journées sur le pourtour de l'île à jeter aux poissons les hameçons crochus ; la faim tordait les ventres !

  » Debout à mes côtés, elle prend la parole :

  IDOTHÉE. — C'en est trop, étranger ! n'es-tu donc qu'un enfant ou qu'un faible d'esprit ?... ou t'abandonnes-tu toi-même et trouves-tu plaisir à tes souffrances ? Depuis combien de jours es-tu là dans cette île, captif, et sans trouver le moyen d'en sortir ! ne vois-tu pas faiblir le cœur des équipages ?

  » A ces mots de la Nymphe, aussitôt je réponds :

  MÉNÉLAS. — Je ne sais pas ton nom, déesse ; mais écoute : c'est bien contre mon gré que je reste captif ; j'ai dû manquer aux dieux, maîtres des champs du ciel... Ah! dis-moi, puisque les Immortels savent tout, lequel des dieux m'entrave et me  ferme la route.

  » Je dis. Elle reprend, cette toute divine :

  IDOTHÉE. — Oui, je veux, étranger, te répondre sans feinte. En cette île, fréquente un des Vieux de la Mer : c'est l'immortel Protée, le prophète d'Égypte, qui connaît, de la mer entière, les abîmes ; vassal de Posidon, il est, dit-on, mon père, celui qui m'engendra... Ah ! lui, si tu pouvais le prendre en embuscade !... il te dirait la route, la longueur des trajets et comment revenir sur la mer aux poissons ; si tu le désirais, il te dirait encore, ô nourrisson de Zeus, tout ce qu'en ton manoir, il a pu survenir de maux et de bonheurs.

  » A ces mots de la Nymphe, aussitôt je réponds :

  MÉNÉLAS. — Alors conseille-moi !... quelle embûche dresser à ce vieillard divin ? il fuira, s'il me voit de loin ou me devine: mettre un dieu sous le joug, c'est assez malaisé pour un simple mortel.

  » Je dis. Elle reprend, cette toute divine :

  IDOTHÉE. — Quand le soleil, tournant là-haut, touche au zénith on voit sortir du flot ce prophète des mers : au souffle du Zéphyr, qui rabat les frisons de sa noire perruque, il monte et va s'étendre au creux de ses cavernes ; en troupe, autour de lui, viennent dormir les phoques de la Belle des Mers qui sortent de l'écume, pataugeant, exhalant l'acre odeur des grands fonds. Je t'emmène là-bas dès la pointe de l'aube ; je vous poste et vous range; à toi de bien choisir sur les bancs des vaisseaux trois compagnons d'élite. Mais je dois t'enseigner tous les tours du Vieillard. En parcourant leurs rangs, il va compter ses phoques ; quand il en aura fait, cinq par cinq, la revue, près d'eux il s'étendra, comme dans son troupeau d'ouailles un berger. C'est ce premier sommeil que vous devez guetter. Alors ne songez plus qu'à bien jouer des bras ; tenez-le quoi qu'il tente : il voudra s'échapper, prendra toutes les formes, se changera en tout ce qui rampe sur terre, en eau, en feu divin; tenez-le sans mollir ! donnez un tour de plus !... Mais, lorsqu'il en viendra à te vouloir parler, il reprendra les traits que vous lui aurez vus en son premier sommeil ; c'est le moment, seigneur : laissez la violence, déliez le Vieillard, demandez-lui quel dieu vous crée des embarras.

