Minerve, la déesse aux yeux d'azur,
conçoit un nouveau projet.
Sous les traits de Télémaque elle parcourt la ville entière, adresse
la parole à chaque homme qu'elle rencontre, et lui ordonne de se rendre vers le soir sur un navire rapide ; puis elle
demande un vaisseau léger à Noémon, fils illustre de Phronius, qui
le lui accorde aussitôt.
Quand le soleil est couché et que toutes les rues sont enveloppées
dans l'ombre, Minerve lance l'agile navire à la mer et dépose
dans l'intérieur du bâtiment tous les agrès que portent les
vaisseaux de long cours. Placée à l'extrémité du port, la déesse rassemble
autour d'elle, en les excitant, tous les valeureux compagnons
de Télémaque.
Minerve, méditant encore un autre dessein, vole au palais du divin
Ulysse, où elle trouve les prétendants faisant des libations ; elle
répand un doux sommeil sur leurs yeux ; et aussitôt les coupes s'échappent
de leurs mains. Ils se dispersent dans la ville et vont chercher
le repos : ils ne l'attendent pas longtemps, car le sommeil
avait appesanti leurs paupières. Alors Minerve, prenant la
taille et la voix de Mentor, appelle ainsi le fils de Pénélope :
« Télémaque, tes compagnons aux belles cnémides sont assis sur
les bancs des rameurs et attendent tes ordres. Allons, et ne différons
pas notre départ. »
En parlant ainsi, Minerve-Pallas précède rapidement Télémaque,
et ce héros suit les pas de la déesse. Dès qu'ils sont près
du vaisseau, ils trouvent sur le rivage leurs compagnons à la longue
chevelure ; et Télémaque leur adresse la parole en ces
termes :
«
Hâtons-nous, amis, apportons les provisions : elles sont déjà toutes
rassemblées dans ce palais Ma mère et ses suivantes ne savent rien ; une
seule, cependant, est instruite de mon projet.
»
A
ces mots, il précède ses compagnons, et ceux-ci s'empressent
de le suivre. On apporte les provisions et on les dépose dans le
vaisseau,
comme l'avait
ordonné le fils chéri d'Ulysse. Télémaque
s'embarque ; Minerve, qui le conduit, s'assied vers la poupe,
et le jeune héros se place à ses côtés. Les câbles sont déliés,
et les rameurs, montant à leur tour, se rangent sur les bancs.
Minerve aux yeux d'azur leur
envoie aussitôt un vent favorable,
et le Zéphyr souffle avec impétuosité sur la mer obscure et
retentissante. Télémaque, excitant ses compagnons, leur ordonne d'appareiller : ceux-ci obéissent à sa voix. Ils élèvent le mât,
le placent dans le creux profond qui lui sert de base, l'affermissent
avec des
cordes et déploient les blanches voiles que retiennent de fortes
courroies. Le vent souffle bientôt au milieu de la voile : la vague azurée
retentit de toutes parts autour de la carène
du navire qui s'avance et vole sur les flots en sillonnant les plaines
liquides. Dès que les agrès du navire sont attachés, on
remplit les coupes de vin ;
on offre des libations aux dieux éternels,
et surtout à la fille de Jupiter, la déesse aux yeux d'azur. Durant
la nuit entière, et jusqu'au matin, le vaisseau vogue sur les ondes.