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ce moment arrive un mendiant connu
de tout le peuple
d'Ithaque, et qui était devenu
fameux par sa voracité : il mangeait et buvait sans
cesse. Quoiqu'il fût de
haute taille, il n'avait aucune force, aucune
vigueur ; il s'appelait Arnée
: sa mère lui donna ce nom
lorsqu'il vint au monde ; mais tous les jeunes gens le nommaient Iras,
parce qu'il portait
leurs messages. Irus, à son arrivée, veut chasser Ulysse du palais ;
il l'accable d'outrages et
lui dit :
«
Fuis de ce portique, misérable vieillard, si tu ne veux pas que je te jette dehors en te traînant par les pieds ! Ne t'aperçois-tu
pas que tous les prétendants me font signe de te chasser ? Cependant,
j'hésite encore. Retire-toi
donc, ou nous allons en venir
aux mains. »
L'intrépide
Ulysse, lui
jetant un regard courroucé, lui répond
:
«
Misérable, je ne t'ai jamais fait ni dit aucune injure, et maintenant
je ne suis même pas jaloux des présents nombreux que l'on
te fait. Comme ce seuil est assez grand pour nous deux, n'envie point
le bien des autres ; car tu n'es qu'un mendiant comme
moi. — La richesse vient des dieux. — Ne me provoque pas au
combat, ne m'irrite point davantage, si tu ne veux pas que
j'ensanglante et ta bouche et ta poitrine ! Je serais bien sûr alors
de goûter le repos en ces lieux ; car je pense que tu ne voudrais
plus revenir dans le palais d'Ulysse, fils de Laërte. »
Irus,
tout courroucé des paroles du héros, s'écrie :
«
Grands dieux ! avec quelle volubilité parle ce glouton ! On dirait
d'une vieille femme qui n'a
jamais quitté son foyer ! — Si je
voulais me venger, je le frapperais de mes deux mains, je
lui ferais
sortir toutes les dents de la mâchoire comme à un sanglier
qui ravage les moissons! — Maintenant prends ta ceinture
et que ces héros soient témoins de notre lutte. Mais oseras-tu te battre avec un homme plus jeune que toi ? »