  » A ces mots, sous la mer écumante, elle plonge et je rentre aux vaisseaux échoués dans les sables. J'allais : que de pensées bouillonnaient en mon cœur ! Je reviens au croiseur, je descends à la plage ; nous prenons le souper, puis, quand survient la nuit divine, nous dormons sur la grève de mer. Mais sitôt que paraît, dans son berceau de brume l'Aurore aux doigts de roses, je repars en disant mainte prière aux dieux; j'emmenais avec moi trois de mes compagnons, en qui je me fiais pour n'importe quel coup. La Nymphe, ayant plongé au vaste sein des ondes, en avait rapporté, pour la ruse qu'elle ourdissait contre son père, les peaux de quatre phoques, fraîchement écorchés, puis elle avait creusé dans le sable nos lits. Assise, elle attendait. Nous arrivons enfin, et nous voici près d'elle. Elle nous fait coucher côte à côte et nous jette une peau sur chacun. Ce fut le plus vilain moment de l'embuscade : quelle terrible gêne ! ces phoques, nourrissons de la mer, exhalaient une mortelle odeur... Qui prendrait en son lit une bête marine ?... Mais, pour notre salut, elle avait apporté un cordial puissant : c'était de l'ambroisie, qu'à chacun, elle vint nous mettre sous le nez ; cette douce senteur tua l'odeur des monstres...

  » Tout le matin, nous attendons ; rien ne nous lasse : les phoques en troupeau sont sortis de la mer; en ligne, ils sont venus se coucher sur la grève. Enfin, voici midi : le Vieillard sort du flot. Quand il a retrouvé ses phoques rebondis, il les passe en revue : cinq par cinq, il les compte, et c'est nous qu'en premier, il dénombre, sans rien soupçonner de la ruse... Il se couche a son tour. Alors, avec des cris, nous nous précipitons; toutes nos mains l'étreignent. Mais le Vieux n'oublie rien des ruses de son art. Il se change d'abord en lion à crinière, puis il devient dragon, panthère et porc géant ; il se fait eau courante et grand arbre à panache. Nous, sans mollir, nous le tenons ; rien ne nous lasse, et, quand il est au bout de toutes ses magies, le voici qui me parle, à moi, et m'interroge :

  PROTÉE. — De quel dieu, fils d'Atrée, suivis-tu le conseil pour me forcer ainsi et me prendre en ce piège ? Que veux-tu maintenant ?

  » A ces mots de Protée, aussitôt je   réponds :

MÉNÉLAS. — Tu le sais bien, Vieillard ! pourquoi tous ces détours ? Voilà combien de jours que je suis dans cette île, captif et sans trouver le moyen d'en sortir ; déjà mon cœur faiblit... Ah ! dis-moi, puisque les Immortels savent tout, lequel des dieux m'entrave et me ferme la route.

  » Je disais,  et Protée aussitôt me répond :

PROTÉE. — C'est Zeus ! Car c'est à lui, ainsi qu'aux autres dieux, que tu devais offrir, avant de t'embarquer, des victimes de choix si, pour rentrer chez toi, tu voulais au plus court franchir la mer vineuse. Oui ! c'est ta destinée de ne revoir les tiens, de n'entrer sous le toit de ta haute maison, au pays de tes pères, qu'après avoir revu les eaux de l'Égyptos qui nous viennent des dieux : retourne dans le fleuve offrir aux Immortels, maîtres des champs du ciel, une sainte hécatombe ; ils t'ouvriront alors la route que tu cherches.

  » Ainsi parlait le Vieux, et mon cœur éclata... Donc, il me renvoyait dans la brume des mers, à cet interminable et dangereux voyage !... dans l'Égyptos !... que faire ?... Je repris la parole et lui dis en réponse :

  MÉNÉLAS. — En tout cela, Vieillard, j'accomplirai tes ordres. Mais, de nouveau, dis-moi sans feinte, point par point : tous ceux des Achéens qu'au départ de Troade, Nestor et moi avions laissés sur les vaisseaux, ont-ils tous réchappé ?... en est-il que la mort enleva tristement, soit dans la traversée, soit la guerre finie, dans les bras de leurs proches ?

