Assemblée chez les Phéaciens
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Bareste (1843)    

es que la matinale Aurore aux doigts de rosé a brillé dans les cieux, le puissant Alcinoüs sort de son lit. Le divin Ulysse, le destructeur des villes, abandonne aussi sa couche ; alors le roi des Phéaciens marche le premier pour se rendre auprès des vaisseaux, dans le lieu où se tiennent les assemblées publiques. Quand Ulysse et Alcinoüs y sont arrivés, ils s'asseyent l'un près de l'autre sur des sièges de marbre. — Minerve-Pallas, méditant un retour heureux au magnanime Ulysse, parcourt la ville sous les traits d'un héraut d'Alcinoüs, et elle adresse ces paroles à tous ceux qu'elle rencontre :

    « Princes et chefs des Phéaciens, rendez-vous à l'assemblée afin d'entendre parler du voyageur récemment arrivé dans le royal palais. Cet étranger, qui par sa taille est semblable aux immortels, a longtemps erré sur la mer. »

    En parlant ainsi, la déesse émeut le cœur du peuple. Bientôt toutes les places, tous les sièges sont occupés par des hommes qui s'empressent d'accourir; et chacun contemple avec admiration le prudent fils de Laërte. Minerve, qui avait répandu une grâce divine sur la tête et sur les épaules du héros, le fait paraître plus majestueux et plus fort : elle voulait qu'il obtînt l'affection des Phéaciens, qu'il leur semblât respectable et terrible, et qu'il triomphât dans tous les jeux où ces peuples devaient éprouver son courage et son adresse. Quand ils sont assemblés, Alcinoüs leur parle en ces termes :

    « Écoutez-moi, princes et chefs des Phéaciens. Cet étranger, que je ne connais point, est venu dans ma demeure après avoir erré longtemps sur les flots ; j'ignore s'il vient de visiter les peuples de l'Occident ou de l'Orient, mais il demande à quitter cette île ; il nous supplie de le ramener heureusement dans sa chère patrie : ainsi agissons selon notre coutume, et servons-lui de guides. Jamais aucun étranger, même dans ma demeure, n'eut longtemps à gémir en attendant son départ. — Lancez donc à la mer un de nos meilleurs navires sombres ; choisissez parmi le peuple cinquante-deux jeunes gens, ceux qui se sont toujours montrés les plus habiles ; puis, lorsque vous aurez attaché les rames sur les bancs du vaisseau, venez dans mon palais pour y apprêter promptement le splendide repas que je veux vous offrir : tels sont les ordres que je donne aux plus jeunes. Quant à vous, princes décorés du sceptre, venez dans mes riches demeures afin que nous recevions dignement et avec amitié ce noble voyageur ; qu'aucun de vous ne refuse de s'y rendre. Appelez aussi le divin Démodocus, ce chantre à qui les dieux donnèrent la voix pour nous charmer par de tendres accents. »

    A ces mots Alcinoüs se lève et sort de l'assemblée : les princes suivent ses pas, et un héraut se rend auprès du divin chanteur. Selon l'ordre du roi, les cinquante-deux jeunes gens se dirigent vers le rivage ; quand ils y sont arrivés, ils lancent à la mer un sombre navire ; ils dressent le mât, apportent les voiles, passent les rames dans les anneaux de cuir et disposent tout selon l'usage ; puis ils déploient les blanches voiles. Ces jeunes rameurs conduisent le navire dans les plaines humides, et ils reviennent ensuite au palais du sage Alcinoüs. Les cours, les portiques et les salles sont remplis d'hommes ( les jeunes gens et les vieillards y sont en foule). Alcinoüs immole douze brebis, égorge huit porcs aux dents blanches et aiguës, et assomme deux bœufs à la marche pénible. Aussitôt on dépouille les victimes, et l'on prépare avec soin un délicieux festin.