Les compagnons de Télémaque s'empressent d'obéir à cet ordre ; ils
entrent dans le navire et se placent sur les bancs de rameurs. Le
fils d'Ulysse, après avoir terminé tous les préparatifs, offre des sacrifices
à la divine Minerve. En ce moment un devin étranger, qui avait fui
d'Argos pour avoir commis un meurtre, se présente à
Télémaque : il descendait de la famille de Mélampus, de ce héros qui
jadis
vécut à Pylos féconde en brebis.
Mélampus était riche et il résidait parmi les Pyliens, dans un
magnifique palais ; mais il quitta sa patrie pour fuir Nélée qui lui ravit de grands biens et le
retint par force, chez lui, durant une année. Mélampus, à cause de
la fille de Nélée et d'une pensée coupable que lui inspira la
terrible
déesse Érinnys, fut chargé de liens pesants dans les demeures de Phylacus ; cependant il évita la mort. Mélampus conduisit de Phylace
à Pylos les bœufs mugissants, se vengea des cruels traitements
de Nélée, et amena dans le palais de son frère une jeune femme. Il se retira ensuite chez des peuples étrangers et vint dans Argos
fertile en coursiers ; son destin était d'habiter en ces lieux pour
régner sur les nombreux Argiens. Là il se choisit une épouse, se
fit bâtir une superbe demeure, et eut deux fils vaillants, Antiphate
et Mantius. Antiphate engendra le magnanime Oïclée ; d'Oïclée
naquit Amphiaraüs, agitateur des peuples,
qui fut tendrement chéri par Apollon et par Jupiter ; mais il n'atteignit point au
terme d'une longue vieillesse, à cause des présents qu'accepta son
épouse ; de lui naquirent deux fils, Alcméon et Amphiloque. Mantius engendra Polyphide et Clytus ; l'Aurore enleva Clytus pour
sa beauté afin qu'il fut placé au milieu des immortels ; Apollon
rendit Polyphide le plus célèbre de tous les devins après la mort d'Amphiaraüs. Polyphide, irrité contre son père, se retira dans
l'Hypérésie , où il se mit à prédire l'avenir à tous les hommes.
Le fils de ce devin,
nommé Théoclymène, s'approche en ce
moment de Télémaque
; il trouve le jeune héros faisant des libations et
priant sur son rapide navire. Alors Théoclymène adresse
ces paroles au fils d'Ulysse :
«
Ami, puisque je te rencontre offrant des sacrifices aux dieux,
je te
conjure par ces holocaustes, par les divinités que tu implores,
et plus encore par ton propre salut et par celui de les compagnons, de
me dire sincèrement la vérité.
Qui es-tu ? Quels peuples viens-tu de quitter
Quelle est ta ville et quels sont
tes
parents ? »
Le
prudent Télémaque lui répond aussitôt :
«
Étranger, je te parlerai sans détour. Je suis né dans Ithaque ; Ulysse
est mon père ; il le fut autrefois du moins, car maintenant
il a péri d'une mort déplorable ! Je suis venu sur ce navire avec mes compagnons pour connaître le sort de mon père absent depuis
si longtemps. »
Le
devin Théoclymène lui répond en ces termes :
«
Moi aussi, j'ai quitté ma
patrie pour avoir tué un de mes concitoyens ; ses frères et ses amis ont une grande puissance
sur
les Achéens dans la fertile
Argos, et moi je fuis loin d'eux pour
éviter un trépas funeste.
Mon sort est maintenant d'errer parmi les
hommes ! Reçois-moi dans
ton navire, puisqu'on me poursuit et
que je t'implore. »