  Je disais, et Protée aussitôt me répond :

  PROTÉE. — Fils d'Atrée, à quoi bon m'interroger ainsi ? mieux vaudrait ignorer, me laisser mon secret. Avant qu'il soit longtemps, tu vas pleurer, crois-moi, quand je t'aurai tout dit, car beaucoup ont péri, si beaucoup sont restés. Mais deux chefs seulement, parmi les Achéens à la cotte de bronze, sont morts dans le retour ; — la guerre, tu l'as vue ; je ne t'en parle pas ; — un troisième survit, captif au bout des mers... Le premier, c'est Ajax ; avec lui, disparut sa flotte aux longues rames. Posidon fit d'abord échouer ses vaisseaux aux grands rocs des Gyrées, mais le sauva des flots ; il s'en tirait, malgré la haine d'Athéna, s'il n'eût pas proféré une parole impie et fait un fol écart : c'est en dépit des dieux qu'il échappait, dit-il, au grand gouffre des mers ! Posidon l'entendit, comme il criait si fort. Aussitôt, saisissant, de ses puissantes mains, son trident, il fendit l'une de ces Gyrées. Le bloc resta debout ; mais un pan dans la mer tomba, et c'était là qu'Ajax s'était assis pour lancer son blasphème : la vague, dans la mer immense, l'emporta. Le second, c'est ton frère. Déjà hors de péril, il avait fui la Parque au creux de ses vaisseaux : il devait le salut à son auguste Héra. Il approchait de la falaise abrupte du Malée ; la bourrasque soudain le prit et l'emporta vers la mer aux poissons : quels lourds gémissements ! Pourtant, même de là, il put sembler encore assuré du retour. Les dieux changeaient le vent ; il rentrait au logis et, sur le premier cap, abordait dans les champs où Thyeste jadis avait eu sa demeure, où maintenant son fils Egisthe demeurait. Il foulait avec joie la terre des aïeux ! il touchait, il baisait le sol de la patrie ! quels flots de chaudes larmes ! et quels regards d'amour donnés à son pays ! Mais le veilleur, du haut de la guette, le vit. Le cauteleux Egisthe avait posté cet homme : deux talents d'or étaient le salaire promis. Cet homme était donc là, qui, guettant à l'année, voulait ne pas manquer l'Atride à son passage, ni lui laisser le temps d'un exploit vigoureux. Il courut au logis pour donner la nouvelle à celui que le peuple appelait son pasteur. Tout aussitôt, Égisthe imagina l'embûche : dans la ville, il choisit vingt braves qu'il cacha près de la salle où l'on préparait le festin, puis, il vint en personne, avec chevaux et chars, inviter le pasteur du peuple Agamemnon. Le traître ! il l'amena : le roi ne savait pas qu'il allait à la mort ; à table, il l'abattit comme un bœuf à la crèche, et, des gens que l'Atride avait pris avec lui, pas un ne réchappa, pas un non plus des gens d'Égisthe ; dans la salle, ils furent tous tués.

  » Il disait et mon cœur éclata : pour pleurer, je m'assis dans les sables ; je ne voulais plus vivre ; je ne voulais plus voir la clarté du soleil ; je pleurais, me roulais; enfin j'usai ma peine, et le Vieux de la Mer, le prophète, reprit :

  PROTÉE. — Tu n'as plus, fils d'Atrée, de temps à perdre ainsi ; ce n'est pas en pleurant qu'on trouve le remède ; il te faut au plus vite essayer de rentrer au pays de tes pères ; tu pourras y trouver Égisthe encor vivant ou si, te prévenant, Oreste l'a tué, tu seras là, du moins, pour le festin funèbre.

  » Il dit et, dans mon sein, la fougue de mon cœur renaissait, et mon âme, malgré tout mon chagrin, en eut un réconfort. Je repris la parole et dis ces mots ailés :

  MÉNÉLAS. — Pour ces deux-là, je suis fixé ; mais le troisième, celui qui vit encor, captif au bout des mers, ou s'y meurt ; je voudrais savoir, malgré ma peine.

