Acostage de Télémaque à Ithaque
Remonter

   
     
     
     
Bareste (1843)    

Pendant ce temps les compagnons de Télémaque touchent au rivage, détachent les voiles, abaissent le mât et amènent à force de rames le vaisseau dans le port ; ils jettent les ancres, les attachent avec des câbles ; puis ils descendent eux-mêmes sur les bords de la mer, ils préparent le repas et mêlent dans le cratère un vin aux sombres couleurs. Quand ils ont chassé la faim et la soif, le prudent Télémaque leur adresse ces paroles :

    « Mes amis, conduisez le navire près de la ville. Je vais aller visiter les champs et les pasteurs. Ce soir, après avoir examiné tous les travaux, je retournerai dans la cité. Demain, au lever de l'Aurore, je vous offrirai un splendide festin, où les viandes et le vin seront en abondance. »

    Le divin Théoclymène lui répond aussitôt :

    « Mon cher fils, où dois-je aller ? Irai-je dans la demeure de ceux qui règnent à Ithaque, ou bien me rendrai-je directement dans ton palais, auprès de ta mère ? »

     Le sage Télémaque lui dit :

    « Dans tout autre temps je t'inviterais à venir dans ma maison, et les dons de l'hospitalité ne te manqueraient point. Mais maintenant ce parti ne serait point prudent. Je ne suis pas dans ma demeure; et ma mère ne pourrait t'y recevoir, puisqu'elle ne paraît jamais devant les prétendants : la noble Pénélope tisse une toile dans les appartements les plus élevés du palais. Eurymaque, fils illustre de Polybe, et que tous les citoyens d'Ithaque honorent comme un dieu, pourra te donner l'hospitalité ; il est le plus vaillant de tous les prétendants, et il désire surtout épouser ma mère et jouir des dignités d'Ulysse. Mais Jupiter, qui habite les régions éthérées, sait déjà si cet hymen doit s'accomplir avant que le jour fatal ne les atteigne tous ! »

    En achevant ces paroles il voit voler à sa droite un vautour rapide, messager d'Apollon ; ce vautour tient dans ses serres une jeune colombe : il lui arrache les plumes et les répand à terre entre Télémaque et le navire, Théoclymène appelant à l'écart le jeune héros lui prend la main et dit :

    « Télémaque, ce n'est point sans la volonté des dieux que cet oiseau vient de voler à notre droite ; en le contemplant attentivement je l'ai aussitôt reconnu pour être un présage favorable. Non, il n'est point dans Ithaque de race plus royale que la vôtre, et vous serez toujours les plus puissants ! »

    Télémaque lui répond par ces mots :

    « Cher étranger, que tes paroles s'accomplissent ! Alors tu connaîtras mon amitié par les dons nombreux que tu recevras de moi, et tous les hommes que tu rencontreras envieront ton bonheur. »

    Puis s'adressant à Pirée, son ami fidèle, il lui dit :

    « Pyrée , fils de Clytius, de tous les compagnons qui m'ont suivi à Pylos c'est toi seul qui as montré le plus de zèle. Conduis donc maintenant Théoclymène dans ta maison et donne-lui l'hospitalité jusqu'à ce que je revienne. »

    Pirée, illustre par les exploits de sa lance, reprend à l'instant :

    « Cher Télémaque, lors même que tu resterais longtemps hors de ta demeure, je prendrai toujours soin de ce voyageur ; certes il n'aura, pas à regretter les dons de l'hospitalité. »

    Pirée monte dans le navire et commande à ses compagnons de délier les câbles ; tous s'embarquent aussitôt et se placent sur les bancs. — Télémaque attache à ses pieds de riches brodequins et il prend sur le tillac du navire une forte lance terminée par une pointe d'airain. — Les nautonniers gagnent la haute mer et se dirigent vers la ville, comme l'avait ordonné le fils chéri d'Ulysse. — Télémaque s'éloigne à grands pas et marche jusqu'à ce qu'il atteigne la bergerie où sont les porcs nombreux près desquels est endormi le noble pasteur plein de zèle pour ses maîtres.