Appareillage de Télémaque
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Bareste (1843)    

Minerve, la déesse aux yeux d'azur, conçoit un nouveau projet. Sous les traits de Télémaque elle parcourt la ville entière, adresse la parole à chaque homme qu'elle rencontre, et lui ordonne de se rendre vers le soir sur un navire rapide ; puis elle demande un vaisseau léger à Noémon, fils illustre de Phronius, qui le lui accorde aussitôt.

    Quand le soleil est couché et que toutes les rues sont enveloppées dans l'ombre, Minerve lance l'agile navire à la mer et dépose dans l'intérieur du bâtiment tous les agrès que portent les vaisseaux de long cours. Placée à l'extrémité du port, la déesse rassemble autour d'elle, en les excitant, tous les valeureux compagnons de Télémaque.

    Minerve, méditant encore un autre dessein, vole au palais du divin Ulysse, où elle trouve les prétendants faisant des libations ; elle répand un doux sommeil sur leurs yeux ; et aussitôt les coupes s'échappent de leurs mains. Ils se dispersent dans la ville et vont chercher le repos : ils ne l'attendent pas longtemps, car le sommeil avait appesanti leurs paupières. Alors Minerve, prenant la taille et la voix de Mentor, appelle ainsi le fils de Pénélope :

    « Télémaque, tes compagnons aux belles cnémides sont assis sur les bancs des rameurs et attendent tes ordres. Allons, et ne différons pas notre départ. »

    En parlant ainsi, Minerve-Pallas précède rapidement Télémaque, et ce héros suit les pas de la déesse. Dès qu'ils sont près du vaisseau, ils trouvent sur le rivage leurs compagnons à la longue chevelure ; et Télémaque leur adresse la parole en ces termes :

      « Hâtons-nous, amis, apportons les provisions : elles sont déjà toutes rassemblées dans ce palais Ma mère et ses suivantes ne savent rien ; une seule, cependant, est instruite de mon projet. »

     A ces mots, il précède ses compagnons, et ceux-ci s'empressent de le suivre. On apporte les provisions et on les dépose dans le vaisseau, comme l'avait ordonné le fils chéri d'Ulysse. Télémaque s'embarque ; Minerve, qui le conduit, s'assied vers la poupe, et le jeune héros se place à ses côtés. Les câbles sont déliés, et les rameurs, montant à leur tour, se rangent sur les bancs. Minerve aux yeux d'azur leur envoie aussitôt un vent favorable, et le Zéphyr souffle avec impétuosité sur la mer obscure et retentissante. Télémaque, excitant ses compagnons, leur ordonne d'appareiller : ceux-ci obéissent à sa voix. Ils élèvent le mât, le placent dans le creux profond qui lui sert de base, l'affermissent avec des cordes et déploient les blanches voiles que retiennent de fortes courroies. Le vent souffle bientôt au milieu de la voile : la vague azurée retentit de toutes parts autour de la carène du navire qui s'avance et vole sur les flots en sillonnant les plaines liquides. Dès que les agrès du navire sont attachés, on remplit les coupes de vin ; on offre des libations aux dieux éternels, et surtout à la fille de Jupiter, la déesse aux yeux d'azur. Durant la nuit entière, et jusqu'au matin, le vaisseau vogue sur les ondes.