  » Je disais,  et Protée aussitôt me répond :

  PROTÉE. — C'est le fils de Laërte, oui, c'est l'homme d'Ithaque. Je l'ai vu dans une île pleurer à chaudes larmes ; la nymphe Calypso, qui le tient prisonnier, là-bas, dans son manoir, l'empêche de rentrer au pays de ses pères !... Quant à toi, Ménélas, ô nourrisson de Zeus, sache que le destin ne te réserve pas, d'après le sort commun, de mourir en Argos, dans tes prés d'élevage ; mais aux Champs Elysées, tout au bout de la terre, chez le blond Rhadamanthe, où la plus douce vie est offerte aux humains, où sans neige, sans grand hiver, toujours sans pluie, on ne sent que zéphyrs, dont les risées sifflantes montent de l'Océan pour rafraîchir les hommes, les dieux t'emmèneront : pour eux, l'époux d'Hélène est le gendre de Zeus.

   » A ces mots, sous la mer écumante, il replonge. Je ramène aux vaisseaux mes compagnons divins. J'allais : que de pensées bouillonnaient en mon cœur ! Nous rentrons à la grève et, gagnant le croiseur, nous prenons le souper, puis, quand survient la nuit divine, nous dormons sur la grève de mer. Mais sitôt que paraît dans son berceau de brume l'Aurore aux doigts de roses, je tire mes vaisseaux à la vague divine ; mes gens montent à bord et vont s'asseoir aux bancs, puis, chacun en sa place, la rame bat le flot qui blanchit sous les coups. Je ramenai ma flotte aux eaux de l'Égyptos, qui nous viennent des dieux. J'y mouillai et. j'y fis ma fête d'hécatombes pour calmer le courroux des dieux toujours vivants ; je fis dresser un tertre en l'honneur de mon frère, pour garder l'éternel souvenir de sa gloire ; puis, ces devoirs remplis, je partis et le vent que les dieux me donnèrent me ramena tout droit à la terre natale...

  » Et maintenant tu vas rester en mon manoir onze jours, douze jours. Alors je prendrai soin de te remettre en route avec de beaux cadeaux : je t'offre trois chevaux, un char aux bois luisants, et je veux te donner ma coupe la plus belle, pour qu'en faisant aux dieux immortels ton offrande, le restant de tes jours, de moi tu te souviennes.

  Posément, Télémaque le regarda et dit :

  TÉLÉMAQUE. — Atride, il ne faut pas me garder si longtemps. A rester près de toi, l'année me serait brève, sans qu'il me prît regret de mon toit ni des miens : tes récits, tous tes mots me font à les entendre un terrible plaisir. Mais j'ai mes gens là-bas, dans la bonne Pylos : ils trouvent le temps long cependant que, chez toi, tu voudrais me garder. En cadeau, si tu veux, j'accepte le bijou, mais ne puis emmener des chevaux en Ithaque ; c'est un luxe qu'ici j'aime mieux te laisser ; car ton royaume, à toi, est une vaste plaine, qui porte en abondance le trèfle, le souchet, l'épeautre, le froment et la grande orge blanche. Ithaque est sans prairies, sans places où courir : ce n'est qu'une île à chèvres !... pourtant je l'aime mieux que vos prés d'élevage !... Dans nos îles, tu sais, nous n'avons ni prairies ni pistes à chevaux : ce ne sont que talus de mer, et mon Ithaque encor plus que les autres.

  Il disait ; mais le bon crieur de Ménélas, se prenant à sourire, le flattait de la main et lui disait tout droit :

  MÉNÉLAS. — Ton beau sang, mon cher fils, se montre en tes paroles. Va ! je te changerai mes cadeaux ; j'ai de quoi. De tous les objets d'art, qui sont en mon manoir, je m'en vais te donner le plus beau, le plus rare ; oui ! je veux te donner un cratère forgé, dont la panse est d'argent, les lèvres de vermeil. C'est l'œuvre d'Héphaestos : il me vient de Sidon, du seigneur Phaedimos, ce roi qui m'abrita dans sa propre demeure, quand je rentrais ici ; je veux qu'il t'appartienne...