Livre VI
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 ENTRETIENS D’HECTOR ET D’ANDROMAQUE.

 
es Troyens et les   Grecs restent  seuls  livrés   à leur propre fureur. Le combat s'étend de toutes parts dans la plaine, et les guerriers se lancent des javelots d'airain entre les rives du Xanthe et du Simoïs.
 
Bellérophon immole Chimère

 Mais quand la divine Aurore eut ramené le dixième, jour, le roi de la Lycie interrogea son hôte et lui demanda les tablettes que lui avait données Prétus ; puis il lui ordonna d'immoler l'invincible Chimère, qui est issue des dieux et non des mortels : elle avait la tête d'un lion, la queue d'un dragon, le corps d'une chèvre sauvage, et elle vomissait avec bruit des flammes dévorantes. Bellérophon, obéissant aux signes envoyés par la déesse, extermina cet épouvantable monstre ;  

 
Priére des troyennes à Athéna

 Quand elles sont arrivées au temple de Minerve, sur le sommet de la citadelle, la belle Théano, fille de Cissée, et femme du vaillant Anténor, leur ouvre les portes du sanctuaire : les Troyens l'avaient établie prêtresse de Minerve. Alors les femmes poussent des cris de détresse et élèvent leurs mains vers la divine Pallas. Théano  prend le voile, le dépose  sur  les genoux de Minerve à la belle chevelure, et implore en ces termes la fille du puissant Jupiter :

        

 
Les lamentations d'andromaque

       « Infortuné, ton courage finira par te perdre ! Tu n'as donc pas pitié de ce jeune enfant, ni de moi, malheureuse femme, qui serai bientôt veuve ? Sans doute les Achéens t'arracheront la vie en se précipitant sur toi ! Hector, si je devais te perdre, il vaudrait mieux pour moi que je descendisse dans les profondeurs de la terre ; car, lorsque tu auras cessé de vivre, rien ne pourra me consoler, et il ne me restera plus que la douleur ! J'ai perdu mon père et ma vénérable mère : — le divin Achille tua mon père et ravagea la populeuse ville des Ciliciens, Thèbes aux portes élevées ; Achille, retenu par une pieuse crainte, n'osa point dépouiller mon père de son armure ; il brûla son corps avec ses belles armes, et il lui éleva une tombe qu'entourèrent d'ormeaux les nymphes des montagnes, filles du redoutable Jupiter. J'avais aussi sept frères ; mais ils descendirent le même jour dans les sombres demeures : ils furent tous exterminés par l'impétueux Achille tandis qu'ils faisaient paître dans les campagnes leurs bœufs à la marche pénible et leurs blanches brebis.  

 

Ma mère, qui régnait au pied du mont Placion ombragé de forêts, fut conduite par Achille sur ce rivage avec toutes ses richesses ; et le héros ne lui rendit la liberté qu'après avoir reçu d'elle une forte rançon. Mais lorsqu'elle fut rentrée dans le palais de son époux, elle périt, frappée par les flèches de Diane. — Hector, tu es tout pour moi, père et frères puisque tu es mon jeune époux ! Prends donc pitié de moi, et reste au sommet de cette tour, si tu ne veux point rendre ton épouse veuve et ton enfant orphelin ! Place tes soldats sur la colline des Figuiers : c'est là que la ville est accessible à l'ennemi et que nos remparts peuvent être aisément franchis. Les plus braves des Achéens, les deux Ajax, l'illustre Idoménée, les Atrides et le vaillant fils de Tydée, ont déjà tenté trois fois d'escalader ces murs, soit par les conseils de quelques devins, soit qu'ils y aient été poussés par leur propre courage.»

 

Allons, Pâris, volons au combat. J'espère que tout sera réparé le jour où,  après avoir repoussé loin des plaines d'Ilion les Achéens aux belles cnémides, Jupiter nous permettra d'offrir dans nos demeures la coupe de la liberté aux éternels habitants de l'Olympe. »