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Dacier
( 1711 revu en 1882) |
Bitaubé (1764) |
Elle n’eut pas plus tôt disparu,
qu’Achille s‘emporta encore contre Agamemnon, et lui dit les injures les
plus atroces qui lui vinrent dans la bouche.
« Insensé, lui dit il, à qui les fumées
du vin troublent la raison, qui as l'impudence d'un chien dans les yeux,
et la timidité d'un cerf dans le cœur, tu n'as jamais eu le courage de
prendre les armes pour paraître à la tête de tes troupes un jour de
combat, ni pour aller en embuscade avec les plus vaillants des Grecs;
car tu crois voir partout la mort à tes trousses. Il vaut bien mieux
courir par tout le camp, et ravir le bien de ceux qui ont l'audace de te
contredire. Roi qui te nourris du sang de ton peuple, parce que tu
commandes à des lâches... Car si tu commandais à des hommes, fils
d'Atrée, tu nous aurais outragés aujourd'hui pour la dernière fois. Mais
j'ai une chose te dire, et je te la confirmerai par serment. Je te jure
donc par ce sceptre, qui, depuis qu'il a été séparé du tronc de l'arbre
qui l'a produit sur les montagnes, ne pousse plus de feuilles ni de
rameaux, et ne reverdit plus, depuis que le fer l'a dépouillé de ses
feuilles et de son écorce; je te jure, dis-je, par ce sceptre que
portent présentement dans les mains ceux des Grecs à qui Jupiter a
confié les lois et la justice (et c'est le plus grand serment que je
puisse faire); un jour viendra que les Grecs auront grand besoin
d'Achille, et que tu ne pourras les secourir, quelque douleur qui te
dévore, lorsque tu les verras tomber sous les coups de l'homicide Hector
; ce sera pour lors que tu sentiras tes entrailles déchirées, et que tu
auras de cuisants remords de n'avoir pas mieux traité le plus vaillant
des Grecs. »
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Achille
aussitôt, ne pouvant étouffer sa colère, adresse au fils d’Atrée
ces paroles outrageantes :
-O
toi dont l’ivresse trouble la raison , qui a l’œil impudent du
dogue, mais le cœur de la biche timide ; non tu n’eus jamais le
courage de t’armer avec les troupes pour le combat, ni de te placer en
embuscade avec les plus illustres chefs de l’armée ; tu
craindrais d’y trouver la mort. Il t’est sans doute plus facile de
dépouiller de sa récompense dans le vaste camp des Grecs celui qui ose
te contredire. Roi qui dévore tes peuples, si tu commandais à des
lâches, ce serait là ta dernière insolence. Mais je te déclare, et j’en
fais un serment terrible, je jure par ce sceptre, qui séparé de son
tronc sur les montagnes, dépouillé par le fer de son feuillage, ne
poussera plus de rameaux, et ne fleurira plus, mais que portent
maintenant dans leurs mains les juges de la Grèce, gardiens sacrés des
lois de Jupiter, serment terrible pour toi ; je jure qu’un jour
tous les Grecs désireront la présence d’Achille ; tu ne
pourras, quoique pénétré de douleur, les secourir quand ils tomberont
en foule expirans sous les coups du furieux Hector. Alors , livré à
d’inutiles remords, tu déchireras ton cœur, désespéré d’avoir couvert
d’ignominie le plus vaillant des Grecs |
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Dubois de Rochefort ( 1766) |
Il dit, remet
son glaive, & Pallas satisfaite
Va
rejoindre les Dieux au sein de leur retraite ;
Tandis
que déchaînant son indignation,
Achille,
par ces mots, outrage Agamemnon.
»
Roi, d'orgueil enivré, dont l'audace perfide
»
Joint aux yeux d'un lion le cœur d'un cerf timide.
»
Toi, qu'on ne vit jamais dans le champ des combats,
»
T'exposer avec nous & guider tes Soldats,
»
Lâche,
tu crains la mort, & le danger t'étonne ;
»
Ah !
sans doute, il vaut mieux, tranquille sur ton trône,
»
Nous
laissant, pour toi seul, voler à l'ennemi,
»
Dans
tes ressentimens dépouiller un ami.
