Le désespoir de Pénélope
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Bareste (1843)    

La chaste Pénélope se réveille ; elle s'assied sur sa couche moelleuse et se met à répandre des pleurs ; quand ses larmes sont épuisées, elle adresse cette prière à la divine Artémise :

    « 0 Diane, vénérable déesse, fille de Jupiter, frappe-moi de tes flèches rapides pour m'arracher la vie, ou permets que les violentes tempêtes m'emportent au milieu des airs et me rejettent ensuite dans les flots de l'Océan ! — Ainsi les tempêtes enlevèrent les filles de Pandarée, après que les dieux eurent exterminé leurs parents, et ces jeunes filles restèrent orphelines dans le palais de leurs aïeux ; la blonde Vénus les nourrit de lait, de miel et de vin délectable ; l'auguste Junon leur donna la beauté et la sagesse, la chaste Diane une taille majestueuse, et l'illustre Minerve tous les talents. Lorsque Vénus se rendit dans le vaste Olympe pour demander au puissant Jupiter que ces orphelines goûtassent enfin les douceurs de l'hyménée (car le dieu qui se plaît à lancer la foudre connaît toutes choses, et il règle à son gré le bonheur ou le malheur des humains ), alors les Harpies enlevèrent les filles de Pandarée et les livrèrent aux odieuses Furies pour être  leurs esclaves.— Que les dieux habitants de l'Olympe m'enlèvent ainsi, ou que Diane à la belle chevelure me frappe de ses douces flèches, afin que j'aille rejoindre mon époux au sein de la terre et que je ne sois point la femme d'un homme inférieur au divin Ulysse ! Le malheur est supportable quand, le cœur accablé de tristesse, on pleure tout le jour, et que pendant la nuit on goûte le doux sommeil qui nous fait oublier la joie et la douleur une fois qu'il a fermé nos paupières ; mais une divinité funeste me poursuit, moi, jusque dans mes songes ! Cette nuit encore, il m'est apparu un héros semblable à mon époux lorsqu'il partit pour Ilion avec ses guerriers ; à cette vue mon cœur  s'est rempli de joie, car je pensais que ce n'était point un songe.»