Théoclyméne demande le passage
Remonter

   
     
     
     
Bareste (1843)    

Les compagnons de Télémaque s'empressent d'obéir à cet ordre ; ils entrent dans le navire et se placent sur les bancs de rameurs. Le fils d'Ulysse, après avoir terminé tous les préparatifs, offre des sacrifices à la divine Minerve. En ce moment un devin étranger, qui avait fui d'Argos pour avoir commis un meurtre, se présente à Télémaque : il descendait de la famille de Mélampus, de ce héros qui jadis vécut à Pylos féconde en brebis. Mélampus était riche et il résidait parmi les Pyliens, dans un magnifique palais ; mais il quitta sa patrie pour fuir Nélée qui lui ravit de grands biens et le retint par force, chez lui, durant une année. Mélampus, à cause de la fille de Nélée et d'une pensée coupable que lui inspira la terrible déesse Érinnys, fut chargé de liens pesants dans les demeures de Phylacus ; cependant il évita la mort. Mélampus conduisit de Phylace à Pylos les bœufs mugissants, se vengea des cruels traitements de Nélée, et amena dans le palais de son frère une jeune femme. Il se retira ensuite chez des peuples étrangers et vint dans Argos fertile en coursiers ; son destin était d'habiter en ces lieux pour régner sur les nombreux Argiens. Là il se choisit une épouse, se fit bâtir une superbe demeure, et eut deux fils vaillants, Antiphate et Mantius. Antiphate engendra le magnanime Oïclée ; d'Oïclée naquit Amphiaraüs, agitateur des peuples, qui fut tendrement chéri par Apollon et par Jupiter ; mais il n'atteignit point au terme d'une longue vieillesse, à cause des présents qu'accepta son épouse ; de lui naquirent deux fils, Alcméon et Amphiloque. Mantius engendra Polyphide et Clytus ; l'Aurore enleva Clytus pour sa beauté afin qu'il fut placé au milieu des immortels ; Apollon rendit Polyphide le plus célèbre de tous les devins après la mort d'Amphiaraüs. Polyphide, irrité contre son père, se retira dans l'Hypérésie , où il se mit à prédire l'avenir à tous les hommes.

    Le fils de ce devin, nommé Théoclymène, s'approche en ce moment de Télémaque ; il trouve le jeune héros faisant des libations et priant sur son rapide navire. Alors Théoclymène adresse ces paroles au fils d'Ulysse :

    « Ami, puisque je te rencontre offrant des sacrifices aux dieux, je te conjure par ces holocaustes, par les divinités que tu implores, et plus encore par ton propre salut et par celui de les compagnons, de me dire sincèrement la vérité. Qui es-tu ? Quels peuples viens-tu de quitter  Quelle est ta ville et quels sont tes parents ? »

    Le prudent Télémaque lui répond aussitôt :

    « Étranger, je te parlerai sans détour. Je suis né dans Ithaque ; Ulysse est mon père ; il le fut autrefois du moins, car maintenant il a péri d'une mort déplorable ! Je suis venu sur ce navire avec mes compagnons pour connaître le sort de mon père absent depuis si longtemps. »

    Le devin Théoclymène lui répond en ces termes :

    « Moi aussi, j'ai quitté ma patrie pour avoir tué un de mes concitoyens ; ses frères et ses amis ont une grande puissance sur les Achéens dans la fertile Argos, et moi je fuis loin d'eux pour éviter un trépas funeste. Mon sort est maintenant d'errer parmi les hommes ! Reçois-moi dans ton navire, puisqu'on me poursuit et que je t'implore. »