Combat entre Ulysse et Iros
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Bareste (1843)    

    Il dit, et tous les prétendants applaudissent. — Ulysse se forme aussitôt une ceinture avec ses haillons ; il laisse voir ses belles cuisses, fortes et nerveuses, ses larges épaules, sa poitrine et ses bras vigoureux. Minerve accourt auprès de ce héros et rehausse encore la beauté de ses membres. Tous les prétendants sont alors frappés d'admiration, et ils se disent :

    « Irus, notre messager, ne le sera bientôt plus : car ce vieillard nous montre sous ses sales haillons des membres vigoureux et forts. »  

    Tels sont leurs discours. — L'âme d'Irus est violemment agitée.

    Des esclaves entourent d'une ceinture le corps de ce mendiant, et ses membres frissonnent. Antinoüs l'accable d'injures et lui dit :

    « Vil fanfaron, tu n'aurais jamais vivre, ni même voir la lumière, puisque tu trembles de crainte et que tu redoutes ce vieillard brisé par l'âge et par les malheurs ! Je te le déclare, et mes paroles s'accompliront : si cet étranger est ton vainqueur, je te jetterai dans un sombre navire et je t'enverrai au roi Échétus, le fléau des hommes, qui te coupera le nez et les oreilles, t'arrachera les signes de la virilité et les donnera tout palpitants aux chiens pour être leur pâture ! »

    A cette menace, une grande frayeur agite les membres d'Irus. — On conduit le mendiant au milieu de l'assemblée, et les deux combattants lèvent leurs bras. — Le divin Ulysse se demande s'il frappera mortellement son adversaire, ou s'il ne fera seulement que l'étendre à ses pieds : il lui semble plus sage de ne lui porter que de faibles coups, afin de n'être pas reconnu des Achéens. — Irus, le premier, lance un coup de poing et atteint Ulysse à l'épaule droite ; mais celui-ci le frappe à son tour derrière l'oreille et lui brise les os du cou : soudain un sang noir jaillit de la bouche d'Irus. Le mendiant tombe en mugissant dans la poussière ; ses dents s'entre-choquent et ses pieds s'agitent convulsivement sur la terre. Alors, tous les prétendants, les mains élevées, partent d'un grand éclat de rire. Ulysse prend Irus par les pieds et l'entraîne hors du palais ; il le place contre le mur de la cour, tout près des portes, lui remet un bâton, et lui dit :

« Reste là pour écarter les chiens et les porcs, et ne prétends plus être le roi des étrangers et des pauvres, toi qui n'es qu'un misérable mendiant, si tu ne veux pas qu'il t'arrive encore de plus grands malheurs. »