»
Tyran,
qui te nourris du sang de tes esclaves,
»
Tu
vois leur lâcheté, sans crainte tu les braves ;
»Si
de l'honneur encor ils connoissoient les droits,
»
Tu
les aurois bravés pour la dernière fois.
»
Mais entends le serment que prononce ma bouche
»
Par
ce sceptre sacré, ce sceptre que je touche,
»
Que l'airain aiguisé, jadis dans les forêts
»
De sa tige féconde arracha pour jamais,
»
Et qui, dans cet état, privé de nourriture,
»
Ne reproduira plus ni rameaux, ni verdure,
»
Par ce Sceptre, aujourd'hui l'ornement de mes mains,
»
Je jure, et mes sermens ne deviendront pas vains,
»
Qu'un jour les Grecs, saisis d'un regret inutile,
»
Ecrasés par Hector, appelleront Achille ;
»
Sous tes yeux désolés, tu les verras périr,
»
En vain ton foible bras voudra les secourir ;
»
Déchiré de remords, tu pleureras l'outrage
»
Qu'au plus vaillant des Grecs fit ton orgueil sauvage.
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Gin (1783) |
Dugas Montbel (1822) |
Cependant la fureur d'Achille s'exhale en reproches
amers contre le fils d'Atrée :
Ô roi, dont l'impudence égale la lâcheté, dit-il, cerf
timide dans le combat, téméraire harangueur dans
les festins quand le vin trouble ta raison jamais
on ne te vit endosser la cuirasse avec ton peuple
; jamais tu n'osas te joindre aux chefs de l'armée,
ni pour combattre, ni pour attendre l'ennemi dans
un défilé périlleux. Ton ame vile ne forme que
de honteux projets. Il te paroît plus doux d'enlever, à la vue des Grecs, la récompense d'un seul qui
ose te résister. Cruel tyran qui dévores la substance
de ton peuple, et triomphes de la foiblesse de
ceux sur lesquels tu exerces un injuste empire, fils d'Atrée, cette injure seroit la dernière que je recevrais
de toi, si l'ordre des dieux ne suspendoit ma
vengeance. Mais écoute le serment que je fais ; ce
serment terrible ne sera pas prononcé en vain: je
jure par ce sceptre, le plus redoutable serment des
rois ; car le droit de juger les hommes, de leur donner
des loix, de les défendre de l'oppression, est
un présent de Jupiter ; je jure par ce sceptre, symbole
de la justice que les rois doivent à leurs peuples,
qui ne porte ni feuilles ni branches, qui ne
fleurira plus, depuis que la cognée l'a frappé au sommet
des montagnes, que l’écorce qui le nourrissoit
en a été détachée : ainsi un jour viendra que les
enfants de la Grèce regretteront Achille ; leurs vœux,
leurs cris l'appelleront en vain ; ton ame sera déchirée,
les voyant tomber en foule sous le javelot
de l'homicide Hector ; et tu ne pourras les défendre.
Tu regretteras alors de n'avoir pas rendu au
plus courageux des Grecs l'honneur qui lui étoit dû.
Achevant ces mots, il rejette loin de lui le sceptre, orné de clous
d'or, qu'il tient dans ses mains, et
reprend le trône qu'il a quitté.
