Iros insulte Ulysse
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Bareste (1843)    

n ce moment arrive un mendiant connu de tout le peuple d'Ithaque, et qui était devenu fameux par sa voracité : il mangeait et buvait sans cesse. Quoiqu'il fût de haute taille, il n'avait aucune force, aucune vigueur ; il s'appelait Arnée : sa mère lui donna ce nom lorsqu'il vint au monde ; mais tous les jeunes gens le nommaient Iras, parce qu'il portait leurs messages. Irus, à son arrivée, veut chasser Ulysse du palais ; il l'accable d'outrages et lui dit :

  « Fuis de ce portique, misérable vieillard, si tu ne veux pas que je te jette dehors en te traînant par les pieds ! Ne t'aperçois-tu pas que tous les prétendants me font signe de te chasser ? Cependant,  j'hésite encore.  Retire-toi donc, ou nous allons en venir aux mains. »

    L'intrépide Ulysse, lui jetant un regard courroucé, lui répond :

    « Misérable, je ne t'ai jamais fait ni dit aucune injure, et maintenant je ne suis même pas jaloux des présents nombreux que l'on te fait. Comme ce seuil est assez grand pour nous deux, n'envie point le bien des autres ; car tu n'es qu'un mendiant comme moi. — La richesse vient des dieux. — Ne me provoque pas au combat, ne m'irrite point davantage, si tu ne veux pas que j'ensanglante et ta bouche et ta poitrine ! Je serais bien sûr alors de goûter le repos en ces lieux ; car je pense que tu ne voudrais plus revenir dans le palais d'Ulysse, fils de Laërte. »

    Irus, tout courroucé des paroles du héros, s'écrie :

    « Grands dieux ! avec quelle volubilité parle ce glouton ! On dirait d'une vieille femme qui n'a jamais quitté son foyer ! — Si je voulais me venger, je le frapperais de mes deux mains, je lui ferais sortir toutes les dents de la mâchoire comme à un sanglier qui ravage les moissons! — Maintenant prends ta ceinture et que ces héros soient témoins de notre lutte. Mais oseras-tu te battre avec un homme plus jeune que toi ? »