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Cependant Achille, toujours tourmenté par
la colère, adresse encore au fils d'Atrée ces paroles outrageantes :
«
Toi que l'ivresse égare, qui as à la fois les yeux d'un dogue et le cœur
d'une biche, jamais tu n'osas combattre à la tête des peuples, ni te
placer dans une embuscade
avec les chefs de l'armée ; ces périls
te semblent la mort. Sans doute, il est bien préférable de parcourir
le vaste camp des Grecs, et d'enlever sa récompense à celui qui ose te
contredire. Roi qui es le fléau du peuple, parce que tu commandes à
des lâches, tu m'auras outragé pour la dernière fois. Je le jure,
inviolable serment ! je jure par ce sceptre qui désormais ne poussera
ni rameaux ni feuillage, qui ne reverdira plus, depuis que, séparé du
tronc sur les montagnes, le fer l'a dépouillé de ses feuilles et de
son écorce ; par ce sceptre que portent aujourd'hui dans leurs mains
les fils des Grecs, chargés par Jupiter de maintenir les lois ; je
jure, et ce serment te sera funeste, que bientôt un grand désir de
retrouver Achille s'emparera de tous les Grecs, et toi, malgré ta
douleur, tu ne pourras les secourir, lorsqu'on foule ils tomberont
expirants sous les coups de l'homicide Hector. Alors, dans ta colère,
ton cœur sera déchiré pour avoir outragé le plus brave des Grecs. »
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Bareste (1843) |
Leconte de Lisle (1867) |
Achille, qui n'a
point encore dompté sa colère, adresse au fils
d'Atrée ces paroles outrageantes :
« Toi, que le
vin
abrutit, et qui as l'œil impudent du dogue
et le cœur timide du cerf, jamais tu n'eus le courage de combattre
à la tête des peuples et de te placer en embuscade avec les chefs
Achéens : tu craindrais d'y trouver la mort. Certes, il vaut mieux
parcourir l'immense armée des Grecs, et dépouiller celui qui ose
te contredire. Roi dévorateur des peuples, c'est parce que tu
commandes à des hommes sans valeur ; car sans cela, fils d'Atrée,
tu aurais fait aujourd'hui ta dernière insulte. Mais je le proclame
et
j'en
fais le serment ; je te jure sur
ce sceptre, qui désormais ne
produira ni feuilles ni rameaux, qui ne reverdira plus, depuis que,
séparé du tronc sur les montagnes, le fer l'a dépouillé de son
écorce ; par ce sceptre que portent maintenant dans leurs mains
les juges de la Grèce chargés par Jupiter de faire respecter les
lois ; serment terrible, car j'espère qu'un jour tous les Achéens
désireront la présence d'Achille, et que
toi,
malgré ta douleur, tu
ne pourras les secourir lorsqu'ils tomberont expirants sous les
coups de l'homicide
Hector. Alors, furieux, tu te déchireras la poitrine
pour
avoir
outragé le plus brave des Grecs. » |
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.
Et le Pèléide, débordant de colère,
interpella l'Atréide avec d'âpres paroles :
-Lourd de vin, œil de chien, cœur de cerf ! jamais tu n'as osé,
dans ton âme, t'armer pour le combat avec les hommes, ni tendre des
embuscades avec les princes des Akhaiens. Cela t'épouvanterait comme la
mort elle-même. Certes, il est beaucoup plus aisé, dans la vaste
armée Akhaienne, d'enlever la part de celui qui te contredit, Roi qui
manges ton peuple, parce que tu commandes à des hommes vils. S'il n’en
était pas ainsi, Atréide, cette insolence serait la dernière. Mais je
te le dis, et Je jure un grand serment : par ce sceptre qui ne produit
ni feuilles, ni rameaux, et qui ne reverdira plus, depuis qu'il a été
tranché du tronc sur les montagnes et que l'airain l'a dépouillé de
feuilles et d'écorce ; et par le sceptre que les fils des Akhaiens
portent aux mains quand ils jugent et gardent les lois au nom de Zeus,
je te le jure par un grand serment : certes, bientôt le regret
d'Akhilleus envahira tous les fils des Akhaiens, et tu gémiras de ne
pouvoir les défendre, quand ils tomberont en foule sous le tueur
d'hommes Hektôr ; et tu seras irrité et déchiré au fond de ton âme
d'avoir outragé le plus brave des Akhaiens.
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Millevoye (1822) |
Bignan
(1830) |
Mais
il n'est point éteint le courroux d'Eacide !
Son
insultante voix gourmande encore Atride :
«
Mortel audacieux et timide à la fois !
Mortel
ivre d'orgueil ! Parle, où sont tes exploits ?
Déployant
tour à tour la valeur et l'adresse,
A
quelques grands combats as-tu guidé la Grèce ?
Non.
Dévorer son peuple et frustrer ses rivaux.
Voilà
du roi des rois les glorieux travaux !
Vous
qu'il ose opprimer, Grecs ! sans votre indolence
Ce
jour eût éclaire sa dernière insolence ;
Mais
j'en fais le serment formidable et sacré :
Je
jure par ce sceptre à jamais révéré,
Qui,
détaché du tronc frappé dans ses racines,
N'étendra
plus son ombre au sommet des collines,
Je
jure qu'il luira le jour, pour moi si doux,
Le
jour où mon repos vous accablera tous.
Hector
vous atteindra de ses terribles armes ;
Et
toi, pour les venger tu n'auras que tes larmes :
Alors,
seul au milieu des débris et des morts,
Et
le cœur déchiré de stériles remords,
Tu
te repentiras au sein de ta détresse
D'avoir
osé braver le soutien de la Grèce. |
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Mais
le fils de Pelée en ces mots pleins d'outrage
Laisse
éclater encor son Implacable rage :
«0
monarque enivré d'orgueil et de dédain,
Insolent
comme un dogue et lâche comme un daim
Vers
de secrets périls, aux champs de la vaillance
Jamais
de tes guerriers tu n'as guidé la lance;
Le
plus faible danger te semble le trépas,
Et
dans ce vaste camp, que tu ne défends pas,
Lorsqu'un
de tes rivaux blâme les injustices,
Tu
préfères voler le prix de ses services.
Roi
mangeur de ton peuple avili sous tes lois,
Tu
m'auras insulté pour la dernière fois.
Oui,
d'un serment fatal le nœud sacré m'engage :
Par
ce sceptre puissant, qui, privé de feuillage,
Sur
le mont paternel à son tronc arraché,
Ne
reverdira plus, à jamais desséché,
Et
que porte aujourd'hui dans sa main équitable
Des
lois de Jupiter le gardien respectable,
Je
jure que d'Achille, en combattant sans lui,
Tous
les Grecs expirants regretteront l'appui ;
Toi,
furieux de voir leur foule abandonnée
Sous
l'homicide Hector tomber exterminée,
Tu
te déchireras le sein dans ta douleur
Pour
avoir du plus brave outragé la valeur.» |
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Thouron (1870) |
Barbier (1880) |
Achille cependant que sa haine exaspère
A fait céder son glaive et non pas sa colère,
Et, regardant Atride, il l'apostrophe et
dit :
« Ton visage est ignoble, et le vin
t'alourdit.
Fier, mais lâche de cœur, tu ne sais pas te battre,
Tu crains la mort, tu fuis quand nous
allons combattre !
Tu trouves plus aisé, sans l'avoir disputé,
D'aller ravir un prix qu'un autre a mérité.
Ton règne aurait fini, si tu n'avais à
faire
A des hommes de rien, vils et sans caractère;
Et moi je le déclare, ici, dans ce
moment,
Je saurai me venger, et j'en fais le serment,
Par ce sceptre séché dont la sève tarie
Ne reparaîtra plus dans la tige flétrie
Que portent dans leurs mains, interprètes
des lois,
Les juges qui du ciel font entendre la voix
!
Ainsi l’on vous verra, privés de ma présence,
D'Achille vainement invoquer l'assistance,
Pour résister aux coups de l'homicide
Hector !
Et toi, le cœur serré, tu gémiras
alors,
Et tu regretteras, déplorant mon absence,
D'avoir privé les Grecs du secours de ma
lance. » |
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Achille
cependant, encor tout furieux,
Se
répand contre Atride en cris injurieux :
«
Cœur de biche, œil de chien, dit-il, tu n'aimes guère
Te
mêler aux périls de la sanglante guerre :
Parmi
les chefs vaillants on ne t'aperçoit pas
Aux
postes dangereux... tu crains trop le trépas.
Ah
! dans le camp des Grecs c'est plus aisé, sans doute,
De
voler le butin d'un rival qu'on redoute.
Tu
dévores ton peuple... il est heureux pour toi
Qu’à
des hommes sans cœur tu commandes en roi,
Car
tu serais déjà puni de ton injure :
Mais
retiens ce serment : par mon sceptre je jure!
Sur
ce sceptre royal, de son tronc détaché,
Jamais
ne verdira le rameau desséché ;
L'airain
l’a dépouillé d'une écorce sauvage
Et
l’œil n'y verra plus de fleurs ni de feuillage :
C'est
là, pour tous les Grecs, entre les mains des Rois,
Le
symbole éclatant du pouvoir et des lois :
Par
lui je jure.... Un jour (désespoir inutile !)
Un
jour les Achéens regretteront Achille.
Toi-même
tu voudras en vain les secourir
Quand
sous les coups d'Hector tu les verras périr,
Et
ton cœur saignera d'avoir pu faire outrage
A
celui dont les Grecs honorent le courage.» |
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Froment (1883) |
Ne
cessant son courroux, interpellant Atride,
Achille
de nouveau l'outrage de dédain :
«
Ivrogne ayant des yeux de chien, un cœur de daim,
Jamais
tu ne t'armas en embuscade ensemble ;
Lâche,
tu crains la mort, et dans nos camps te semble
Mieux
de ravir les prix de ceux te blâmant, roi
Dévorant
tes sujets, gens de rien sous ta loi,
Sinon
tu m'aurais fait une dernière injure ;
Mais
par un grand serment je l'affirme et le jure,
Par
ce sceptre qui n'a ni feuilles ni rameaux
Depuis
qu'il a laissé son tronc sur les coteaux,
Dépouillé
par l'airain de feuillage et d'écorce,
Et
mis aux mains des Grecs le tenant avec force
Pour
rendre la justice et conserver les lois
Au
nom de Jupiter, serment bien grand, tu vois :
Les
Grecs regretteront Achille, et dans la rage
De
ton cœur déchiré pour avoir fait outrage
Au
plus vaillant des Grecs, tu ne pourras pour eux
Rien
quand aux coups d'Hector ils tomberont nombreux !
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Lagrandville
(1870) |
Meunier (1943) |
Le fils de Pelée, dont la colère
fermentait toujours dans le cœur, apostrophe
encore Agamemnon en ces termes outrageants :
« Homme appesanti
par le vin, aux yeux de chien et au cœur de biche, qui n'eus jamais le
courage de présenter une bataille avec ton
armée, ni d'assiéger les places difficiles à prendre, juge un peu que
ce t'est une belle prouesse de ne quitter ta tente que pour ravir le
butin que les enfants de Mars ont conquis au péril de leur vie. Et tu
ne contrediras pas que si tu dévores tes peuples, c'est que tu règnes
sur les derniers des hommes, car autrement, Atride, ton insolence
t'aurait déjà coûté la vie. Je fais ce serment : Je jure par ce
sceptre, lequel séparé de son tronc qu'il a laissé sur la montagne,
et dénudé par le tranchant du fer, ne produira plus ni branches ni
feuilles ; je jure par ce sceptre que portent en leurs mains
les juges de la Grèce, gardiens des lois de Jupiter, et ce serment
te sera funeste, qu'un jour les Grecs regretteront Achille. Accablés
sous les coups d'Hector, tu ne pourras les en garantir, tu gémiras
dans ton cœur et tu te souviendras alors d'avoir outragé le plus
vaillant des Grecs. »
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Quant au fils de Pelée, il interpella de
nouveau l’Atride en paroles brutales, et ne se départit point encore
de sa colère :
— Sac à vin, ô toi qui as un oeil de chien et un cœur de biche,
jamais tu n'as eu pour la guerre le courage de prendre la cuirasse en même
temps que tes troupes, ni d'aller avec les Achéens les plus braves te
poster aux aguets ; payer de ta personne te semble être la mort. Sans
doute, il est bien plus profitable, dans le vaste camp des Achéens, de
dépouiller de sa récompense celui qui ose te contredire. Tu es un roi
qui dévore le peuple, parce que tu règnes sur une troupe de lâches.
S'il en était autrement, Atride, tu commettrais aujourd'hui ta dernière
infamie. Mais je vais te le dire et te le confirmer par un grand
serment: « Par ce sceptre qui ne produira plus ni feuilles ni rejets,
depuis qu'il a laissé sur les montagnes le tronc d'où il fut détaché,
qui jamais ne reverdira plus, car le bronze a raclé son écorce et ses
feuilles, et qui maintenant passe aux mains des fils des Achéens,
lorsqu'ils font pour Zeus, en tant que justiciers, respecter les lois !
Par ce sceptre donc, le serment sera grand ! Oui, un jour viendra où le
regret d'Achille atteindra tous les fils ; des Achéens; si affligé que
tu sois, tu ne pourras en rien les secourir, lorsque tu les verras, par
centaines, tomber mourants sous les coups de l'homicide Hector. Et toi,
tu te déchireras en toi-même le cœur,
consterné de n'avoir pas honoré le plus vaillant des
Achéens ! »
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